Genèse chapitres 1 et 2
L’arbre de la connaissance du vrai et du faux

 

 

Nous ne sommes pas encore parfaits,
nous ne pouvons donc pas profiter
de (l’arbre de) la connaissance du vrai et du faux

Le premier commandement est donc une parole, non d’interdiction mais de liberté. Car, dans la pensée biblique, la liberté se définit par la responsabilité devant les choix. Dieu ne menace pas l’humain de punition, il lui dit simplement que parmi tous les fruits, il en est un qui est empoisonné. S’il en mange, il mourra.

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Pourquoi ? Certains commentateurs juifs de la tradition rabbinique, avancent que Dieu pense que nous ne sommes pas encore prêts, nous ne sommes pas parfaits, nous ne sommes capables de discerner, le bien du mal, le vrai du faux. Nous ne nous maîtrisons pas assez, nous sommes tous, encore trop sujets à l’ignorance, au fanatisme et à l’ambition pour pouvoir profiter de la connaissance du vrai et du faux. Dieu ne souhaite pas que nous prenions pour vérité ce que nous entendons ou voyons. Quel enseignement ! Surtout à l’heure de l’intelligence artificielle générative et des réseaux sociaux, du fake plus vrai que nature. Il nous faut d’abord travailler encore et encore sur nous-même, nous perfectionner. Travailler sur nous-même s’entend par essayer, par une rectification intérieure, pour faire de notre passage dans ce monde-ci un chef-d’œuvre. Nous qui nous croyons parfaits, Dieu veut inscrire notre imperfection dans notre chair pour que nous arrivions à nous en défaire.

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C’est pourquoi dans le livre de la Genèse, il y a deux créations, celle des premiers versets, au chapitre 1, puis celle répétée avec d’autres mots, au chapitre 2. Deux créations de l’homme aussi. D’abord un homme mâle et femelle, puis dans la seconde création Dieu sépare la femme de l’homme, et à partir d’un fait deux êtres. Autrement dit, Dieu a jugé que ce n’était pas bon que l’homme soit seul, autrement dit, que l’homme se croit parfait. Dieu fait de l’homme Un, deux êtres, différents et complémentaires ; différents, et donc l’un sans l’autre n’est plus parfait.

L’objectif d’un couple, qui au départ, ne faisait qu’un, puis devint deux, est de redevenir un. Un c’est la perfection. C’est la plénitude, l’accomplissement. Nous devons donc, l’homme et la femme, œuvrer à nous parfaire mutuellement, à nous reconnaître l’un l’autre dans notre singularité, à développer cette connaissance intuitive de l’autre, ce lien profond que l’on nomme Amour. Travailler à ne plus faire qu’un. Retrouver dans ce compagnonnage, la force, la noblesse et la sagesse de ne plus faire qu’Un, l’être. Le devoir de ces deux moitiés, de ces deux compagnons, est alors, au terme de leur long chemin d’apprentissage, de faire, de transformer cette union en chef-d’œuvre, une re-création. A nous de faire et de comprendre. Et alors, alors seulement, nous pourrons goûter au fruit de l’Arbre. Que le chemin est long pour que l’humain véritable s’éveille en nous !

Autrement dit, ce que nous devons comprendre, puisque Dieu a créé l’Homme, puisque UN, le Créateur, a créé le deux, sa création, l’objectif de l’Homme sur terre, son but est de travailler à son perfectionnement, à réparer ce qui nous entoure et ce qui est en nous, à développer notre connaissance intuitive de Dieu, le reconnaître comme tel, à aimer Dieu de toute notre force et de toute notre âme pour ne faire plus qu’un en Lui.

La Torah nous montre un Dieu qui nomme, qui distingue, qui sépare pour mieux révéler. Il sépare l’obscurité de la lumière, le jour de la nuit, l’homme de la femme, non pour diviser, mais pour permettre la rencontre. Car il n’y a pas d’unité sans conscience de l’altérité. Le manque d’altérité ne nous le permet pas encore. Comme les juifs, il y a 2000 ans, la prédication de Jean-Baptiste (Matthieu 3,2) et celle de Jésus (Matthieu 4,17) nous interpelle : « Repentez-vous, car le Royaume de Dieu est proche ». Se repentir, faire teshouva, suivant l’expression juive. C’est accepter et recevoir le don de Dieu, donné gratuitement à tous ceux qui croient. Ne pas le faire, c’est s’enfermer dans la routine, c’est ne pas saisir la perche tendue par Dieu : la possibilité de tout changer. Mais cela viendra, nous ferons teshouva : nous reconnaîtrons le gâchis que nous avons fait et nous résoudrons de ne plus jamais recommencer. Alors nous pourrons prendre plaisir à goûter aux fruits de l’arbre de la connaissance de la vérité, comme à l’arbre de la vie.

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En fait, au terme de ce processus, l’arbre de la connaissance du vrai et du faux ne sera même plus nécessaire ; c’est ce que signifie son absence dans la Nouvelle Jérusalem à venir : seul s’y épanouit l’arbre de vie (Apocalypse 22,1-5). La Nouvelle Jérusalem ne provient pas des efforts des hommes qui se seraient améliorés ; non : elle est donnée par Dieu et « descend du ciel d’auprès de Dieu ». Le Messie, le Christ, qualifié de « l’Agneau » sera le flambeau de cette cité : seuls ceux qui seront inscrits dans le « livre de vie de l’Agneau » s’y trouveront, ceux que le Christ a sauvé, ceux qui auront fait teshouva suite à l’appel (Matthieu 4,17) du Christ, pourront y vivre (Apocalypse 21,27).

Philippe Vernet

Document de travail :

Patrick PILCER, 2025. Ici et maintenant : lecture républicaine de la Torah, préface de Haïm KORSIA, grand rabbin de France ; éditions David REINHARC, voir pages 22 à 24.

 

 

Genèse chapitres 1 et 2
L’arbre de la connaissance du vrai et du faux