L’un des plus sombres épisodes de l’histoire de France

 

 

© REFORME
site du Journal le 24 août
par Augustine Paddily

Quatre siècles et demi plus tard,
le traumatisme de la Saint-Barthélemy demeure

Le 24 août 1572 débutait le massacre de la Saint-Barthélémy qui a fait des milliers de victimes protestantes. Un épisode qui, bien que peu commémoré, demeure largement connu des Français et même assimilé à un traumatisme national.

Certes peu commémoré, le massacre de milliers de protestants, entre 10 000 et 30 000 morts – débuté le 24 août 1572, jour de la Saint Barthélémy, continue de représenter un traumatisme pour les protestants, et plus généralement au sein de la société française.

 

“Tous les Français connaissent la Saint-Barthélemy”

Bien sûr, admet le pasteur Denis Vatinel, la dimension dramatique de cet événement s’est quelque peu atténuée quatre siècles et demi plus tard. « On y pense toujours le 24 août, souvent sur le ton de la plaisanterie entre protestants, en se conseillant de ‘’bien se barricader ce soir ‘’ et de ‘’faire attention à cette nuit’’ », raconte-t-il.

En tant que conservateur du Musée régional d’Histoire protestante au château de Bois-Tiffrais (Vendée), Denis Vatinel s’avère en effet bien placer pour témoigner du fait que cette sinistre période reste présente à l’esprit des visiteurs, protestants ou non. « Tous les français connaissent la Saint-Barthélemy, comme ils connaissent la prise de la Bastille, constate-t-il. C’est sûrement, dans notre roman national, l’un des souvenirs qui surnage sous forme de cauchemar. Même si les personnes ne savent pas forcément ce qu’il s’est passé, elles associent cette date à un massacre. » Ce pasteur va d’ailleurs jusqu’à évoquer « un traumatisme national dont on n’est pas guéri. »

Les excès du pouvoir absolu

Rares sont en revanche les signes visibles s’y référant. « Personne n’a intérêt à commémorer la Saint-Barthélemy », estime Denis Vatinel, précisant que les victimes continuent, elles, à être honorées, notamment l’amiral Coligny – assassiné chez lui dans la nuit du 23 au 24 août.

Or, cette absence de symboles se révèle historique. Le conservateur de musée n’a ainsi pas connaissance d’images contemporaines de cet épisode, à l’exception du tableau du peintre protestant François Dubois, réfugié à Genève après avoir survécu au massacre. « Au XVIe siècle, le pouvoir ne souhaite pas se vanter de ces actes. Et je ne vois pas comment les protestants auraient, de leur côté, pu illustrer cela, explique Denis Vatinel. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour trouver les premières gravures de la Saint-Barthélémy dans le contexte des Lumières qui ont voulu démontrer les excès du pouvoir absolu », poursuit-il.

Une plaque commémorative

Preuve que la Saint-Barthélemy a indignée au-delà du monde protestant. Et ce, dès le déclenchement des hostilités, à l’initiative de prédicateurs catholiques. « En août 1572, un certain nombre de catholiques sont au contraire venus en aide aux protestants cachés », rappelle le théologien Michel Barlow qui consacre une nouvelle à cette thématique, comparant ces hommes et ces femmes aux Justes ayant secouru les juifs pendant la seconde guerre mondiale. Ce théologien d’origine catholique, converti au protestantisme il y a une dizaine d’années, espère un jour voir le 24 août devenir « une fête œcuménique de la réconciliation ».

En attendant, le dernier acte fort de commémoration remonte à avril 2016. Une plaque commémorative avait en effet été dévoilée dans le square du Vert Galant, au pied du Pont-Neuf (Ier arrondissement de Paris) par la maire Anne Hidalgo. Dessus, est inscrite une citation du poète calviniste Agrippa d’Aubigné : « Jour, qui avec horreur parmi les jours se compte, qui se marque de rouge, et rougit de sa honte. » Un sentiment indissociable de la quasi-invisibilité de ce massacre dans l’espace public, mais qui n’a pas suffi à le faire oublier aux Français, 448 ans après.

Augustine Passily

© REFORME
site du Journal le 24 août 2020

 

 

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