La dette du Tiers Monde !
La dette est une catastrophe pour l’humanité, maintenant
dans la plus extrême pauvreté des contrées entières possédant pourtant
d’importantes richesses matérielles et humaines. Une tragédie sous-jacente, qui
provoque en aval une multitude de drames insupportables.
Mais cette tragédie n’est pas arrivée toute seule comme
peut survenir un tremblement de terre ou un cyclone dévastateur. Elle est la
conséquence de choix géopolitiques bien précis Surtout elle est un puissant
mécanisme de subordination des pays du Sud, un nouveau colonialisme en somme.
Comme toujours, elle s’est jouée en 5 actes.
Acte 1 : les années 1960 – 1970
Après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont instauré le plan
Marshall pour la reconstruction de l’Europe. Ils ont investi massivement dans
l’économie européenne pour l’aider à se remettre debout et les pays européens
sont devenus très vite des partenaires commerciaux privilégiés. De plus en plus
de dollars (la monnaie de référence) circulent à travers le monde, et les
autorités américaines tentent de freiner les conversions de dollars en or, pour
ne pas assécher leurs coffres-forts. elles encouragent alors les
investissements des entreprises américaines à l’étranger, pour éviter le retour
des dollars en excès et une flambée de l’inflation chez eux. Voilà pourquoi
dans les années 1960, les banques occidentales regorgent de dollars (les eurodollars)
pour lesquelles elles sont en recherche de débouchés et d’investissements.
Elles les prêtent alors aux pays du Sud, qui cherchent à financer leur
développement, notamment les Etats africains nouvellement indépendants et les
pays d’Amérique latine.
A partir de 1973, le choc pétrolier apporte des revenus confortables
aux pays producteurs de pétrole qui les placent à leur tour dans les banques
occidentales : ce sont les pétrodollars. Là aussi les banques les
proposent aux pays du Sud, à des taux faibles pour les inciter à emprunter. Tous
ces prêts provenant de banques privées constituent la partie privée de la
dette extérieure des PED.
S’ajoutent à cela les Etats du Nord où à partir de ce choc pétrolier
la crise s’est installée. Les marchandises produites au Nord ont du mal à
trouver preneur à cause de la récession et du taux de chômage massif. Ces pays
riches décident alors du distribuer du pouvoir d’achat au Sud, afin de les
inciter à acheter les marchandises du Nord. D’où des prêts d’Etat à Etat,
souvent sous forme de crédits d’exportation. En gros, je te prête 10 millions à
bas taux, à condition que tu achètes chez moi des marchandises pour 10 millions
… C’est la partie bilatérale de la dette. Extérieure desPED.
Le troisième acteur de cette histoire de l’endettement est
Ces prêts ont plusieurs buts parfaitement clairs. Tout d’abord
soutenir les alliés stratégiques des Etats-Unis (Mobutu au Zaïre, Suharto en
Indonésie, la dictature brésilienne puis plus les dictatures argentine et
chilienne …) pour renforcer la zone d’influence américaine. Ils servent
également à stopper le développement de certaines politiques visant à
l’obtention d’une indépendance économique (Nasser en Egypte avec la
nationalisation du canal de Suez, N’Krumah au Ghana, Manley en Jamaïque,
Sukarno en Indonésie, etc.).
La banque mondiale incite les pays du Sud à emprunter dans l’espoir
affiché de finance la modernisation de l’appareil d’exportation et les connecter marché mondial. C’est
la partie multilatérale de la dette extérieure des PED.
Pendant ces années, l’endettement est encore supportable
pour les pays du Sud car ces prêts leur permettent malgré tout de produire
davantage, donc d’exporter tout et de récupérer des devises pour les
remboursements et de nouveaux investissements.
Acte 2 : la crise de la dette
A la fin de l’année 1979, pour sortir de la crise qui les qui les
frappe, lutter contre une inflation importante et réaffirmer leur leadership
mondial après les échecs cuisants au Vietnam en 1975, en Iran et au Nicaragua
en 1979, les Etats-Unis amorcent un virage ultra libéral, qui sera poursuivi
après l’élection de Ronald Reagan à la présidence. Depuis quelques mois déjà,
le Royaume Uni fait de même avec le gouvernement de Margaret Thatcher. Paul
Volcker, le directeur de
C’est que jusque là les taux d’intérêt des emprunts accordés aux Etats
du Sud étaient certes faibles, mais variables et liés aux taux américains. De
l’ordre de 4-5 % dans les années 1970, ils passent à 16-18 % au moins,
voire davantage au plus fort de la crise, car la prise de risque devient
énorme. Par conséquent, du jour au lendemain, le Sud doit rembourser trois
fois plus d’intérêts. En plein milieu du jeu, les règles ont été changées
de façon déséquilibrée : le piège s’est refermé.
