|
|
|
|
Titre
de l’ouvrage : Les racines juives du christianisme Auteur :
Frédéric Manns Edition :
Presses de la Renaissances Séquence 07 : pages
039 à 046 039 Mort et exaltation Les
communautés chrétiennes sentirent très tôt le besoin d’avoir des formules de
foi pour leur liturgie. 040 Comme
la synagogue avait les siennes. Ces formules devaient annoncer le Christ et
faire mémoire du salut qu’il a offert. Les hymnes de l’Eglise mère, où l’on
décèle encore un vocabulaire sémitique et un style proche de celui de la
Bible, sont insérées dans les écrits de Paul et de Pierre. Nous ne
mentionnons que les principales. Ph 2, 6-11 « Lui qui existant à l’image de Dieu Devenu semblable aux hommes C’est pourquoi Dieu l’a souverainement
élevé L’hymne
est construite sur le schéma biblique de l’abaissement-exaltation connu en 1
S 2, 8 et Is 52, 13-53, 12. Le
Testament de Joseph 1, 3, un écrit provenant des Testaments des douze patriarches, a recours au même schéma et
atteste par le fait même sa diffusion. Implicitement, l’emploi de schéma
littéraire présente Jésus 041 comme le
Serviteur souffrant, abaissé par les hommes et exalté par Dieu. Le
thème du Serviteur est enrichi par celui du nouvel Adam. En effet, l’auteur
de l’hymne précise que le Christ n’a pas retenu comme une proie le fait
d’être égal de Dieu. Les lecteurs de l’hymne se rappelaient qu’au jardin
d’Eden, Adam avait voulu ravir l’égalité avec Dieu. Le Christ qui se fait
semblable aux hommes est ainsi opposé à Adam, qui voulait être comme Dieu.
L’adamologie juive, fournit un contexte littéraire à l’hymne et enrichit le
thème de l’abaissement et de l’exaltation. D’après
la tradition juive, le Messie devait restituer à l’humanité six objets perdus
depuis la faute d’Adam : il devait redonner le lustre d’Adam, son
immortalité, sa stature, le fruit de la terre, le fruit de l’arbre et les
luminaires (Nombres Rabbah 13, 12).
Adam avait été créé supérieur aux anges, à l’image de Dieu. Les anges furent
invités à adorer l’image de Dieu. Certains refusèrent, prétextant qu’ils
avaient été créés avec l’homme. Ils furent précipités aux enfers. De là
s’explique la jalousie de Satan envers l’homme. Un écrit apocryphe, connu
sous le nom de Vie d’Adam et d’Eve,
illustre toutes ces traditions. Parce
que Jésus s’est humilié, Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui au-dessus
de tout nom. Toute langue proclame : « Jésus est le
Seigneur. » On sait que le titre de « Seigneur » (Mar en araméen et Kyrios en grec) est réservé à Dieu. Paul atteste, en 1 Co 16, 22,
que Jésus était acclamé sous le titre de Marana
Tha (Viens, Seigneur). L’Apocalypse de Jean 22, 20 confirme cette
information. L’exaltation du Christ signifie aussi sa victoire sur les
puissances célestes et terrestres. Le Christ vient apporter par sa mort et sa
résurrection la réconciliation cosmique. 042 L’adoration de
Jésus comme Kyrios est faite par
les êtres célestes, terrestres et par Bélial. En d’autres termes, la victoire
du Christ signifie la défaite de Bélial. La
communauté chrétienne a replacé la vie de Jésus dans l’ensemble du plan du
salut qui commence avec la création d’Adam. Ce qu’Adam avait détruit par sa
désobéissance, le Christ le restaure par son obéissance. La réflexion
théologique s’inspire du premier Testament. La bible éclaire la vie du
Christ. Un autre éclairage sur la vie du Christ provient de la Résurrection.
C’est à la lumière de cette étape décisive que la vie du Christ prend tout
son sens. Le Christ rend les Ecritures intelligibles et révèle leur sens
plénier. L’unité des deux Testaments en se est confirmée : le premier
Testament sans le Nouveau reste lettre mort. Depuis la résurrection du
Christ, il devient Esprit vivifiant. La
Bonne Nouvelle du salut amène les chrétiens à confesser que Jésus est le
Seigneur, le Maître de la communauté. La Résurrection est d’abord libératrice
de Jésus du royaume de la mort. Elle lui permet en tant qu’Adam nouveau de
rétablir l’ordre primitif voulu par Dieu. Enfin, la Résurrection est
considérée comme une intronisation messianique du Messie. Elle est la
confirmation de Jésus dans ses titres et ses prérogatives. Col 1, 15-20 « Lui qui est l’image du Dieu
invisible 043 lui qui est le commencement Ce
chant inspiré de la sagesse biblique, célèbre la primauté du Christ dans
l’ordre de la création et dans l’ordre du salut. Il fait mention explicite du
sang de la croix et traduit la rédemption en termes de réconciliation. Paul
commente l’idée de réconciliation dans la suite : « Vous qui étiez
étrangers et ennemis par vos pensées et vos mauvaises œuvres, […] Dieu vous a
réconciliés dans le corps de chair du Christ, […] afin de vous faire paraître
devant lui saints, sans tache et sans reproches » (Col 1, 21-23).
