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Considérez la chute des
feuilles |
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Article La chute des feuilles sous nos climats tempérés Ne vend-on pas deux moineaux pour un
sou ? Cependant il n’en tombe pas un à terre sans (la volonté de) votre
Père (qui est dans les cieux). Et même les cheveux de votre tête sont tous
comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez beaucoup plus que beaucoup
de moineaux
(Matthieu 10,29-31). Et si, de même, les feuilles des arbres
étaient toutes comptées ! Voici l’automne : la nature et
d’une façon toute particulière la nature végétale entre en sommeil. Et, en
fait, les biologistes parlent de dormance. Ce phénomène a attiré l’attention
des botanistes contemporains., et il est loin d’avoir épuisé leurs
recherches, car il relève d’un ensemble complexe de nombreux facteurs :
facteurs externes tels que ceux qui résultent de la photo-périodicité et de
la thermo-périodicité annuelles, facteurs internes résidant dans l’action ce
seraient les journées courtes de l’automne qui établiraient la dormance,
tandis que ces substances de croissance ou auxines, ou de substances
analogues dont on commence à débrouiller le jeu et dont l’élaboration par la
plante est arrêtée ou restaurée par l’intervention de certains facteurs
externes des premiers jours de l’hiver lèveraient l’état de dormance, en
rétablissant pour la plante la faculté de fabriquer les auxines nécessaires,
préparant ainsi l’éveil de la végétation, l’éclosion des bourgeons au souffle
des journées printanières plus ensoleillées et plus chaudes. Il y a là non
seulement un équilibre, un balancement, mais, aussi une préparation où de
nombreux éléments, souvent opposés entrent en jeu et sont utilisés par la vie
et pour la vie. * * * * * Voici l’automne, les arbres se
dépouillent de leur parure des beaux jours et les feuilles jaunes emportées
par le vent jonchent le sol. Il semble qu’alors la mort soit dans la nature.
De ce déclin et de cette agonie manifestés par la chute des feuilles,
phénomène spectaculaire encore que l’entrée en dormance des bourgeons,
essayons de tirer les enseignements et les leçons. * * * * * Est-il
nécessaire de rappeler ici la distinction classique entre arbres à feuilles
persistantes, comme nos pins, nos sapins, et arbres à feuilles caduques tels
que les chênes, les peupliers et d’autres encore ? C’est de ceux-ci,
plus particulièrement, qu’il est question. * * * * * La mort et et la chute des feuilles
sont annoncées par leur jaunissement. Les feuilles sont normalement colorées
en vert par cette merveilleuse substance d’où dépend toute vie à la surface de la terre, la chlorophylle. La
plantule contenue dans la graine n’en possède généralement pas ; la
formation de la chlorophylle est dans la très grande majorité des cas
subordonnée à l’action de la lumière. Or, cette production de chlorophylle,
qui continue pendant toute la vie de la feuille, est accompagnée d’une
destruction de cette substance résultant de l’action prolongée de la lumière.
