Extrait du compte-rendu de la conférence de Savona

(11 octobre 2003)

Document intitulé : « Le dialogue œcuménique en Europe : Les Eglises de la Concorde de Leuenberg et l’Eglise catholique », établi par Elisabeth Parmentier

 

 § 5 : Une proposition d’hospitalité eucharistique pour les groupes œcuméniques

La signature de la Déclaration Commune a éveillé chez les fidèles l’espoir d’ouverture de l’hospitalité eucharistique. Le premier « Kirchentag » œcuménique qui a eu lieu à Berlin en juin 2003 avait été initié dans cet espoir, et les média ont largement insisté sur le refus de l’Eglise catholique, ce qui a malheureusement occulté bien d’autres expériences de célébrations œcuméniques très importantes lors de ces journées. La dernière Encyclique du 20 avril 2003, Ecclesia de Eucharistia a été très décevante pour l’avenir œcuménique, et ceci non pas tant parce qu’elle interdit l’intercommunion, ce qui était à prévoir. Mais c’est surtout la conception même de l’eucharistie présentée par le pape, avec l’insistance sur le ministre, la messe même en l’absence de fidèles, l’adoration du saint sacrement, qui semble ne pas tenir compte du tout des résultats des dialogues œcuméniques. Dans ces dialogues avec les Eglises de la Réforme, les anciennes controverses sur l’eucharistie ont évolué. L’affirmation du sacrifice eucharistique a été précisée dans le sens du « sacrifice de louange ». La polémique sur la manière de comprendre la transsubstantiation a évolué dans la direction de la commune affirmation de la présence véritable du Seigneur. Les questions pratiques concernant la conservation des éléments ont abouti à un grand respect de ces éléments dans les Eglises de la Réforme. C’est en rapport avec le ministère et la question de la communion ecclésiale que les polémiques subsistent : les ministères des Eglises de la Réforme ne sont pas reconnus pour cause de « defectus ordinis », bien que certains dialogues (cf Eglise et justification) précisent que la cène protestante est un moyen de salut. L’argument concernant la rupture de communion ecclésiale demeure l’argument décisif.

Des théologiens protestants et catholiques des Centres Œcuméniques de Strasbourg, Tübingen, Bensheim ont travaillé ensemble à un ouvrage qui plaide pour une hospitalité eucharistique pour ceux qui sont déjà engagés sur le chemin œcuménique. J’ai participé à la rédaction de ce livre en allemand, intitulé « L’hospitalité eucharistique est possible », et qui a malheureusement paru en même temps que l’Encyclique, alors que ce n’était pas une réponse à celle-ci ni une polémique. Il ne s’agit pas de vouloir forcer l’Eglise catholique, mais à proposer une étape intermédiaire : l’hospitalité non comme une « exception pastorale en cas de besoin spirituel urgent », mais comme la norme pour les couples mixtes engagés dans l’Eglise et pour les groupes œcuméniques qui partagent déjà leur foi et spiritualité. La thèse centrale est la suivante : aujourd’hui où les avancées œcuméniques sont si tangibles (surtout en Europe) et dans les groupes qui vivent déjà une spiritualité et un partage réel de la foi, le refus d’une hospitalité eucharistique n’est plus justifiable. Dans ces situations c’est l’impossibilité de communier qui est le plus grand affront spirituel ! L’ouvrage démontre cette thèse en sept affirmations avec des commentaires, et rappelle qu’il existe déjà dans certains lieux des décisions des évêques. Ainsi à Strasbourg en 1972 Mg Elchinger a accordé l’hospitalité eucharistique aux couples mixtes, sous réserve de quatre critères : qu’il y ait un accord de foi, un lien avec la vie de l’Eglise catholique, un réel besoin spirituel et pas d’opposition ou irrespect. Ce qui était révolutionnaire dans ce document était l’hospitalité réciproque, ce qui permet aussi au conjoint catholique d’aller à la cène protestante ! Mais ce texte a été critiqué par la Conférence Episcopale française, et il demeure gelé si l’évêque ne le met pas en vigueur. Le souci de l’ouvrage des Centres Oecuméniques est qu’aucune Eglise n’impose aux croyants de l’autre Eglise plus de conditions qu’elle n’en impose à ses propres fidèles !