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Dire à Dieu sa colère |
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Psaumes de la
colère Mots-clés : haine, prier Les « psaumes de la colère » font froid dans le dos Ce
sont les psaumes dans lesquels le priant vitupère, tape du pied, se plaint de
ses ennemis, réclame vengeance et les envoie au diable. Psaume
5 :
Dieu, fais-les expier Psaume
109, 1-2 et 4-13 * * * * * Peut-on demander ça à Dieu ? Que faire d’un psaume de vengeance dans la foi
chrétienne, où le cœur de la morale chrétienne, où le cœur de la morale est :
« tu aimeras ton prochain comme toi-même » ? Une prière qui
contredit si violemment ce que l’Evangile répète du devoir d’aimer est-elle théologiquement correcte ? On
devine la possible issue : tourner la page en se disant : voilà
bien l’Ancien Testament avec sa violence et ses fracas… mais Dieu merci, nous
en sommes délivrés par le Nouveau Testament. Ce psaume serait donc une
monnaie périmée, un peu comme les monnaies européennes remplacées par l’euro ;
Jésus lui aurait retiré toute validité. L’ennui, c’est que nous croyons la
Bible inspirée, il faut admettre qu’elle ne l’est que par intermittence. ON
ne peut donc se débarrasser d’un revers de main d’un revers de main des
psaumes de vengeance. D’ailleurs, franchement, il faut reconnaître que
ce psaume fait écho à nos propres colères Si nous sommes surpris, ce n’est
pas tant d’assister à une crise de colère, mais de lire ces cris de rage dans
la Bible. Qui ne connaît de telles indignations ? L’envie d’écraser nos
ennemis ne nous est pas étrangère, et si nous hésitons à l’avouer, dans les
périodes de violent conflit ce sont nos rêves qui le formulent à notre place.
Ces paroles cruelles, ces malédictions interdites qui sont parfois nôtres,
sont aussi des prières bibliques. J’insiste là-dessus. A feuilleter le livre des
Psaumes, on assiste à un véritable kaléidoscope de sentiments : joie, exultation,
rêverie, émotion, tendresse, perplexité, inquiétude, colère, exaspération,
fureur… Jean Calvin le réformateur parlait des psaumes comme d’une anatomie
de l’âme. Toutes les saisons de l’humain défilent. Formidable liberté des
Psaumes ! Nos prières en comparaison, ressemblent à des entrevues
endimanchées au langage formaté. Les Psaumes, au contraire, sont une
invitation à se dire, tel que l’on est, devant Dieu. Une invitation à être
vrai en déroulant devant Lui nos enthousiasmes, nos perplexités, nos colères
et nos interrogations. L’homme du Psaume 109, quelle est sa vérité ? C’est un homme trahi par ses amis, qui l’ont
traîné au tribunal et lui « rendent le mal pour le bien ». Il a cru
pouvoir s’appuyer sur eux, mais ils l’ont lâché ! Pour quel motif ?
Nous n’en savons rien. Mais à entendre la violence de sa protestation, on perçoit
que l’attaque a été rude. Que dit-il ? Il prend tout d’abord Dieu à
témoin : « Ne reste pas muet, Dieu ! Vois ce qui m’arrive. Il
demande ensuite que ses ennemis soient punis, que la malédiction qu’ils ont
proférée contre lui, se retourne contre eux, mais aussi contre le fils, la
femme, les descendants… Il ne dit pas seulement : détruis-les. Il
supplie : que cela s’arrête ! Que le mal qui s’est déchaîné contre
moi cesse pour moi et pour d’autres. Que le mal n’ait pas de successeur !
Son désir, en étendant le châtiment à la descendance, est que ce mal n’attaque
pas d’autres que lui. Ce qu’il espère, c’est une vie où l’on n’est pas
agressé par les pervers. Tout de même, dira-t-on, peut-on souhaiter la
mort de son prochain, même s’il agit en ennemi ? La réponse est
évidemment non. Mais ce psaume n’est pas un appel au lynchage. La valeur de
ce psaume est de dire. L’homme qui
parle ici dit le vrai. Ah, je vous vois venir. Vous allez dire que « finalement
on peut dire n’importe quoi en priant. Que « peu importent les mots,
pourvu qu’on se libère N’est-ce pas un peu facile de s’en tirer comme ça ? ».
Non, pas du tout. Car une fois que la
haine est dite, le phénomène de mise à distance peut se faire. Dire
quelque chose permet s’alléger d’un poids. Sortir de soi ce sentiment qui
étouffe. Dire : « je déteste celui-ci », une fois l’aveu
déposé, c’est être en état de progresser. Déclarer : « je suis
désespéré », c’est comme se décharger d’un sac lourd et pouvoir
poursuivre, allégé, sa route. Dire ne résout rien, mais permet d’avancer. Voilà ce que permet ce psaume de la colère :
il est comme une cocotte-minute, qui siffle pour libérer la pression. Le
psaume de colère permet de sortir de ses frustrations, à évacuer la colère
accumulée par l’injustice où l’on se trouve plongé. Sortir la colère, non pas
pour que le désir de vengeance se réalise, mais pour pouvoir le sortir de
soi. L’expulser hors de soi. Dire à
Dieu sa colère plutôt que de l’exhaler comme un poison autour de soi.
Besoin de prendre Dieu à témoin pour commencer un chemin intérieur. Et justement, le chemin du psalmiste va vers son
apaisement. Cet apaisement sonne doucement en fin de psaume, dans les deux
derniers versets : « Je célèbrerai le Seigneur à voix haute, je le
louerai au milieu de la multitude. Car il se tient à la droite du pauvre pour
le sauver de ses juges » (Psaume 109,30-31). Daniel Marguerat Et
la prière sauvera le monde pp. 72-76 A lire, et à faire lire !!! * * * * * |
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