Partage sur le livre des Actes des Apôtres :
être témoin, hier et aujourd’hui
Bible & Culture Valenciennes étude biblique 3 (version longue)

Actes 2, 1 à 13
La Pentecôte

LE TITIEN, Pentecôte
Santa Maria della Salute (1545), Venise, Italie

Et leur apparurent des langues comme de feu qui se répartissaient, et (uune( se posa sur chacun d’eux individuellement. Ils furent tous remplit d’Esprit saint et se mirent à parler d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de déclarer
Actes 2, 3 - 4

 

 

 

 

 

Etude biblique 3 (13 novembre 2009)

L’évènement de la Pentecôte, 50 jours après Pâques

Actes 2, 1 à 13

1.    Introduction

Les apparitions du ressuscité ont pris fin. Désormais les disciples en attente vont recevoir ce que le Ressuscité a promis (Luc 24, 49 et Hébreux 1, 4 à 8), et cela va les rendre capables de proclamer le message de la bonne nouvelle. Nous découvrirons ensuite la première prédication apostolique (2, 14 à 36). L’Esprit Saint est donné. Il est là pour attester la vérité du message de Jésus-Christ (Jean 15, 26 à 16, 7). Il est à l’origine de la foi (1 Corinthiens 12, 3). Mais pour Luc il est aussi Celui qui fonde la nouvelle communauté croyante que l’on appellera plus tard l’Eglise.

2.    La descente du Saint Esprit

La première scène de notre récit évoque la descente de l’Esprit sous une forme visible semblable à des langues (2, 3). Ces langues qui surgissent provoquent l’étonnement des assistants présents en ce lieu (2, 7-11). Luc ne s’attarde pas à détailler un évènement surnaturel. Souvent l’on s’interroge face au texte sur les langues. Et l’on s’interroge sur ce langage qui pourrait apparaître comme un langage extatique. Il me paraît difficile d’établir une correspondance entre ce récit et le parler en langues évoqué en 1 Corinthiens 12 à 14. Il n’y a dans ce récit des Actes aucun parler extatique. Il ne s’agit pas de glossolalie. Il est plus logique en fonction du contexte et de l’intention lucanienne de voir dans ce récit un épisode de xénoglossie, c’est-à-dire la capacité de parler les langues d’autres peuples, des langues étrangères et non, comme c’est le cas pour la glossolalie de s’exprimer dans un langage extatique dont les paramètres vont de la transe au charabia … !!!

Selon Luc le Dieu qui se révèle en Jésus-Christ et qui déverse son Esprit sur toute chair demeure un Dieu d’ordre et d’harmonie qui poursuit un plan de salut depuis les temps immémoriaux et qui en a donné un signe qui s’impose à tous au Sinaï lors du don de la Loi. L’Esprit Saint ici répandu atteint tout homme dans sa culture. Selon Luc si des parlers en langues se manifestent ils ne peuvent être que des instruments audibles de la grâce, du Salut de Dieu.

3.    L’Esprit Saint ici répandu atteint tout homme dans sa culture

Luc considère que le message du Salut est polysémique. Par ailleurs ce qui compte ce n’est pas tant que des voix résonnent et proclament mais que le message soit entendu, compris. Et c’est peut-être cela le véritable miracle. Il est écrit que chacun comprenait, entendait dans sa propre langue le message.

4.    Cet évènement se passe le jour de la Pentecôte, déjà un jour de fête pour les juifs

Pour l’auteur cela se passe le jour de la Pentecôte. La datation de l’évènement n’est pas fortuite. La fête juive de la Pâque est en réalité la fusion de deux fêtes très anciennes. La première liée au travail des pasteurs (bergers) nomades consistait en l’offrande et le sacrifice des prémices d’un troupeau. L’autre est celle des sédentaires qui offraient la moisson des orges (Deutéronome 16, 9). Les deux fêtes ont été fusionnées à cause de leur proximité dans le calendrier. Elles ont ensuite été rattachées à l’histoire du salut.

