La tombe perdue de Jésus - article du Monde 28 février 2007

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Un documentaire prétend dévoiler la " tombe perdue " de Jésus et sa famille

Eric Leiser

 

 

LE MONDE | 28 02 07 | n° 19314 |

Il s'agit sans doute de la première preuve physique de l'existence de Jésus. Nous avons fait notre travail, maintenant que le débat commence. " Devant une salle comble à la New York Public Library (Bibliothèque publique de New York), le cinéaste James Cameron a ouvert, lundi 26 février, une conférence de presse sur cette " découverte ", qui donne lieu à la publication d'un livre en anglais et à la diffusion le 4 mars aux Etats-Unis d'un documentaire de 90 minutes sur la chaîne américaine Discovery Channel (La Tombe perdue de Jésus), dont M. Cameron est le producteur. " Certains vont dire que l'on tente de saper le christianisme. C'est loin d'être le cas. Cette enquête prouve l'existence de ces personnes ", a-t-il expliqué.

Deux ossuaires attribués l'un à Jésus et l'autre à Marie Madeleine, retrouvés en 1980 dans une tombe du Ier siècle à Talpiot, un quartier de Jérusalem, ont été dévoilés. Un bulldozer utilisé pour la construction d'un nouvel immeuble avait alors mis la tombe au jour et des archéologues israéliens étaient venus sauver dix ossuaires. La découverte fut détaillée seize ans plus tard dans une revue d'archéologie israélienne. La tombe n'avait pas beaucoup attiré l'attention. Pour les archéologues, les noms de Joseph, Jésus, Marie étaient extrêmement fréquents au Ier siècle à Jérusalem.

Un ossuaire porte le nom en araméen de Jésus fils de Joseph, un autre le nom romain Maria transcrit phonétiquement en hébreu, un troisième, toujours en hébreu, Mathieu, un quatrième en hébreu, Yose, un cinquième, en grec, Mariamene e Mara et le sixième, qui contenait les restes d'un enfant, en araméen, Juda fils de Jésus. Le tournant de la recherche serait venu de la découverte par le professeur François Bovon (Harvard), d'après des écrits du IVe siècle, que le vrai nom de Marie Madeleine était Mariamene. Des tests sur l'ADN mitochondrial récupéré dans les ossuaires montrent que Jésus et Mariamene n'avaient pas la même mère. Leur rapprochement dans la tombe en fait-il des époux ? Quant à Yose, diminutif de Joseph, il pourrait être un des quatre frères de Jésus, évoqués dans l'évangile de Matthieu.

" Notre objectif est que les recherches continuent et aillent bien plus loin, explique Simcha Jacobovici, le réalisateur du documentaire. Les faits sont incontestables. Ces ossuaires ont été trouvés dans une tombe in situ et ensuite conservés par les autorités archéologiques israéliennes. Six d'entre eux portent des inscriptions dont le déchiffrage est confirmé par les plus hautes autorités archéologiques mondiales ", ajoute-t-il.

" FRAUDE TITANESQUE "

Selon M. Jacobovici, s'il a fallu vingt-sept ans pour mesurer l'importance de la découverte, c'est que les archéologues, d'un côté, ne connaissaient pas les différents noms attribués aux proches de Jésus tandis que les spécialistes de l'histoire religieuse, de l'autre, n'avaient pas connaissance de l'existence de cette tombe. " Nous avons seulement rapproché les informations ", ajoute-t-il.

La recherche s'appuie également sur un modèle statistique pour contourner l'argument de la fréquence de ces noms. Andrey Feuerverger, professeur de mathématiques à l'Université de Toronto, conclut que la probabilité pour trouver ces noms ensemble est dans le cas le plus défavorable de 600 contre un et le plus favorable de 30 000 contre un, et que " la possibilité que le tombeau de Talpiot est bien celui de Jésus doit être considérée sérieusement ".

