Strasbourg 2009 - « Protestants en fête » - Témoins ensemble !

Compte-rendu de Nicole Vernet  -  images  de  Philippe Vernet

1 Au fronton de l'université de Strasbourg, hommage  à Luther et Jean Sturm  au même titre qu'à  Leibnitz et Képler  

Événement qui coïncidait avec le 500e anniversaire de la naissance de Jean Calvin et la fête de la Réformation, c'était un pari de réunir dans la capitale alsacienne, pendant trois jours, une sorte de Kirchentag à la française, à l'image de ces grands rassemblements d'Églises qu'organisent les protestants allemands. Le premier « Protestants en fête », imaginé par la Fédération protestante de France (FPF), accueilli par l'Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine (UEPAL), a été un succès. Près de quinze mille personnes, venues de tout le pays et de toutes les sensibilités protestantes (luthériens, réformés, évangéliques), ont répondu à l'invitation. Le premier objectif de cette réunion était la rencontre cordiale, pour un protestantisme français dispersé sur le territoire, le second une plus forte visibilité de la troisième famille religieuse de France.

 

Tout a commencé dans un bain de gentillesse à la gare, continué place Saint-Thomas, qui a envahi la place Kléber, le Temple-Neuf, Jean-Sturm, la place du Château, jusqu'à l'Elsau… sous les tentes blanches, cinq cents bénévoles alsaciens ont accueilli les quinze mille protestants venus de toute la France et des pays voisins. La même amabilité a marqué, toute la journée du samedi, avec le chassé-croisé des participants entre les dizaines d’animations proposées dans toute la ville : expositions, conférences, débats, concerts, pièces de théâtre, stands, forum, études bibliques… Le choix était vaste pour les « Protestants en fête » à Strasbourg ! 

Vendredi, dès la célébration d'ouverture de « Protestants en fête » dans l'église Saint-Thomas le ton a été donné. Près de mille trois cents personnes, dont beaucoup debout et d’autres plus nombreuses encore dehors, y ont participé.

2  Au fronton de l'université de Strasbourg, hommage aux Réformateurs

3  Inauguration du premier rassemblement national des protestans français dans l’Eglise Saint Thomas

L'orgue, une basse profonde, un soprano étincelant… dans le chœur de l'église Saint-Thomas s'élève le chant Amazing Grace, l'un des hymnes protestants les plus connus au monde, écrit par John Newton, capitaine d'un navire négrier, pour se repentir des esclaves qu'il avait marchandés. Dans la nef, les transepts, les bas-côtés, un silence profond s’est installé, l'émotion est perceptible. Ce fut un des temps forts de la célébration d'ouverture de « Protestants en fête », tout comme le chant du Notre Père sur la mélodie de Rimski-Korsakov.

Célébration sobre, mais chaleureuse, synthèse des différentes sensibilités qui composent le protestantisme français, en présence des représentants des autres cultes et de nombreux élus.

Claude Baty, président de la Fédération protestante de France, l'a dit en saluant ses invités :

« Constitué aussi bien de vieux huguenots que d'évangéliques sans racine, ou de nouveaux convertis, traversé par divers courants, toujours en débat, engagé avec enthousiasme dans des défis qui le dépasse, le protestantisme est en même temps étonnamment capable de célébrer un culte commun  ! »

Jean-François Collange, président de l'Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine (UEPAL), a insisté sur la présence protestante en Alsace et à Strasbourg. Il a salué en allemand ses invités d'outre-Rhin. Il a aussi appelé l'assemblée, et à travers elle les participants bien plus nombreux à ces trois jours de fête, à être « témoins de l'actualité toujours vibrante et féconde de l'Évangile ».

4  Inauguration du premier rassemblement des protestants français dans l'église Saint Thomas

5  Participation de la chorale de Torre Pelice (Italie) à la cérémonie d'ouverture de "Protestants en fête"

Au cours de cette célébration, rehaussée par la chorale de l'Église protestante vaudoise de Torre Pelice (Italie), a été déroulée une bannière géante, patchwork de deux cents insignes de tissu envoyés par des communautés de toute la France. L'inspecteur ecclésiastique Jean-Jacques Reutenauer y a vu le symbole de la Fédération, « riche de sa diversité » et formant « un ensemble qui se veut harmonieux ».

Après les mots d'accueil du maire, Roland Ries, et du président du conseil régional d'Alsace, André Reichardt, le président du Sénat, Gérard Larcher, a insisté sur sa compréhension de la laïcité : « Après y avoir mûrement réfléchi, je crois qu'il convient (...) d'éviter toute polémique sur ce sujet en n'accolant aucun adjectif au mot de "laïcité" », a-t-il souligné.

