Les chemins de l’Exode :
étude biblique 6 : le livre des Nombres
Chapitre 20, versets 1 à 13

Moïse, lui aussi,
n’ira pas en Canaan

Un lieu de défi et d’accusation : il n’y avait pas d’eau

Toute l'assemblée des enfants d'Israël partit du désert de Sin, selon les marches que l'Éternel leur avait ordonnées; et ils campèrent à Rephidim, où le peuple ne trouva point d'eau à boire. Alors le peuple chercha querelle à Moïse.

 (Moïse) donna à ce lieu le nom de Massa et Meriba, parce que les enfants d'Israël avaient contesté, et parce qu'ils avaient tenté l'Éternel, en disant: L'Éternel est-il au milieu de nous, ou n'y est-il pas?
Exode 17, 1 et 7

Dans le désert de Sin, à Kadès, il n’y avait point d’eau … le peuple chercha querelle à Moïse … ce sont les eaux de Mériba …
Nombres 20, 1, 2 et 13

 

 

 

 

 

 

Etude biblique 6 : Nombres 20, 1-13

Moïse, lui aussi, n’ira pas en Canaan

3ème partie :
au fil du texte

 

A.  1-2a La mort de Miriam et le manque d’eau

 

1 Toute l'assemblée des enfants d'Israël arriva dans le désert de Tsin le premier mois, et le peuple s'arrêta à Kadès. C'est là que mourut Marie, et qu'elle fut enterrée.
2b Il n'y avait point d'eau pour l'assemblée;

1

Utilise des noms de lieux différents (désert de Cîn, le désert de Quadesh)

Multiplie les termes pour désigner Israël : les fils d’Israël, la communauté, le peuple

Suggère la combinaison de matériaux de provenances diverses

 

Evoque la mort de Miriam, enterrée hors de la terre promise

Annonce la mort de Moïse et Aaron hors du pays de Canaan (v. 12)

Moïse, Aaron et Miriam sont associés dans Nb 20 et désignés comme les guides d’Israël dans Michée 6, 4

2a

Il n’y avait pas d’eau

Détresse réelle, légitime inquiétude. C’est peut-être pour cette raison que leur révolte ne fera l’objet d’aucune sanction

Le texte s’intéresse d’avantage à ses chefs : ailleurs il est dit que l’ensemble du peuple mourra dans le désert ; le texte veut dire maintenant que les chefs de ce peuple ne seront pas non plus épargnés.

 

B.  2b-5 Les plaintes du peuple

 

et l'on se souleva contre Moïse et Aaron.
3 Le peuple chercha querelle à Moïse. Ils dirent: Que n'avons-nous expiré, quand nos frères expirèrent devant l'Éternel?
4 Pourquoi avez-vous fait venir l'assemblée de l'Éternel dans ce désert, pour que nous y mourions, nous et notre bétail?
5 Pourquoi nous avez-vous fait monter hors d'Égypte, pour nous amener dans ce méchant lieu? Ce n'est pas un lieu où l'on puisse semer, et il n'y a ni figuier, ni vigne, ni grenadier, ni d'eau à boire.

2b

La communauté « s’ameuta contre Moïse et Aaron »

Le verbe ici décrit, comme dans les deux autres passages de Nombres (16, 3 ; 17, 7) une révolte

3

Ici il est parlé du peuple, et non de la communauté.

Ici, uniquement Moïse est ciblé ; il semble lui aussi interpellé à travers le discours du peuple ( v. 4 et 5), mais ne réapparaît expressément qu’au Verset 6.

Le peuple exprime un désir de mort qui rappelle le regret d’Israël de ne pas être mort en Egypte (Nb 14, 2). Idem en Nb 16-17

Le début du verset correspond mot pour mot avec Exode 17, 2

Probablement entre 2b et 3 : combinaison de traditions différentes, avec ici accentuation de l’hostilité des israélites à l’égard de Moïse et Aaron

Lien entre ces différents textes, où Dieu s’en prend successivement à l’

Lien entre ces différents textes, où Dieu s’en prend successivement à l’ensemble du peuple, aux chefs de clans, et finalement aux responsables d’Israël.

