A l’occasion de Protestants en fête, à Strasbourg

Évangile selon Matthieu 5, 1-1
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Heureux les Protestants quittant la fête de Strasbourg,
le Royaume des Cieux est à eux !

Une béatitude de plus… comme si les huit béatitudes de Matthieu à commenter en cinq minutes ne suffisaient pas ! Une béatitude c’est une félicitation, une constatation d’un bonheur déjà réalisé ou en train de l’être… Alors oui, nous sommes heureux, car bien que ce rassemblement touche malheureusement à sa fin, nous savons que nous partons enrichis et mieux équipés pour faire face à notre vie quotidienne sans doute moins festive

Témoins avec les hommes…

Jésus monte sur La montagne pour enseigner la foule et ses disciples. Il ne dit « Heureux êtes-vous » qu’au onzième verset qui développe la dernière béatitude du texte lu il y a quelques instants. Dans les premières béatitudes, il est écrit « Heureux ceux qui » ou « Heureux les pauvres en esprit, heureux les doux, heureux les affligés, heureux les faiseurs de paix »… Cette formulation met une certaine distance, ainsi les personnes se sentent moins directement visées. En effet, dans la foule il devait y avoir des gens endeuillés qui pleuraient, d’autres qui se sentaient bien pauvres en esprit devant Jésus, d’autres qui désespéraient de voir la paix et la justice advenir et sans doute que, pris de front, ils auraient été blessés et auraient rebroussé leur chemin pour ne plus rien écouter de l’enseignement de Jésus…

Voulons-nous être témoins du Christ avec les hommes ? Alors, prenons garde de ne pas blesser en témoignant de ce que Dieu est pour nous ! Prenons garde de ne pas nier ou minimiser la dure réalité que certains vivent mais… ne faisons pas non plus de promesses à la légère telles que « avec Dieu plus de souffrance ici-bas, c’est le bonheur, la félicité ! »

Être pris aux entrailles…

Mon deuxième point s’attarde sur le mot miséricordieux de certaines versions connues, qui était traduit par bon dans la version qui nous a été lue. En hébreu il nous parle de quelqu’un « pris aux entrailles » et non d’un pleurnichard qui se lamente de l’état du monde en regardant la télé. Le miséricordieux sera conduit par cet état intérieur en un « agir » comme Dieu lui-même nous l’a montré maintes fois dans ce qui nous est relaté dans les textes de l’Ancien et de Nouveau Testament.

Le bonheur des béatitudes se trouve en s’appliquant concrètement à mettre son point d’honneur à rendre heureux ceux qui sont privés de tout bonheur humain. Quant aux « faiseurs de paix » ils ne sont pas les pantouflards aimant avoir la paix mais ceux qui s’engagent activement pour construire ou rétablir la paix entre les hommes. Ils vont jusqu’à témoigner de la bienveillance même pour leurs ennemis !

Ces résonances sociales et juridiques, présentes dans quelques-unes des béatitudes, ne sont pas une fin en soi, elles sont englobées dans une signification plus large et plus profonde qui doit nous faire aller plus loin qu’une lecture sociale néanmoins essentielle. Le bonheur dont parle Jésus, nous savons tous qu’il ne se trouve pas dans la satisfaction de nos désirs, dans l’absence de problème ou de souffrance, dans des sensations fortes, ni même grâce à la justice sociale ! Mais pas question non plus de lire ici une incitation à se soumettre stoïquement aux mauvaises circonstances de la vie… on a trop abusé de cet usage ! C’est précisément parce que son bonheur ne dépend pas des circonstances extérieures, bonnes ou mauvaises, que le chrétien va parfois aller sciemment jusqu’à risquer sa vie pour le bien des hommes !

Dans le deuil et la souffrance vivre les béatitudes ?

Ce bonheur vient à nous, même dans des circonstances difficiles telles que le deuil, la maladie, la persécution, etc. Oserais-je dire surtout ? J’ose le dire par expérience car j’ai vécu une profonde et réelle souffrance à deux reprises ces dernières années suite aux décès de très proches et aujourd’hui je témoigne que la richesse de la présence de Dieu, ne laissant aucun arrière-goût amer, a été pour moi une expérience bénie contrastant avec le malheur vécu. Toutefois, cela ne se vit pas en ligne directe avec le Christ dans une relation exclusivement verticale… ce sont les nombreux témoignages d’amitié, de miséricorde de frères et sœurs en humanité de toutes confessions et religions (ou même sans croyance religieuse d’ailleurs) qui ont fait vivre le Christ en moi alors même que je traversais cette période si difficile.

Comprenez-moi bien, il ne faut pas être endeuillé, en souffrance ou persécuté pour être bénéficiaire de la présence bénissante de Dieu mais, avoir Dieu à ses côtés dans ces moments-là donne tout son poids à notre foi pour nous-même et pour les hommes, femmes et enfants que nous côtoyons.

En marche ensemble !

C’est la confiance en Dieu en toutes circonstances, même les plus difficiles, qui fait le bonheur de l’homme et qui le remet en marche avec les hommes ! La version Chouraqui traduit par « en marche » ce que nous lisons habituellement comme « heureux ». Par les paroles des Béatitudes, Jésus nous invite gracieusement en effet à nous mettre en route avec lui ENSEMBLE. Nous ne sommes pas seuls. Il nous motive pour un combat contre la souffrance, l’injustice, la pauvreté, la désespérance car, comme l’a vécu et écrit D. Bonhoeffer, la Grâce coûte !

Dieu fait de nous ses témoins avec les hommes car, comme disait Raoul Follereau (je cite sciemment un catholique en cette fête du protestantisme) : « Personne n’a le droit d’être heureux tout seul ! » Je dirais même plus : « Personne ne peut être durablement heureux tout seul ! »

Alors partageons notre joie aujourd’hui ensemble sans oublier, demain, de le faire avec tact et amour avec ceux dont la condition humaine n’est pas facile !

 

Major Danièle César

 

 

Dimanche 1er novembre 2009
Au Zénith de Strasbourg