De surcroît, les pays du sud sont confrontés à un autre changement
brutal : la baisse des cours des matières premières et des produits
agricoles qu’ils exportent. La grande majorité des prêts a été contractée dans
des monnaies fortes comme le dollar. Au cours des années 1970, les pays débiteurs
doivent donc se procurer de plus en plus de devises pour rembourser leurs
créanciers. Ils tentent alors d’exporter encore plus (café, coton, sucre,
arachide, minerais, pétrole, etc.) pour récupérer davantage de devises, ce qui
fait encore baisser les cours, vu l’absence de demande supplémentaire au Nord.
Le Sud se trouve pris dans l’étau de la dette sans bien sûr pouvoir faire face
à ses échéances. C’est la crise de la dette.
En août 1982, le Mexique est le premier à annoncer qu’il n’est plus en
mesure de rembourser. C’est la fin de l’acte 2, court mais brutal.
Acte 3 : les plans d’ajustement structurel
Cette crise de la dette résonne comme un coup de tonnerre dans le
monde politique et économique. Les institutions internationales, censées
réguler le système et prévenir les crises, n’ont rien vu venir.
Dès qu’un pays est contraint de stopper ses remboursements, le Fonds
Monétaire International (FMI) arrive en pompier financier. Mais un drôle de
pompier, qui a exacerbé le vice des pyromanes …
Plus personne d’autre ne veut prêter à ces pays qui ne peuvent plus
rembourser. Le FMI est leur seul recours. Il accepte de prêter l’argent
nécessaire (qui permet surtout de sauver les créanciers –souvent privés- du
Nord., au taux fort bien sûr, mais à condition que le pays concerné accepte de
mener la politique décidée par ses experts ; ce sont les fameuses
conditionnalités du FMI. En un mot, la politique économique de l’Etat endetté
passe sous contrôle du FMI et de ses experts ultra libéraux. Là se situe
l’apparition d’une nouvelle colonisation : une colonisation économique.
Même plus besoin d’entretenir une administration et une armée coloniale sur
place, le mécanisme de la dette se charge tout seul de gérer la dépendance.
Les mesures préconisées sont inscrites dan un Plan d’ajustement
structurel (PAS), qui correspond toujours au même schéma : abandon
des subventions aux produits de service de première nécessité : pain,
riz, lait, sucre, combustible … ; austérité budgétaire et réduction des
dépenses, en général baisse drastique des budgets sociaux
« non-productifs » (santé, éducation, subventions aux produits de
base) ; dévaluation de la monnaie locale ; taux d’intérêt élevés,
pour attirer les capitaux étrangers avec une rémunération élevée ; production
agricole toute entière tournée vers l’exportation (café, coton, cacao,
arachide, thé, etc.) pour faire rentrer des devises, donc réduction des
cultures vivrières et déforestation pour gagner de nouvelles surfaces ; ouverture
totale des marchés par la suppression des barrières douanières ;
libéralisation de l’économie, notamment abandon du contrôle de mouvement des
capitaux et la suppression du contrôle des changes ; fiscalité
aggravant encore les inégalités avec le principe d’une taxe sur la valeur
ajoutée (TVA) et la préservation des revenus du capital ; privatisations
massives des entreprises publique, donc un désengagement de l’Etat des
secteurs de production concurrentiels … La potion est très amère.
Par exemple, au Mali, Alpha Oumar Konaré est élu Président en 1992,
après la dictature du général Moussa Traoré. Sa politique est docile à l’égard
du FMI et son but est le rétablissement des grands équilibres
macro-économiques. Il s’applique à promouvoir les activités marchandes privées
et à assainir le secteur public, comme on dit au FMI. Les effectifs de la
fonction publique passent alors de 45 000 en 1991 à 37 700 en 1998, et les
salaires publics subissent une baisse en valeur réelle comprise entre 11 % et
18 %. La pression fiscale est passée de
8,5 % en 1988 à 14 % en 1998, tandis que les dépenses courantes sont passées de
15 % du PIB à 10,8 %. Et le gouvernement est tout fier d’en déduire que sur le
plan des grands équilibres, « la politique d’ajustement à permis une
amélioration notable » ! Sur les 90 entreprises publiques en 1985 au
Mali, il en reste 36 en 1998, 26 ayant été liquidées et 28 privatisées. Si bien
qu’en 1988, 75 % des recettes fiscales du gouvernement passaient dans la masse
salariale de ses fonctionnaires, contre 27 % en 1998. C’est ce que le
gouvernement qualifie d’ « assainissement notable des dépenses » . Et
ça continue : en 2000, audits de
Pourtant le niveau de vie des
populations ne décolle pas pour autant. Quelques chiffres suffisent : en
1999, le taux brut de scolarisation primaire est de 56 % ; le nombre moyen
d’élèves par enseignant dans le primaire est 79 ; 27 % des enfants de
moins de 5 ans souffrent de malnutrition ; 59 % de la population a accès à
un centre de santé à moins de 15 km ; 17 % des logements sont équipés de
l’eau courante et 12 % de l’électricité.