4

Les plaintes des Israélites prennent une forme interrogative par deux fois : « pourquoi ?»

Ces questions sans réponse Interpellent aussi le lecteur

Graves accusations : devaient être conduits  dans le pays de la promesse et de la vie, et, en fait, ils sont emmenés dans un lieu de mort.

 

Rappelle la prière de ceux qui se sentent abandonnés par Dieu (Psaumes 22, 2 ; 74, 2)

Quel sens donner au projet de Dieu ? pour Israël ? pour lui ?

En fait, au-delà des chefs, Dieu est ciblé (v12).

Caractère absurde et cruel de la marche au désert : mourir avant était préférable !

5

Plaintes d’être amené dans un triste lieu, un endroit de malheur

Au lieu d’un endroit pour les semailles, pour le figuier, la vigne et le grenadier décrit en Nombres 13, 23 (produits rapportés par les explorateurs envoyés en Canaan).

 

C.  6a Moïse et Aaron à la tente de la rencontre

 

6a Moïse et Aaron s'éloignèrent de l'assemblée pour aller à l'entrée de la tente d'assignation.

6a

Les plaintes d’Israël provoquent la réaction de Moïse et Aaron qui « laissant l’assemblée, vinrent à l’entrée de la Tente de la Rencontre », au lieu qui servait de rendez-vous entre Moïse et Dieu. Une fois arrivé Moïse et Aaron « se jetèrent face contre terre et la gloire du Seigneur leur apparut »

Le ^prosternement de Moïse et Aaron, associé à la manifestation visible de Dieu, permet de rapprocher à nouveau notre récit d’autres textes des Nombres où il est question de l’opposition du peuple à Moïse et Aaron(Nb 14 ; 16-17). En effet ces mêmes motifs y apparaissent.

Nb 20, 6 a une particularité par rapport à ces épisodes similaires : Moïse et Aaron se séparent du peuple et rendent seuls à la Tente de la Rencontre ; c’est à eux seuls que Dieu apparaît, alors qu’en Nb 14 et 16-17, la gloire du Seigneur apparaît à l’ensemble du peuple. Cette particularité attire l’attention du lecteur sur Moïse et Aaron ; c’est eux seuls qui sont l’objet d’une manifestation particulière du Seigneur, c’est de leur relation à Dieu qu’il va être question et ce sont eux qui seront finalement punis.

 

D.  7 et 8 Les directives du Seigneur

 

Ils tombèrent sur leur visage; et la gloire de l'Éternel leur apparut.
7 L'Éternel parla à Moïse, et dit:
8 Prends la verge, et convoque l'assemblée, toi et ton frère Aaron. Vous parlerez en leur présence au rocher, et il donnera ses eaux; tu feras sortir pour eux de l'eau du rocher, et tu abreuveras l'assemblée et leur bétail.

7-8

Au contraire de Nb 14 et 16-17, l’apparition de la gloire de Seigneur n’annonce pas une colère destructrice  et n’est pas suivie de menaces de jugement.

Le Seigneur indique à Moïse et à Aaron comment remédier au manque d’eau qui accable le peuple : il vient mettre fin à la souffrance des siens.

 

 

Les ordres donnés par le Seigneur dans ces deux versets sont redondants, et, de plus, ils ne sont pas totalement compatibles les uns avec les autres ; ils proviennent probablement de traditions différentes.

Eléments rappelant Exode 17, 5-6 : le Seigneur dit à Moïse seul « prends ton bâton ». Ce bâton désigne celui dont Moïse se servait pour manifester la puissance de Dieu (voir Exode 14, 16, 17, 5). Il rappelle peut-être aussi  que Moïse a été désigné pour être le berger d’un peuple qui ne lui appartient pas, mais que Dieu lui a confié.