Dans la foulée, une table-ronde a réuni, toujours dans le temple Saint-Thomas, quatre acteurs politiques qui ne cachent pas leurs convictions protestantes et le sens qu'elles donnent à leurs engagements : Gérard Larcher, Pierre Joxe, membre du Conseil constitutionnel, Catherine Trautmann, parlementaire européenne, et Philippe Richert, sénateur.

Le soir, de nombreux lieux en ville proposaient aux participants du rassemblement, concerts, théâtre ou rencontres : les protestants de Kehl (Allemagne) avaient invité ceux qui le voulaient à franchir la passerelle des Deux-Rives pour les rejoindre.

Samedi, à nouveau plusieurs animations (conférences, expositions, débats, stands, etc.) ont été proposées avant le concert du soir, au Zénith, à partir de 18 h (ouverture des portes dès 16 h).

6  Allocution de Gérard Larcher, président du Sénat

7  Le Village des solidarités, installé Place Kléber

Signe de l’engagement historique et multiforme des protestants dans la société, la plus forte fréquentation a probablement été celle du Village des solidarités installé place Kléber, qui a réuni 35 associations. Conjuguant visibilité et solidarité, celui-ci a été au cœur du dispositif de « Protestants en fête ». C'était délibéré : « L'engagement social des protestants est une forme de visibilité dans la société », a noté Olivier Brès, secrétaire général de la Fédération d’Entraide Protestante (FEP). Un « apport inestimable » déjà salué vendredi soir, lors de la cérémonie d’ouverture, par Gérard Larcher, président du Sénat, lui-même protestant : « La communauté protestante doit tenir toute sa place dans la société et y porter le témoignage serein des valeurs qui la font vivre », avait-il souligné.

Étaient présentes d'une part, les nombreuses œuvres en France que regroupe la FEP, d'autre part la solidarité internationale, qu'incarnent les œuvres et mouvements que fédère le Défap / service protestant de mission. « Le monde protestant y est très engagé, dans un spectre très large, du missionnaire à l'humanitaire », a expliqué Christian Bonnet, son secrétaire général.

Exemple original : le Défi Michée, campagne mondiale contre la pauvreté dans le monde et la suppression de la dette des pays du tiers monde. Cette initiative demande aux chefs d'Etats et de gouvernements de tenir les promesses faites en 2000 à l'ONU, appelées alors « Objectifs du millénaire pour le développement ». Ils s'étaient engagés à réduire la pauvreté de moitié d'ici 2015 sur la planète. Une pétition proposée à Strasbourg entend rappeler ces promesses oubliées depuis !

8 Tente de la solidarité internationale

9 L'exposition, entièrement relookée, de l'Alliance Biblique Française a connu une très grande affluence

Au milieu du dispositif de « Protestants en fête », dans plusieurs lieux on pouvait aussi tout simplement prier ensemble, sous des formes variées : prières silencieuses ou polyphoniques, méditatives ou d'intercession, prières des heures, selon les traditions monastiques, ou prières de louange, plus spontanées. Les chants de Taizé ont cohabité avec les psaumes, les cantiques rythmés avec les monodies anciennes ! Cette prière commune, pour nos frères, pour le monde, avant même le culte du dimanche, n’était pas la moindre des nombreuses invitations de « Protestants en fête ».

Ailleurs, on a beaucoup parlé, échangé, ri, écouté les conférenciers ou ramassé de la documentation.

Samedi soir et même dès le milieu de l’après-midi, le centre de gravité du rassemblement s’est déplacé vers l’ouest, vers le Zénith de Strasbourg. Pari gagné, pari sans doute le plus délicat de ces trois jours : le Zénith était plein pour un spectacle multicolore, du jazz au rock, du chant choral au conte africain. Ce fut aussi, un autre temps fort de « Protestants en fête ».

Samuel Amédro, pasteur à Lyon et organisateur de la soirée, a prévenu : « Ce n’est pas un “spectacle ecclésial” ; le culte c’est dimanche ! Ce soir, c’est un spectacle ». Spectacle mélangé des cultures et des sensibilités, qui devait accueillir le gospel des Gospel Kids, de Theresa Thomason, puis de Marcel Boungou, enfin, plus heurtés, l’électro-slam-poésie de Sodapop et le punk-et-rock des Néerlandais de Make up your mind.

10 L'assistance au Zénith de Strasbourg lors du concert du samedi soir

11  Le Zénith le dimanche matin, une heure et demie avant le début du culte. Ce culte va être transmis en direct au Palais de la  Musique 

Dans les gradins, « Protestants en fête » a mobilisé un public étonnamment mélangé : des groupes d’adolescents venus des paroisses alsaciennes, des spectateurs de tous âges, des dirigeants d’Églises, une foule mêlée où se repéraient, ici et là, les voiles de quelques diaconesses en habit religieux. « Les gens sont heureux d’être ici et ils le disent. Il n’y a pas de râleurs », remarquait Claude Baty, le président de la Fédération protestante de France, ravi du succès de cette soirée.

