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Etude biblique 1 Aux origines du livre des Actes des
apôtres 1. Jésus apparaît pendant quarante jours Le
livre des Actes des Apôtres, tel que Luc nous le présente, commence juste
après la résurrection de Jésus. Depuis la mort de Jésus, les disciples sont
dans la peur, leur espérance s’est envolée. Eux qui pensaient que Jésus
établirait le règne de Dieu sur terre s’attendent maintenant à être traqués.
En se rendant au tombeau les femmes ont déclaré l’avoir vu vivant ! Les
disciples sont sceptiques… Alors, pendant la période qui suit la résurrection
et précède l’ascension, Jésus va se montrer à ses disciples durant quarante
jours. Peu à peu, les disciples réunissent les témoignages de ces apparitions
dont ils étaient les bénéficiaires et ils entrevoient l’idée qu’Il a survécu.
Les
disciples hésitent encore. S’agit-il d’un esprit ou d’une vague
représentation fantomatique. C’est d’abord ce qu’ils pensent ! Pourtant,
le Ressuscité, celui qui leur apparaît est là, devant eux, et face à leur
incapacité à croire, à accepter, il leur montre ses pieds et son côté. Ils
comprennent enfin que cet « esprit » est bien Jésus de Nazareth, le
Maître. Cela
ne résout pas tout ! Il y a désormais une différence de statut entre Lui
et eux, Lui, qui est passé par la mort physique. Alors comment et quand
sera-t-il présent ? Les disciples semblent imaginer un espace
intermédiaire dans lequel le Ressuscité sera présent au milieu de sa
communauté rassemblée. C’est ce que souligne la fin de l’Évangile de Luc. Relisez notamment
le récit des pèlerins d’Emmaüs : Luc 24, 28 à 35 et poursuivez avec les
versets 36 à 43. Cela se retrouve de façon identique en Jean 21. Désormais il
sera là dans une sorte de présence intermédiaire entre le ciel de Dieu, la
terre et la communauté des disciples. Il ne sera pas visible, mais Il leur
enseignera tout ce qui a trait au Règne (Royaume) de Dieu. Sans que cela soit
ouvertement dit, ces manifestations leur permettent de connaître la réalité
des choses qui dépassent l’entendement humain. Si
un culte naît, alors il aura deux axes essentiels : - respect de l’héritage de Moïse, - culte à mystère, chaque fois qu’ils se réunissent en
évoquant le Ressuscité. Remarque : La
découverte de nouveaux documents et la réinterprétation de documents connus,
grâce aux progrès de l'archéologie et des sciences sociales, ont bouleversé
la connaissance sur les origines du christianisme. Depuis longtemps on sait
que les chercheurs ont été frappés par les analogies entre ce que nous
pouvons savoir des cultes à mystères, dont on sait qu’ils se sont développés
à la même époque dans le bassin méditerranéen et le christianisme naissant
qu’ils ont été susceptibles d’inspirer. Dieu
apparaîtra et donnera à ses disciples sa Parole. Sa vision leur redonnera
l’espérance. Il y a ici plus qu’au Sinaï où Moïse rencontre Dieu (caractère
exceptionnel de l’Alliance). Le Ressuscité, Lui, apparaîtra, puis ne sera
plus visible. Il édifiera directement ses disciples. Les disciples face à
l’ombre de la mort garderont la manifestation de celui qui est entré dans la
présence de Dieu. Le culte sera basé sur l’ombre du Ressuscité, l’ombre du
Nazaréen. Mieux vaut cela que la mort totale et la disparition. L’espérance
et la foi sont alors liées à ces manifestations, fondées sur elles. 2. Mais le temps passe et les apparitions
cessent Jésus
semble leur transmettre le témoin et il disparaît. Dans Luc 24, il leur
explique en quelques mots sa mission, son œuvre, les désigne comme témoins
et, verset 51, il est emporté aux cieux. Ici il ne leur parle pas du Royaume
qui doit venir mais de ce que le Seigneur leur enverra (verset 49). 45 Alors il leur ouvrit
l'esprit, afin qu'ils comprennent les Écritures. L’épître
aux Corinthiens souligne, elle aussi, que ces apparitions ont peu à peu cessé
(1 Corinthiens 15, 1 à 9). L’apparition à Paul serait-elle la dernière ?
