Réforme n° 3433 du 29 septembre 2011, 
Editorial de Jean-Luc Mouton, directeur de la rédaction

 

 

Protestantiser Rome ?

La visite que le pape Benoît XVI vient d’effectuer en Allemagne n’a pas été à la hauteur des espérances portées par ses compatriotes. Nous le confirmons dans ces pages. Retenons malgré tout l’hommage exceptionnel qu’il a consacré au père de la Réforme dans le couvent d’Erfurt sur les lieux mêmes où le jeune moine Martin Luther débutait son parcours spirituel.

De fait, avait-on jamais entendu un pape déclarer : « Pour Martin Luther, la théologie n’était pas une question académique, mais la lutte intérieure avec lui-même, et ensuite une lutte par rapport à Dieu et avec Dieu » ? Adopter son angoisse : « Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ? » Et accueillir sa réponse : « Ce Dieu a un visage et il nous a parlé. »

Faible consolation, avanceront bien des protestants. Déterminante cependant. Si on le suit, l’unité des Églises ne relève pas de la négociation, d’une évaluation des avantages et inconvénients de nos confessions mais « l’unité grandit seulement en pénétrant toujours plus profondément dans la foi grâce à la pensée et la vie ». Soit.

Pourtant, au gré de ses diverses interventions et admonestations délivrées aux chrétiens d’Allemagne, ce qu’il dénonce tient en quelques mots, « édulcoration », « adaptation aux critères du monde » en lieu et place d’une simple « obéissance » à la foi de l’Église. Le reproche au fond de trop sacrifier à la modernité. Or, le protestantisme est généralement considéré comme en prise avec les réalités du temps. Plus grave, le pape récuse le subjectivisme, cette « manière protestante » de séparer la révélation ou la foi de la raison. « La foi est le martyre de la raison, sa crucifixion », avance ici Frédéric Rognon expliquant Kierkegaard. Difficile de l’ignorer, ce que le pape reproche aux catholiques allemands en critiquant leur « tiédeur » est en quelque sorte leur trop grande « protestantisation".

Et comme s'il fallait prendre un exemple concret des dangers de ce subjectivisme, Benoît XVI cite les Eglises évangéliques d'origine pentecôtiste, qui le laissent "perplexe" ... Gageons que la parenthèse de la Réforme n'est pas encore près de se refermer.

 

 

Réforme n° 3433 du 29 septembre 2011, 
Editorial de Jean-Luc Mouton, directeur de la rédaction