Dimanche matin à 10h30, les participants ont célébré ensemble ce qui est peut-être le plus vaste culte protestant de France depuis des décennies. Ce culte géant clôturait le week-end de fête. Environ neuf mille cinq cents protestants de toutes tendances se sont retrouvés de nouveau au Zénith. Sous cinq vitraux lumineux et entre deux grandes croix qui rappelaient l'atmosphère d'une église, la table de la Cène était drapée des sept couleurs de l'arc-en-ciel. Près de mille choristes, un ensemble de cuivres et un groupe musical ont soutenu le chant commun de l’immense hémicycle et animé une célébration d'environ deux heures durant laquelle, prières, cantiques, prédications et gestes de partage se sont succédé. La cérémonie était retransmise en direct au palais des congrès de Strasbourg pour deux mille personnes qui n'avaient pas pu accéder à la salle à cause des consignes de sécurité.

12  Un millier de choristes répètent avant le début du culte

13 Nos hôtes (réformés, luthériens et évangéliques) accueillent l'assemblée au début du culte

« Témoin, c'est le vrai sens de protestant ! », a lancé Geoffroy Goetz, président de l'Église réformée d'Alsace et de Lorraine, en ouvrant le culte avec Jean-François Collange, président de l’Église de la Confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine et Claude Harel, président de l’Entente évangélique de Strasbourg. C'est une non-voyante qui a lu, sur la scène du Zénith, les Béatitudes. « Ils sont heureux, ceux qui ont un cœur de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux. Ils sont heureux, ceux qui pleurent, parce que Dieu les consolera... » Les deux grands écrans, à gauche et à droite, projetaient l'image de ses doigts effleurant le texte de l'Évangile selon Matthieu, écrit en braille. En cette année anniversaire de Louis Braille (1809-1852), c'était rappeler aussi l'accent mis par toutes les familles du protestantisme sur la Bible, sa diffusion, sa lecture, son message.

Les trois prédicateurs ont plaidé dans le même sens pour un christianisme engagé et décomplexé luttant contre les inégalités et pour le respect de l'environnement. Ce fut un vibrant appel pour un christianisme debout ! « L'Évangile n'a pas d'équivalent ! », a proclamé le pasteur Majagira Bulangalire (Président de la Communauté des Églises d'expression africaine en France). La major Danièle César (Armée du Salut), une femme éloquente, a proposé une neuvième Béatitude : « Heureux les Protestants quittant la fête de Strasbourg, le Royaume des Cieux est à eux ! ». Sa prédication fondée sur les Béatitudes, a appelé l’auditoire à s’engager concrètement, notamment pour la paix. Elle a évoqué des épreuves (dont on ne saura pas plus, si ce n’est sa voix qui se brise un instant) qu’elle a traversées et où elle a senti Dieu plus que jamais à ses côtés.

14 Au Zénith de Strasbourg, pendant le culte

15 Assistance au Temple Neuf, le vendredi soir lors de la nuit des chorales

Surtout elle a prié pour que chacun et chacune dans l’assistance sache trouver « la juste distance avec autrui. La juste distance, celle qui n’est ni mainmise, ni indifférence ». (cf. intégralité de sa prédication en cliquant ici)  Claude Baty, a souligné « la formidable et joyeuse fraîcheur de l'Évangile, qui nous libère à la fois de la naïveté et de l'orgueil... » Fustigeant « les riches qui se payent le droit de polluer… ne craignons pas de rappeler des choses simples sur la justice et l'honnêteté ! Dans un monde qui privilégie la consommation, optons pour la sobriété heureuse », a-t-il encore lancé à la foule. Plaidant pour l'engagement et l'action, il a mis en garde contre « le démon du "à quoi bon" » et contre un « attentisme finalement égoïste », rappelant que Dieu était aussi celui « des immigrés, celui de la veuve et de l'orphelin ».

Afin de bien marquer la diversité du protestantisme, tous trois ainsi que le pasteur (luthérien) Bernard Sturny ont ensuite célébré la Sainte-Cène.

L’offrande a été destinée à l'Alliance biblique française, pour le soutien de la diffusion de la Bible dans notre pays et au fonds « Solidarité protestante » en vue de poursuivre l'aide humanitaire en faveur d'Haïti.

Avant de quitter le Zénith et après avoir chanté « Tissons des liens », un chant adapté pour le rassemblement, les fidèles ont été appelés à signer dans le cadre du « Défi Michée » cité ci-dessus, une lettre destinée au Commissaire européen au Développement.

