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Journal Réforme, 22 janvier 2014

Euthanasie : le protestantisme dit non

La Fédération protestante de France et le Conseil national des évangéliques de France ont adopté des textes sur la fin de vie qui sont très proches.

Lors des vœux de la Fédération protestante, le pasteur François Clavairoly avait annoncé la parution prochaine d’un texte de réflexion sur la fin de vie. Le texte est sorti, accompagné en annexe de quatre autres éléments de réflexion proposés par l’Église unie, la Fondation des diaconesses, l’Église adventiste et enfin la Commission d’éthique protestante évangélique. En diffusant plusieurs textes, la Fédération protestante de France est fidèle à sa tradition de ne pas présenter une prise de position définitive mais des éléments de réflexion pour permettre à chacun de se forger sa propre opinion.

Le texte de la FPF commence par affirmer que « la manière dont la fin de vie est vécue dans notre pays n’est pas satisfaisante. Elle se vit le plus souvent à l’hôpital, hors du cadre familier de la personne, et fréquemment dans une certaine solitude ». La fin de vie n’est pas une question abstraite, nous l’abordons à partir de notre propre expérience du décès des personnes qui nous sont les plus proches – parents, conjoint et parfois même enfants. Sans compter la façon dont nous appréhendons notre propre mort, ce qui relève au sens propre de l’im-pensable : comment penser sa propre absence ?

Jusqu’au bout de la loi Leonetti

Pour mieux vivre la fin de vie, tous les textes soulignent l’importance de la loi Leonetti de 2005 et sa mauvaise application. Reprenant une question d’actualité, Jean Leonetti lui-même, dans une interview au Journal du dimanche, s’est élevé contre la décision de justice concernant le cas de Vincent Lambert et qui est pour lui un détournement de la loi qui porte son nom. Cette loi repose sur quatre pieds : le refus de toute obstination déraisonnable (acharnement thérapeutique), la prise en compte de la volonté du patient par l’écriture de « directives anticipées » et la désignation d’une « personne de confiance » si jamais le malade n’est plus en état de formaliser son souhait, le développement des soins palliatifs et enfin la possibilité de plonger le malade en sédation profonde. Les différents textes soulignent tous les insuffisances non pas de la loi mais de son application.

La Fondation diaconesses de Reuilly rappelle dans sa déclaration le fondement de l’éthique médicale : « Apaiser la souffrance est un devoir avant d’être un droit. Avec sa devise “Accompagnons la vie“, la fondation milite pour une vie digne. Elle proclame qu’il est inacceptable qu’un être humain soit enfermé dans sa souffrance ou abandonné dans sa douleur. À cette fin, elle promeut toutes les formes d’accompagnement : médical, soignant, psychologique, spirituel. » Face aux demandes d’abréger la fin de vie, le texte de la Fédération protestante rappelle que « nombreux sont les cas où une attention affectueuse et un accompagnement de la personne dans ses différents besoins ont abouti à un apaisement réel et à la fin de la demande ».

Dans son opposition au suicide assisté, le pasteur Franck Vermesse, secrétaire général du Comité protestant évangélique pour le dignité humaine, souligne que « l’amour envers les personnes âgées, isolées, dépréciées, apeurées, sera toujours plus manifeste dans le temps passé à leur côté pour apaiser leurs souffrances physiques, morales, spirituelles, les fortifier et les rassurer, que dans l’inoculation dans leur veine d’un poison censé leur apporter la solution finale ».

Lorsque ni les médicaments antidouleurs ni un accompagnement humain n’arrivent à apaiser la souffrance d’une personne en fin de vie, la loi Leonetti laisse la possibilité de l’endormir (sédation) et d’arrêter les soins autres que de confort en attendant la mort. La Fondation des diaconesses insiste pour qu’une telle décision soit mûrie collégialement : « Le temps du dialogue éthique est nécessaire. » En cela, elle souligne sa vocation « d’accompagner la vie jusque dans l’acte de mourir ».

Dans une grande unanimité, tous les textes sont d’accord avec l’Église adventiste pour rappeler qu’il « existe une grande différence d’ordre moral entre la décision de provoquer la mort (euthanasie active) et le fait de laisser mourir en interrompant les interventions médicales (euthanasie passive) ». Faut-il aller plus loin et ouvrir la porte à ce que le Comité consultatif national d’éthique avait appelé un temps une exception d’euthanasie, même si le Comité est revenu sur cette notion qui ne tient pas la route juridiquement ? Le synode de l’Église unie avait laissé en mai dernier la question ouverte en refusant de trancher entre ceux qui considèrent que de faire un geste accélérant la mort correspond à la transgression d’un interdit et ceux qui envisagent cette possibilité dans des situations exceptionnelles.

