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   CROIX
  | 2008 Ce qui va mieux | 08 10 08 | n° 38177 | Le récent plan
  de relance de l’agriculture sénégalaise semble porter ses fruits. Le président sénégalais Abdoulaye Wade se félicite : avec un total espéré de
  1,8 million de tonnes, la production de céréales dans son pays devrait plus
  que doubler en 2008, par rapport à l’année précédente. De bonnes pluies et un
  vigoureux plan de relance lancé au printemps en faveur des cultures
  céréalières et vivrières devraient permettre de faire passer de 17 % à 31 %
  le taux de couverture des besoins nationaux par les récoltes effectuées
  durant l’hivernage (juillet à novembre). Un pourcentage qui passera à 40 % en
  y ajoutant les récoltes de la contresaison froide (novembre à mars) et de la
  contre-saison chaude (mars à juillet).
 Ces résultats sont en partie le résultat de la « Grande offensive pour
  l’alimentation, la nourriture et l’abondance » (Goana) lancée par Abdoulaye
  Wade en avril. Le pays est alors frappé de plein fouet par la crise
  alimentaire provoquée par un
  brutal renchérissement du prix des produits agricoles. Dépendant à 80 % des
  importations alimentaires, il est notamment confronté à la flambée des cours
  du riz et à la décision de la Thaïlande, son principal fournisseur, de geler
  ses exportations.
 « J’ai voulu relever le défi » , expliquait hier à Évian le président sénégalais, en marge d’une
  réunion internationale, la World Policy Conférence. Depuis plusieurs années,
  la stratégie agricole avait privilégié les cultures d’exportation. Le total
  des terres utilisées pour les cultures pluviales avait baissé en cinq ans de
  près de 20 %. Au printemps, le Sénégal renverse la vapeur et décide
  d’accroître très fortement les superficies cultivées : + 141 % pour le mil,
  +1 799 % pour le fonio, + 136 % pour le riz irrigué, + 348 % pour le maïs,
  qui est aussi destiné à l’alimentation d’animaux. Sur un budget estimé à 525
  millions d’euros (345 milliards de francs CFA), l’État en consacre 56 % en subventions pour l’achat des semences,
  des engrais et produits phytosanitaires et de matériels agricoles.
 Le président Wade va aussi frapper à la porte de l’Union européenne, de la
  France et de pays émergents pour obtenir des aides. Et c’est l’Inde qui a
  répondu présent, fournissant tracteurs, motopompes pour l’irrigation,
  charrues, tondeuses-coupeuses et empaqueteuses pour les récoltes. Le montant
  de cette aide n’est pas divulgué mais New Delhi s’est engagé dans une coopération
  avec un prêt sur vingt ans tandis que le Sénégal a mis à disposition de
  partenaires indiens 240 000 hectares de terres cultivables.
 « L’Europe n’est plus concurrentielle en termes d’aide » , a commenté hier Abdoulaye Wade, qui a
  pointé la lenteur de ses processus de décision. Renversant la perspective,
  devant un parterre de hauts responsables
  internationaux du monde entier, il a mis en valeur le potentiel de croissance
  que représente l’Afrique, notamment en ces temps de crise financière. Selon
  lui, les Européens auraient tout à gagner à investir massivement sur le continent
  noir, notamment dans des infrastructures qui accéléreraient son
  développement, ce dont profiteraient ensuite les investisseurs d’Europe. Cela
  assécherait en outre les liquidités qui circulent dans les places boursières
  du Nord. « Qui va gagner à
  l’avenir entre l’Europe, l’Amérique ou l’Asie ? Celui qui s’alliera avec
  l’Afrique ! » , a-t-il
  lancé.
 Alors que la tourmente agite les marchés financiers du Nord, Abdoulaye Wade a
  relativisé son impact sur les pays pauvres. « En Afrique, il y a 700 millions de paysans pour qui le plus
  important, c’est une bonne récolte » , a-t-il résumé, en concluant : « La crise financière, c’est une crise de riches ! Nous compatissons un
  peu ! »
 JEAN-CHRISTOPHE
  PLOQUIN
  (envoyé spécial de La Croix à
  Évian)
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