16  Au Temple Neuf, pendant un concert

17 Aperçu de l'exposition de l'Alliance Biblique Française dans la salle de l'Aubette

« C'est un rassemblement qui vient en son temps. Il y a vingt ou trente ans, cela n'aurait pas été possible », a estimé Claude Baty. « Aujourd'hui, les différentes tendances du protestantisme vivent une belle communion… »

« Pendant longtemps, nous avons pensé que si une église locale est vivante, elle sera missionnaire. Mais c’est insuffisant dans une société ignorante du b-a-ba de la culture chrétienne », a remarqué le pasteur Manoël. « Il faut expliquer et afficher son identité pour exister. » En attestent cette initiative inédite de « Protestants en fête », mais aussi l’essor des cours Alpha d’initiation aux fondements du christianisme, le rassemblement de douze cents jeunes réformés à Lyon cet été, Le grand kiff, ou encore les nouvelles initiatives missionnaires, comme à Chaumont (Haute-Marne), où une équipe de deux pasteurs itinérants a été créée pour évangéliser en milieu non croyant.

Le pasteur Frédéric Keller, qui propose depuis dix ans des retraites à ses paroissiens constate : « C’est aux Églises de s’adapter à cette nouvelle quête de religieux ».

Jean-Luc Mouton dans le journal Réforme, n°3342 du 5 novembre 2009, donne de cet événement l’écho suivant : « Un sentiment domine après « Protestants en fête », maintes fois entendu et partagé, celui d’une vraie reconnaissance. Gratitude à l’égard des initiateurs de ce projet, de tous ces bénévoles de l’ombre et de tous ceux qui ont porté l’événement. Mais le mot recouvre une réalité plus large encore. Un merci qui se fonde dans le sentiment d’avoir vécu un moment de grâce particulière. Reconnaissance de se découvrir si nombreux, si paisiblement réunis malgré tant de pratiques et de confessions différentes et si fortement attachés à l’essentiel, le Dieu vivant révélé en Jésus-Christ.

18   La chorale orthodoxe des étudiants de Thessalonique (Grèce), dirigée par le Professeur Samoulis, a participé à l'inauguration  de l'exposition sur la Bible

19 Théâtre: le calice de Calvin, au Temple du Bouclier: Castellion tente un ultime recours auprès de Calvin pour éviter la condamnation à mort de Michel Servet

Un message, enfin, celui de la confiance (la « fiance » selon Calvin), fait de sérénité et d’appel à lutter pour un monde plus juste. Difficile pourtant de savoir ce qui s’est réellement passé durant ces trois jours de « Protestants en fête », mais quelque chose est bien né. »

Alors, moi aussi, avec une joie profonde, je me dis : « "Protestants en fête", j’y étais et j’affirme avec reconnaissance que depuis le 30 octobre 2000, les rencontres régulières avec les membres des Églises évangéliques du Nord-Pas-de-Calais qui ont joué le jeu du dialogue, ont permis des échanges libres, devenus confiants au fil du temps. Même si localement ce n’était qu’un travail de fourmis en regard de celui qui se faisait au niveau du Conseil de la Fédération Protestante de France, ces soirées avec les membres des Églises évangéliques, qui sont devenues maintenant membres à part entière de la FPF, n’étaient pas vaines.

Ces trois jours de fête témoignent aujourd’hui devant tous de la persévérance bienveillante réciproque et du chemin parcouru ensemble. Grâce et Gloire soient rendues à Dieu

Ces trois jours de fête témoignent aujourd’hui devant tous de la persévérance bienveillante réciproque et du chemin parcouru ensemble. Grâce et Gloire soient rendues à Dieu !

Localement, je retiens essentiellement maintenant une question : comment après ces neuf années de réflexion que nous avons mises à profit pour mieux nous connaître et nous apprécier, pouvons-nous poursuivre et apporter une parole commune dans la société ? C’est principalement au niveau de nos engagements diaconaux et devant les difficultés diverses que rencontrent nos concitoyens, difficultés qui ne sont pas prêtes d’être résolues, que cette question s’impose à nous. Allons-nous rester replier chacun sur "nos œuvres" ou choisirons-nous de nous regrouper ensemble au sein d'un comité d'entraide local par le biais de la Fédération d’Entraide Protestante (FEP) ? »

Une prochaine édition de « Protestants en fête » est envisagée en 2013.!

20 organisée par la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg. Cette exposition originale, de nature historique, se fonde sur les archives et les trésors littéraires de Strasbourg. Calvin « dresse » à Strasbourg la première Eglise réformée. L’organisation ecclésiale qu’il institue sera reprise avec quelques modifications à Genève, pour s’imposer ensuite dans l’ensemble des Eglises réformées.