Observez les lis des champs et les oiseaux
Matthieu 6,25-29

 

 

Fiche biblique

Considérez la création (Romains 1,18-23)

Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez… Regardez aux oiseaux du ciel : ils ne sèment, ni ne moissonnent, ni n’assemblent dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux  ? Et qui d’entre vous, par le souci qu’il se donne, peut ajouter une coudée à sa taille ? Et pourquoi êtes-vous en souci du vêtement ? Étudiez les lis des champs, comment ils croissent : ils ne travaillent ni ne filent ; cependant je vous dis que, même Salomon dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux. Et si DIEU revêt ainsi l’herbe des champs qui est aujourd’hui, et qui demain est jetée dans le four, ne vous [vêtira-t-il] pas beaucoup plutôt, gens de petite foi ? Ne soyez donc pas en souci, disant : Que mangerons-nous ? ou que boirons-nous ? ou de quoi serons-nous vêtus ? … votre Père céleste sait que vous avez besoin de toutes ces choses (Matthieu 6,26-32).

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Qu’est-ce qui qualifie les lis et les oiseaux ? Pas de passivité comme une observation superficielle pourrait le laisser voir. Lorsqu’on observe attentivement les oiseaux qui cherchent leur nourriture, ils ne donnent pas le sentiment d’être nonchalants. Et si les lis pouvaient parler, peut-être raconteraient-ils le dur travail qu’ils doivent effectuer pour enfoncer leurs faibles racines dans une terre trop dure.

La qualité première des oiseaux du ciel et des fleurs des champs est leur modestie. Ils occupent leur juste place dans la nature, ils ne cherchent pas à devenir autre chose que ce qu’ils sont. A les observer, l’homme est conduit à l’humilité ; il comprend qu’il n’est pas au-dessus, mais à l’intérieur de la création de Dieu. Le monde n’est pas le fruit de son imagination et de ses efforts, il a été avant lui. Parce qu’il est antérieur, le monde ne lui appartient pas ; il appartient à son créateur. Pour la pensée hébraïque, être en bonne santé revient à se situer comme créature dans la création.

Devant l’immensité et la précision de l’univers, la beauté et la générosité de la nature, l’humain est appelé à l’humilité et la responsabilité. C’est déjà ce que disait l’apôtre Paul que Dieu est visible dans la création, et que ceux qui ne le reconnaissent pas sont guidés par leur orgueil, et qu’ils se fourvoient par de faux raisonnements (Rm_1,18-23).

La création parle, il suffit d’être à l’écoute de ce que dise le soleil et la pluie, les oiseaux et les fleurs. Ils laissent un message de fraternité et une parole d’humilité.

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Les fleurs nous parlent aussi de communion fraternelle et elles nous en présentent comme la préfiguration. Regardez-les, en effet ; regardez-les longuement ! De nombreux insectes viennent sans cesse les visiter pour y puiser le nectar dont ils font leur nourriture ; grâce à leurs visiteurs ailés, les fleurs ne sont pas isolées des autres fleurs de leur espèce et elles peuvent dès lors, remplir le rôle qui leur est dévolu.

Si nous poussons plus avant notre analyse, nous constatons que toute la beauté et tout l’éclat des fleurs ne sont rien ; l’essentiel, c’est ce qui se passe entre un des innombrables éléments de l’impalpable poussière pollinique et une microscopique cellule de l’ovule. Ce qui n’a ni éclat, ni beauté, ce que souvent l’on ne discerne pas, ce qui n’attire pas les regards, c’est finalement ce qui a le plus de valeur. Ainsi Dieu, qui voit dans le secret, regarde au cœur de l’homme, et ce qui Lui importe plus que tout, c’est ce qui se passe dans le sanctuaire de notre cœur.

