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De
l’apôtre Jean à l’Evangile |
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Aux sources de l’Evangile selon Jean L’Evangile se réfère à Jean, mais les
exégètes considèrent que le texte qui figure dans notre N.T. est une œuvre
composite. Il y a eu développement progressif de la tradition. Le travail
littéraire qui a conduit à la rédaction de Jean s’étend sur plusieurs
décennies. Cela sous-entend l’existence d’un milieu stable où les traditions
propres aux églises johanniques ont été rétablies, conservées et
réinterprétées en vue de leur transmission. C’est dans ce milieu qu’est né
peu à peu l’Evangile que nous connaissons aujourd’hui. Il y a eu dans cette
communauté non seulement la production d’un évangile mais aussi des trois
épitres. * * * Le fondateur La figure
fondatrice de ce cercle théologique est celle du disciple bien-aimé (13, 23-25 ;
19, 26-27, etc.). Dans le cadre de cette tradition ou école johannique le
disciple bien-aimé semble être le fondateur mais il est peu probable qu’il
soit le fondateur de l’ensemble de l’Evangile. Les spécialistes de la
recherche sur le 4ème évangile considèrent qu’il faut penser à un
rédacteur plus jeune que Jean, une génération les séparant. Ainsi il y aurait
le disciple bien-aimé et l’évangéliste. L’Evangéliste va mettre les
traditions johanniques en récit. Il va construire une vie, un itinéraire de
vie de Jésus qui conduit à la croix et à son dépassement. La croix est pour
lui l’heure de l’élévation et de la glorification. Les discours d’adieu de
Jésus (Jean 13 à 17) renforcent cela, mais l’Evangéliste dont l’œuvre est
importante n’est pas le rédacteur final. Il y a eu des traces précises des
adjonctions et réécritures dans notre évangile. D’abord il comporte deux
conclusions (en Jean 20, 30-31, conclusion initiale puis une adjonction en
Jean 21). D’ailleurs le rédacteur de la seconde conclusion se distingue
nettement de l’auteur de l’auteur de l’évangile lui-même. Il est écrit :
« C’est le disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites et
nous savons que de témoignage est conforme à la vérité ». Ensuite il faut
souligner que l’Evangile comporte de nombreuses gloses qui ont pour but
d’éclairer un point de détail (Jean 4,2) ou qui commentent le récit
(4,44 ; 7,39 ; 12,16). Il ya aussi des adjonctions aux récits
5,28ss ; 6,39-40-44-54). Enfin il a des morceaux ajoutés : (i) le
petit morceau de Jean 3, 31-36, (ii) la conclusion de la première partie en
Jean 12, 37-43 et 12, 44-50) ; (iii) le récit du lavement des pieds qui
donne lieu à deux interprétations (13,6-11 et 13,12-20) ; (iv) les
chapitres 15 à 17 ont été rajoutés entre 15,31 et 18,1. Les exégètes
spécialistes de l’Evangile de Jean au 20ème siècle ont tenté
d’expliquer diversement la naissance et l’amplification de l’Evangile. -
Le modèle de
l’Evangile primitif :
Dès 1900 J ; Wellhausen, qui sera suivi par Brown et d’autres, pensait
qu’il avait eu un évangile primitif qui aurait plus tard l’objet de
réinterprétations et d’élargissements. Cette thèse met l’accent sur le
processus théologique dynamique qui amplifie l’évangile. Mais comment
déterminer précisément l’évangile primitif ? -
L’unité de
composition :
D’éminents exégètes considèrent à la différence de cette approche que
l’Evangile est l’œuvre d’un seul et unique auteur. Ils s’appuient pour cela
sur le style et la langue qui prédominent dans tout l’évangile. Pour eux s’il
y a des tensions au fil du texte, elles sont dues à l’unique auteur qui a,
sans cesse, retravaillé son œuvre. Mais ce dernier trait témoigne tout autant
en faveur d’une œuvre écrite par plusieurs auteurs … -
Un
autre modèle que l’on qualifie de
modèle des sources, et que l’on doit à R. Bultmann se base, lui , sur deux affirmations complémentaires.
Pour composer son évangile l’auteur aurait disposer d’un récit de la passion,
d’un ensemble de récits de miracles et de paroles, « logia », qu’il
aurait retravaillé dans ses grands discours. Cette œuvre aurait ensuite été
reprise, élargie et approfondie par ce que l’on nommera « L’Ecole
Johannique », qui fera œuvre de rédacteur final. Ce travail de rédaction
finale n’est pas véritablement contesté par les exégètes spécialistes de Jean.