Le livre des Actes prend le relais. Dans Actes 1 se trouve réécrit ce que
l’auteur avait brièvement achevé à la fin de son Évangile. Et il
précise : il leur a donné (aux apôtres) ses instructions et il fut
enlevé. Ici il y a une rupture : il n’est pas dérobé à leurs yeux… il ne
demeure pas dans un espace intermédiaire. Il s’en va. Il a seulement été
ainsi avec eux pendant quarante jours. « Enlevé », il est
maintenant transporté ailleurs. Pendant le temps intermédiaire des quarante
jours… iIl leur donne des preuves et il les entretient du royaume de Dieu,
qui est le thème fondamental de Jésus dans l’Évangile de Luc (Luc 4, 43). Mais
que sont donc les bases de cet enseignement sur le Royaume de Dieu ? Il
mange avec eux et leur demande d’attendre la manifestation du don promis par
Dieu (Actes 1, 4-5). Luc, dans l’introduction de son second livre, répond à
une question qui va revenir souvent dans la première Église. Elle est
formulée au verset 6 : Est-ce
maintenant que tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? La réponse
est sans ambiguïté et décevante : Vous ne devez pas le savoir, seul
Dieu le sait. Mais, voilà ce qui va vous arriver : vous allez recevoir
une puissance.
Luc, qui écrit vers les années 62, ou 80 au plus tard,
indique ici la perspective de son travail rédactionnel, la trame
de son œuvre : vous serez mes témoins à
Jérusalem, en Judée et jusque aux
extrémités de la terre (1, 8), c'est-à-dire jusque
à Rome. Cette fois il s’en va dans la nuée (cf.
Sinaï). Il est près de Dieu, avec Dieu, en Dieu. Deux
hommes leur prophétisent qu’il reviendra de la même
manière des cieux, à nouveau. Dès lors va pouvoir
s’affirmer la foi en la résurrection :
« Jésus est Ressuscité… il n’est
plus ici… il est à la droite de Dieu… Il
reviendra ». Son Esprit est alors communiqué aux
disciples. 3. Regard croyant Le
risque est alors de savoir ce que les disciples feront de l’héritage. Alfred
Loisy, dans une formule lapidaire, écrivait dans L’Évangile et l’Église
(1929, p. 153) : « Jésus
avait annoncé le Royaume de Dieu, c’est l’Église qui est venue ». Il
est vrai que Jésus quittant ses disciples ne dit rien de la manière d’édifier
l’Église. Il n’en parle même pas. Dieu enverra l’Esprit Saint. Point. Alors
des théologiens comme Harmark considéraient qu’il y avait deux Évangiles : -
un Évangile du pardon et de
la miséricorde du Père céleste, - un Évangile prêché par l’Église à la
mort de Jésus, basé sur une doctrine du Salut qui se réalise dans (au travers
de) la mort du Rédempteur, de la résurrection et de la glorification du
Christ. Cette seconde
thèse aurait été fortement édifiée par Paul, sorte de second fondateur du
christianisme. Mais ces deux thèses prises à l’extrême peuvent être
caricaturales. L’Église affirme, dans les discours lucaniens, que Jésus est
élevé à la droite de Dieu, Il y siège ; Il est plus qu’un prophète, Il
est entré dans la nuée, Il est près du Seigneur… Il est le Seigneur. La foi
en la résurrection va devenir l’axiome de la foi chrétienne, une véritable
révolution alors que les disciples sont dans le trouble de la présence d’un
« mort encore vivant », qui se dérobe à leurs yeux. Les apparitions
cessent dès lors que la foi en la résurrection s’édifie et se traduit par un
discours précis, relayé par des confessions de foi. Il nous appartiendra, en
restant attentifs à ce que soulignait Harnack, de toujours tenter de
discerner « l’Evangelium de Christo » (ce que l’on dit de
lui) et « l’Evangelium Christi » (ce que lui-même
dit). Les disciples ont compris que ce qu’Il dit ne peut être séparé de
ce qu’Il est (différence avec l’Islam). La difficulté des chrétiens de la
première Église consiste à expliquer comment un être qui a vécu une vie
d’homme est devenu une personne transcendante et divine. Dès lors le christianisme devra faire face à deux
tentations : - la divinisation totale, ce sera le docétisme qui niera
l’humanité de Jésus, - l’humanisation radicale, qui le rend totalement humain, ce
sera l’arianisme. 4. Les quatorze premiers versets du chapitre 1 Ici, Luc reprend
la fin de son Évangile et lui donne une continuité. L’Évangile est adressé à
un certain monsieur Théophile (dédicace), une sorte de « Monsieur tout
le monde » à qui l’on narre la vie du fondateur, du Fils envoyé, et à
qui on laisse entrevoir la suite de l’aventure. Désormais le Christ ne sera
plus là mais ses disciples restent et ils auraient tort de céder au désespoir
car désormais son Esprit les accompagnera. Ils deviendront ses témoins.
