La foi des protestants

Bien des clichés surgissent à propos du mot « protestant ».

Certains l’assimilent à anticatholique, d’autres évoquent la Réforme du XVIème siècle. Les mots « individualisme », « diversité » ou « rigueur » viennent à l’esprit, à moins de définir les Protestants simplement comme « Hommes de la Bible ».

Faire remonter le protestantisme au XVIème est vrai seulement en partie car, comme d’autres chrétiens, les Protestants se réclament de Jésus Christ et de ses apôtres et sont loin de récuser toutes les doctrines et pratiques ayant surgi entre le 1er et le XVIème siècle, même si la Réforme a été un effort de purification, et qu’il est vrai que le protestantisme est lié à l’action de Luther, de Calvin et des autres réformateurs.

Le mot « Protestant » fut appliqué en 1529 à des dirigeants politiques refusant à l’empereur Charles-Quint le droit d’imposer par la contrainte une foi qu’ils jugeaient non-évangélique. En 1521, Luther avait déjà « protesté » parce qu’on voulait lui faire rétracter ses convictions sans le convaincre par des arguments tirés de la Bible.

Au long des siècles, les Protestants protestèrent contre tout ce qui, à leurs yeux, majorait l'Eglise institutionnelle (en particulier la hiérarchie et le clergé) et des intermédiaires tels que les saints et la Vierge par rapport à Jésus Christ, seul intermédiaire entre Dieu et les hommes. Ils protestèrent également (pas toujours assez !) face aux tentations de contraindre les hommes à la foi.

Mais, fondamentalement, le non exprime un oui. Les Protestants ne sont pas des opposants systématiques, mais des témoins de Jésus Christ, attachés particulièrement à certains aspects du message chrétien qu’ils jugent essentiels.

Un thème majeur : Le salut gratuit et la place primordiale de la foi.

A l’origine de la démarche de la démarche de Luther, il y avait une question simple : qu’est-ce qui fait de l’homme un chrétien ? Qu’est-ce qui lui permet de vivre dans la confiance envers Dieu ?

Luther trouva la réponse chez l’apôtre Paul qui parle de la justification par la foi (Romains 3,21-31). Cela veut dire que le salut est un don gratuit de Dieu : l’homme reçoit le pardon, vit en nouveauté de vie non par ses actes, mais parce que Dieu l’accepte, lui parle, entre en rapport avec lui par Jésus Christ reçu dans la foi.

Ce message fut libérateur au XVIème siècle pour des hommes angoissés par le jugement de Dieu. Il l’est toujours pour nous qui sommes souvent tentés d’identifier l’homme à ses réussites et ses échecs, alors qu’être homme, c’est d’abord vivre de l’amour gratuit de Dieu.

Dans cette perspective, le protestantisme a toujours été un effort passionné pour mettre la foi au premier plan de la vie chrétienne, étant entendu que la véritable foi est autre chose qu’un ensemble de croyances et d’opinions ou qu’un simple sentiment religieux, autre chose aussi que l’appartenance extérieure à une Eglise ou simple accomplissement de certains rites. Elle est la relation de confiance avec Dieu, qui naît quand l’homme entend la Parole de Dieu et que Jésus Christ pénètre dans sa vie.

La foi, la morale et les engagements des Protestants

Proclamer la gratuité du salut, n’est-ce pas relativiser les règles morales et rendre superflus nos efforts et nos bonnes œuvres ? L’histoire des Protestants montre que telle ne fut pas la conséquence du message de la justification par la foi. Les Protestants s’engagèrent de multiple manière dans la société et pratiquèrent souvent une morale que certains qualifièrent d’austère. Non plus pour « gagner le ciel », mais pour glorifier Dieu et pour œuvrer au sein de sa création, au niveau le plus quotidien de la vie humaine, et au service du prochain. On a souligné particulièrement l’engagement personnel des chrétiens, responsables devant Dieu seul.

L’autorité de la Bible

 

 

 

 

La place de la Bible dans la piété personnelle et familiale, dans l’enseignement et le culte des Protestants est un fait bien connu, encore que l’impact soit moins fort aujourd'hui. Avec l’ensemble des chrétiens, les Protestants proclament l’autorité de la Bible, mais en insistant davantage que d’autres sur sa primauté par rapport à la tradition et à l’enseignement de l'Eglise. Par fidélité au témoignage biblique, ils récusent certains développements doctrinaux tels que les dogmes de l'Eglise catholique romaine relatifs à l’infaillibilité du Pape ou à l’assomption de la Vierge. En liant le Saint Esprit au témoignage biblique, ils ont également refusé l’illuminisme qui prônait l’action directe du Saint Esprit sur les hommes.