Au printemps et en été, la production de chlorophylle l’emporte sur sa
destruction, de telle sorte que pendant ces saisons les feuilles conservent
leur coloration verte, tandis qu’à l’automne, c’est l’inverse qui se produit,
car la température ne permet plus alors une formation compensant les
pertes ; la chlorophylle se trouve ainsi progressivement détruite, et il
ne reste dans les feuilles que des substances colorantes qui coexistaient
avec elle, mais qui étaient voilées par elle ; à ces substances
auxquelles est due en partie la coloration automnale des feuilles, on a donné
le nom de caroténoïdes, car le type en est le pigment jaune orangé appelé
carotène, qui se trouve notamment dans la racine pivotante de la carotte. Certaines plantes, comme la
vigne-vierge prendra à l’automne de superbes coloris rouges, dus à une
substance qui se forme à la fin de la vie de la feuille et qui appartient à
un autre groupe de pigments, les anthocyanes. En même temps que se produit le
jaunissement a lieu un phénomène de migration des substances nutritives
contenues dans la feuille vers la tige. L’évacuation de ces substances
commence brusquement, dès l’apparition des premières plaques jaunes et se
poursuit, rapide, pendant toute la dernière partie de la vie des feuilles,
pour ne cesser qu’à leur mort. Ce phénomène est extrêmement actif pour
certains arbres chez lesquels on a évalué qu’en un temps relativement court
(15 à 20 jours), les sept dixièmes de ces substances nutritives renfermées
dans les feuilles passent dans la tige. Lorsque la feuille est arrivée à son
déclin, et bien avant qu’elle ne soit flétrie, sa chute est déjà préparée par
le développement à sa base, dans toute l’épaisseur de son pétiole, d’une zone
génératrice particulière à partir de laquelle se forment deux couches de
liège, l’une du côté du limbe foliaire, l’autre du côté de la tige, de telle
sorte qu’on a là un diaphragme relativement complexe qui se constitue et qui
isole la feuille de la tige, ne laissant passer à travers lui que les
vaisseaux conducteurs de la sève. A un moment donné, à la première gelée, la
zone génératrice qui a persisté jusque-là entre les deux couches de liège est
détruite et transformée en un mucilage. Alors la feuille ne reste plus
attachée à la tige que par les vaisseaux conducteurs de la sève ; nous
pouvons dire qu’elle ne tient plus au rameau que par un fil qui se rompt
facilement par le simple effet du poids du limbe ou sous l’action du vent. La
feuille est ainsi entraînée sur le sol. La cicatrice laissée par elle à la
surface du rameau qui la portait se trouve, par suite du mécanisme que nous
venons d’indiquer, recouverte d’une couche de liège imperméable : la
cicatrisation est donc à peu près immédiate. On
a comparé le phénomène dont nous avons essayé de donner une idée à la
maturation des fruits, et on tend à penser que les feuilles évoluent, elles
aussi, vers un état de maturité qui, lorsqu’il est atteint, est la cause du
jaunissement, puis de la chute de feuille, cette maturation étant elle-même
sous la dépendance des conditions de nutrition de la plante. * * * Pourquoi les feuilles
tombent-elles ? A quelles nécessités correspond leur chute. La paléobotanique, c’est-à-dire
l’histoire des flores au cours des temps géologiques, nous apprend que dans
nos régions, au fur et à mesure que les climats se différenciaient et qui se
marquait l’alternance des saisons, les arbres à feuilles caduques devenaient
de plus en plus nombreux. La chute des feuilles doit donc correspondre à une
nécessité en rapport avec les caractères du climat. En effet lorsque la température descend
au-dessous d’un certain degré, les racines ne peuvent plus absorber l’eau du
sol ; on dit que la plante est dans un état de sécheresse physiologique.
L’absorption de l’eau par la plante étant considérablement diminuée et les
pertes en eau se produisant essentiellement par le jeu de la transpiration,
le problème que doit résoudre le végétal est le suivant : diminuer
l’activité de sa transpiration. Or les feuilles sont les principaux organes
transpiratoires et leur chute répond à cette économie de l’eau par la
suppression des phénomènes de transpiration foliaire. Les arbres se dépouillent
donc de leurs feuilles pour résister à la sécheresse physiologique. Les trop
fortes chaleurs peuvent d’ailleurs déterminer la chute des feuilles qui
répond, dans ce cas, aux mêmes nécessités, aux mêmes besoins, lutter contre
la sécheresse, absolue, cette fois, par une diminution de la
transpiration : il y a là un phénomène de compensation, de régulation. Ce que souligne la chute des feuilles
