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Un ancien pétrolier prend la tête d'une
Eglise anglicane au bord du schisme |
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Anglicans, 11_11_2012, Le Monde Londres
Correspondance Justin Welby,
évêque de Durham, pose pour les photographes après la conférence de presse
officialisant sa nomination en tant qu'archevêque de Cantorbéry, le 9
novembre, à Londres. MATT
DUNHAM/AP Un souffle d'air frais a soufflé sur le palais de Lambeth, vendredi 9 novembre.
Dans la très belle résidence londonienne du XIIIe siècle du chef spirituel de
l'Eglise anglicane, au bord de la Tamise, le nouvel archevêque de Cantorbéry
s'est présenté à la presse, juste après sa nomination officielle par la reine
d'Angleterre. Faisant tomber la veste, relevant ses manches de chemise,
Justin Welby, 56 ans, a répondu de façon claire et franche aux questions. " Oui ", il est en faveur des femmes évêques et votera pour
cette proposition lors du prochain synode, qui débute le 19 novembre. En
revanche, s'il n'a aucune opposition de principe à ce que le mariage
homosexuel civil soit instauré par le gouvernement britannique, il pense
qu'il ne doit pas être imposé à l'Eglise. En quelques phrases, le nouveau
chef de file anglican avait établi sa position, perçant deux des abcès qui
rongent les anglicans. Ce langage direct et concis, émaillé d'humour, contraste avec les phrases
alambiquées de son prédécesseur Rowan Williams, en poste depuis neuf ans, et
qui avait annoncé, en avril, son intention de démissionner - une décision qui
n'a rien d'exceptionnel chez les anglicans -, est un théologien reconnu, mais
qui n'aime pas trancher. Il faut dire que la Communion anglicane, qui
regroupe 80 millions de fidèles au travers 38 " provinces " dans le
monde, frôle le schisme. D'un côté, l'aile conservatrice, principalement en Afrique, s'oppose à la
reconnaissance des évêques homosexuels et elle est très réticente à la
nomination des femmes évêques. De l'autre, les libéraux, aux Etats-Unis et en
Grande-Bretagne (même si des divisions existent), estiment que l'Eglise doit
vivre avec son temps et accepter ces changements. Ces désaccords sont si vifs
que près du quart des évêques anglicans ont boycotté la conférence de Lambeth
en 2008, leur grand rassemblement décennal. Pour remplacer Rowan Williams,
l'Eglise anglicane avait donc besoin de quelqu'un capable d'aller au-delà de
ces divisions. Mais le choix de Justin Welby a surpris. Quasiment inconnu du grand public, il n'est évêque que depuis un an. Et
son parcours est atypique. L'homme a eu une première carrière de onze ans
dans l'industrie pétrolière, avant de connaître une vocation tardive. Eduqué
à Eton, l'école privée huppée d'où est notamment sorti le premier ministre,
David Cameron, puis à Cambridge, Dr. Welby était promis aux plus hautes
responsabilités. Embauché à Paris par Elf Aquitaine en 1978 - il en garde un
excellent français et une maison en Normandie -, il a rapidement grimpé les
échelons, s'occupant essentiellement de finance, notamment au Nigeria. Après
cinq années en France, il est rentré en Angleterre, devenant trésorier de
Enterprise Oil, une importante société britannique cotée en Bourse, qui lui
versait un salaire très élevé. En 1983, il vit une tragédie familiale : sa fille de sept mois meurt dans
un accident de voiture. Cette expérience, doublée du sentiment d'un appel de
Dieu, le pousse à tout quitter six ans plus tard, à l'âge de 31 ans. Ordonné
en 1992, ce père de cinq enfants ne s'est depuis guère intéressé à la
hiérarchie religieuse, préférant le travail de terrain. Après avoir été
longtemps prêtre à Coventry, puis à Liverpool, il a été nommé évêque de
Durham en 2011. Aujourd'hui, il se dit le premier surpris d'avoir été soudain
propulsé à la tête des anglicans. " L'expérience de ces dernières
semaines a été pour le moins étrange. (...) Mais quand l'Eglise vous
choisit, il faut dire : "Oui, Seigneur". " Si le ton est direct, Dr. Welby est toutefois considéré comme un
conservateur. Il appartient à la branche évangéliste des anglicans. De son
expérience extérieure à l'Eglise, il sait que la religion n'a aucune
importance pour une large partie des Britanniques. Son objectif est de la réintroduire
dans la vie quotidienne des gens. Dr. Welby a également beaucoup travaillé à
la résolution des conflits, notamment entre chrétiens et musulmans dans le
nord du Nigeria. La leçon qu'il en tire ? Il faut accepter de ne pas être
d'accord, mais simplement de laisser un espace à l'autre. " Je veux
que l'Eglise soit un endroit où on peut être en désaccord dans l'amour.
" Une méthode dont il aura bien besoin pour éviter un schisme, quand
il prendra officiellement ses fonctions en mars 2013. Eric Albert © Le Monde Anglicans, 11_11_2012, Le Monde |
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Un ancien pétrolier prend la tête d'une Eglise anglicane au bord du
schisme |
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