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Le « oui mais » de l’Eglise catholique
à la théorie de l’évolution
« Plus qu’une
hypothèse ».
L’C’est par cette formule que Jean Paul II s’est pronocé, le 22 octobre 1996,
sur le fait de l’évolution, remarquant que cette explication s’était « progressivement imposée à l’esprit des
chercheurs ». A l’époque, cette déclaration, lue devant la
prestigieuse Académie pontificale des sciences, a été saluée par les
théologiens et les scientifiques catholiques, heureux que l’Eglise se
démarque clairement de l’approche créationniste. C’est cette avancée que le
cardinal Schönborn, archevêque de Vienne, a semblé vouloir remettre en cause
dans un article, publié le 7 juillet 2005 dans le New York Times, sous le titre Découvrir
un dessein dans la nature. L’archevêque s’y attaque au néodarwinisme. Il
qualifie l’intervention du défunt pape de « plutôt imprécise et sans
importance ». Puis il tente de lui opposer deux textes de Jean Paul II
remontant aux années 1985 et 1986, où le pape se montrait critique par
rapport à la réduction de l’évolution aux mécanismes du « pur hasard et de la nécessité ».
Le procédé a surpris de la part d’un prélat habituellement fort respectueux
de la pensée de Jean Paul II. Dans son article, le cardinal appelle aussi à
la rescousse Benoît XVI, citant notamment son homélie prononcée lors de son
intronisation. Le nouveau pape y estimait que « nous ne sommes pas le
produit accidentel et privé de sens d’une évolution ». Sur le fond, l’article
du cardinal Schönborn reprend à son compte la notion de
dessein intelligent, en mélangeant discours métaphysique et scientifique. Il
nie l’intervention du « hasard » dans l’évolution, au risque d’identifier
l’action de Dieu à des lois déterministes. Il passe sous silence les
découvertes récentes de la biologie et de la mécanique quantique, pour
lesquelles les phénomènes aléatoires se retrouvent au plus intime de la vie.
Cette place de plus en plus grande prise par le hasard dans la recherche de
pointe embarrasse d’ailleurs tout autant les théologiens … que les
scientifiques eux-mêmes ! Le texte du cardinal Schönborn laisse enfin
penser que la notion de hasard serait incompatible avec une théologie de la
création chrétienne. « Or, l’action
de Dieu est respectueuse de l’autonomie qu’elle donne aux créatures et
respecte la caractère aléatoire qui est mis en évidence par les sciences de
la nature », explique le dominicain français Jean-Michel Maldamé,
membre de l’Académie pontificale des sciences. L’article du cardinal Schönborn
a pu être interprété comme la première victoire d’un mouvement
néoconservateur d’inspiration nord-américaine. Le 2 octobre 2005, l’archevêque
de Vienne a toutefois relativisé son intervention : « Je n’ai pas l’intention
de fouiller dans les détails scientifiques concernant la création et l’évolution.
Dans ce domaine, je ne serais sans doute pas qualifié. » Le débat serait
donc sans doute retombé de lui-même si Benoît XVI, ne s’était exprimé sur le
sujet , le 9 novembre 2005, lors d’une audience générale. « Au commencement était la Parole créatrice, cette
Parole qui a tout créé, qui a créé ce projet intelligent qu’est le cosmos,
qui est également amour », a expliqué le pape, lors d’une méditation
sur la Genèse. Puis
il a dénoncé ceux qui croyaient pouvoir « déduire scientifiquement que tout était privé de guide et d’ordre ».
Cette courte intervention a été différemment interprétée : certains y
voient une simple dénonciation de l’athéisme, d’autres, un ralliement au
dessein intelligent. Avec le risque d’approfondir un fossé entre
scientifiques et croyant que l’on croyait en passe d’être comblé. E.S.
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