Château d’Angers |
Maine-et-Loire |
|
Tenture de l’Apocalypse |
14ème siècle |
|
Saint Michel |
||
Mais que puis-je
donc faire de l’Apocalypse ? |
||
Alors que faire de l’Apocalypse ? Quatre écoles d’interprétation La lecture théologique qui semble s’imposer ici Je me
souviens de cette question d'un membre d'un groupe biblique qui avouait sa
perplexité devant le dernier livre de Ceci
dit, il y eut aussi d'autres livres du même type qui ont fait partie de
l'univers de référence des premiers chrétiens, entre autres l'apocalypse de
Paul. Après avoir inspiré de nombreux remaniements en plusieurs langues
modernes, ces textes ont fini par trouver dans L'Enfer de Dante leur
plus géniale expression. D'autres Apocalypses plus ou moins anciennes
s'ajoutent à la liste : l'Apocalypse de Jean, l'Apocalypse de Jean – le
-Théologien, l'Apocalypse de Zacharie. À
côté de cela nous pourrions mentionner entre autres le
livre d'Hénoch qui n'est pas issu du christianisme, ou encore le
Testament des Douze Patriarches ou le quatrième livre d'Esdras.
C'est volontairement que je limite l'inventaire de cette
littérature, intéressante par ailleurs. L'Apocalypse de
Jean finalement, après avoir été ignorée,
rejetée, méprisée, est entrée dans le canon
néotestamentaire où elle a rejoint d'autres textes qui
ont un style très proche : notamment Daniel,
Ézéchiel, Zacharie ou deux passages des évangiles
Matthieu 24 et Marc 13. UN LANGAGE PARTICULIER II
nous faut reconnaître que le message apocalyptique s'exprime dans
le cadre d'un genre littéraire particulier.
L'exégèse des textes, le déchiffrement des codes
sont toujours extrêmement compliqués. Une fois les codes
décryptés par les exégètes, reste
encore l'épineux problème de l'interprétation
globale et de sa signification dans l'ensemble de la tradition. Il
n'est pas simple de répondre à la question de la
signification de l'apocalyptique juive, mais on doit se demander si
l'Apocalypse de Jean est bien une apocalypse comme les autres et en
quoi elle diffère. Autre point qui mérite d'être
souligné, c'est le fait que cette littérature, qu'elle
soit juive ou chrétienne, est née dans des situations de
crises, crises qui imposaient aux communautés dont l'apocalypse
est issue, une relecture et une reformulation de la foi traditionnelle.
Ainsi l'Apocalypse de Jean se présente à nous comme une
révélation (c'est son titre en grec). Ici Jean, comme les
autres auteurs du genre, révèle des choses qu'il
connaît à des interlocuteurs qui les ignorent. Les
apocalypses bibliques ont été généralement
écrites pour réconforter les croyants, en des
périodes où ils subissent épreuves ou
persécutions. Elles développent les thèmes de
délivrance et de gloire future, en utilisant des formules
mythiques, souvent empruntées à diverses traditions
religieuses, mêmes étrangères à Israël.
L'apocalypse johannique n'échappe pas à la règle.