Les Protestants croient en l’unité profonde des divers livres bibliques qu’il importe de lire en fonction du centre de la Bible qui est Jésus Christ, Seigneur et Sauveur. Ils pensent que la Bible doit s’imposer par elle-même et s’interpréter à la lumière de ce centre. Ils récusent l’idée qu’il faudrait un magistère ou l’intervention de la raison pour exprimer l’unité profonde de la Bible et garantir la vérité de son message. Mais ils insistent sur le rôle du Saint Esprit qu’il faut invoquer dans la prière et qui seul peut faire du témoignage biblique un message touchant personnellement le croyant. Pour actualiser le message biblique et exprimer la foi commune, les Protestants ont mis en œuvre des Confessions de foi comme par exemple la Confession d’Augsbourg et la Confession de La Rochelle.

Le Culte

 

 

 

 

Les Protestants célèbrent des cultes, ils se réunissent pour des études bibliques. Dans les cultes on annonce et on écoute la Parole de Dieu (lecture de la Bible, prédication), on célèbre les sacrements (au nombre de deux : le baptême et la sainte cène), on chante et on prie. Le culte est d’abord l’occasion pour la foi de se nourrir de l’écoute de la Parole de Dieu qui lui est adressée en particulier sous la forme de la prédication, fondamentale dans le culte protestant, mais aussi sous la forme visible du sacrement de la sainte cène. Il est ensuite, en réponse à la grâce de Dieu, l’action de grâce des hommes, c'est à dire la louange communautaire et la prière d’intercession adressée à Dieu par l’intermédiaire de Jésus Christ seul. On sait la place fondamentale de la prédication dans les cultes protestants, mais notons aussi que la célébration de la sainte cène est redevenue plus fréquente. La compréhension de ce sacrement a fait dans le passé l’objet de certaines divergences parmi les Protestants : les Luthériens insistant sur la présence réelle du corps et du sang du Christ, liés au pain et au vin de la cène, les réformés atténuant ce lien ou comprenant la cène de façon plutôt spirituelle. Des évolutions récentes tendent à rapprocher les points de vue.

L’Eglise

 

 

 

 

Malgré certaines apparences, les Protestants n’ont pas voulu supprimer l'Eglise visible ni prôner un individualisme sans Eglise. Il est vrai qu’ils ont relativisé la tradition, la hiérarchie et l’uniformité des rites pour définir l'Eglise. Celle-ci est d’abord, pour eux, un événement.

Il y a Eglise, dira la Confession d’Augsbourg, là où « l'Evangile est prêché purement et les sacrements administrés d’une manière conforme à l'Evangile » (article VII). Les institutions ecclésiales, les cérémonies, les divers ministères sont au service de cet événement (en coopérant à l’action décisive du Saint Esprit). En même temps les Protestants comprennent l'Eglise comme communauté de foi, plutôt que comme institution ou structure hiérarchique. Ils insistent sur le sacerdoce universel des chrétiens qui sont tous prêtres par le baptême et la foi. Tous peuvent donc intercéder pour les autres auprès de Dieu et ont part à la mission apostolique de témoigner de l'Evangile en paroles et en actes. Pourtant les ministères particuliers au sein de la communauté chrétienne n’en sont pas supprimés pour autant : pasteurs, catéchètes, diaconesses et d’autres encore sont à l’oeuvre dans les Eglises protestantes.

L’Eglise comprise à partir de l’action de Dieu à travers la Parole et les sacrements pourra prendre des formes très diverses : paroisse locale, mais aussi mouvements et œuvres. Plus que par le passé, les Protestants s’efforcent aujourd'hui de manifester l’unité profonde de ceux qui confessent Jésus Christ, sans tomber pour autant dans une uniformité réductrice.

Pour plus de détails cf. :

R. De Pury, Qu’est-ce que le protestantisme ? Paris, Les Bergers et les Mages, 1961.

M. Lienhard, Foi et vie des Protestants d’Alsace. Strasbourg, Oberlin, Wettolsheim-Colmar, Mars et Mercure, 1981.

A. Gounelle, Les grands principes du protestantisme. Paris, Les Bergers et les Mages, 1985.

Ce texte a été rédigé par M. Lienhard et édité à l’initiative de la commission de formation biblique et théologique de l'Eglise de la Confession d’Augsbourg et de l'Eglise Réformée d’Alsace et de Lorraine, 1, quai St Thomas, 67081 Strasbourg Cedex.