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Etude biblique 8
Solidarités : idéal et réalité
Actes 4, 32 à 5, 16
1. L’élan de la
première communauté
Avant de conquérir le monde, le
christianisme naît dans les doutes et la tristesse d’une poignée de
disciples terrorisés par l’exécution de leur Maître au Golgotha.
Qu’est-ce qui, au lendemain de ce vendredi, a
fait naître l’Eglise ?
Cinquante ans après les faits, un brillant
écrivain, Luc, entreprend de retrouver le secret des origines chrétiennes.
La première partie de son récit (Actes 1 à 7)
raconte l’étonnant point de départ : une force se saisit des Apôtres
et les fait parler.
Commence un
âge d’or, où le nouveau groupe attire autant par le témoignage des
croyants que par leur exemple de vie. Mais tout n’est pas rose pour cette
jeune communauté exposée au danger d’être incomprise et rejetée … Les origines du
christianisme sont aussi tumultueuses.
Daniel
Marguerat – Biblia, n° 4, p. 4
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Un portrait idéalisé ?
Luc
est souvent accuser de brosser un portrait idyllique de
l’unité de la première Eglise à
Jérusalem ; l’image correspondrait plus à
l’idéalisation qu’en fait l’auteur
qu’à la réalité, qui aurait
été nettement moins brillante.
Qu’en savons-nous ?
Une chose est claire : Luc n’a pas inventé
ce qu’il dit du groupe des premiers chrétiens. Des renseignements lui ont
été communiqués sur une intense fraternité vécue à Jérusalem ; la
générosité des croyants aisés a permis un partage des biens qui visait à
secourir les adeptes nécessiteux.
A la même époque des écrivains nous rapportent
des expériences similaires de communautés rattachées à Pythagore
(Jamblique) ou de groupes esséniens rattachés à Qumrân (Flavius Josèphe).
Les premiers chrétiens ne furent donc pas les seuls à pratiquer le communautarisme
économique.
Il semble toutefois que Luc généralise un mode
de vie ecclésiale qui fut, peut-être, la caractéristique d’un seul petit
groupe. Il donnerait ainsi valeur fondatrice, dans son récit, à l’expérience
de quelques uns. Pour lui, en effet, l’Evangile doit se traduire en une
gestion généreuse des biens (voir Luc 6, 20-26 ; Luc 16 ; Luc 21,
1-4).
Biblia, n° 38, p. 11
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Le
partage des biens
Le partage des biens est souligné dans les
sommaires ; il prolonge la « communion » dans la foi (en grec
koinônia). Tout n’a pas été
parfait, comme le rappelle l’histoire d’Ananias et Saphira en 5, 1-11.
Cette mise en commun est
volontaire (5, 4) et non imposée comme à Qumrân.
Elle est plutôt une réponse libre à la grâce « reçue »
(cf. 4, 33 et 2 Cor 8,9) : deux billets de Paul sur la collecte en
faveur de l’Eglise de Jérusalem.
Plusieurs expressions rappellent les débuts d’Israël
au désert et son idéal de fraternité, de partage et de solidarité (Dt 15, 4
et 7-11).
Ces textes ont inspirés un idéal communautaire
à diverses époques (la vie monastique, François d’Assise, Mère Térésa etc).
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Le
Chapitre 4 insiste ici sur la générosité des croyants. Ils ont reçu l’aide,
la qualification de l’Esprit Saint pour agir. Il n’est pas facile de
déterminer quand et comment l’église locale est « remplie du Saint Esprit ». Mais le Livre des Actes (Luc)
laisse entendre qu’une église conduite par l’Esprit est unie (cf. 2, 44-46). Cette unité est spirituelle, ce n’est pas
une uniformité dans l’organisation. Cela peut sous-entendre un débat
doctrinal, et les communautés primitives n’y échappent pas.
L’organisation
ne doit pas compromettre la marche spirituelle, mais le souci d’édification doctrinale
(v. 42), la communion, la dîme, le don pour l’Eglise et pour les pauvres
contribuent à un culte réel (l’adoration, selon le v. 42). Une église qui vit
la communion spirituelle peut devenir attirante, intéresser même les
personnes extérieures, les autorités, la population. Elle ne peut être
réduite au silence si ce qui l’anime est véritablement spirituel. De ce fait
son témoignage se diversifie, se multiplie.
