Une provocation du gouvernement sur l’avortement ?

 

 

Journal « Réforme » Réforme, Editorial, du 23 janvier 2014 au sujet de l’avortement

Jouer avec les allumettes

Pourquoi le gouvernement, alors qu’il appelle à une mobilisation pour le redressement de l’économie, se lance-t-il dans ce qui apparaît à beaucoup comme une provocation sur l’avortement ?

Les défenseurs de l’amendement à la loi sur l’égalité hommes-femmes prétendent que l’expression selon laquelle l’avortement répond « à une situation de détresse » est culpabilisante, même si c’est pour ajouter dans la phrase suivante qu’aucune femme n’avorte de gaieté de cœur. Si l’acte n’est pas anodin, pour quelle raison un avortement est-il effectué si ce n’est la détresse ? Le fait de cesser de nommer une situation la rend-elle moins vraie ?

Ces mêmes défenseurs agitent le mouchoir de la situation espagnole sauf qu’ils font semblant de se faire peur car il n’y a pas un seul parti politique représentatif, pas même le Front national, qui remette en question la loi Veil.

Lorsque cette loi a été votée, l’espérance du législateur était qu’avec le développement de l’information en matière de contraception le nombre des avortements allait tendanciellement baisser. Plusieurs décennies plus tard, on est obligé de constater que tel n’est pas le cas. Plutôt que de poursuivre le laborieux et long travail d’information et d’éducation à la sexualité et à la responsabilité, le gouvernement évacue le problème en faisant de l’avortement un simple choix.

En son temps, la Fédération protestante de France avait soutenu la loi Veil en disant que l’avortement était un mal mais qu’il pouvait parfois être un moindre mal. En banalisant l’interruption de grossesse, on en fait un acte médical quelconque et on le sort du domaine de l’éthique.

Le point aveugle de cette position est de croire que nous avons un rapport transparent à la vie et à la mort, ce qui revient à méconnaître tous les apports de la psychanalyse. Vouloir faire de l’avortement un geste quelconque revient à refouler la détresse hors du champ de la conscience. Le risque est alors de la voir resurgir sous une forme masquée car l’inconscient finit toujours par se manifester : il y a danger pour l’humain à vouloir nier sa détresse, à en être privé.

 

Antoine Nouis

Journal « Réforme » Réforme, Editorial, du 23 janvier 2014 au sujet de l’avortement

 

 

Une provocation du gouvernement sur l’avortement ?