Matthieu 22, 34-40 Quel est le plus grand commandement ?








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Méditation sur Matthieu 22, 34-40
par Frédéric Verspeeten, pasteur

 

 

 

Nous ne pouvons nous suffire à nous-mêmes.
Ce que nous sommes et devons être nous le devenons par le cheminement face à Dieu et aux autres

Le récit que nous découvrons aujourd’hui met en scène les pharisiens et Jésus ! La question posée est relative au cœur de la Loi. Quel est le plus grand commandement ?

L’Evangile de Marc 12, versets 28 à 34, contient le même débat mais il s’agit là d’une question posée par un spécialiste de la Loi. Ces deux récits témoignent du fait que le débat sur les commandements et le centre de la Loi était important.

Il est vrai qu’à l’époque de Jésus les légistes avaient eu tendance à enrichir considérablement ce qu’ils pouvaient considérer comme commandement. Ils en avaient édité 613 au total… De 10 nous voilà à 613. Une complication qui peut-être partait d’un souci de sainteté, de pureté, peut-être de crainte de Dieu dans le sens négatif du terme… peur de son jugement. Cette complication avait finalement servi à servir les intérêts des scribes et du parti des pharisiens.

613. Le Talmud (traité Makot 23b) nous enseigne qu’il y aurait 613 commandements dont 248 positifs (tu feras) et 365 négatifs (ne fais pas). Mais le Talmud ne donne pas la liste trop précise de ces commandements qu’il nomme MITSVOT (commandements divers).

Si les maîtres du judaïsme ont tenté de les collectionner, d’en établir une liste, ils ne sont pas d’accord entre eux sur un petit nombre des commandements. Le problème est de déterminer si une catégorie est bien obligatoire, ou il si il en est de facultatifs. C’est à Maïmonide dans son œuvre maîtresse Michné Torah que l’on doit la tentative d’uniformisation postérieure, donc un débat du récit de Matthieu. Beaucoup de ces commandements sont aujourd’hui caducs car il n’y a plus de temple à Jérusalem. Et selon les sages les 10 commandements contiennent par essence ne eux-mêmes les 613. Ceci nous paraît complexe.

A l’époque de Jésu un autre débat existait au sein du judaïsme. On se réclamait de Schammaï ou d’Hillel. Deux maîtres de la Loi qui donnaient de la pratique de celle-ci une vision différente. On prétendait qu’Hillel était doux et Schammaï trop vif. Hillel était plus optimiste… Schammaï était plus méfiant, plus rigoriste. Il ne faudrait pas conclure que Schammaï était misanthrope ou implacable : il recommandait une attitude amicale envers chacun mais pensait qu’il fallait adopter une application la plus stricte de la Loi, avec sévérité pour être le plus juste possible … Hillel était plus tolérant …

Derrière l’image de ces deux hommes il y a le problème de la nature humaine. Schammaï semble penser que l’on peut la discipliner au point de ne commettre aucune erreur devant la Loi, et satisfaire Dieu. Hillel pense que l’homme est toujours faillible et que l’intention avouée devant Dieu est le chemin de la liberté plus que l’exigence.

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Les hommes qui viennent voir Jésus (Pharisiens) veulent le tester, savoir ce qu’il pense, Lui.

Les spécialistes de la Loi étaient agacés par sa manière de répondre naturellement aux questions posées. Jésus ne se lancera pas ici dans une démonstration compliquée. Il ne va pas citer de tête des litanies de grands textes connus … il va reprendre simplement. Ces interlocuteurs ne sont pas bienveillants, ils cherchent à le prendre en défaut ! Beaucoup de pharisiens et de pratiquants de l’époque n’arrivaient pas à mettre en pratique les règles et prescriptions des 613 Mitsvots ; mais ces hommes s’interrogeaient et se posaient cette question : où est-ce qu’est l’essentiel dans la vie avec Dieu, qu’est ce qui peut donner un sens à la vie ?

Question piégeante, mais question vitale pour tous, pour vous, pour moi.

Pour Jésus ce qui est essentiel ne se situe pas dans les centaines de commandements rituels qui régissaient la vie religieuse et sociale de ses contemporains, et notamment des spécialistes de la Loi qui condamnaient d’ailleurs ceux qui ne respectaient pas ou n’arrivaient pas à pratiquer correctement ou pas du tout.

Jésus ne met pas la pureté rituelle au cœur de la vie. Il ne met le respect du sabbat au centre de son message, il ne se préoccupe pas du jeûne, des prières, des aumônes, de nombre de pas qu’il faut faire, sans les dépasser le jour du schabbat. Il ne se souci guère des multiples codes de sacrifices. Ces choses étaient au cœur des débats, pour lui elle sont stériles et très secondaires.