Bien avant la venue de Jésus-Christ, le judaïsme célébrait la libération de l’esclavage d’Egypte et la traversée de la Mer rouge. La fête de Pentecôte en elle-même est d’origine païenne. Fête agricole, elle célébrait la fin de la moisson des blés (Exode 23, 16 et 34, 22). On l’appelle d’ailleurs aussi fête des moissons (Exode 23, 16) ; son déroulement se trouve en Lévitique 23, 15 à 21. Elle devait avoir lieu 7 semaines complètes après la Pâque (soit 50 jours après).Même s’il y a eu des hésitations sur la date à laquelle il fallait la célébrer. Le Livre des Jubilés souligne que cette fête évoque l’Alliance de Dieu avec Noé (Genèse 9). Elle devient un rite de renouvellement de l’alliance noachite (Jubilés 6, 14 à 16). Ensuite la fête se transforma en fête du Don de la Tora au Sinaï. La date de la fête coïncidait à peu près avec le calendrier de l’Exode (Exode 19, 1). Mais cela ne fit pas immédiatement l’unanimité.

Au 1er siècle de notre ère, Pentecôte n’est pas encore officiellement la fête du Don de le Loi. Mais pour certains juifs marginaux c’est déjà la fête de l’Alliance. Les Pharisiens mettront du temps à commémorer Chavouot, le don de la Loi. Ce n’est qu’au 2ème siècle de notre ère que les sages d’Israël en viendront à associer Pentecôte et don de la loi.

5.    Associer fête du don de la Loi, par Moïse et fête du don du Saint Esprit, par le Christ

Luc, en rédigeant ce récit, aurait en quelque sorte associé Pentecôte et la fête du renouvellement de l’Alliance (le don de la Loi au Sinaï). Il aurait coulé son récit dans la forme du récit de la Théophanie d’Exode 19.

a.       La version grecque de l’Ancien Testament (version dite des « soixante dix », septante ou LXX), dans sa traduction insiste sur de nombreux éléments visibles dont on retrouve un écho en Actes 2. [Il arrive le 3ème jour qu’il y est des voix (phônaï), des éclairs, une nuée ténébreuse … une voix de trompette retentissait … le Sinaï était fumant … Dieu y était descendu dans le feu (puri). Les voix des trompettes étaient de plus en plus fortes. Deutéronome 4, 12-13 ajoute : Le Seigneur vous a parlé au milieu du feu, vous avez entendu une voix (phônèm) de paroles et vous n’avez pas vu des formes, mais seulement une voix (phônèm)].

b.       Philon d’Alexandrie, dans son commentaire sur le décalogue (qui se situe entre 10 et 40 de notre ère) en De Decalogo 32-33, 46 (les numéros 32-33 interprètent Exode 19, 16, tandis que le numéro 46 interprèterait Exode 46) écrit :

32-33

Les dix paroles ou oracles sont véritablement des lois ou des statuts, le Père de l’univers les a édictés tandis que la nation était assemblée, hommes et femmes ensemble. A-t-il émis personnellement une manière de voix (phônès) ? Gardons-nous bien de le croire [ … ]. Dieu n’est pas comme un homme, pour avoir besoin d’une bouche, d’une langue, de conduits pour le souffle. Il me semble plutôt qu’il opéra, en cette occurrence, un très saint prodige. Il commanda que se produisît dans les airs une voix invisible [ … ]. Après qu’elle eut à l’air communiqué forme et tension et qu’elle se fut transformée en un feu flamboyant*, elle fit retentir, à la façon du souffle qui s’échappe d’une trompette une voix articulée su puissante que les auditeurs les plus éloignés crurent la percevoir aussi distinctement que ceux qui se trouvaient les plus près [ … ].

