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Titre
de l’ouvrage : Les racines juives du christianisme Auteur :
Frédéric Manns Edition :
Presses de la Renaissances Séquence 10 : pages
055 à 058 055 L’unique commandement de l’amour La
mentalité grecque favorisait la connaissance. Apollon est le dieu des
Beaux-arts et de la Clarté. Paul rappelle aux Corinthiens que la science doit
être au service de la charité. La communauté se construit grâce aux dons
spirituels dont Dieu la gratifie. Ces charismes sont divers, mais ils doivent
servir à l’édification du corps de Christ qu’est l’Eglise. Ces dons
proviennent de l’Esprit. C’est un seul et même Esprit qui opère dans l’Eglise
et qui distribue ses dons, comme il l’entend. Paul reprend alors aux rhéteurs
romains la comparaison du corps que le Midrash juif connaît également :
de même que le corps est un tout en ayant plusieurs membres, et que tous les
membres ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ. C’est en un
seul Esprit, que nous avons été baptisés pour ne former qu’un corps. :
Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres. Paul répètera souvent qu’il n’y a
plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme. Dans le
Christ, tous ne forment qu’un seul corps. Pour comprendre cette insistance,
il faut se rappeler que, dans la prière du matin, le juif récitait une triple
bénédiction : « Je te bénis de ne pas m’avoir créé païen, mais
juif, de m’avoir créé libre et non pas esclave, homme et non pas
femme. » après la résurrection du Christ, cette formule est devenue
désuète aux yeux de Paul. Parmi
les dons les plus nobles, tous doivent céder le pas à l’amour (1 Co 13, 13).
C’est encore l’amour-don qui permet aux chrétiens de participer dignement au
culte eucharistique. En établissant des différences, entre eux dans le manque
de partage, les chrétiens offensent la charité fraternelle indissociable du
Repas du Christ (1 Co 11, 17-34). 056 Continuité des deux Testaments Paul
est le théologien de la continuité du plan divin de la Rédemption qui
apparaît d’une part dans l’identité fondamentale entre l’état du chrétien
justifié ici-bas et l’état glorieux qui lui est promis. Le
premier Testament, qui s’accomplit dans le Nouveau (Rm 1, 2 ; 3, 21), a
un caractère typologique et prophétique : c’est l’un des points sur
lesquels Paul a été profondément éclairé par l’Esprit. Le Christ est le oui
par excellence : toutes les promesses faites par Dieu à Israël ont
trouvé en lui leur réalisation (2 Co 1, 19-20). Paul cite nommément le
premier Testament plus de deux cents fois et un rapide coup d’œil sur
traduction des Epîtres permet de se rendre compte qu’en dehors des citations
explicites les réminiscences de la Bible sont continuelles, conformément à
l’usage des rabbins qui recourent aux textes bibliques pour appuyer leurs
raisonnements. Les citations sont faites le plus souvent d’après la version grecque des Septante, commune
aux juifs et aux chrétiens de la Diaspora, la plupart des convertis ne
connaissant pas l’hébreu. Il arrive que les citations soient approximatives
et faites de mémoire, et qu’elles soient de simples illustrations de la
pensée par une référence à l’Ecriture. Parfois même, Paul se rapproche des
traditions targumiques lues à la synagogue. Quelquefois, le raisonnement de Paul ne correspond pas à notre logique. Ainsi, la diffusion rapide de l’Evangile est soulignée dans l’Epitre aux Romains (10, 18) par un verset du psaume où il est question du langage silencieux des astres perçu partout. Cette accommodation n’est pas un argument scripturaire, il s’agit d’un simple 057 procédé
littéraire courant chez les juifs. Mais Paul cite aussi des prophéties
véritables, par exemple quand il déclare que le Christ est mort pour nos péchés
et qu’il est ressuscité conformément
aux Ecritures (1 Co 15, 3-4). Et il cite souvent la Bible au sens
littéral, comme Osée (2, 25), dans Rm 9, 25-26. D’autres
fois, Paul donne au texte une plénitude de sens que
l’auteur sacré n’avait sans doute pas
aperçue, mais était voulue de Dieu et qu’il
reconnait à la lumière de la révélation
évangélique. C’est à lumière de la
Résurrection que l’Ecriture trouve son vrai sens. La
justification par la foi dans Habaquq 2, 4 signifiait directement que
la foi en les promesses divines serait récompensée par la
fin de la captivité de Babylone. Paul voit dans cette
libération historique l’annonce de la délivrance
véritable, le salut messianique, qui sera libération du
péché et source de la vraie vie du prophète :
« Le juste vivra par la foi » est approfondi dans
une ligne qui ne le déforme pas, puisqu’il s’agit de
confiance en la parole de Dieu (Ga 3, 11), révélation
encore fragmentaire au temps du prophète et
complétée par le Christ (He 1, 2). Paul corrobore cet
argument par le psaume 142, 2, où il est dit que personne
n’est juste devant Dieu (Ga 2, 16). Il applique au cas des juifs
qui attendent de la torah leur justification l’affirmation sans
restriction du psaume, et il s’estime fondé à
déclarer que personne n’est justifié par les
œuvres de la Torah, ce qu’il établit en outre par
d’autres versions dans les versets qui suivent (Ga 2, 17).
Certains raisonnements scripturaires de Paul ne cessent
d’étonner le lecteur. Quand on se rappelle la formation
rabbinique de Paul, on comprend mieux ses méthodes de lecture et
son approche du texte inspiré. 058 Pour
Paul, l’olivier représente l’ensemble des élus qui bénéficient de la promesse
faite à Abraham, promesse décidée par Dieu avant le commencement du monde.
Paul a la certitude que la promesse de dieu concernant le salut d’Israël
ainsi que son élection demeurent inchangée, bien que la majorité du peuple de
Dieu ne reconnaisse pas l’agir de Dieu en Christ. Paul y voit « l’infidélité » (Rm 11, 23) mais
il dit aussi qu’à la fin des temps Dieu pourrait à nouveau « greffer les
branches coupées », et qu’il le fera (Rm 11, 24). C’est de la Bible
qu’il tire la promesse de Dieu selon laquelle « de Sion viendra le
Rédempteur », et qu’ « ainsi tout Israël sera sauvé » (Rm
11, 26), par-delà les réalités historiques d’Israël et de l’Eglise. Paul
comprend l’entrée des païens dans l’unique élection originelle à travers
l’image de la greffe des branches sauvages sur l’olivier franc, comme le
signe qu’à la fin Dieu n’agira pas différemment avec les « branches
coupées ». Selon Paul, les païens n’ont en aucun cas pris la place des
juifs, mais Dieu agit de façon souveraine pour les deux (Rm 11, 21-24). Paul
précise que les croyants ne peuvent se glorifier parce qu’il n’y a rien dans
leur nature qui mérite de partager les bénédictions de Dieu. Même le fait
d’avoir la foi n’est pas une cause de fierté parce que la foi n’est pas un
fruit produit par l’homme, mais un don de Dieu (Ep 2, 8-9). L’Eglise est
dépendante d’Israël. En effet, « ce n’est pas toi qui portes la racine
mais la racine qui te porte ». Pour adorer Dieu « en esprit et en
vérité », ceux qui appartiennent à l’Eglise des Gentils ont besoin
d’être enracinés dans les Ecritures hébraïques. C’est alors qu’ils auront une
révélation plus complète de l’unique vrai Dieu. Retour
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