Dans sa réponse Jésus dépasse le code religieux et rituel. Jésus rassemble toutes les lois dans un seul commandement qui en lui-même est double : aimer Dieu, aimer notre prochain !

Selon lui ce qui est essentiel et central, ce n’est pas l’observation exacte et précise des lois dites de Dieu … ce ne sont pas nos gestes religieux, mais ce sont nos gestes envers ceux et celles qui nous entourent et que nous croisons tous les jours.

Le respect de la religion, c’est important ; peut-être Jésus ne le critique pas. Mais l’essentiel, c’est notre être, notre manière d’être devant Dieu.

Si nous cherchons une plus grande présence de Dieu ou communion avec Lui dans des règles strictes nous nous égarons et nous serons toujours trouvés en défaut devant l’une ou l’autre.

Par ailleurs il est temps de préciser quelque chose. Nous parlons, nous, de commandements. Jésus, lui, comme tous les juifs de son époque, en hébreu, ne parlera pas de commandements mais de paroles. A la base Dieu livre à Moïse 10 paroles qui ici deviennent une en deux.

L’erreur des débats des cercles du judaïsme de l’époque pour Jésus consiste à transformer la Parole de Dieu en commandements exigeants. Les Paroles de Dieu ne sont pas d’abord des exigences implacables mais des promesses. Promesses faites à Abraham bien avant Moïse : Je serais avec toi. Et Dieu sera fidèle à son engagement. Il voudra nous conduire nous-mêmes dans le chemin de la fidélité envers ses promesses et sa parole. La sainteté ne viendra pas de nos obsessions face à nos chutes mais par une ouverture, une disponibilité à l’œuvre du Saint Esprit dans nos vies, qui accueille nos fautes, nos faiblesses pour les transformer et faire naître en nous l’homme nouveau de plus en plus proche et conforme au désir de Dieu, non pour lui-même mais pour chacun de nous !

Dans ce rapport aux autres et à Dieu (dans ces face à face) nous sommes invités à nous décentrer de nous-mêmes, à ne plus être la norme absolue. A ne plus nous considérer comme le centre de l’univers. Nous ne pouvons pas nous suffire à nous-mêmes. Ce que nous sommes et devons être nous le devenons par le cheminement face à Dieu et face aux autres.

Dietrich Bonhoeffer disait : « Croire veut dire fonder notre vie sur une base en dehors de nous-mêmes ». Les spécialistes de la Loi à l’époque de Jésus ne le faisaient pas ; ils étaient devenus leur propre Loi. Le Christ nous invite à nous échapper, à sortir de nos enfermements, à nous libérer de nous-mêmes, à nous laisser transformer par la différence. Car Dieu fait en nous œuvre de libération. Il n’y aura pas de dialogues entre religions féconds tant que les partenaires n’accepteront pas ces principes de base.

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Pour conclure deux axes sont donnés à la vie du fidèle qui veut cheminer avec Dieu malgré ses faiblesses.

Aimer Dieu

L’amour de Dieu se communique par l’écoute de sa parole. Cet amour est gratuit, accessible à tous. Il est rupture avec l’idolâtrie, avec  nos images déformantes de Dieu. Il est dialogue intense de notre être intérieur (âme) avec Dieu … ce qui suppose l’humilité. Cette intimité permet de résister au mal et aux artisans du mal, d’affronter et de surmonter l’épreuve.

Cette intimité à entretenir avec Lui conduit à ce que Dieu nous regarde comme ses amis malgré nos différences. Abraham est devenu l’ami de Dieu, son confident. Dieu révèle sa volonté. Moïse est devenu l’intime de Dieu (Exode 33,11). Ici nous réalisons ce qu’est sa miséricorde, ce qui rend fécond notre intercession.. Lorsqu’on se plonge dans cette présence de l’Amour de Dieu l’on réalise que l’Amour triomphera toujours du péché et du mal. Qu’il réera en nous un cœur nouveau. Que la miséricorde de Dieu l’emportera toujours sur le jugement.

Ainsi notre prière et notre écoute de Dieu ne sont plus vaines et il peut nous conduire à vivre des relations transformées et nouvelles avec tous : envers les plus méprisés, envers nos ennemis.

Il est puissance de vie nouvelle et de résurrection !

Dieu vient nous aider a sortir de nos enfermements. Il vient nous libérer pour vivre à son service, pour être peu à peu véritablement nous-mêmes et au travers des tristesses à trouver le chemin du bonheur.

Frédéric Verspeeten

 

 

 

Méditation sur Matthieu 22, 34-40
par Frédéric Verspeeten, pasteur