La saison des promesses

Par Philippe B. KABONGO-MBAYA

 

 

REFORME | RUBRIQUE Repères - BIBLE | 15-21 02 07 | n° 3211 |

Devant les programmes des candidats à l’élection présidentielle, nous voici entrés dans la saison des promesses. Dans leurs formes et formulations, elles apparaissent le plus souvent attirantes, parfois sérieuses et mêmes crédibles. Elles concernent des chantiers majeurs de la France aujourd’hui. La relance de l’emploi et sa sécurisation ; la sécurité des biens et des personnes dans le vivre ensemble citoyen ; la carte scolaire ; la crise du logement ; l’Europe ; l’environnement ; les institutions de l’Etat ; la politique de l’immigration et l’enjeu de l’intégration. Tous ces chantiers sont aussi prioritaires les uns que les autres. On ne peut pas tous les citer. Certaines solutions envisagées se montrent précises et concrètes, très proches du quotidien des gens. Il y a aussi des programmes qui paraissent suspects, parfois franchement dangereux.

Mais qui dit promesses dit aussi engagement. Chacun sait, pourtant, que la promesse n’est pas immédiatement synonyme d’action, bien qu’elle l’implique.

Puisque le consensus sur la fin des idéologies et la modernité politique ont fortement nivelé les références qui permettaient de situer les discours politiques et leurs effets présumés, et que parler de gauche ou de droite est devenu depuis longtemps assez ringard, la tentation est forte de n’avoir pour premier, voire seul, critère que les intérêts catégoriels ou personnels. Ainsi prospèrent les conduites d’abstention, mais aussi ce que l’on appelle le « vote protestataire ». Derrière ces positionnements, on peut deviner le soupçon ou un certain mépris à l’égard du politique. Mais comment persévérer sur cette ligne, puisque mépriser la politique porte en germe un mépris plus fondamental encore, celui de la justice ? Sous l’influence quasi hypnotique de la communication politique, la grande mouvance d’électeurs est constituée de ceux qui aiment la sécurité des marques politiques commues. Et puis, on n’est jamais sûr dans ce domaine de faire un choix parfait …

Il existe pourtant un critère simple, qui permet à chacun-e de rester responsable dans la durée du choix qu’il aura fait. C’est la capacité de tout citoyen d’être, lui-même, le gage des promesses auxquelles il adhère, qui rend chacun-e responsable des politiques qui vont être mises en œuvre au nom de tous, mais aussi en son nom. S’appliquer un tel critère n’est pas seulement affaire de discernement, mais encore le meilleur positionnement devant le défi de la démocratie. Elire le président de la République participe de la délégation de pouvoir. En principe et par principe, le peuple électeur demeure le souverain premier. C’est parce qu’on conçoit et vit cette délégation comme un dé -chargement que l’on contribue, passivement, à l’aggravation de la crise de la démocratie.

Si cela est vrai, le cynisme, la distraction ou le désengagement ne peuvent être d’aucun secours ni politique, ni éthique, ni encore moins spirituel. Puisque les chantiers sont vastes, et les projets immenses, comment ne pas entendre, même ici, ce constat évangélique : « la moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson » (Matthieu 9, 37) ? A cet entrecroisement de l’action et de l’intercession, l’histoire humaine cesse d’apparaître un désert des promesses non tenues, des frustrations et des privations. Dieu nous fait grâce d’être des garants de son optimisme sur le politique.

Philippe B. KABONGO-MBAYA

 

 

Réforme n° 3211 – 15-21 FEVRIER 2007

La capacité de tout citoyen d’être
le gage de la réalisation des promesses auxquelles il adhère