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Méditation sur Matthieu 16,
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Réforme, n° 3573 du 28 août 2014 Si Jésus
m’invite à « me renier moi-même et à
porter ma croix », Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie
lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. » Je remâche ce verset
scandaleux qui en fit trébucher plus d’un, dont moi-même. J’ai quelques
difficultés avec la promotion de l’abnégation et du martyre. L’expérience
semble montrer qu’elle est contre-productive : on nous a longtemps prêché
l’apologie du sacrifice et du don de soi, et je ne vois pas de chrétiens plus
dévoués en ces domaines que mon contemporain lambda. Nous sommes faits,
animaux, pour résister précisément à notre déconfiture. Sur le plan physique
comme sur le plan psychique, nous sommes naturellement véhéments à défendre
notre bout de gras. Pour bonne part, nous avons besoin de cette véhémence et
nous pouvons en rendre grâce à Dieu. Il n’en demeure pas moins un parti pris absolu : une
Parole d’Évangile est une porte de salut. Elle est donnée pour notre
croissance. Si Jésus m’invite à « me renier moi-même et à porter ma croix »,
c’est à prendre comme une perspective de joie et de liberté. Le sens jaillit à la jonction entre « se renier soi-même »
et « prendre sa croix », dans l’interpénétration de ces deux conditions. J’ai toujours compris la croix comme aboutissement du
récit de la tentation. Par trois reprises et par trois biais différents,
Jésus y renonce à la toute-puissance. Une toute-puissance qui lui aurait
permis d’éviter la faim, la mort, la frustration. D’éviter, à l’autre bout de
son ministère, la Croix. Prendre sa croix, c’est renoncer à la toute-puissance. Me renier moi-même prend une tonalité particulière lorsque
ce reniement est associé à l’injonction de porter ma croix. Je l’entends
comme condition, en effet, à la vraie liberté et à la vraie joie : savoir ce
que je suis et ce que je ne suis pas. Savoir ce que je peux et ce que je ne
peux pas. Accepter que l’histoire s’écrit avec moi, mais non pas de ma main
seule ; renoncer à l’illusion d’optique d’un esprit replié sur lui-même et
qui s’accorde une importance démesurée. Georges Bataille écrivait, en
avant-propos à L’expérience intérieure :
« N’importe qui, sournoisement,
voulant éviter de souffrir se confond avec le tout de l’univers, […] de la
même façon qu’il imagine, au fond, ne jamais mourir. Ces illusions nuageuses,
nous les recevons avec la vie comme un narcotique nécessaire à la supporter.
Mais qu’en est-il de nous quand, désintoxiqués, nous apprenons ce que nous
sommes ? » Alors, il nous reste à nous défaire de cette illusion de
toute-puissance et d’immortalité. Et porter notre croix dans la confiance que
n’être pas tout, aux yeux de Dieu, ne signifie pas n’être rien. Cela signifie
participer, dans la continuité de l’Évangile, à la grande marche des hommes
ouverts à la Rencontre. Cette Rencontre qui déplace notre vie de la
répétition aveugle du destin vers la liberté. Marion
Muller-Colard Prière Renier en moi ce qui m’encombre
d’illusions devenir ce que je suis, être celle
qui peut te suivre Suivre avec toi le dépouillement
heureux de ceux qui se connaissent eux-mêmes et savent combien leur vie dépend de
leurs rencontres Porter ma croix, renoncer au vain
combat qui ferait de moi une reine, une
immortelle Avancer dans tes pas en connaissant
le gain qu’il y a parfois à perdre Perdre ma vie entre tes mains afin
que tu lui donnes sa forme véritable Renoncer avec toi à mon seul
imaginaire qui ne sait que ressasser le connu, le voulu, le contenu, le
programmable Et plonger dans le grand bain frais
de l’imprévisible où tu opères, chaque jour, de
renversantes conversions Marion
Muller-Colard in
Réforme, n° 3573 du 28 août 2014 |
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Méditation sur Matthieu 16,
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