Titre de l’ouvrage : Les racines juives du christianisme

Auteur : Frédéric Manns

Edition : Presses de la Renaissances

Séquence 08 : pages 047 à 050

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Paul le théologien

 

 

Un roi de France rencontra un jour des tailleurs de pierre en pleine tâche. A sa question « Que faites-vous ? », le premier répondit : « Sire, je taille des pierres » ; le deuxième dit : « Sire, j’assemble des pierres taillées » ; et le troisième : « Sire, je construis une cathédrale. »

Le corps mystique du Christ

Parmi les messagers de la Bonne Nouvelle, Paul est celui qui construit la première cathédrale de la pensée chrétienne. La rosace qui éclaire et transfigure tout son édifice, c’est l’apparition du Christ ressuscité sur le chemin de Damas. Cette expérience, dure et bienfaisante, à la fois, illumina Paul malgré la cécité momentanée. Instrument de choix, éclairé par l’Esprit Saint, instruit par les autres apôtres, l’Apôtre tirera les conséquences de cette rencontre inespérée. Persécuter les chrétiens,


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C’était persécuter Jésus lui-même. En un éclair, Paul, l’intuitif, a compris toute la doctrine de l’Eglise comme corps mystique du Christ. Le Christ est la tête du corps dont les chrétiens sont les membres.

Parmi les vérités qui apparaissent en relief dans les épitres et qui éclairent la cathédrale de Paul comme des vitraux, il faut indiquer la primauté du Christ, la place essentielle de la Résurrection, la justification par la foi en Jésus-Christ et l’union intime de tous les croyants dans le Christ et entre eux.

La doctrine de la primauté du Christ avait déjà été célébrée dans l’hymne pré-paulinienne aux Colossiens. C’est dans l’ordre de la création et de la recréation que Christ a obtenu la primauté. Tout a été créé par lui et en vue de lui. Par sa résurrection des morts, il est devenu le premier-né d’entre les morts.

Paul prêche assidûment la Passion, au point de pouvoir dire qu’il affichait l’image de Jésus crucifié devant ses auditeurs (Ga 3, 1). Mais il ne sépare jamais la résurrection du Christ de son sacrifice rédempteur. Il aimait répéter les formules kérygmatiques qui annonçaient la mort et la résurrection de Jésus. Il n’a probablement pas connu Jésus durant sa vie mortelle (2 Co 5, 16), mais il a vu le Christ ressuscité. L’apparition sur le chemin de Damas l’a constitué authentiquement apôtre 1 Co 9, 1) et il garde toujours dans son cœur l’ineffaçable souvenir de la manifestation du Seigneur de Gloire. (1 Co 2, 8). Il se réfère sans cesse à la Résurrection comme à l’évènement décisif sans lequel la foi chrétienne serait vaine et sans objet (1 Co 15, 14-17). Il y voit l’exemplaire et la cause de la résurrection spirituelle du chrétien, et le gage de la résurrection corporelle qui couronnera au dernier jour l’œuvre rédemptrice (Rm 6, 4-11).


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Le retour du Christ

Les lettres de Paul sont des écrits de circonstance. C’est pour répondre aux questions pastorales concrètes qu’il dicte ses lettres, cependant signées de sa main. Dans les lettres aux Thessaloniciens, Paul aborde le problème du retour du Christ, ou de la parousie. Parousie signifie « présence ». Le terme était réservé pour la visite des grands personnages. Dans le Nouveau Testament, particulièrement chez Paul, il désigne aussi l’avènement glorieux du Christ à la fin des temps (1 Th 3, 13). La chrétienté primitive vivait dans un ardent désir de cet avènement. Paul partageait ce désir. La parousie marquera l’achèvement de la rédemption et l’établissement total et définitif du règne de Dieu. La victoire du Christ sera ainsi définitive. Une représentation mal comprise de cette espérance provoqua à Thessalonique la conviction d’un retour prochain du Sauveur, au point que certains fidèles se croisaient les bras et vivaient dans l’oisiveté. L’attente du Christ était devenu une attente passive. L’Apôtre reprend avec vigueur les Thessaloniciens (1 Th 4, 11-12). Plusieurs parmi eux étaient morts depuis leur accès au christianisme. D’où l’inquiétude de la communauté ; ces morts allaient-ils manquer la venue du Seigneur ? Paul se sent solidaire de cette angoisse. La réponse qu’il donne puet se résumer ainsi : avant la venue du Seigneur, les morts ressusciteront. Ensuite, nous les vivants, qui seront encore là, nous serons pour toujours avec le Seigneur (1 Th 4, 15-17). Cette consolation semble insinuer que Paul ait attendu l’évènement définitif de son vivant. Mais ce n’est pas pour lui un motif de ne vivre que


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d’attente. Paul prêche la vigilance. Il s’agit de revêtir la cuirasse de la foi et de la charité, le casque de l’espérance. « Nul ne sait le jour ni l’heure » : raison supplémentaire pour être prêt.

Paul enseigne au surplus que la conversion des païens, puis celle es juifs, précèdera la parousie (Rm 9-11)., ce qui semble suggérer un délai prolongé. Le Christ doit présenter à son Père les fruits de sa victoire. Et tant que tous ne sont pas rentrés dans l’unique bercail, le retour du Christ dans la gloire est retardé. Paul insiste aussi sur les luttes, les divisions et les apostasies qui précèderont le retour du Christ (2 Th 2, 1-12), mais il le fait en termes obscurs, comme dans tous les passages apocalyptiques du Nouveau Testament. La Bible avait entrevu avant la fin du monde un dernier sursaut du mal (Ez 38-39). Paul souligne deux points qui lui semblent importants. Le premier est que la mort introduit dans la société du Christ ceux dont la vie a été conforme à l’Evangile. Le second est que la dernière génération qui sera témoin de la parousie aura le privilège de ne pas passer par la mort (1 Th 4, 15-18) ; les corps seront transformés en un clin d’œil et rendus semblables aux corps des défunts désormais ressuscités. Paul rappelle ainsi que le définitif est encore à venir. La preuve en est que le mal est toujours mystérieusement présent et actif dans le monde. L’urgence de l’annonce de la Parole et de la conversion en découle.

 

 

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