Journal Liens Protestants d’octobre 2016

 

 

© LIENS PROTESTANTS
mensuel – octobre 2016

Enseigner le fait religieux, une nécessité

Peut-être l’avez-vous remarqué au fil de vos lectures de l’été ? Quelques expressions « constructives » ont fait leur apparition dans les commentaires d’une actualité, hélas, de plus en plus tragique. À la liste habituelle des « boucs émissaires » et des « y a qu’à », dont trop de commentateurs politiques sont plus friands que d’analyses sérieuses, et de propos apaisants sitôt les horribles attentats commis, sont venues s’ajouter quelques propositions positives.

« Face à la peur, le savoir est essentiel », dit, par exemple, la sociologue Chantal Mornet-Périer1. « Notre premier réflexe doit être de creuser le sillon de la culture », avait estimé de la même manière l’écrivaine belge Colette Nys-Mazure après les attentats de Bruxelles.

« Échanger entre personnes de convictions différentes permet d’avancer et de défaire le fanatisme », analyse de son côté le rédacteur en chef de la revue Études2.

Comprendre ce qui se passe dans notre monde de plus en plus chaotique devient en effet, aujourd’hui, un devoir citoyen. Ne serait- ce que pour sortir de la peur et pour échapper aux tentations de la haine qui se multiplient. Et pour reconstruire une société apaisée, fraternelle et juste.

Les moyens ne nous manquent pas et les initiatives se multiplient. L’une d’entre elles est majeure car elle concerne toutes les composantes du pays, de l’école aux entreprises. Elle engage les politiques comme les citoyens, les croyants comme les incroyants. Il s’agit de l’enseignement du fait religieux.

La notion de « fait religieux », à ne surtout pas confondre avec la foi, a été mise en lumière par le grand historien Jean Delumeau, membre honoraire du Collège de France. Elle a fait, quelques années plus tard, l’objet d’un rapport public du philosophe Régis Debray, encourageant l’étude du fait religieux à l’école.

Son objectif : dans l’histoire de l’humanité, apprendre à distinguer le contenu des religions – qui est de l’ordre de la foi des croyants – de leurs apports culturels (patrimoine artistique, musique, littérature, etc.) et, plus encore, à les distinguer de l’instrumentalisation politique – le plus souvent extrémiste – qui en est faite. Le pape François vient de le souligner : « Une instrumentalisation politique et un extrémisme religieux, touchent toutes les religions aujourd’hui encore. »

Il est donc plus nécessaire que jamais, pour une société que le djihadisme a comme seul but de diviser, de permettre au plus grand nombre de citoyens d’accéder à une bonne connaissance du fait religieux.

« L’enseignement des religions, insiste à juste titre René Nouailhat, fondateur de l’Institut de formation à l’étude du fait religieux, n’est pas un enseignement religieux. Le culturel n’est pas le cultuel. Enseigner l’histoire de la monarchie n’implique pas d’être royaliste ! » 

En 2004, le grand historien René Rémond avait déjà enfoncé le clou : « Le fait religieux, écrivait-il, est une expression du génie créateur de l’homme, comme l’art, la science et la politique. Si naguère la laïcité a été synonyme de silence absolu sur ce qui est religieux, c’est la laïcité elle-même qui implique que le fait religieux soit enseigné. »

Autant dire, avec l’un et l’autre, que l’enseignement du fait religieux est devenu une nécessité politique. La laïcité elle-même l’implique.

Par Jean- Claude Petit, président de Chrétiens de la Méditerranée,
Réseau citoyen des acteurs de paix.

 

1 Sud Ouest, 23 juillet 2016

2 Le Monde, 28 juillet 2016

 

 

 

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