Œcuménisme - Edimbourg 2010 : cent ans après, quoi de nouveau ?

 

 

Témoigner du Christ aujourd'hui

·         Edimbourg 1910

La Conférence mondiale des missions, organisée à Edimbourg en juin 1910, rassembla quelque 1200 personnes, en majorité liées au mouvement missionnaire occidental. À côté de l'évangélisation, cette réunion historique mit l'accent sur la collaboration et l'unité.

C'est à cause de cette préoccupation de l'unité qu'Edimbourg 1910 est généralement considéré comme le point de départ du mouvement œcuménique contemporain, bien qu'il n'y ait eu aucun délégué orthodoxe ni catholique romain. La plupart des participants étaient essentiellement des hommes, blancs et occidentaux[1]. Il n’en demeure pas moins qu’elle a été une rencontre révolutionnaire et d’une grande importance.

Depuis lors, les chrétiens ont beaucoup appris à travailler ensemble, à partager la bonne nouvelle de l’amour de Dieu, à rendre témoignage au Christ de différentes manières[2], dans d’innombrables contextes et cultures, à s’écouter les uns les autres et à travailler en partenariat avec d’autres personnes sans ou de différentes religions. Sans l’impulsion de 1910, plusieurs de ces actions auraient été impossibles.

·         Edimbourg 2010

Contrairement à 1910, la conférence du centenaire, Edimbourg 2010 qui s’est déroulée du 2 au 6 juin, - et depuis 2005, son « Processus d’études »[3] préliminaires sur neuf thèmes qui se trouvent au centre de la missiologie contemporaine –, a été plus représentative de la diversité du christianisme actuel. Parmi les quelque 350 délégués de plus de 60 pays, figuraient des représentants des Églises orthodoxes, anglicanes, luthériennes, réformées, méthodistes, baptistes, adventistes du septième jour, catholique romaine, évangéliques, pentecôtistes et des traditions indépendantes, ainsi que le Conseil œcuménique des Églises[4]. Cette manière de marquer le centenaire reconnaît et proclame l'évolution de l'Église dans le monde au cours des cent dernières années.

Par ailleurs, au lieu de se limiter principalement à la région de l'Atlantique Nord, le Sud a délibérément été privilégié, en reconnaissant que le centre de gravité du christianisme s'est nettement déplacé vers le Sud au cours du siècle écoulé.

Alors qu’en 1910, l’assemblée chantait des chorals de la culture britannique et victorienne, des chants de tous les continents ont retenti le 6 juin 2010 dans l’Assembly Hall de l’Église d’Écosse lors de la célébration finale[5]. Un peuple multicolore et symphonique a exprimé l’universalité de l’Évangile et reflété un christianisme devenu mondial. Il était émouvant de réaliser comment la foi vivante des peuples qui ont reçu la mission, renouvelle celle des Églises qui leur avaient envoyé leurs missionnaires. Ces peuples maintenant présents en Europe avec leurs églises, illustrent cette mission de partout vers partout, que la Conférence d’Édimbourg a thématisé. Cette présence missionnaire des communautés des migrants en Europe a été rendue visible lors de cette célébration par une magnifique chorale formée de plusieurs communautés africaines de la capitale écossaise.

John Sentamu[6], l’archevêque anglican de York, invité à prêcher durant cette célébration insista sur ce point : « Au cœur de la mission, il faut le temps de la prière pour écouter la voix de l’Esprit, qui la renouvelle. La relation à l’Esprit est essentielle pour notre compréhension de la mission. C’est lui le directeur de toutes nos entreprises. Si Jésus a marché dans l’Esprit saint, ses disciples ne peuvent prendre un autre chemin. Chaque jour, nous avons besoin d’être remplis de l’Esprit pour que nos corps et nos âmes soient guéris, nos fautes pardonnées, nos ministères vivifiés ».

·         La délégation française qui comptait dix hommes en 1910, était composée de deux femmes :

- Claire-Lise Lombard, représentait le protestantisme français. Responsable de la bibliothèque du Défap[7], service protestant de mission, rédactrice en chef de la revue "Perspectives Missionnaires", elle a publié une série de portraits de vingt personnages qui ont joué un rôle important dans le mouvement missionnaire œcuménique du XXe siècle. Elle a aussi codirigé les dossiers sur Edimbourg parus dans le magazine "Mission" du Défap et la revue "Histoire & Missions chrétiennes".

- Marie-Hélène Robert, missionnaire de la congrégation "Notre-Dame des Apôtres", représentait l’Association francophone œcuménique de missiologie (AFOM) dont elle est la vice-présidente. Marie-Hélène Robert, qui enseigne à la faculté de théologie catholique de Lyon, a dirigé un ouvrage collectif, "Figures bibliques de la mission", l’un des thèmes transversaux d’Édimbourg.Tout au long de l’année 2009, l’AFOM a travaillé sur un texte émanant de la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises intitulé « Nature et mission de l’Église » qui entre dans le thème n° 1.

·         La participation des Églises évangéliques à la célébration du centenaire de la Conférence des Missions

Alors que la participation catholique et orthodoxe était déjà une réalité – la conférence missionnaire d’Athènes en 2005 en terre orthodoxe l’avait confirmée - l’implication de la famille évangélique-pentecôtiste restait très marginale. Or à Edinbourg, elle a apporté une contribution significative. Cet investissement des Églises et assemblées évangéliques en faveur de l’unité n’allait pas encore de soi il y a peu. Leur forte représentation dans la capitale écossaise marque donc à l’évidence un tournant, une avancée notable du dialogue œcuménique et reste aussi un défi à relever pour que l’unité prenne un chemin concret. Un petit miracle de rencontre !