 

Eléments propres à Nombres 20, 8 :

·         Moïse, associé cette fois à Aaron, reçoit l’ordre de rassembler la communauté et de parler au rocher –et non de le frapper comme Ex 17, 6- La mention du rocher qui, suite à une parole de Moïse, « donnera de l’eau » souligne que Moïse n’est pas à proprement parler l’agent du miracle.

·         La directive précédente ne s’accorde pas bien avec « tu feras jaillir pour eux l’eau du rocher et tu donneras à boire aux troupeaux ». Cette dernière injonction insiste en effet sur l’activité, et la responsabilité, de Moïse, chargé de faire jaillir l’eau du rocher.

Nous avons probablement ici affaire à la combinaison de deux traditions qui attribuent chacune un rôle différent à Moïse dans l’accomplissement du miracle qui va suivre.

 

E.   9 à 11 La « difficile » obéissance de Moïse et Aaron

 

9 Moïse prit la verge qui était devant l'Éternel, comme l'Éternel le lui avait ordonné.
10 Moïse et Aaron convoquèrent l'assemblée en face du rocher. Et Moïse leur dit: Écoutez donc, rebelles! Est-ce de ce rocher que nous vous ferons sortir de l'eau?
11 Puis Moïse leva la main et frappa deux fois le rocher avec sa verge. Il sortit de l'eau en abondance. L'assemblée but, et le bétail aussi.

 

Remarque : Moïse et Aaron ne font pas exactement ce qui leur a été ordonné au verset précédent. Par la combinaison de matériaux littéraires d’origine différente, le texte accentue le fait que Moïse et Aaron n’exécutent pas scrupuleusement les ordres qui leur ont été donnés. 

 

9

L’action de prise du bâton par Moïse) est effectuée conformément à un ordre de Dieu du verset précédent ;

 

10

La convocation de l’assemblée correspond à l’ordre donné.

Mais, Moïse s’adresse au peuple, et non pas au rocher.

De plus, les propos (1) et (2) suivants tenus au peuple s’écartent fortement de l’ordre donné :
1. « écoutez rebelles ! »
Il est intéressant de signaler que le terme « rebelle » utilisé par Moïse et Aaron pour s’en prendre à la communauté, leur sera précisément appliqué quand il s’agira de dire la raison pour laquelle, eux non plus, n’entreront pas en Canaan (20, 24 ; 27, 14)
2 « pourrons-nous de ce rocher faire jaillir de l’eau ? »
La traduction littérale de phrase autorise de nombreuses interprétations. En disant cela Moïse et Aaron pourraient faire un aveu d’impuissance : ils se déclareraient incapables de faire jaillir l’eau du rocher. Cet aveu d’impuissance serait l’expression de leur incrédulité.
D’autres commentateurs comprennent cette phrase adressées aux israélites non pas comme l’expression d’un doute mais comme une usurpation de pouvoir. Moïse et Aaron prétendraient faire jaillir eux-mêmes l’eau du rocher, et ils diraient : c’est nous qui ferons jaillir l’eau de ce rocher ! Moïse et Aaron feraient du miracle le leur propre et se substitueraient à Dieu. Alors qu’ils avaient été choisis pour conduire le peuple dans la reconnaissance de la souveraineté du Seigneur, Moïse et Aaron renieraient ici cette souveraineté.

 

 

11

L’action de frapper par deux fois le rocher, par contre, ne correspond pas à l’ordre donnée au verset précédent. Cependant, dans semblables circonstances, Dieu a bien donné strictement cet ordre.

 

 

F.   12 Moïse et Aaron sanctionnés

 

12 Alors l'Éternel dit à Moïse et à Aaron: Parce que vous n'avez pas cru en moi, pour me sanctifier aux yeux des enfants d'Israël, vous ne ferez point entrer cette assemblée dans le pays

12

Après l’accomplissement du miracle, le verset 12 donne la parole au Seigneur qui, d’une manière quelque peu surprenante, annonce la sanction qui atteindra Moïse et Aaron : « puisque ne croyant pas en moi, vous n’avez pas manifesté ma sainteté devant les fils d’Israël, à cause de cela, vous ne mènerez pas cette assemblée dans le pays que je lui donne ».