L’œuvre de la Parole de Dieu salvatrice continuera à se propager. Le
Ressuscité passe quarante jours avec les siens. Il se montre vivant
(théophanie) mais déjà, il est ailleurs. Les apôtres sont pour Luc des
témoins de la résurrection. Pour Luc, le Ressuscité s’est montré aux siens,
ceci est incontestable. Les apparitions ne sont pas de l’ordre de la pieuse
illusion, il tient à y donner un caractère « quasi historique ». Nous pourrions
encore souligner les quarante jours : l’exode a duré quarante ans, Moïse
est resté quarante jours sur le Sinaï pour être instruit de la Loi (Exode 24,
18). La Tradition juive dit aussi qu’Esdras a réécrit la Loi durant quarante
jours. Il y a aussi les quarante jours au désert de Jésus. Pour les rabbins,
quarante, chiffre symbolique, évoque le temps de l’apprentissage complet.
Durant ces quarante jours, les disciples instruits par le Ressuscité sont
passés de la crainte, du doute, de la déception, à la foi et à
l’espérance : ils ont acquis la capacité d’annoncer l’Évangile, ils sont
devenus compétents en paroles et en actes ! Dans cet espace
intermédiaire, le Ressuscité ne fait pas de miracle : Il enseigne. Luc
ne dit mot de ce qu’il enseigne, mais il y a fort à parier qu’il s’agisse
d’un retournement de l’être et de l’intelligence qui amène à comprendre les
Écritures et le message de la vie de Jésus. Les miracles ne sont que des
signes donnés à l’Église et au Monde pour attirer l’attention. Ce qui compte
c’est de voir le Royaume de Dieu par la foi. Les
disciples ont pu alors saisir quatre choses relatives au Règne de Dieu : - Il
est déjà là car Dieu règne. - Il
n’est pas encore instauré sur cette Terre en plénitude. - Il
viendra. - Les croyants
entrent déjà dans cette réalité par la foi et par une nouvelle manière de
vivre. Luc annonce alors
le plan de son livre : l’Évangile sera communiqué à Jérusalem, en Judée,
dans la Samarie et aux extrémités de la Terre, c'est-à-dire Rome qui était à
cette époque la capitale du monde. Luc voit dans cette œuvre
l’accomplissement de ce qui était annoncé par les prophètes :
l’extension universelle du salut (Ésaïe 45, 22 et 49, 6), l’annonce du salut
universel (Ésaïe 8, 20 et 62, 10-11 ; Jérémie 16, 19). Les restes
d’Israël restaurés (Ézéchiel 38, 8). Le texte du chapitre 49 d’Ésaïe est en
filigrane derrière Actes 1, 8. Daniel
Marguerat souligne que la construction de l’intrigue des Actes, l’orientation
du récit et la sélection des informations historiques auxquelles il procède,
s’expliquent entièrement par cette visée de l’œuvre. -
Premièrement, Luc veut retracer l’histoire, nous dire comment l’Évangile a
quitté son espace originaire, le judaïsme, pour parvenir aux païens.
L’itinéraire de Jérusalem (Actes 1) à Rome (Actes 28) symbolise cette
ouverture de la Parole au monde. - Deuxièmement,
Luc est persuadé que Paul fut l’instrument privilégié par lequel l’offre du
salut est parvenue aux non-juifs. Il lui importe de montrer que
l’irrésistible poussée de la mission paulinienne vers les nations est
l’aboutissement du plan de Dieu annoncé par le Ressuscité (1, 8) et initié
par Philippe (Actes 8) et par Pierre (Actes 10 et 11). 5.
Remarque :
les deux formes textuelles du livre des Actes La nécessité de
faire un choix entre tous les manuscrits est commune à tous les écrits du
Nouveau Testament. Le texte des Actes placent les analystes devant une
situation tout à fait particulière : les manuscrits se séparent en deux
versions nettement dissemblables qui peuvent revendiquer l’une et l’autre une
haute ancienneté. - Le texte
alexandrin (ou oriental), celui qui est généralement traduit dans nos bibles
modernes, est représenté par deux papyri du IIIe siècle et trois
grands onciaux : Vaticanus, Sinaïticus, et Alexandrinus (IVe - Ve
siècle). - Le texte
occidental, forme textuelle plus longue que l’orientale (de 8,5 % !)
est identifiable dans quelques manuscrits de la version latine (d’où son nom
de texte occidental), mais aussi dans la version syriaque, sur des papyri de
la fin du IIIe siècle et dans le codex de Bèze. Ce texte semble
avoir glosé le texte oriental dès le IIe siècle, il présente plus
de 600 variantes avec le texte précédent et porte la marque d’une théologie
postérieure à celle de Luc. Ce type d’analyse
reste cependant fort hasardeux, surtout dans la mesure où les spécialistes
débattent toujours pour savoir quel est le texte originaire. Nous pouvons retenir
de ces différences textuelles que l’inspiration verbale, le fondamentalisme
biblique, n’est pas défendable. Frédéric Verspeeten |
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