est bien en rapport avec le climat et la sécheresse physiologique déterminée
par le froid, c’est le fait suivant, observé sur des pêchers importés dans
l’île de la Réunion où règne un climat chaud et humide : ces pêchers ont
acquis un feuillage subpersistant, alors que dans nos pays ce sont des arbres
à feuillage caduque. On dit que « la vie est l’ensemble
des fonctions qui résistent à la mort ». La vie est bien, en effet, une
résistance, une lutte continuelle de l’organisme contre les conditions
défavorables du milieu, contre des ennemis nombreux, et pour que cette lutte
soit efficace, il faut parfois que l’être vivant meure, disparaisse dans
quelques-unes de ses parties (ici, les feuilles) pour survivre dans les autres. Les
feuilles qui tombent ainsi sont décomposées et retournent dans l’économie
universelle, prenant part avec tous les débris abandonnés par la vie à la
constitution de l’humus. Elément essentiel de fertilité du sol forestier, en
sorte que, comme on l’a dit : « Sous les arbres muets apparaît la
grande loi que la mort est la condition de la vie ». Ne sommes-nous pas
ainsi naturellement conduits du domaine de la vie au domaine spirituel ? * * * Voici tout d’abord un enseignement
d’ordre général. La nature, même dans son dépouillement et son apparence de
mort, nous parle d’un Dieu qui prévoit tout et qui pourvoit à tout, à un Dieu
qui, après avoir créé, conduit et dirige. La main de Dieu, ne la
discernons-nous pas dans l’harmonie qui règne dans la nature, dans cette
alternance régulière des saisons, dans ces aspects divers qu’offre la
végétation en rapport avec les variations saisonnières ? La main de
Dieu, ne la voyons-nous pas encore dans la série complexe des phénomènes qui
préparent la chute des feuilles ? En vérité, tout est prévu pour le
moment précis où doit se produire cette chute, même la cicatrisation qui
s’ensuit. Et la migration des substances nutritives vers la tige, migration
qui précède la chute, ne met-elle pas en évidence l’existence, dans la vie
des êtres organisés, d’un principe d’économie, qui n’est lui-même qu’une des
manifestations de l’ordre et, disons le mot, un mot qu’on n’aime pas beaucoup
dans certains milieux scientifiques -et pourtant ! – de la finalité que
nous contemplons partout dans l’univers ? Cet ordre serait-il le simple
effet du hasard ? Assurément non. Il y a un Dieu, un Créateur :
c’est là ce que proclame la nature en accord avec la Bible : Que tes
œuvres sont en grand nombre, ô Eternel ! Tu les as toutes faites avec
sagesse. La terre est remplie de tes biens (Psaume 104,24). Voici l’automne : la nature est
sur son déclin ; considérez les arbres qui se dépouillent, considérez
leurs feuilles qui, alors même qu’elles vont mourir, se revêtent des
somptueux coloris de pourpre et d’or comme d’un manteau de gloire et qui
proclament à leur façon qu’il y a un Dieu. Il y a un Dieu qui est là, tout près, à
qui aucun n’échappe, un Dieu dont le regard s’abaisse sur toute la nature.
C’est ce Dieu dont le Christ disait : Ne vend-on pas deux passereaux
pour un sou ? Cependant, il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de
votre Père. Et même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Ne craignez
donc point (Matthieu 10,29-31). C’est Dieu qui disait à Moïse : Je
te connais par ton nom (Exode 33,17) et qui déclarait à son peuple par la
bouche de son prophète : Je t’appelle par ton nom : tu es à
Moi ! … Ne crains rien car Je suis avec toi (Esaïe 43,1-5). La chute des feuilles entraînerait une
interruption de revêtement protecteur de l’arbre, c’est-à-dire déterminerait,
en somme, une plaie béante, ouverte aux contaminations, aux infections de
toutes sortes, si, comme nous l’avons vu, la cicatrisation n’était immédiate.
Ainsi Dieu met toujours pour chacun de nous –nous pouvons en avoir l’assurance-
sa consolation et sa paix à côté de la souffrance et de l’épreuve, afin que
toutes choses concourent au bien de ceux qui l’aime : Pourquoi donc
dis-tu ? « … Ma destinée est cachée devant l’Eternel… Ne le sais-tu
pas ? Ne l’as-tu pas appris ? C’est le Dieu d’éternité, l’Eternel,
qui a créé les extrémités de la terre. Il ne se lasse pas ; Il ne se
fatigue pas… Il donne de la force à celui qui est fatigué… Ceux qui mettent
leur confiance en l’Eternel renouvellent leur force ; ils élèvent leur
vol comme les aigles » (Esaïe 40,27-31). Il
y a un Dieu et, dès lors, pour le croyant, quelle force, quelle lumière,
quelle joie, quel secours dans l’adversité ! * * * Mais il nous faut aller plus loin. La
mort est la condition de la vie, avons-nous souligné. En effet dans la nature,
tout concourt et tout sert à la vie, même le dépouillement, même la mort.