Elle peut féconder et inspirer par son message. Elle a pour mission de
témoigner en vérité du message de Jésus-Christ. Mais le message n’est pas
tout fait, il est à construire, à élaborer.
Dans
notre monde cela suscite, comme au temps des apôtres, des oppositions. Le
message de l’Evangile, et non de l’Eglise, peut entrer en conflit avec les idéologies
ambiantes. La communion spirituelle n’est pas purement intellectuelle, ou
symbolique, ou liturgique. Elle se marque par des comportements. Ici les fidèles partagent leurs biens.
Donner n’est pas un fardeau mais une bénédiction.
2. Coup de
tonnerre dans un ciel serein : la fin tragique d’Ananias et Saphira
vient troubler l’harmonie et briser l’élan de la première communauté
Le
récit d’Actes 5, 1-11 gêne et choque. Est-ce une raison pour ne pas l’écouter ?
Actes 5 et Genèse 3
Les
récits d’Actes 5 et de Genèse 3 présentent de nombreux traits communs :
· Ils sont le
récit d’une première crise qui brise l’harmonie originelle
· Cette
crise découle de la faute d’un couple (Gen 3, 1 à 7 et Ac 5,
3-4)
· La
complicité de l’homme et de la femme est soulignée
· L’homme
est interrogé (Gen 3, 8-12 et Ac 5, 3-4) ; puis la femme (Gen 3, 13-16 et
Ac 5, 7-9)
· Le couple
est banni de la présence divine l’espace sacré (Gen
3, 23-24 et Ac 5, 5-6, et 10)
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Un
péché originel en Eglise
Le
récit de la mort d’Ananias et Saphira, dont la violence
théologique dérange l’exégèse depuis
les Pères, a donné lieu à une infinité de
lectures.
D. Marguerat regarde l’usage que fait Luc de ce
récit, dans l’ensemble des chapitres 2 à 5.
« Luc
a accueilli dans son œuvre un récit dont il a fait l’exposé du péché
originel en Eglise. Il peut-être qualifié de « récit d’origine ». Ce genre littéraire expliquerait
aussi bien la dimension merveilleuse de la narration (l’essor irrésistible
de l’Eglise) que sa face tragique (2 morts foudroyantes sans que le
narrateur fasse montre de la moindre compassion) ».
Le point de vue est ecclésial et non
individuel. L’auteur voudrait ainsi magnifier le pouvoir de l’Esprit et son
œuvre dans la diffusion de la Parole.
Cependant, que la blessure originelle de la
communauté soit un déli d’argent, ne laisse pas insensible la fibre sociale
de Luc.
D.
Marguerat, La 1ère histoire du Christianisme, p. 273
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Un
conte populaire tragique
L’histoire commence et se termine à la façon d’un
conte :
· On a peu
de personnages et ils sont répartis en deux groupes opposés : d’un
côté Ananias et Saphira et Satan ; de l’autre Pierre et l’Esprit-Saint.
Les jeunes gens anonymes ne sont que des exécutants.
· Le temps
est très contracté
· Les
coupables sont punis
Les dossiers de la bible, n° 49, p. 14
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Cinq lectures traditionnelles sont
proposées de ce texte
concernant la signification de la faute des époux
1. Une lecture à
partir du jugement prononcé (Etiologique). Ici le sort des pécheurs répond
au souci des premiers chrétiens devant les défunts. L’épitre aux
Thessaloniciens l’évoque aussi (1 Thess 4, 13-17). Ici encore le pécheur
volontaire, intentionnel, menteur, dissimulateur, est l’objet du jugement
immédiat de Dieu. L’Eglise, antichambre du Royaume, ne peut garder en son
sein purs et impurs. Il n’y a pas de distinction entre Eglise visible et
invisible. Et, de plus, le jugement de Dieu semble à l’œuvre depuis la mort
et la résurrection.