Autre exemple : en juillet 1999, le FMI a accordé un crédit à
Madagascar. En échange, le gouvernement procède à d’importantes réformes
structurelles, comme la privatisation de la seconde banque publique du pays
(une banque agricole), ainsi qu’à la libéralisation des secteurs des télécoms,
de la pêche et des ressources minières. La compagnie pétrolière publique
(Solima) fût privatisée avec retard, en juin 2000 seulement. Mais comme le pays
appliquait gentiment la politique qu’on entendait lui imposer, il méritait une
nouvelle bouffée d’oxygène financière. Dès juillet 2000, la première tranche
d’un nouveau crédit d’ajustement structurel de
En outre le FMI a l’habileté de faire reposer la responsabilité de ces
décisions sur les gouvernements en place du Sud. Tous les ans, chaque Etat doit
établir des rapports analysant la situation économique et traçant des
perspectives pour l’avenir. Dans un sens ultra libéral, bien évidemment. Les
prêts et rééchelonnements divers ne sont accordés qu’à condition que ces
rapports aillent dans le « bon » sens, complétés par des visites de
gentlemen de
Acte 4 : L’utilisation des sommes au Sud
Les emprunts massifs contractés par les dirigeants des pays du Sud
n’ont pourtant que très profité aux populations. La majeure partie fut décidée
par des régimes dictatoriaux, alliés stratégiques de grandes puissances du
Nord. Une partie importante des sommes empruntées a été détournée par ces
régimes corrompus. Ils ont d’autant plus facilement accepté d’endetter leur
pays qu’ils ont prélevé au passage des commissions avec le soutien des autres
acteurs de l’endettement. Comment expliquer qu’à sa mort, Mobutu Sese Seko, à
la tête du Zaïre pendant plus de 30 ans, disposait d’une fortune estimée à 8
milliards de dollars, équivalent aux deux tiers de la dette de son pays, sans
compter l’enrichissement de ses proches ? Ou qu’à Haïti, en 1986, la dette
s’élevait à 750 millions de dollars lorsque la famille Duvallier, qui a
gouverné d’une main de fer pendant trente ans (d’abord François – dit Papa Doc,
puis Jean-Claude – dit Bébé Doc), a pris la fuite vers
Parfois, comme dans le cas de la dictature argentine (1976 – 1983), la
situation est ubuesque. Pendant cette période, la dette a été multipliée par
5,5 pour s’élever à 45 milliards de dollars en 1983, essentiellement contractée
auprès de banques privées, avec l’accord des autorités américaines. Dès 1976,
un prêt du FMI avait donné un signe fort aux banques du Nord : l’Argentine
de la dictature était fréquentable. La junte au pouvoir a recouru à un
endettement forcé des entreprises publiques, comme la compagnie pétrolière YPF
dont la dette externe est passée de 372 millions de dollars à 6 milliards de
dollars, elle a donc été multipliée par 16 en 7 ans. Mais les devises
empruntées à cette époque ne sont pratiquement jamais arrivées dans la caisse
des entreprises publiques. Les sommes empruntées aux banques Etats-Unis y
étaient en grande partie replacées sous forme de dépôts, à un taux inférieur à
celui de l’emprunt. On a assisté alors à un enrichissement personnel des
proches du pouvoir dictatorial via des commissions importantes. A titre
d’exemple, entre juillet et novembre 1976,
Ainsi la dette s’est accrue très vite, tout comme la richesse personnelle
des proches du pouvoir. Ce fut également bénéfique pour les banques du
Nord : l’argent revenait en partie dans leurs coffres, et pouvait être
prêté de nouveau à d’autres qui l’ont eux aussi remboursé … De plus, la fortune
des dictateurs était très utile aux banques car elle leur servait de garantie.