C’est là une loi de la vie organique ; c’en est une aussi de la vie
spirituelle. Preuve en soi cette comparaison empruntée à la nature dont se
servent le Christ et l’apôtre Paul pour caractériser la vie
spirituelle : En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de
blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul, mais s’il meurt, il porte
beaucoup de fruits (Jean 12,24). Ce que tu sèmes ne reprend point vie,
s’il ne meurt. Et ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps qui naîtra, c’est un
simple grain, de blé peut-être ou de quelque autre semence (1 Corinthiens
15,36-37). Voici maintenant quelques applications
ou quelques conséquences de ce principe : Si ta main ou ton pied est pour toi une
occasion de chutes, coupe-les et jette-les loin de toi ; mieux vaut,
pour toi, entrer dans la vie boiteux ou manchot, que d’avoir deux pieds ou
deux mains et d’être jeté dans le feu éternel. Et si ton œil est pour toi une
occasion de chutes, arrache-le et jette-le loin de toi ; mieux vaut pour
toi entrer dans la vie n’ayant qu’un œil, que d’avoir deux yeux et d’être
jeté dans le feu de la géhenne (Matthieu 18,8-9). Celui qui
conservera sa vie la perdra et celui qui perdra la vie à cause de Moi la
retrouvera (Matthieu 10,39 ; Matthieu 16,25 ; Jean 12,25). Lors
même que notre être extérieur se détruit, notre être intérieur se renouvelle
de jour en jour (2 Corinthiens 4,16). C’est dans ce sens que l’apôtre Paul
pouvait s’écrier : Christ est ma vie et la mort m’est un gain. N’est-ce pas d’ailleurs la mise en
œuvre suprême de ce principe à laquelle nous assistons lorsque nous
considérons les souffrances et la mort du Christ qui s’est dépouillé
lui-même (Philippiens 2,7) et qui, pour nous s’est fait pauvre de
riche qu’il était afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis (2
Corinthiens 8,9). De même qu’il est nécessaire que les
feuilles meurent et tombent, et que les arbres se dépouillent à l’automne de
leur verte parure pour préparer et permettre la résurrection du printemps,
ainsi la mort, loin d’être un terme, un achèvement, est un passage, une
condition indispensable, un point de départ : c’est la porte par
laquelle nous devons passer pour avoir accès à la vie véritable, à la vie
éternelle, si toutefois nous sommes réconciliés avec Dieu par Jésus-Christ. Voici l’automne : considérez les
arbres aux branches dénudées ; ils vous apprendront que la vie est plus
forte que le dépouillement et que la mort et que, lorsque tout, autour de
nous, paraît crouler et s’éteindre, il y a encore place pour des
résurrections, car Dieu, dont le bras n’est jamais trop court, peut à tout
moment faire surgir la vie des sépulcres et changer les ténèbres en aurore
(Amos 5,8). Il y a un certain nombre d’années, nous
lisions les justes remarques suivantes : La Bible, « que dit-elle
de l’automne ? Elle fait chanter le printemps, elle fait gémir l’hiver,
elle glorifie l’été, mais de l’automne elle ne m’a rien dit. Elle ne m’a rien
dit de l’hiver, il y a Noël ; au printemps, Pâques ; et en été, la
Pentecôte ; mais en automne, il n’y a rien… Le vent souffle, les
feuilles tombent, le vent semble animer les mélodies d’une harpe et les
feuilles paraissent de l’or qui tourbillonne, et ce n’est pas triste, et ce
n’est pas l’automne spirituel… ». Ainsi la nature, dans son déclin
automnal, nous parle dans le même sens que la Bible, car si nous savons bien
comprendre son langage, nous constaterons que, sous des apparences de
dépouillement et de mort, ce n’est pas de tristesse et de désespoir qu’elle
nous parle, mais bien de sagesse, de prévoyance, de confiance, de lutte
constante et victorieuse contre les forces coalisées de destruction, de
désagrégation et de mort, de vie triomphante et joyeuse. Daniel Vernet Daniel Vernet, la chute des feuilles, Article |
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