La sédation comme alternative

Face à cette alternative, le texte de la Fédération protestante prend position en refusant l’euthanasie à partir de deux arguments :

– un changement de la loi, autorisant à donner ou à faciliter la mort, ne pourrait qu’ébranler la confiance que la personne peut faire à son entourage. Elle pourrait même susciter chez certains, par souci de ne pas peser sur les leurs ou même la société, une sorte de « devoir » de quitter la vie ;

– la sédation profonde permet de répondre aux cas extrêmes en laissant partir la personne sans souffrance, en attendant que la mort vienne.

À ces deux arguments, le texte de la Commission d’éthique protestante évangélique en ajoute un troisième : « L’expérience des pays qui ont autorisé euthanasie et suicide assisté montre bien que tout contrôle est assez utopique et que l’on entre dans un processus par lequel on tend à élargir de plus en plus le champ d’application de la loi. » Louis Schweitzer développe ce dernier point en déclarant que dans « les pays – la Suisse pour le suicide assisté et la Belgique ou les Pays-Bas pour l’euthanasie – où la loi est en vigueur depuis une dizaine d’années, on voit bien qu’une fois qu’on a accepté le principe de dépasser cet interdit, la tendance est d’aller toujours plus loin et d’élargir le champ des personnes concernées ». À partir du moment où la frontière du « tu ne tueras pas » est franchie, où placer la limite ?

Pour le protestantisme, l’ouverture de la loi n’est donc pas opportune. Avec un brin de malice, Franck Vermesse souligne que l’engagement électoral de François Hollande était que les malades puissent « bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer leur vie dans la dignité », ce qui correspond à la démarche des soins palliatifs et de la loi Leonetti.

La convergence entre les différents textes est forte, notamment entre le texte de la FPF et celui de la commission d’éthique protestante évangélique qui vient d’être ratifié par le CNEF (Conseil national des évangéliques de France). D’où là question : pourquoi se priver d’une déclaration commune de la FPF et du CNEF sur le sujet qui aurait plus de poids au niveau médiatique ?

 

Ce que permet la loi Leonetti

Dans le cas de l’affaire Vincent Lambert, la justice a été appelé à se prononcer parce que la famille était divisée et que le patient n’avait laissé ni directives anticipées ni désigné de personnes de confiance. Il convient de connaître les possibilités ouvertes par la loi.

La loi Leonetti s’inscrit dans le cadre du code de déontologie médical qui déclare dans son article 37 : « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique. » Et dans l’article 38 : « Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. »

La loi précise trois points :

– le droit d’interrompre ou de ne pas entreprendre des traitements jugés « inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie » ;

– le devoir de rechercher et de prendre en compte la volonté de la personne de refuser un traitement ;

– la possibilité d’utiliser des traitements dans l’intention de soulager la souffrance, même s’ils risquent d’abréger la vie.

La grande nouveauté est une meilleure prise en compte de la volonté du patient. Lorsque ce dernier peut la formuler, tout va bien. Dans le cas contraire, la loi a prévu deux moyens.

Toute personne peut rédiger des « directives anticipées ». Il s’agit d’un document écrit, daté et signé par leur auteur : « Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt du traitement. Elles sont révocables à tout moment. À condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne, le médecin en tient compte pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement le concernant. »

Enfin le patient peut désigner une « personne de confiance » susceptible de s’exprimer à sa place s’il ne le peut. « L’avis de cette dernière, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à l’exclusion des directives anticipées, dans les décisions d’investigation, d’intervention ou de traitement prises par le médecin. »

Enfin, avant de prendre une décision de limitation ou d’arrêt de traitement pouvant s’apparenter à une obstination déraisonnable, le médecin doit se concerter avec l’équipe de soins si elle existe et obtenir l’avis motivé d’au moins un autre médecin, appelé en qualité de consultant.

Pour une bonne application de la loi Leonetti, le plus grand nombre de personnes devraient avoir rédigé des directives anticipées et avoir désigné une personne de confiance, mais qui le sait ?

journal Réforme, 22 janvier 2014

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