Le texte est surprenant pour une double raison : d’abord parce qu’il dit que le Seigneur s’en prend à Moïse et Aaron et qu’il laisse impunie la révolte d’Israël (au contraire des autres récits où les israélites se sont dressés contre leurs chefs). En outre, le verset 12 nous renvoie aux versets qui précèdent et nous interrogent : comment aurait-il fallu manifester la sainteté du Seigneur dans de telles circonstances ?

Moïse et Aaron n’ont pas été obéissants comme ils l’auraient dû ; et, pour cette raison, l’accès à la terre promise leur sera interdit. Il faut souligner ici la force du propos : le texte n’hésite pas à évoquer une culpabilité de Moïse et Aaron pour expliquer leur mort hors de Canaan. En cela notre récit ne se distingue pas des textes du Deutéronome qui disent que, si Moïse n’est pas entré dans le pays de Canaan, c’est parce qu’il a été lui aussi atteint par la colère de Dieu qui visait pourtant en priorité son peuple désobéissant (Deutéronome 1, 37 ; 3, 26-27 ; 4, 21).

Mais le texte dit autre chose encore : la mort de Moïse et d’Aaron dans le désert correspond bien à la volonté de Dieu. Leur mort ne signifie pas qu’ils sont désormais maudits et exclus du projet de Dieu en faveur de son peuple. Le récit de la mort d’Aaron  montrera au contraire que Dieu continue de se soucier de lui et de sa succession (Nb 20, 22-29) ; et il en ira de même pour Moïse (Nb 27, 12-22).

Le verset 12 souligne que MoÏse et Aaron n’ont pas cru en Dieu. Comme les israélites en Nb 14, ils ont douté de Lui et ils n’ont pas mis leur confiance en sa puissance de salut. Et, de même que les israélites en Nb 14 se sont vu interdire l’entrée dans le pays, Moïse et Aaron se voient interdire de faire « entrer cette assemblée dans le pays que je leur donne ». Peut-être cette dernière observation veut-elle aussi rappeler que Dieu est le seul vrai guide de son peuple. Et ceux qu’il choisit pour être les instruments de sa volonté ne doivent pas abuser du pouvoir qui leur est accordé ; ils ne sont ni les conquérants ni les propriétaires du pays que Dieu donne à son peuple.

En ne croyant pas en Dieu, Moïse et Aaron n’ont pas manifesté sa « sainteté ». Le thème de la sainteté est largement développé dans les chapitres qui précèdent (voir Nb 16-17 ; voir aussi les textes de lois de Nb 15 et de NB 18). Moïse et Aaron, en ne croyant pas au Seigneur, en ne parvenant pas à manifester sans ambiguïté la puissance de sa parole et sa volonté de salut, ont échoué à le révéler pleinement. Ils ont fait obstacle au Dieu auquel ils devaient rendre témoignage.

 

 

G.  13 Mériba : le lieu où Dieu manifesta sa sainteté

 

13 Ce sont les eaux de Mériba, où les enfants d'Israël contestèrent avec l'Éternel, qui fut sanctifié en eux.

13a

Le verset 13 clôt le récit par une explication relative à « Mériba » qui rappelle le verset 3 : il s’agit du lieu « où le peuple chercha querelle au Seigneur ». On constate ici un glissement analogue à celui  d’Exode 17 : si, au début du récit, Israël s’en prend à Moïse, à la fin il est dit clairement que c’est bien au Seigneur que le peuple avait cherché querelle.

La particularité de Nb 20 consiste à avoir utilisé ce récit d’affrontement entre le peuple et Dieu pour en faire un récit aboutissant à une mise en cause de la manière dont Moïse et Aaron ont obéi aux ordres de leur Seigneur.

13b

A cette notice explicative le texte ajoute que c’est là même où Moïse et Aaron ont échoué à le faire
que le Seigneur « manifesta sa sainteté ».
Il est probable que le texte pense au miracle du don de l’eau
comme une manifestation de la puissance de salut de Dieu.

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