* la voix n’émane d’aucun locuteur, bien que son message soit perçu par les yeux, cf.Deutéronome 4, 12

46

Alors du sein du feu qui s’épanchait du ciel, retentit une voix absolument saisissante, la flamme devenant le langage particulier familier aux auditeurs. Les mots que proférait cette voix étaient prononcés avec une netteté si éclatante qu’on croyait plutôt les voir que les entendre, comme l’atteste la Loi dans laquelle il est écrit : Tout le peuple voyait la voix*. L’expression est pleine de sens. La voix humaine est audible, la voix de Dieu est véritablement visible. Pourquoi ? Parce que toutes les paroles que Dieu prononce sont, non pas des mots, mais des actes dont lex yeux connaissent plutôt que les oreilles.

* Exode 20, 18 : voyait les voix

 

c.     Rabbi Johanan (entre 90 et 130 de notre ère) va jusqu’à dire que la voix de Dieu se divisa en 70 langues (parce que, selon Genèse 10, il y avait 70 nations dans le monde). La Loi prenait ainsi un caractère universel et non exclusivement adressé à Israël.

d.    Luc entremêle donc de multiples thèmes. L’Esprit remplit les présents. La tournure est lucanienne. Le baptême de Jean annonçait la repentance, la démarche vers Dieu. Ici l’Esprit lui-même rend ceux qui le reçoivent capables d’énoncer, de déclarer à voix hautes, les merveilles du salut de Dieu. L’Esprit Saint est le maître du discours. Il suscite leur parole. A la différence des textes où il est question de la glossolalie (Actes 10, 46 et 19, 6 ; 1 Corinthiens 12, 30 ; 13, 1 ; 14, 2 à 39) l’expression employée ici souligne que ceux qui ont reçu l’onction parlent d’autres langues. L’adjectif ajouté « autres », vise à orienter l’attention du lecteur du récit vers le verset 8 (langues étrangères). Ils sont rendus capables de parler des merveilles et hauts faits de Dieu comme Marie en Luc 1, 46-55 et Zacharie en Luc 1, 68-79.

6.    Conclusion

Plusieurs remarques s’imposent maintenant après la lecture de ce court passage. D’abord il semble important de dire que Luc rédige un récit précis. Selon Luc les choses se sont passées ainsi. Les questions que l’on est droit de se poser sont nombreuses. Mais l’interrogation reste entière. Plusieurs hypothèses se présentent à nous :

-       Hypothèse 1. Cela s’est littéralement passé ainsi

-       Hypothèse 2. Luc met en scène, en s’appuyant sur les traditions antérieures, un récit qui marque l’irruption de l’Esprit, comme l’Exode met en scène le don de la Loi au Sinaï. En le faisant il érige un symbole autour de ce qui n’aurait pu être qu’une expérience intime et secrète. « Il souffle sur eux et ils reçurent le Saint Esprit ». En le faisant il insiste sur une nouveauté. Il n’invite pas ses auditeurs à rechercher un quelconque baptême du Saint Esprit, postérieur à une supposée « réelle conversion ».
Selon les Ecritures et le Livres des Actes, le croyant a reçu le Saint Esprit, le don du Saint Esprit, le baptême du Saint Esprit. Ces expressions sont presque synonymes. Tout cela commence par la repentance et la foi. Mais ce n’est que le début de l’aventure, du cheminement chrétien. La plénitude du Saint Esprit qu’évoquera les épitres ou le Livre des Actes est une invitation à vivre plus intensément jour après jour notre relation personnelle, intime avec Dieu. Il peut y avoir un cheminement d’approfondissement spirituel qui nous conduit à entrer plus intensément dans la vie chrétienne. Cela ne nécessite pas un « baptême du Saint Esprit dont le signe initial serait le parler en langues », selon le modèle pentecôtiste. D’ailleurs le Livre des Actes lui-même n’associe pas systématiquement don du Saint Esprit et signes tangibles. L’expression d’un signe extérieur par un individu ne témoigne pas non plus d’une authentique quête spirituelle de la présence de Dieu. La présence spirituelle de Dieu nous pousse par contre à rechercher l’approfondissement de la vie spirituelle en commun.

 

Frédéric Verspeeten

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