2. Une lecture qui
montre Dieu punissant la faute morale. Frauder avec les lois divines et la
règle de la discipline communautaire entraine la colère de Dieu (cf. QS 6,
24b-25).
3. Une lecture
typologique en rapport avec la fraude d’Acan en Josué 7. Il s’agit de vol
d’un bien sacré.
4. Une lecture institutionnelle. L’Eglise conduite par
l’Esprit a le pouvoir d’exclure (cf. 1 Cor 5, 13 et Mat 18, 15 à 17).
5. Une lecture théologique liée à l’histoire du salut.
Ici le couple s’oppose à l’œuvre du Saint-Esprit et du Salut.
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Comment comprendre qu’une sanction
d’une telle gravité frappe un délit de mensonge ?
Le
crime n’est pas seulement son hypocrisie ; la faute doit être évaluée à
partir de l’idéal communautaire de tout mettre en commun. Cet idéal de communion, comme le montre
le premier sommaire (Ac 2, 42-47), est l’œuvre de l’Esprit-Saint dans le cœur
des croyants. Ananias et Saphira
ont contredit l’Esprit de communion ; ils ont fait mentir la règle
selon laquelle « entre eux tout était commun » (Ac 4, 32). A la
communion des frères et des sœurs, le couple a substitué sa propre connivence ;
il s’est extrait de la fraternité communautaire pour créer sa propre cellule.
L’erreur n’est pas de l’avoir projeté,
mais de l’avoir dissimulé. La parole dénonciatrice de Pierre agit à la
manière des prophètes ; mais on remarque que l’Apôtre ne délivre pas la
sentence : Ananias, puis Saphira, sont foudroyés à l’écoute de sa parole
énonciatrice de vérité.
Daniel
Marguerat, Biblia, n° 38, p. 16
3. Les
implications de cet événement
Luc
indique ici que l’Eglise ne sera pas le retour à la situation initiale
d’Eden, mais l’Eglise ne doit pas pécher par délit de communion. Le partage
des biens ne sera donc pas même s’il n’est pas utopique une marque
déterminante du Royaume. Toutefois le partage inaugure une autre manière de
vivre, un acte de foi aux paroles de celui qui promet le Royaume. Le partage
doit être libre, spontané, mais pas désordonné. Il doit répondre à un
objectif, un besoin, une attente. C’est un geste gratuit au service d’un
projet : ne pas abandonner son frère dans la détresse. Personne ne doit
être dans le besoin.
Sur
le plan théologique, il ya un appel à être vrai, c’est une exigence. La
fraude envers les autres l’est envers Dieu. Jouer ainsi c’est rompre la
communion profondément. Ce récit démontre aussi que la grâce vient se poser
sur la vie pécheresse mais n’efface pas la potentialité du péché de l’homme.
Dans son cœur, dans son intention. La grâce symbolise le pardon de Dieu mais
l’homme ne devient pas pur ni innocent. Il est responsable de ce qu’il veut
être. Il doit vivre devant Dieu.
L’Eglise
ne sera jamais un cercle de purs jusqu’au jour où le mal ne sera plus (Satan
lié et jeté dans l’étang de soufre). Les responsables de l’Eglise devront
donc aussi exercer une fonction morale, disciplinaire, d’accompagnement
spirituel en vue de l’édification et de la progression dans la foi. Le pardon
est illimité, les symptômes révélateurs du mal doivent être dénoncés. Le
partage n’est pas un idéal philosophique, c’est une réalité de communion.
4. Quatre pistes
de réflexion pour nos vies personnelles
Ce récit nous laisse quatre pistes de réflexion qui ne sont pas sans intérêt pour nos
vies personnelles :
- Exigence de vérité : être vrai
- Expérience de la chute : le salut ne nous
vaccine pas contre la chute. Il faut renoncer à l’illusion de la pureté et
veiller sans cesse
- Le mal n’est pas seulement extérieur. L’Eglise en son
sein en fait l’expérience : le bon grain et l’ivraie se côtoient.
- L’éthique
du partage reste une question lancinante.
Frédéric Verspeeten
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