Si soudain le gouvernement d’un pays endetté montrait de la mauvaise volonté à
rembourser les prêts contractés au nom de l’Etat, la banque pouvait gentiment
menacer de geler les avoirs personnels secrets des dirigeants, voire de les
confisquer. La corruption et les détournements ont donc joué un rôle important.
Par ailleurs, l’argent qui parvenait tout de même dans le pays
emprunteur a été utilisé de manière bien ciblée.
Les crédits sont allés en priorité aux méga – projets énergétiques ou
d’infrastructure (barrage, centrales thermiques, oléoducs …), très souvent
inadaptés et mégalomaniaques, que l’on a surnommés « éléphants
blancs ». Le but n’était pas d’améliorer la vie quotidienne des
populations sur place, mais plutôt de parvenir à extraire les richesses
naturelles du Sud et les transporter facilement vers le marché mondial. Par
exemple, le barrage d’Inga du Zaïre a permis de tirer une ligne à haute tension
sans précédant de
Cette logique prévaut encore régulièrement, comme le prouve la
construction du pipe-line Tchad-Cameroun, lancé au milieu des années 1990 et
permettant d’amener le pétrole de la région de Doba (Tchad, enclavé) au
terminal maritime de Kribi (Cameroun), à
L’achat d’armes ou de matériel militaires pour opprimer
les peuples a aussi compté dans la montée de l’endettement. Nombre de
dictatures ont maintenu leur emprise sur les populations en achetant à crédit
des armes, avec la complicité active ou passive des créanciers. Les populations
d’aujourd’hui remboursent donc une dette qui a permis d’acheter les armes
responsables de la disparition des leurs, que l’on pense aux 30 000 disparus en
Argentine sous la dictature (1976-1983), aux victimes du régime d’apartheid en
Afrique du Sud (1948-1994) ou du génocide au Rwanda (1994). L’argent emprunté
servait aussi à alimenter les caisses noires des régimes en place, pour
compromettre les partis d’opposition et financer des campagnes électorales
coûteuses et des politiques clientélistes.
Les prêts vont aussi en priorité à l’aide liée. L’argent sert
alors à acheter des produits fabriqués par les entreprises du pays créancier,
contribuant à redresser sa balance commerciale. Les besoins réels des
populations des PED passant au second plan.
Acte 5 : la coupe déborde
Dans les années 90, dans leur très grande majorité, les pays en
développement sont tombés sous la coupe du FMI. Mais rien n’est réglé pour
autant, bien au contraire. La dette continue sa course folle, on l’a vu, et les
crises financières se multiplient. L’ouverture totale du Tiers Monde aux
capitaux étrangers et les mesures libérales imposées par le FMI ont attiré des
capitaux fortement volatils, prêts à déguerpir dès les premiers signes de
fragilité économique. Ce fut le cas en Amérique du Sud en 1994, puis en Asie du
Sud-Est en 1997, en Russie en 1998, de nouveau en Amérique latine en 1999, en
Turquie en 1999 et 2002, en Argentine en 2001-2202, au Brésil en 2002. Mais
toujours et partout, les mêmes recettes sont imposées : de nouveaux prêts
en échange d’une libéralisation accentuée de l’économie. D’ailleurs ;
ces nouveaux prêts alourdissent la dette, mais ne sont pas destinés à restaurer
un peu de bien-être pour les populations du Sud. Ils sont juste là pour
permettre à l’Etat en crise de rembourser ses créanciers du Nord, souvent
responsables d’investissements risqués et hasardeux …
A chaque fois, la priorité est donnée à la poursuite
du remboursement de la dette. Ainsi, depuis la crise de 1994,
les revenus des exportations de pétrole du Mexique transitent par un compte
situé aux Etats-Unis, et un magistrat américain a l’autorisation de bloquer les
flux de ce compte vers le Mexique s’il ne rembourse pas sa dette. Les Etats
ainsi dominés par le FMI perdent leur souveraineté : c’est effectivement
une colonisation économique.
La dégringolade du prix des matières premières se poursuit
inexorablement. Ce que l’on observe ressemble bien plus à du pillage des
ressources du Sud qu’à des échanges commerciaux équitables.
Au milieu des années 90, les dirigeants des pays les plus riches sont
particulièrement inquiets pour le système financier international. En 1996,
le sommet du G7 de Lyon décide donc de lancer une initiative fort médiatisée
pour alléger quelque peu la dette des pays pauvres : l’initiative PPTE
(« Pays pauvres très endettés »).