Les évangéliques ont en effet découvert que les divisions sont un obstacle au témoignage et font perdre en efficacité la mission. « Le manque d’unité parmi les différentes expressions chrétiennes est certainement un obstacle pour un plus grand impact sur la société et nos gouvernements », souligne le pasteur Bertil Ekström de l’Alliance évangélique mondiale en mission au Brésil.

De nombreux délégués de la mouvance évangélique ont fait d’ailleurs à Edimbourg leurs premiers pas dans l’œcuménisme. Certains n’ayant même jamais eu l’occasion de fréquenter des chrétiens d’autres confessions, parfois parce que les occasions ont manqué, mais aussi par méconnaissance de l’autre. « En Chine, où l’évangélisation est très dynamique, témoigne le pasteur Ying Gao, certains refusent même de parler de dialogue entre chrétiens, et a fortiori avec des croyants d’autres religions et des non-croyants. »

***

Cette réunion de quatre jours ne constituera pas la fin du processus d'Edimbourg 2010. « De nombreuses organisations ou missions œcuméniques ou interdénominationnelles aux niveaux mondial et régional sont prêtes à reprendre les résultats du processus et de la conférence », explique le pasteur Jacques Matthey[8] . « Il leur incombera de poursuivre les discussions fondamentales sur la mission qui sont lancées par Edimbourg 2010 »

Les organisateurs de la Conférence considèrent que ce fut l'occasion de célébrer ensemble ce que Dieu a fait pour la croissance de l'Église au cours des cent dernières années, de se repentir de tout ce qui n'a pas été positif dans la mission et de renouveler l'engagement en faveur d'une nouvelle vision commune du présent et de l'avenir de la mission de Dieu dans le monde.

La conférence de 1910 portait le souci de l’expansion du christianisme. Celle de 2010 s’est délibérément placée sous le signe de l’humilité et de la patience, loin de toute idée de prosélytisme. Elle n’avait pas non plus la prétention à résoudre toutes les difficultés dans la marche vers l’unité. Elle a cependant fait bouger les frontières de l’œcuménisme.

 

Texte glané au fil des différents rapports

Nicole Vernet

 

 

Edimbourg, le 6 juin 2010

 

 

Œcuménisme - Edimbourg 2010 : cent ans après, quoi de nouveau ?

 

 



[1][1] À l’assemblée de 1910 ont participé 20 asiatiques et un africain,

[2] La défense des pauvres, la lutte pour la justice, la résistance au racisme, le travail pour la réconciliation, la protection de la planète…

[3] Le « Processus d’études » est un élément clé des activités du centenaire. Lancé en 2005, il dépasse les dénominations et les continents et se fonde sur une approche décentralisée qui permet la participation de nombreux mouvements et organisations. Vous pouvez encore participer à ce processus d’études, vous, votre institution ou organisation, contactez la coordinatrice de la recherche Dr Kirsteen Kim, qui vous mettra en contact avec d’autres personnes et consignera votre contribution sur le site Internet. Contact Kirsteen Kim : <k.kim@leedstrinity.ac.uk>.

Les thèmes vont des bases de la mission chrétienne aux formes contemporaines d'engagement missionnaire, sans oublier les contextes interreligieux, postmodernes et autres, dans lesquels se situent les efforts missionnaires des Églises. Les relations entre la mission et le pouvoir, l'unité et la spiritualité figurent également au nombre de ces thèmes.

Le processus final est constitué de trois parties :

1ère Partie : Principaux thèmes missionnaires

2ème Partie : Thèmes transversaux

3ème Partie : Processus d’études régionaux et confessionnels

Pour télécharger le rapport du Processus d’études de juin 2009 rédigé par la Coordinatrice de la recherche en format MS Word cliquer sur : <http://www.edinburgh2010.org/fr/le-processus-detudes.html>

[4] La conférence d'Edinbourg 2010 a largement dépassé le cadre du Conseil œcuménique des Églises, qui n'était que l'un des partenaires. Elle a rassemblé 19 organismes des familles catholique, protestante, orthodoxe, évangélique et pentecôtiste avec environ 70 délégués issus du Processus d'études.

[5] L'enregistrement vidéo de la célébration finale qui s'est tenue dans le "Assembly Hall", à l'endroit même de la première conférence mondiale sur la mission de 1910, est disponible en ligne. Pour la visionner, veuillez consulter <http://www.edinburgh2010.org/fr/resources/videos.html>

[6] John Sentamu charismatique archevêque anglican de York, est un réfugié ayant fui la dictature ougandaise dans les années 70. Une illustration éloquente de cette mission «de partout vers partout», selon l’expression consacrée.

[7] La Bibliothèque du Défap : un centre de documentation sur l’histoire de la mission protestante francophone dans le monde, depuis 1822 à nos jours, et une bibliothèque spécialisée en missiologie.

[8] Jacques Matthey, pasteur agrégé de l’Église Protestante de Genève (EPG), l'un des sept directeurs de programme auprès du Conseil Œcuménique des Églises (COE), en charge de la théologie de la mission, auteur de plusieurs publications disponibles à la bibliothèque du Défap et entre autres du livre Non-chrétiens mes frères : le Nouveau Testament ouvre le dialogue avec les autres religions aux Éditions du Moulin, 1991 Aubonne, (Suisse).