En guise de conclusion, Darrell Bock, spécialiste du Nouveau Testament du séminaire théologique de Dallas, a souligné que " l'histoire bien faite n'est pas l'ennemie de la théologie ". Mais plusieurs organisations chrétiennes dénoncent cette " fausse découverte ". " Il s'agit d'une fiction hollywoodienne déguisée en fait scientifique ", estime le pasteur Rob Schenck, président du Conseil national du clergé américain. La ligue catholique américaine évoque " une fraude titanesque ", en référence au film de James Cameron. Pour la plupart des traditions chrétiennes, la tombe de Jésus est située dans la basilique du Saint-Sépulcre, même si des recherches historiques la situent plutôt au-delà des murailles de la vieille ville.

Pour sa part, l'archéologue Amos Kloner (Université de Bar-Ilan), interrogé par l'AFP, estime qu'il n'y a " pas de preuve scientifique " que la tombe de Talpiot soit celle de Jésus. Sur les 900 tombeaux de la même époque recensés à Jérusalem, le nom Jésus ou Yéshu a été retrouvé 71 fois.

Eric Leser

© Le Monde

 

 

 

La Monde – n° 19314 – 28 FEVRIER 2007

Un documentaire prétend dévoiler la " tombe perdue " de Jésus et sa famille

 






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Coup médiatique sur la tombe de Jésus

 

 

LE FIGARO| 28 02 07 | Actualisé le 28 février 2007 : 08h38

Du correspondant du Figaro à Jérusalem PATRICK SAINT-PAUL

La présentation du documentaire La Tombe perdue de Jésus, réalisé par l'Américain James Cameron, à qui l'on doit Titanic et Terminator, a déclenché une vive polémique en Terre sainte.

 

REVÊTUES de noir, deux femmes de confession grecque orthodoxe se prosternent sur la pierre de l'onction, à l'entrée du Saint-Sépulcre, où, selon la tradition, Jésus-Christ aurait été oint et couvert après sa mort. Les deux dévotes agitent leurs chiffons sur la pierre enduite d'huile et récoltent la moindre goutte dans un petit flacon. Elles sanctionnent toute évocation de la « Tombe perdue de Jésus » par un petit soupir d'effroi et une série de signes de croix. 

Réalisateurs d'un documentaire dans lequel ils prétendent avoir découvert le tombeau de Jésus et affirment que ce dernier avait eu un fils, James Cameron et Simcha Jacobovici ont semé la panique au sein de la communauté chrétienne de Terre sainte. En sous-entendant que Jésus est mort, ils ont réussi un exploit : mettre d'accord les différentes communautés chrétiennes, qui se disputent le moindre centimètre carré autour du tombeau du Christ dans le Saint-Sépulcre. Les gardiens de la tradition chrétienne dans cette église de la vieille ville de Jérusalem, construite sur les lieux où aurait été crucifié, lavé et enterré Jésus, considèrent la thèse avancée par les deux cinéastes comme un « sacrilège », une « hérésie », au mieux une « farce ».

Gardant l'arrière du caveau où aurait reposé Jésus, avant de ressusciter et de monter aux cieux, le père Azariah, un copte égyptien, balaie d'un rire la « découverte » d'un tombeau contenant dix cercueils dans le quartier de Talpiot, situé à plusieurs kilomètres de la vieille ville de Jérusalem. « Le seul tombeau de Jésus-Christ, le seul lieu saint, c'est celui-ci. Vous ne trouverez personne au Saint-Sépulcre pour vous dire le contraire », dit-il.

Le documentaire affirme que les ossuaires découverts à Talpiot, au début des années 1980, portaient les noms hébreux de Yehoshoua Ben Yossef (Jésus fils de Joseph), Yéhouda Bar Yehoshoua (Judah fils de Jésus), Marthe et Myriam (Marie), soit ceux de grandes figures du Nouveau Testament. Selon la chaîne américaine Discovery, qui doit diffuser le documentaire début mars, de nouvelles données scientifiques, notamment des analyses ADN, laissent penser que les tombeaux ont pu, à un moment donné, contenir les ossements de Jésus et de sa famille.

