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Titre
de l’ouvrage : Les racines juives du christianisme Auteur :
Frédéric Manns Edition :
Presses de la Renaissances Séquence 14 : pages
077 à 082 077 4 Quatre greffes deviennent des
branches « Si un
olivier est négligé et abandonné quelque temps dans le désert, il se met à
produire des fruits sauvages et devient de lui-même un olivier sauvage ;
par contre, si cet olivier sauvage est entouré des soins et enté sur olivier
franc, il reviendra à la fertilité primitive de sa nature. » Irénée de Lyon, En
prêchant le royaume de Dieu, Jésus ne songeait pas à fonder une communauté de
parfaits. C'est tout Israël qu'il voulait rassembler. Devant l'incrédulité des
responsables religieux, Jésus se rendit compte que le message ne passait pas.
Il annonça que, du levant et du couchant, viendraient des gens pour prendre
part au festin avec Abraham et les Patriarches. Au fur et à mesure que
l'espoir de la conversion d'Israël s'éloignait, le Royaume prit à ses yeux la
dimension du temps. Pour les païens, il devenait urgent
de conserver les paroles du 078 Maître. Pour les
juifs, la nouveauté du message de Jésus devait être rappelée : ce n'est
pas le judaïsme qui s'est approché de Dieu par l'observance de la Torah et
des bonnes œuvres, c'est Dieu qui s'est approché de son peuple et de tous les
hommes gratuitement, miséricordieusement, parce qu'il est le Dieu fidèle. La rédaction des
Evangiles Les
Evangiles ne furent mis par écrit que quelques décennies après la mort de
Jésus. C'est dire que ces textes ont eu une préhistoire. L'opinion commune
des exégètes veut que la première mise par écrit des paroles de Jésus soit à
dater des années 50, dans un recueil appelé La Source, en allemand Quelle
(abrégé Q). Jésus y était défini comme un sage, auquel on attribuait un
seul geste thaumaturgique : la guérison à distance du serviteur d'un centurion
(Mt 5, 5-13, soit Lc 7, 1-10). La
seconde, étape de la rédaction des Evangiles
aurait été celle de l'Evangile de Marc, aux alentours de l'an 70. Bultmann
est d'avis que Jésus fut présenté comme un « homme divin» (theios anèr), à
l'imitation des héros de la mythologie grecque. De nombreux miracles lui furent
alors attribués. La
troisième étape aurait été la composition des Évangiles de Matthieu et de
Luc, vers 80-90. Ces Évangiles auraient paraphrasé Marc et inséré dans sa
trame diverses paraboles, ainsi que les traditions contenues en Q. Rédigés à
la même époque, dans des milieux différents, Matthieu et Luc ne se seraient
pas connus et seraient indépendants l'un de l'autre. La croyance en la
divinité de Jésus s'étant développée, on s'explique que ces Évan- 079 giles aient fait précéder
l'histoire de son ministère de récits relatant son enfance merveilleuse, et
l'aient fait suivre de récits d'apparitions du Ressuscité, situés en Galilée,
selon Matthieu, et à Jérusalem, selon Luc. Une dernière étape aurait été la
rédaction du quatrième Évangile, à la fin du 1er siècle. Ce
nouveau recueil utiliserait une tradition originale, différente de celle des Synoptiques.
La première forme de cette tradition aurait été un recueil de
« signes » (Sèmeiaquelle), enrichi par un recueil de « révélations »
(Offenbarungsquelle), présentant Jésus comme un être céleste, venu
d'en haut, et retournant là où il était auparavant. Ces opinions
traditionnelles doivent cependant être soumises à la critique. Jésus
n'a rien écrit. C'est un fait indéniable. Il a prêché la Bonne Nouvelle en se
servant de paraboles : le royaume des cieux ressemble à du levain, à un
filet, à la graine de moutarde. Il avait eu recours au genre littéraire des
Béatitudes, connu dans la littérature sapientielle et dans les textes de la
mer Morte. Parfois, il s'était exprimé comme le maître de justice des
documents esséniens. « On vous a dit, mais moi je vous dis. »
Cependant son autorité ne pouvait laisser indifférents ses auditeurs. Il n'enseignait
pas comme les scribes. A ses disciples, Jésus a donné l'ordre de proclamer
son enseignement: « Allez de par le monde proclamer la Bonne Nouvelle à
toute la création. » De
quelle manière les évangélistes ont-ils répercuté sa parole ? Quel but
visaient-ils dans la prédication de l'Évangile ? Quels motifs
provoquèrent la formation et l'élaboration d'une tradition évangélique ?