L’hymne est centrée sur le mystère pascal : l’attention porte d’abord
sur la résurrection, puis sur la mort du Christ. Ces deux moments ont une
portée salvatrice. Le Ressuscité, en tant que tête de l’Eglise, exerce un
rôle particulier à son égard. Ce ne sont pas seulement les juifs et les païens qui sont réconciliés, mais toutes les créatures. La communauté chrétienne présente la mort de Jésus en référence au régime sacrificiel du premier Testament, plus précisément au type de sacrifices auxquels était reliée l’expiation des péchés. Ce développement de la théologie s’explique : mis en croix, Jésus a connu une mort sanglante. Or, c’est le sang qui fait l’expiation dans le premier Testament. L’épitre aux Hébreux 9, 22 le répète : « Sans effusion de sang, il n’y a pas de rémission. » Le recours à l’analogie du sacrifice rend ainsi compte de la 044 Portée
rédemptrice de la mort de Jésus. Le salut apporté par Jésus s’inscrit
pleinement dans l’attente messianique juive. 1 Pi 2, 22-24 « Lui qui ne fit pas de péché, Le
Christ est d’abord un modèle à imiter pour les chrétiens qui ont à souffrir
injustement. La croix est mise en relation avec cette souffrance. Si
l’exemple du Christ est invoqué, ce n’est pas pour valoriser la souffrance en
elle-même, mais plutôt pour présenter une manière de souffrir. L’auteur de la
lettre s’explique : « Si vous avez à souffrir, souffrez comme lui,
en renonçant à rendre le mal pour le mal, l’insulte pour l’insulte. » A
la lumière de la Résurrection, les communautés chrétiennes comprirent que la
mort du Christ prenait un sens dans le dessein de Dieu, que le Christ est
mort « pour nous ». Le Christ n’a pas souffert à la place des
hommes, mais en leur faveur. Il a pris sur lui non pas un châtiment, mais nos
péchés. Une
référence claire au quatrième chant du Serviteur d’Isaï permet de rattacher
ce chant à la tradition chrétienne de l’Eglise primitive. De plus, la
tournure « Le Christ a souffert pour nous » fait écho également à
cette tradition. Elle est connue dans les credo prépauliniens de 1 Co 8,
11 ; 2 Co 5, 14 et s’inspire des chants du Serviteur. 045 Jésus est
présenté comme le Serviteur dans la prédication primitive, comme il ressort
d’Ac 3, 13. Le chant du Serviteur d’Isaï 53 est une source importante de la
réflexion christologique de la communauté chrétienne : « Il fut
blessé à cause de nos péchés et affaibli à cause de nos péchés. » « Il
a pris nos péchés dans son corps sur le bois. » Peut-être faut-il voir
la une référence au livre du Deutéronome (21, 22). La pendaison sur le bois
est un traitement réservé aux malfaiteurs. Jésus a voulu connaître une mort
réservée aux pécheurs. Il est devenu péché, alors qu’il n’avait pas commis de
péchés. Ainsi, il a pu enlever la malédiction due au péché et apporter la
bénédiction. A
la lumière de la Résurrection, les premiers chrétiens ont compris que la mort
du Christ prenait un sens dans l’ensemble du dessein de Dieu. La méditation
des chants du Serviteur apporte ainsi la preuve scripturaire du mystère de
l’abaissement et de l’exaltation de Jésus. L’idée de la mort du Messie
n’était pas, elle était apprivoisée. Le
récit des disciples d’Emmaüs dépeint la réaction désabusée des disciples face
à la mort tragique de Jésus : « Nous avions cru qu’il sauverait
Israël. » Puis surgit l’inattendu : « C’est vrai, le Seigneur
est vivant ; il est apparu à Simon. » La certitude qui s’exprime à
la fin du récit rend compte du changement survenu dans la communauté. La
mort de Jésus a trouvé sa signification. La communauté va dégager peu à peu
les implications du mystère de la croix. En manifestant le visage
compatissant et humble de dieu, c’est la tendresse de Dieu pour tous les
hommes que Jésus révèle. 046 Le sort des
disciples ne sera pas meilleur que celui du Maître. Le disciple du Christ est
appelé à porter sa croix chaque jour, car il souffre avec Jésus, et avec lui
il sera glorifié. L’Eglise
reconnaît l’écho de sa voix dans le Christ et l’écho de la voix du Christ en
elle. La prière des communautés primitives retrace les phases de la vocation
chrétienne : l’écoute de la parole de Dieu, l’engagement de la foi et la
méditation des Ecritures. L’Eglise prend conscience qu’elle est rassemblée
par Dieu pour rendre gloire à Dieu. « A la louange de sa gloire. »
C’est ainsi que s’achève l’énoncé des merveilles de Dieu dans l’hymne de
l’Epître aux Ephésiens 1, 3-14. Emerveillée, pleine de reconnaissance pour ce
que Dieu a accompli, la louange, inspirée par l’Esprit, débouche sur la
bénédiction. La mémoire des bienfaits de Dieu réalisés dans le Christ ouvre
les chrétiens à l’espérance. Cette tension vers l’avenir continue d’habiter
la louange ecclésiale, bien qu’elle ait reconnu dans la vie du Christ
l’intervention définitive de Dieu. Les chrétiens ne possèdent que les
premiers versements de l’héritage (Ep 1, 14). Ce n’est qu’à la fin des temps
qu’ils seront comblés en plénitude. Mais leur condition de
« sauvés » les remplit de joie et d’action de grâce. C’est donc en méditant les Ecritures que les communautés primitives ont surmonté le scandale d’un Messie souffrant. La prière d’Israël et les textes messianiques des prophètes et des sages avaient annoncé la souffrance du juste innocent. Le retour aux racines juives permettra au christianisme primitif de résister à la tempête causée par l’absence du Maître. Le calme reviendra lorsque Jésus ressuscité des morts apparaîtra à ses disciples. Retour
au tableau d’assemblage des séquences … |
|
|
|
|