L’éclat n’est de la fleur n’est donc qu’illusion et vanité : la grâce est trompeuse et la beauté s’évanouit (Proverbes 31,30). Même les lis des champs, ces anémones dont les fleurs rouges évoquent la pourpre des vêtements royaux de Salomon seront dépouillés de leur somptueuse parure. Les fleurs nous parlent donc de fragilité, et c’est pourquoi elles sont très souvent considérées par les écrivains sacrés comme le symbole même de la brièveté, de la caducité. La vie (de l’homme) est courte, sans cesse agitée. Il naît, il est coupé come une fleur (Job 14,1-2). (L’herbe) fleurit le matin et elle passe, on la coupe le soir et elle sèche (Psaume 90,6). L’homme ! ses jours sont comme l’herbe, il fleurit comme la fleur des champs. Lorsqu’un vent passe sur elle, elle n’est plus, et le lieu qu’elle occupait ne la reconnaît plus (Psaume 103, 15-16). (Le riche) passera comme la fleur de l’herbe. Le soleil s’est levé avec sa chaleur ardente il a desséché l’herbe, sa fleur est tombée et la beauté de son aspect a disparu (Jacques 1, 10-11). Toute chair est comme l’herbe, et tout son éclat comme la fleur des champs. L’herbe sèche, la fleur tombe, mais la Parole de notre Dieu subsiste éternellement (Esaïe 40,6 et 8 ; 1 Pierre 1,24-25). Et ainsi les fleurs nous disent que le temps passe, que notre coure terrestre est limitée ; elles nous invitent à travailler pendant qu’il fait jour, car la nuit ne vient où personne ne peut travailler.

Elles proclament la valeur salvatrice et enrichissante du dépouillement ; comme la fleur nous devons nous dépouiller et suivre en cela l’exemple du Christ qui, pour nous, s’est fait pauvre de riche qu’il était, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis (2 Cor 8,9) ; il faut que nous sachions mourir à nous-mêmes, afin de pouvoir revêtir l’homme nouveau.

Or, dans sa mort même, la fleur porte une promesse, une espérance, et c’est pourquoi en maints passages des Ecritures, malgré sa fragilité et sa brièveté, elle est regardée comme le symbole de la prospérité, de la fécondité ; c’est elle qui donne les fruits et les graines grâce auxquelles l’espèce se perpétuera : la plante qui la produit provient d’une seule graine, mais grâce aux fleurs qui la parent, cette plante peut produire des milliers de graines : La maison des méchants sera détruite, mais la tente des hommes droits fleurira (Proverbes 14,11). Israël poussera des fleurs… et il remplira le monde de ses fruits (Esaïe 27,6).

Mais pour que la fleur n’ait pas été produite en vain, il faut qu’elle meure, et non seulement elle, mais le fruit et la graine auxquels elle donne naissance, car si le grain de blé ne meurt après qu’on l’a jeté en terre, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits (Jean 12,24). C’est à cette condition, et à cette condition seulement, que, comme dans la parabole, un grain peut en rapporter cent, un autre soixante et un autre trente (Matthieu 13,8). Il y a une loi du sacrifice, contre laquelle, par une tendance naturelle, nous nous révoltons souvent, loi sans doute bien dure si nous regardons qu’à l’immédiat, mais grâce à laquelle se découvrent devant nous de vastes horizons. Non ! la tombe n’est pas un terme ; elle ne saurait constituer un aboutissement ; la mort n’est pas une fin en soi ; elle est, au contraire, la condition de la vie. Il fallait que la Croix se dressât le Vendredi-Saint pour qu’au matin de Pâques, le tombeau fût trouvé vide et que la mort fût vaincue par sa propre victoire ; c’est grâce au sacrifice unique et suffisant qui s’est consommé sur Golgotha que nous avons la vie véritable indestructible, car si nous sommes avec Christ, nous vivrons aussi avec Lui (2 Timothée 2,11).

Il y a donc une parabole des fleurs aux enseignements inépuisables. Nous devons remercier Jésus qui, par une belle journée de printemps, a invité ses disciples et la foule rassemblés sur une colline de Galilée, à se pencher sur les lis des champs. La vie éphémère constamment rivée à la terre et, par certains côtés, timide et cachée de la fleur des près et des bois, peut parler à notre être, non seulement de caducité et de mort, mais aussi et surtout d’espérance, de vie et d’Amour ; de l’Amour de Celui qui est le commencement de toutes (Jean 1,1-3 ; Jean 20,31), vers qui tout converge (Jean 3,31-36), en qui tout aboutit (Ephésiens 2,4-9 ; Apocalypse 22,1-5).

Philippe Vernet

Document de travail :

Antoine Nouis, L’aujourd’hui de la Création, Réveil-Publications, 2001, p. 38-39.

Daniel Vernet et Pierre Gadina, Paraboles, Editions Paroles de Vie, Lausanne, 1965, p. 39-40.

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Observez les lis des champs et les oiseaux
Matthieu 6,25-29