En effet la lecture de l’Evangile permet de remarquer qu’il y a eu des ajouts
aux endroits marquants notamment l’épilogue du chapitre 21, me deuxième
discours de Jean 15 et 16 et la prière sacerdotale (Jean 17), sans oublier
les gloses insérées en 1,29b ; 5,28-29 ; 6,51c et 58). L’Evangile serait
en réalité à mi-route entre une œuvre qui aurait une dépendance littéraire
des synoptiques, et qui, par certains aspects, auraient été nourrie de
traditions différentes des synoptiques. Il est vrai que les différences de
l’œuvre par rapport aux synoptique sont considérables. Jean ignore tous les
récits de l’enfance, des paraboles, des controverses et des logias de la
source Q. Nous ne trouvons rien non plus de l’apocalypse synoptique et de la
prédication de Jésus sur le règne de Dieu. Les exégètes ont
donc toujours fait preuve de curiosité et d’imagination sur l’origine et la
composition de cet évangile. Il n’est pas possible dans cet article de trop
développer cet aspect. Mais la thèse défendue par M.E. Boismard dans la
synopse des quatre évangiles témoigne bien de la passion que peut susciter le
travail sur la tradition johannique. M.E. Boismard après un travail de
recherche de 30 années nous a livré le volume 3 de sa synopse. Un travail
considérable qui propose la thèse selon laquelle l’Evangile de Jean aurait
été rédigé en quatre grandes étapes. Dans cette hypothèse : -
La
première rédaction ressemblerait à un évangile complet allant du témoignage
de Jean Baptiste à la résurrection. Mais sans aucun des grands discours. Cet
écrit comportant cinq miracles et un seul récit de la Pâque. Il daterait
environ des années 50 et serait de la main de l’apôtre Jean. Ces traditions
sont indépendantes de synoptiques. En gros il ressemblerait à un évangile du
style de Marc, avec une matière différente. -
Dans
les années 60-65 en Palestine un autre auteur de la communauté aurait repris
ce document et y ajouta des récits issus de la tradition synoptique et des
discours de Jésus. Le plan est inchangé. Ici il n’ya plus de miracles mais
sept signes. Et on y trouve les développements de la controverse envers les
juifs. -
A
la fin du 1er siècle cette
œuvre est reprise et adaptée aux problèmes nouveaux que rencontre la
communauté. Dissensions internes, difficultés à croire pour les chrétiens de
la seconde génération, rapports difficiles avec la « Grande
Eglise » marqué par l’enseignement de Pierre et de Paul, attaques des
milieux juifs, et dissociation des thèses gnostiques. Dans cette œuvre le
point de vue doctrinal est développé. La christologie s’étoffe, la doctrine
du Paraclet apparaît dans le discours d’adieu. La polémique entre les juifs
est encore plus grande, notamment depuis que les chrétiens ont été exclus de
la synagogue à Jamnia en 90. -
Enfin
un rédacteur du 2ème siècle aurait fusionné certains récits et
donné l’ordre de l’Evangile que nous connaissons aujourd’hui. Résultat, c’est
ainsi que l’Evangile nous apparaît bien différent des autres. Cela saute aux
yeux. : (i) il ne comporte qu’une parabole (chapitre 10), il y en a 30
chez Luc, (ii) il n’y a que trois récits de guérissons contre 13 chez Luc et
16 chez Marc, (iii) il n’y a que 11 citations de l’A.T. contre 65 chez
Matthieu. *
* * Un évangile
atypique dont les mots sont très simples mais recouvrent des réalité
symboliques complexes. Les moments importants, pour les synoptiques, de la
vie de Jésus sont absents : naissance, tentation, appel des douze,
transfiguration, tempête apaisée, envoi en mission des douze, annonce de la
passion, institution de la Cène, Gethsémanée. Mais Jean en contrepartie
apporte des éléments nouveaux : Cana (chapitre 2), Nicodème (chapitre
3), la rencontre avec la Samaritaine (chapitre 4), la rencontre avec la femme
adultère (chapitre 8), la rencontre avec Lazare (chapitre 11), la lavement
des pieds (chapitre 13), l’apparition à Thomas (chapitre 20), l’apparition au
bord du lac (chapitre 21). Le quatrième
évangile invite ses auditeurs et lecteurs à entrer dans le mystère de la
connaissance de Jésus. On a souvent considéré que l’Evangile de Jean était
« l’Evangile spirituel ».
Il témoigne de la foi d’une communauté qui souhaite vivre de la présence du ressuscité. Dans
tous ses propos Jésus va au-delà de la tradition juive. L’Evangile est par
ailleurs marqué par ses relations avec le gnosticisme. Il y a ici l’idée
selon laquelle on acquiert le salut offert par une connaissance intime avec
le Christ vivant. Quant au prologue (chapitre 1) il souligne l’incarnation du
logos dans notre chair humaine. Mais l’Evangile s’écarte des courants
gnostiques en proposant que Jésus le ressuscité seul rend possible l’intimité
avec Dieu. Nous avons déjà
souligné que l’évangile est aussi marqué par le judaïsme. Il lui emprunte un
certain nombre de thèmes classique des écrits de sagesse : agneau,
serpent élevé, temple, nourriture céleste, vigne. Enfin Jésus est Berger et
Lumière. Mais l’influence va plus loin encore. Jésus utilise les mots :
« Je suis », ce qui correspond à Yahvé dans le premier testament.
Je suis le chemin, la vérité, la vie … Je suis le bon Berger … Je suis la
Porte … etc. Ainsi, et pour
conclure temporairement, l’Evangile veut avant tout être un témoignage riche,
dynamique, puissant, rendu à celui qui est l’envoyé de Dieu. Celui dont la
venue a prononcé le jugement du monde et l’émergence de la Lumière infinie et
parfaite de Dieu. Frédéric Verspeeten |
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De l’apôtre Jean à l’Evangile |
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