Ce texte est assez peu lu dans nos cercles réformés,
Calvin lui-même préféra ne pas trop, voire ne pas
du tout, commenter un texte qui présente plus d'obscurité
que de clarté. Luther le déconsidérait ouvertement. ALORS
QUE FAIRE DE L'APOCALYPSE ? Dans
le christianisme contemporain, à côté de ceux qui préfèrent ne pas en parler,
il y a ceux qui réinterprètent toute l'histoire humaine à sa lumière. Les
milieux fondamentalistes n'ont pas fini de lier un proche retour de
Jésus-Christ à l'accélération d'événements mondiaux. Il faut le dire, une
bonne dose de délire apocalyptique transforme le texte biblique en un traité
de certitudes littérales qui doivent s'accomplir bien sûr pour la gloire de
Dieu sans quoi il serait menteur et la " véracité " de L'Apocalypse
pose de nombreux problèmes de compréhension et d'interprétation parce qu'elle
est chargée de l'héritage de la tradition du judaïsme à l'époque de Jésus et
au premier siècle, mais aussi parce qu'elle emprunte nombre de ses images à
la littérature apocalyptique et que ses symboles dépassent souvent le simple
cadre de la tradition d'Israël, les interférences avec les autres traditions
religieuses sont fortes et réelles. INTERPRÉTER L'interprétation
de ce livre a donc toujours été difficile et différentes écoles ont proposé
leur grille de lecture, cela demeure encore un débat aujourd'hui. Interpréter
l'Apocalypse est un peu comme faire un puzzle. On doit d'abord trouver les
quatre coins. Ensuite, il y a les symboles définis dans le livre, comme les
candélabres et le dragon. De là, on passe aux symboles plus obscurs, qui ont
leur origine dans l'Ancien Testament, comme les sept trompettes et les
coupes. Celles-ci représentent les pestilences et Traditionnellement
il y a quatre écoles d'interprétation - Selon
la pensée " prétériste ", le livre décrit, dans un langage
voilé, les événements de l'époque de Jean jusqu'à la fin de l'empire romain,
ou la conversion de Constantin. [Le terme
"prétériste" vient du latin qui signifie `au-delà" ou
"passé". Ce point de vue appliqué au livre de l'Apocalypse dit que
la plupart sinon la totalité du livre s'applique aux événements des premiers
siècles de l'histoire de l'Église]. - Pour
la pensée " historiciste ", le livre est un tableau de
l'histoire depuis la naissance du Christ jusqu'au second avènement et
au-delà. L'interprétation littérale suppose que le Christ reviendra sur les
nuées du ciel. De cette manière on essaie de mettre en relation des
événements historiques précis avec les passages du livre. - La
pensée " idéaliste " voit entre les messages du premier siècle
et de l'avenir lointain que le livre de l'Apocalypse s'applique aux principes
toujours présents dans l'expérience chrétienne. Notamment la lutte contre - La
pensée " futuriste " considère le livre comme une prophétie des
événements à venir, surtout ceux qui précédent le second avènement. Elle est
encouragée par de nombreux mouvements qui attendent avec effervescence le
retour de Jésus-Christ. Je
suis convaincu que ces lectures, qui peuvent avoir des côtés attractifs et
troublants, ne rendent pas justice au texte. Je vois plutôt l'Apocalypse
comme un livre dans lequel l'apôtre s'adresse à une communauté qui vit
l'épreuve de sa foi chrétienne dans le monde et qui prend conscience de sa faiblesse.
À cette communauté, le Dieu vivant et son Christ rappellent qu'ils demeurent
maîtres de toutes choses. Ainsi, face à l'épreuve, il ne faut pas perdre
confiance car le maître de l'histoire veille, notre vie ne se borne pas à
l'apparence de ce que ce monde présent, lieu de tribulations, nous fait
vivre. C'est
la lecture théologique qui me semble devoir s'imposer ici ! Si
elle demande un effort au lecteur, elle lui rappelle que la foi permet
d'avancer et de vaincre les épreuves de ce monde. L'Apocalypse est en quelque
sorte la suite des Évangiles, cela paraît surprenant mais, en y regardant
bien, elle dit par symboles et mots cachés l'accomplissement du plan de Dieu
en marche. Non, la croix n'a pas été l'échec de Dieu, Il continue son œuvre.
Par ailleurs ces textes affirment qu'il y aura une fin à cette création trop
imparfaite. Nous ne savons pas véritablement comment. Les symboles ne sont
pas à prendre à la lettre, mais il y aura avènement d'une nouvelle réalité où
il n'y aura ni larmes, ni deuils, ni souffrances. Les symboles peuvent à eux
seuls, pris un à un, donner à penser mais la littéralité tue fondamentalement
la profondeur de l'œuvre. Pour nous aujourd'hui, face à ce livre, il ne
s'agit pas tant de décoder ce qui serait exagérément crypté mais de
sensibiliser le lecteur pour que l'imaginaire face prendre conscience de la
réalité du Dieu vivant qui n'est pas destructeur mais édificateur, créateur
d'un monde nouveau auquel il nous associe. Frédéric
VERSPEETEN |