|
Fédération Protestante de France (FPF),
13_12_2012, 17 : 38
A propos du « mariage pour tous »
Depuis leur
création au 16e siècle les Églises protestantes n’ont jamais retenu le
mariage au nombre des sacrements. Elles ont ainsi renoncé à placer sous le
contrôle de l’Église l’acte constitutif du couple et de la famille1.
C’est dire qu’elles ne remettent pas en question la légitimité de l’État à
légiférer sur le mariage. Bien que tout concoure à faire du mariage de
personnes du même sexe le sujet de toutes les confrontations, la Fédération
protestante de France, constatant que ce n’est pas le cœur de la foi
chrétienne n’entend pas entrer en campagne.
Cela ne lui interdit pas de donner un avis. En s’exprimant sur le projet de
« mariage pour tous », la Fédération protestante de France ne
cherche pas à clore un débat, engagé depuis plusieurs années, entre ses
Églises membres, au sein de ces Églises elles-mêmes, un débat qui traverse
aussi certainement chacun. Elle refuse aussi bien les affrontements binaires
que le relativisme et souhaite valoriser le dialogue.
Depuis
longtemps les homosexuels sont l’objet d’intolérance, de discriminations
multiples et de rejet. Il est certain que la tradition chrétienne dans son
ensemble a contribué à la condition qui leur a été ainsi faite. La Fédération
protestante de France regrette l’ostracisme et parfois la persécution dont
ils ont été et sont encore l’objet. Elle comprend leur désir de
reconnaissance et soutient leur demande de sécurité juridique accrue.
La Bible évoque l’homosexualité. Selon la lecture qui est faite des textes
les positions peuvent être immédiatement intransigeantes. L’attitude prise à
l’égard de l’homosexualité peut même devenir pour certains un des principaux
critères de la fidélité chrétienne aujourd’hui. Or, quelque interprétation
qu’on donne des textes du Lévitique2 ou de ceux de Paul pour le
Nouveau Testament3, il faut constater que Jésus dans les
Évangiles, n’aborde pas ce sujet. Son silence ne signifie évidemment pas
approbation. Il indique en tout cas que les questions liées à la sexualité
étaient pour lui manifestement moins centrales que celle de l’argent et du
pouvoir, par exemple. Il ne s’agit donc pas de faire de l’homosexualité et du
mariage des personnes de même sexe le centre du débat théologique.
La question est fondamentalement sociale et collective. Elle relève de la
façon dont une société se perçoit et se construit et des symboles dont elle
marque le champ de son identité. Or sur ce point, il faut dire clairement que
les distinctions opérées entre homosexualité et hétérosexualité, ne sont pas
fondamentalement le reflet d’un moralisme désuet, mais relèvent d’une
exigence profonde du corps social. Celui-ci demande à être structuré,
symboliquement et réellement, par la présentation et l’acceptation d’une
différence originelle et fondamentale qui traverse jusqu’au plus intime des corps
et des manières d’être. Considérer toutes les formes de sexualité comme
indifférentes, reviendrait en fait à empêcher toute rencontre véritable et
tout métissage réels, parce que tout serait déjà imaginairement mélangé et
nivelé.
Le mariage n’est pas la fête de l’amour, la mise en scène de sentiments, mais
une organisation sociale qui contribue à structurer les relations en
symbolisant la différence entre générations, entre les sexes, entre
épousables et non épousables. Il a toujours, selon ses diverses formes
culturelles, voulu mettre « de la clarté dans les faits et de la
hiérarchie dans les valeurs » (France Quéré). Il est le lieu où se
construisent les rapports entre les sexes et les générations.
Il ne s’agit
pas de morale mais de symbole. C’est pourquoi tout en encourageant ses
membres à l’accueil respectueux des personnes homosexuelles, sans contester
aux pouvoirs publics leur responsabilité législative, la Fédération
protestante de France estime que l’actuel projet de « mariage pour tous »
apporte de la confusion dans la symbolique sociale et ne favorise pas la
structuration de la famille. Il n’est pas question ici de morale mais
d’anthropologie et de symboles.
La Fédération protestante de France souhaite exprimer à cet égard sa très
vive préoccupation si, au-delà du « mariage pour tous », une
réforme du droit de la filiation devait s’engager sans être précédée d’un
vaste débat public analogue à celui qui a précédé l’adoption des lois de
bioéthique par le Parlement.
N. B. : La Fédération protestante de France n’est pas une instance
doctrinale, chaque Église membre mène pour son propre compte et selon ses
propres modalités une réflexion théologique sur ces questions.
1. Doyen Jean Carbonnier dans « La sexualité » texte de la
Fédération protestante de France (Centurion-Labor et fides 1975) p. 98.
2. Lévitique 18.22
3. Romain 1.24-28
Fédération Protestante de France (FPF),
13_12_2012, 17 : 38
|
|