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Le père latin Pierre Madros dit n'avoir « aucun problème pour se soumettre aux résultats de la science et de l'archéologie » en tant que catholique. « Mais les réalisateurs du documentaire n'avancent aucune preuve scientifique, ils ne sont pas archéologues », dénonce-t-il. Le père Madros explique n'être pas inquiet. Cependant, il prend l'affaire au sérieux et se lance dans un long argumentaire pour désamorcer cette « bombe qui n'en est pas une ». Car les fondements mêmes du christianisme sont menacés.

Il a pris soin de consulter les archéologues les plus renommés, les Évangiles et même le Coran pour démonter, point par point, la thèse de Cameron. « Jésus, Marie et Joseph étaient les noms les plus répandus dans cette région au Ier siècle. Le fait de les trouver réunis dans un même tombeau ne signifie rien, avance-t-il. Seules des familles riches pouvaient s'offrir de tels ossuaires, et la famille de Jésus était pauvre. » Il dénonce les falsifications sur les inscriptions, qui « malheureusement sont monnaie courante en Terre sainte ».

James Cameron, le réalisateur de Titanic, et son équipe ont présenté deux ossuaires en pierre qui, d'après eux, pourraient avoir contenu les os de Jésus et de Marie Madeleine. Grâce à des tests ADN, ils se disent en mesure de prouver que tous les ossements appartiennent aux membres d'une même famille ayant des liens de sang. Sauf ceux de Marie Madeleine. Ce qui prouverait, selon eux, qu'il s'agirait de la femme de Jésus. « L'ADN ne prouve pas qu'il s'agit bien des ossements de Jésus, réfute le père Madros. Il permet simplement de prouver que les ossements retrouvés appartiennent à la même famille, sauf pour l'un des membres. Cela ne prouve rien. »

En avançant la thèse selon laquelle Jésus aurait été enterré avec sa famille dans un quartier populaire de Jérusalem, au lieu d'être monté aux cieux, le documentaire La Tombe perdue de Jésus menace le dogme chrétien.

Le père Madros cite la première épître aux Corinthiens : « Si le Christ n'est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi ». Le danger est là : l'insinuation du doute. Invoquant la sainte Trinité, la divinité et l'humanité du Christ, la rédemption par la crucifixion, comme s'il lui fallait prouver la solidité du dogme, le religieux affirme que « ce n'est pas l'ossuaire de Talpiot qui va venir secouer tout cela ».

L'archéologue israélien de l'université de Bar-Ilan, Amos Kloner, prend les choses beaucoup moins à cœur. Il n'hésite pas à ridiculiser la « découverte » de la « tombe perdue ». « Je suis un universitaire, je travaille de façon scientifique, ce qui n'a rien à voir avec le travail d'un cinéaste », dit-il en insistant sur les différences de méthode entre son métier et celles des réalisateurs du documentaire. « Il est impossible de prendre un épisode religieux et de le transformer en quelque chose de scientifique. Ou alors il faut faire des tests ADN et vérifier que l'ADN des ossements appartenant prétendument au fils de Dieu est le même que celui de Dieu ! », plaisante-t-il.

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Archéologue à l'École biblique de Jérusalem, le père Jean-Baptiste Humbert estime que le documentaire relève d'une logique commerciale. « Avec les droits, c'est un filon qui rapporte gros, explique-t-il. Mais il y a aussi de l'idéologie et des buts politiques sous-jacents. Cela relève d'un besoin extrême de reconstruire, voire de reforger les racines de Jérusalem, pour prouver qu'elles sont juives. » Le père Humbert juge que « scientifiquement, il s'agit de foutaises ». Mais il comprend « l'émoi » de la communauté chrétienne, qu'il explique par « un manque de recul ». « Derrière tout cela ressurgit la vieille idée que le christianisme est une entreprise filou issue du judaïsme, lance-t-il. La Bible n'est pas un livre d'histoire, vérifiable par l'archéologie. On essaie de réduire le christianisme à un événement historique banal, qui aurait pris une ampleur surprenante. »

PATRICK SAINT-PAUL
correspondant du Figaro à Jérusalem

 

 

Coup médiatique sur la tombe de Jésus

LE FIGARO| 28 02 07 | Actualisé le 28 février 2007 : 08h38