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Titre
de l’ouvrage : Les racines juives du christianisme Auteur :
Frédéric Manns Edition :
Presses de la Renaissances Séquence 15 : pages
082 à 086 082 Jésus, source de
la tradition C'est
en Galilée que Jésus commença à prêcher le royaume de Dieu. Il se présenta
comme la Bonne Nouvelle du salut. Avec une autorité supérieure à celle des
scribes, il appelle des juifs à le suivre, à devenir ses disciples, comme la
Sagesse avait invité les hommes à la suivre, comme les prophètes avaient
formé des disciples. Pour manifester la gratuité du don de Dieu, Jésus était
allé vers les pécheurs et les exclus du Royaume. C'est à eux en priorité
qu'il a proposé l'amitié de Dieu et la réconciliation. Dans
le milieu juif, la tradition orale l'emportait sur la tradition écrite. La
mémoire du peuple juif est remarquable. Mais, comme toute mémoire, elle a
besoin de techniques pour l'étayer. Un enfant juif apprenait des portions
importantes de la Torah et récitait de mémoire les psaumes lorsqu'il se
retrouvait dans les assemblées liturgiques. Les sentences rythmées du livre
des Proverbes et les jeux de mots repris par les prophètes - qu'on se
rappelle le récit de la vocation de Jérémie - contribuaient à enraciner les
textes dans la mémoire. Jésus doit beaucoup à son milieu religieux et
culturel auquel il a adhéré avec toutes les fibres de son être. La règle d'or du
Deutéronome, le Shema Israel, « Écoute Israël », signifie
que le juif écoute, répète et retient. Dans les écoles, la répétition,
souvent à voix haute, était la technique la plus employée. Hillel et Sham- 082 maï, les deux
maîtres contemporains de Jésus, fondaient leur enseignement sur la
mémorisation. Cependant,
Jésus n'a pas formé ses disciples comme les rabbins. Plus que la
mémorisation, c'est l'actualisation vécue du message qui est importante. Il
faut écouter et mettre en pratique l'enseignement du Maître. Après leur avoir
expliqué « dans la maison » l'enseignement qu'il avait donné aux
foules, Jésus les envoyait deux par deux dans les villages de la Galilée. Les
disciples avaient ainsi l'occasion de répéter l'enseignement de leur Maître.
Devoir enseigner aux autres suppose une assimilation du message qu'on
transmet. L'envoi
en mission des disciples constitue un élément important de la transmission du
message oral de Jésus. L'annonce du royaume de Dieu aux pauvres et aux petits
provoquait la grogne des partisans du système pharisien. Des discussions
étaient inévitables. Les apôtres rapportaient à leur Maître les problèmes
qu'ils avaient rencontrés. Le Maître continuait la formation des siens en
leur expliquant le sens des Écritures. Au
point de départ de la tradition évangélique se situe Jésus qui accomplit les
prophéties messianiques de la Bible et qui explique les Écritures. Jésus ne
se contente pas d'enseigner et d'expliquer la Bible comme les rabbins, il
inaugure une tradition nouvelle. Le cœur de cette tradition nouvelle, c'est
la conscience claire qu'a Jésus de sa mission et de son être. Il appelle Dieu
son Père et sait par la voix qu'il a entendue au baptême qu'il est le Fils.
Cette conviction marque d'une empreinte unique ses gestes et son
enseignement. Après le
printemps de Galilée, Jésus monta à Jérusalem où il devait connaître le sort
réservé au Serviteur de Yahvé. Bien des fois il avait médité les textes du
prophète 084 Isaïe et avait
accepté sa mort. Sa lecture de l'Ecriture se voulait existentielle. Lorsque
au matin de Pâques les disciples eurent la certitude que le Christ était
vivant, les actes et les paroles de leur Maître prirent un relief nouveau,
comme un paysage se transfigure lorsque le soleil se lève. En donnant à Jésus
le titre de Seigneur, ils entendaient affirmer l'identité du Jésus de
l'histoire qu'ils ont connu et du Seigneur de la foi qui reste avec eux
jusqu'à la fin des temps par son Esprit. L'événement
de la Pâque ne creusa aucun fossé entre le Jésus de l'histoire et le Christ
de la foi, mais il fit jaillir une gerbe de lumière qui donna à la communauté
des croyants la signification profonde de ce qu'ils avaient vu et entendu.
Jean, dans son Evangile, affirme clairement que ce n'est qu'après Pâques que
les disciples comprirent les paroles de Jésus. C'est à la lumière de la
Résurrection que la tradition évangélique fut relue et approfondie. Plus que
l'histoire comme suite d'événements, c'est l'histoire du salut qui intéresse
les évangélistes. La lumière qui jaillit des Ecritures après la Résurrection
éclaire la vie et l'enseignement de Jésus. La lumière de la
Pâque L'expérience
de la Pâque et du don de l'Esprit força les disciples à sortir de leur ghetto
et à proclamer la résurrection du Christ. C'est le Maître de Nazareth qui est
le Sauveur promis jadis par les prophètes. C'est lui le Serviteur que Dieu a
exalté. Telle est la première forme de l'Evangile, de l'annonce de la Bonne Nouvelle
qui bouleverse le monde, puisque tous les hommes sont appelés à la
conversion. Probablement, des formules kérygmati- 085 ques virent le
jour assez rapidement après Pâques. On y proclamait :
Jésus est mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification.
L'annonce de la Résurrection provoqua des remous parmi les juifs. Certains
crurent, mais d'autres refusèrent de croire. Leur rejet du Christ allait
poser problème aux disciples. Comment expliquer l'endurcissement du peuple
élu ? Foi et crises de
la foi Face
aux juifs qui refusaient d'admettre la messianité de Jésus, la prédication
missionnaire, dut fournir des preuves. Il s'agissait de
trouver dans les Ecritures d'Israël des textes annonçant un messie souffrant
qui serait glorifié par Dieu. Souvent, dans la version synagogale du Targum,
les textes messianiques étaient plus clairs que dans le texte hébreu de la
Bible. Il fallait aussi rappeler les miracles que
Jésus avait réalisés. Tous ces signes témoignaient que Dieu était avec lui.
Impossible de relater tous les faits et gestes de Jésus. Il suffisait
de rapporter ceux qui accomplissaient l'attente d'Israël. Isaïe n'avait-il pas
annoncé que le Messie rendrait la vue aux aveugles, qu'il redresserait ceux
qui sont courbés ? À
force de répéter ces récits de miracles, les disciples en firent des chaînes
montées selon les lois du style oral et populaire : recherche de
mots-crochets qui permettent de relier les récits les uns aux autres,
préparation de la pointe finale du récit, élimination des personnages et des
circonstances secondaires, images empruntées à la Bible pour exprimer le sens
profond du miracle. Il suffit de relire le récit de la guérison
de la belle-mère de Pierre. 086 Tout
le récit culmine dans le verset final: « Elle les servait. » Le récit du martyre d'Etienne dans les Actes des Apôtres indique que les réactions dans les milieux juifs incroyants furent parfois violentes. L'annonce de la Résurrection provoquait des controverses passionnées dans lesquelles les citations bibliques constituaient un argument décisif. Ainsi prirent forme des chaînes de controverses. L'argument « selon les Écritures » avait son poids. Même l'aveuglement du peuple juif était prédit dans les Écritures par le prophète Isaïe. |
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