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Servir
Jean 13,1-35
1.
La
traduction
2.
La lecture
1. La traduction
Avant la
fête de la Pâque, Jésus sentant venir l’heure où il passerait de ce monde à
son Père, montra à ses frères humains jusqu’où allait l’amour dont il les
aimait.
Au cours d’un repas, le diable jeta dans le cœur de Judas, fils de Simon
l’Iscariote, le dessin de le perdre. Et Jésus, en cette certitude que son
Père avait remis entre ses mains toute son œuvre, qu’il sortait de Dieu et
qu’il y retournait, se leva de table, ôta son manteau, prit un linge qu’il
noua à sa ceinture.
Puis il versa de l’eau dans un bassin, se mit à laver les pieds de ses
disciples, et à les essuyer du linge dont il était ceint.
Vint le tour de Simon Pierre. Toi, Seigneur, me laver les pieds !
s’écria le disciple.
Jésus lui répondit : Ce que je fais t’échappe encore, mais plus tard tu
comprendras.
Pierre s’entêta : Tu ne me laveras pas les pieds, non, jamais !
Jésus répondit : M’empêcher de le faire, c’est te séparer de moi !
alors Simon Pierre : Vas-y donc, Seigneur, mais aussi les mains et même
la tête !
Jésus reprit : Celui qui s’est baigné n’a plus à se laver ; il est
la pureté même. Purs, vous l’êtes, mais non pas tous. Il pensait à celui qui
le livrait. D’où ces mots : Purs, vous l’êtes, mais non pas tous.
Lorsqu’il leur eu lavé les pieds, il remit son manteau et reprit sa place à
table.
Comprenez-vous le sens de ce que j’ai fait ? leur demanda-t-il. Vous
m’appelez maître et seigneur, et vous avez raison, je le suis. Tout maître et
seigneur que je sois, je vous ai lavé les pieds. C’est dire combien vous ne
devez pas vous dérober à ce devoir ! L’exemple est donné. Imitez le
geste que j’ai eu pour vous.
Je vous le dis avec force : Le serviteur n’est pas plus grand que son
mandataire. Ne l’oubliez pas, et consentez à de tels services : ils
seront votre joie.
Cependant, je ne parle pas de vous tous. Je connais ceux que j’ai choisis, et
il faut bien donner raison à l’Ecriture : « Celui qui mangeait mon
pain a levé contre moi son talon. »
Je vous tiens ce langage aujourd’hui, alors qu’il n’est rien arrivé encore.
L’événement étant là attestera devant vous qui je suis.
De tout moi-même je vous le dis : Qui accueille celui qui m’envoie,
m’accueille et qui m’accueille, accueille celui qui m’envoie.
Après ces paroles, l’angoisse envahit son cœur. Il ne put la leur
cacher : je vous dis la vérité, l’un de vous est un traître. Les
disciples se dévisageait, inquiets : de qui parlait-il ? Le
compagnon préféré de Jésus était au plus près de lui. Simon Pierre lui fait
signe : Demande-lui donc de qui il parle.
Le disciple repose sa tête sur l’épaule de Jésus et lui dit : Seigneur,
qui est-ce ? Jésus répond : C’est celui à qui je donnerai la
bouchée que je trempe.
Il donne la bouchée qu’il vient de tremper à Judas fils de Simon l’Iscariote.
L’homme la prend et Satan aussitôt devient son maître.
Jésus lui dot : Ce que tu as à faire, fais-le vite.
Mais personne, à table, ne comprend le sens de ces mots. Judas tenait la
bourse, et plusieurs pensèrent que Jésus lui disait : Achète ce qu’il
nous faut pour la fête, ou : Donne une aumône aux pauvres.
Judas prend la bouchée et sort immédiatement. Il fait nuit. Lorsqu’il fut
parti, Jésus dit : Maintenant le fils de l’homme entre dans la gloire,
et sa gloire est celle de Dieu, et Dieu lui rendra sa gloire et sa gloire
vient déjà. Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour un peu de
temps. Vous me chercherez, et à vous aussi je dirai ce que j’ai dit aux
Juifs : Où je vais, vous ne pouvez aller.
Je vous donne un commandement neuf : Aimez-vous les uns les autres.
Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Le monde
connaîtra que vous êtes mes disciples à l’amour dont vous vous aimerez.
* * * * *
2.
La
lecture
Le mot de gloire retentit comme
l’appel multiple d’un clairon, à la fin d’un récit où l’amour allume les
signes les plus éloignés de la puissance et la gloire que lui prête le
Seigneur : aimer conduit à se faire le dernier des serviteurs, ce qui
étonne le premier des disciples : le Seigneur est à ses pieds !
Aimer revient aussi à mourir
pour ceux que l’on aime, comme Jésus le dira plus loin avec éclat. Voyons en
effet qu’il lave aussi les pieds de Judas, rendant égal honneur à qui veut le
sauver et à qui va le perdre. Peut-être les aime-t-il d’un même amour.
Les disciples qui volontiers se
poussent le col, se disputent pour être le plus grand, et que leur rang de
disciples a jusqu’ici flattés, découvrent, pour la première fois, qu’ils
seront voués au service aussi longtemps qu’ils seront disciples de Jésus-Christ.
Ils ne sont pas des maîtres eux-mêmes, puisqu’il n’y a qu’un maître, et qu’il
ne l’est pas resté ! Il leur faut donc servir celui qui sert.
Pourquoi le Seigneur
insiste-t-il sur cette gloire dont eux ne voient pas les rayons ? Sans
doute en savent-ils moins que Paul l’apôtre : ils ne s’attendent pas que
cet homme bientôt anéanti soit « exalté au-dessus de tout nom ».
Ils commencent à peine à entrevoir que seul est grand celui qui abaisse sa
grandeur ; qu’il n’est de puissance et de gloire que d’amour. Peut-être
bien un jour « la gloire » nous a-t-elle effleurés, quand dans un
sacrifice accepté, une action sans témoin, nous avons senti déferler la
grande paix de notre cœur.
Je n’oublierai jamais cette
photographie où l’on voit un résistant, debout, face aux fusils pointés des
miliciens ; ils vont tirer, et il sourit.
France
Quéré, Une lecture de l’évangile de Jean, 1987, Desclée de Brouwer
éditeur, 78 bis, rue des Saints-Pères, 75007 Paris, pages 85-89.
Lire
dans la préface, les circonstances de la traduction et de la lecture de cet
Evangile par France Quéré. Cliquer ici
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