Pourquoi quatre Évangiles différents et non pas un seul ? Comment est-on
passé des traditions orales à la mise 080 par écrit ?
Quelles techniques de mémorisation ont été retenues ? Quelle est la part
personnelle des évangélistes dans la rédaction définitive ? Comment
distinguer tradition et rédaction ? Comment remonter des Evangiles
écrits aux premières formes littéraires employées par les évangélistes ? Le passage de la
tradition orale à l'écrit Les
problèmes sont nombreux, mais leur solution n'est pas insurmontable. La
littérature rabbinique a connu les mêmes difficultés. Il suffit de rappeler
que la Mishna, rédigée vers l'an 200 de notre ère, rapporte des traditions dont
certaines sont contemporaines des Évangiles. La période de tradition orale
fut beaucoup plus longue dans le milieu rabbinique. Les mêmes procédés de
transmission du texte se retrouvent de part et d'autre. C'est dire que la
solution des problèmes qui nous préoccupent doit être cherchée dans les
milieux juifs contemporains. Même le problème synoptique n'est pas inconnu
dans les textes rabbiniques où des traditions sont répétées avec des
variantes dans différents traités. Une
lecture, même rapide, des Evangiles montre que les discours et les récits de
Jésus sont souvent constitués d'enfilades de petites unités littéraires qui
eurent à l'origine une vie autonome. L'exemple classique est le discours de
Jésus sur la montagne où Matthieu regroupe différents thèmes par le procédé
du mot-crochet. Cette technique consiste à répéter à la fin d'une unité et au
début de l'unité suivante un même mot pour faciliter la mémorisation. Il
arrive que ces sentences et ces épisodes ; changent de place et s'intervertissent
suivant les Evan- 081 giles. Ainsi, les
trois premiers Évangiles situent la purification du Temple à la fin de la vie
publique de Jésus, tandis que Jean la place au début de la prédication de Jésus. La prédication
primitive L'étude
des premiers documents contenus dans les Actes des Apôtres qui relatent le
kérygme primitif et les sommaires des discours de Pierre permet de saisir le cœur
de la prédication apostolique, mais aussi les procédés didactiques mis en œuvre
par l'Eglise primitive encore très proche de la synagogue. Par ailleurs, les
évangélistes ont connu la Bible interprétée par la synagogue et appelée le
Targum. Bien des relectures de la synagogue seront reprises par
les Evangiles et appliquées au Christ. L'exemple d'Isaac, désigné dans le Targum
comme agneau du sacrifice, revient à toutes les mémoires. La ligature d'Isaac
qui valut des mérites à tous ses descendants est reprise dans la Passion de Jésus
selon saint Jean. En effet, Jésus est présenté devant Anne, les mains liées.
Le puits de Jacob, dont l'eau jaillit à la rencontre du Patriarche dans la
version synagogale, rappelle par plus d'un trait la théologie johannique. Il
n'est pas sans intérêt de souligner que les évangélistes ont eu leur première
formation dans la synagogue. C'est dire que les techniques de transmission de
l'Évangile sont identiques à celles qui avaient cours dans le milieu juif.
Point n'est besoin de chercher des modèles dans le milieu grec. La mission de
l'Église, la catéchèse des néophytes et la liturgie qui célébrait la mort et
la 082 résurrection du
Christ ont joué un grand rôle lorsqu'il s'est agi de mettre par écrit le
récit du kérygme. Retour
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