Cette initiative, renforcée au sommet du G7 de Cologne en 1999, est
censée alléger la dette des pays pauvres et très endettés. Mais elle est mal
née : elle ne résout rien. Elle ne concerne qu’un petit nombre de pays
très pauvres (42 sur 165 PED) et son but se limité à rendre leur dette
extérieure soutenable. Le FMI et
Pour bénéficier d’un allégement de dette dans le cadre de
l’initiative PPTEZ, les étapes sont nombreuses et exigeantes, et nécessitent un
temps démesurément long.
Tout d’abord, les pays susceptibles d’y prétendre doivent,
selon le FMI, « avoir un degré d’endettement intolérable » et
« établir des antécédents positifs dans la mise en œuvre de réformes et de
bonnes politiques économiques au moyen de programmes appuyés par le FMI et
A l’issue de cette période de trois ans, le FMI et
Un pays ayant atteint favorablement le point de décision doit alors
poursuivre l’application des politiques agréées par le FMI et rédiger un DSRP
définitif. La durée de cette période varie entre un et trois ans, elle est déterminée
par rédaction du DSRP et la mise en œuvre satisfaisante des réformes-clés
convenues avec le FMI. Ces réformes-clés correspondent en fait à un renforcement de l’ajustement
structurel des années 1980 et 1990, rebaptisée DSRP pour la circonstance.
Puis arrive l’achèvement. Le pays bénéficie alors d’une légère
réduction du stock de sa dette extérieure de façon à la rendre soutenable.
L’allégement permet finalement de faire payer les PED au maximum de leurs
possibilités. En fait, on annule essentiellement les créances impayables.
L’initiative PPTE est avant tout destinée à garantir la pérennité des
remboursements et à dissimuler le renforcement de l’ajustement structurel sous
une apparence de générosité. En 2000, soit quatre ans après le début de l’initiative,
les 42 PPTE ont transféré des sommes colossales au Nord : le transfert net
sur la dette a été négatif pour eux d’environ 2,3 milliards de dollars.
Dès 2000, le CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et
le Développement) est très claire :
« Les espoirs que l’on fonde actuellement sur la mise
en œuvre de l’initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés
(PPTE) ne sont pas réalistes. L’allégement de la dette envisagé ne suffira pas
à rendre celle-ci supportable à moyen terme (…) ; par ailleurs, l’ampleur
de l’allégement de la dette et la manière dont il interviendra n’auront pas
d’effets directs majeurs sur la réduction de la pauvreté. »
Au total, 34 parmi les 42 PPTE sont des pays d’Afrique subsaharienne,
auxquels il convient d’ajouter 4 pays d’Amérique latine (le Honduras, le
Nicaragua,
Même ces 42 pays ne seront pas tous bénéficiaires
d’allégements. En
effet, le Laos ne demande pas à profiter de cette initiative, parce que ses
dirigeants juge qu’elle apporte plus d’inconvénients que d’avantages. De plus,
quatre pays sont arrivés au point de décision et ont eu une réponse
négative : l’Angola, le Kenya, le Vietnam et le Yémen. Leur endettement
est jugé soutenable, même si par exemple l’Angola, ravagé par 25 ans de
guerre civile entretenue par les multinationales pétrolières a dû affronter en
2002 une famine sans précédent sur son territoire … Enfin, ;les
prévisions indiquent que trois autres pays ne sont pas en mesure de bénéficier
de l’initiative (à cause d’un état de guerre ou d’un manque de coopération avec
les pays riches) : le Liberia, le Soudan et
En décembre 2002, 26 pays avaient atteints le point de
décision, et 6 autres avaient atteint le point d’achèvement : l’Ouganda,
Le CNUCED est toujours très lucide dans son rapport de
septembre 2002 :
« Après presque deux
décennies de programmes d’ajustement structurel, la pauvreté a augmenté, la
croissance est le plus souvent lente et erratique, les crises rurales se sont
aggravées et la désindustrialisation a mis à mal les perspectives de
croissance.
Depuis deux ans la réduction de la pauvreté est devenue
l’objectif fondamental des programmes et des activités des institutions
financières internationales en Afrique et dans d’autres pays à faible revenu.
Ce changement d’attitude mérite d’être salué. Mais y a-t-il une évolution des
esprits ? »
Ou encore :
Un examen détaillé des mesures macroéconomiques et
d’ajustement structurel figurant dans les DSRP permet de constater qu’il n’y
aps de remise en cause fondamentale des conseils formulés dans le cadre e ce
qu’on appelle le Consensus de Washington. »
Detlef Kotte, l’un de ses cadres
dirigeants, n’hésite pas à écrire :
Le FMI ou