Les chemins de l’Exode :
étude biblique 9

Le récit de l’Exode,
mythe ou réalité

La création d’Adam, par Michel Ange

Une partie de la fresque

du plafond

de la Chapelle Sixtine

Rome, Le Vatican

 

1508 -1512

 

 

 

 

 

 

Etude biblique 9

Les chemins de l’Exode : mythe ou réalité ?

intervention d’Eric Deheunynck le 18 avril 2008
au terme du voyage Egypte (Le Caire) – Jordanie (Aman), avant d’arriver au Mont Nébo

Introduction

Nous voici arrivés au terme de notre périple, puisque nous sommes partis du Caire et maintenant nous sommes en route pour le Mont Nébo. Je vous propose pour ce moment une conclusion, ma conclusion sans prétendre vous proposer la conclusion. Je tenterai de répondre à une question qui peut apparaître convenue, mais qui pour moi ne l’est pas : Les chemins de l’Exode, mythe ou réalité ? Pour répondre à cette question, je croiserai le regard de l’historien que je suis par formation ou déformation et celui du croyant en chemin qui vous accompagne.

1.   Regard d’historien

Lors de ce voyage, j’ai parfois vu planer le soupçon du doute sur la réalité historique de ce que l’on nous racontait. Moïse vient-il vraiment d’Egypte ? Certains disent que non et s’appuient sur le silence des archives égyptiennes… d’autres affirment le contraire et font remarquer que Moses est un nom d’origine égyptienne (le Mosis de Thoutmosis). A quelle époque se passe toute cette histoire ? La bible ne donne même pas le nom du pharaon ! Quelle route les Hébreux ont-ils empruntée ? Sont-ils passés par les lacs amers ou ont-ils longé la côte ? Où se situe le mont Horeb ?... Je m’arrête là, mais il est possible d’allonger la liste des interrogations. L’historien est réduit aux hypothèses et a du mal à établir les faits historiques. La Bible n’est vraiment pas œuvre d’historien ! Faut-il s’en étonner ? Je ne le pense pas !

Quand la bible a été rédigée, il n’y avait pas d’historiens au sens moderne du terme. La torah écrite est finalisée vers le VIIe siècle av. J-C, la bible au Ve siècle a. J-C. A ma connaissance, le premier historien au sens moderne du terme, celui qui cherche des témoignages, les confronte, cherche des sources, avance des causes et écarte les interventions des dieux…  fut un dénommé Polybe, historien grec du II siècle av JC !

La Bible n’est pourtant pas inutile à l’historien. Elle est une sources pour lui. Il va la croiser avec les autres écrits, des Egyptiens (archive de tell Armana), des Moabites (stèle de Mesha), des Assyriens (récit de l’enfance de Sargon II) etc… Les récits peuvent être confrontés aux découvertes archéologiques. L’historien peut aussi faire une étude critique interne du récit biblique. Par exemple lors du passage de la mer des joncs, jamais identifiée à la mer rouge, il est possible de dissocier un récit spectaculaire et extraordinaire (à bras et main tendues) et un récit plus réaliste et ordinaire. La mer monte, elle redescend et les chars égyptiens sont embourbés… L’historien a tendance à écarter l’intervention divine. Il fait preuve d’athéisme méthodologique pour reprendre une expression entendue lors de mes études de théologie. L’historien cherche des documents, des preuves, des indices. Il est un observateur extérieur qui ne s’implique pas, qui ne se laisse pas happer par le texte… Peut-on vraiment être extérieur au texte, objectif, hors du temps ? Pas si sûr mais je laisse cette interrogation aux historiens. Je dirai seulement que le croyant lui s’inclut dans le texte, se l’approprie, le rumine. Il n’est pas un observateur extérieur…

2.   Regard croyant

Plutôt que lire le récit de l’Exode comme une œuvre historique, lisons-le comme un mythe… Ah voilà un mot dont le sens est parfois négatif. Le mythe est faux, au moins d’après son étymologie. Dans la question « mythe ou réalité ? », le mythe est implicitement ce qui n’est pas la réalité. Le mythe nous tromperait-il ? Je ne pense pas, car le mythe n’est pas du domaine de l’histoire et du temps. Le mythe est du domaine de l’être, de l’existence, de l’identité. Le mythe ne nous dit pas exactement ce qui s’est passé. Il nous dit qui nous sommes ou qui nous devrions être. Il n’est pas temporel, mais ontologique, existentiel.

Prenons quelques mythes bibliques. L’histoire d’Adam et Eve ne nous raconte pas les débuts de l’histoire de l’humanité mais nos origines ?  Le récit n’est pas historique mais nous dit qui sont les hommes, ce qu’est la foi, quelles sont les obstacles à une véritable relation… Adam vient d’adamah, la terre. Adam est littéralement le terreux… il est finalement tout homme !

Lorsque Caïn tue Abel, on peut y voir une histoire vraie. Caïn serait l’ancêtre d’une tribu appelée les Qénites. Cela dit Abel est littéralement le vaporeux. Il n’a pas d’existence, il est là pour que l’histoire se réalise. Ce récit du fratricide nous rappelle que nous ne naissons pas frères, mais que nous le devenons. Là est l’un des sens profonds de ce récit. S’il n’était qu’une histoire de famille d’un passé révolu, cette histoire aurait bien peu d’intérêts pour nous.

Que penser du récit de l’Exode ? Je ne prétends pas que ce récit soit sans fondement historique. Difficile pour moi d’imaginer que Moïse soit une invention. Cela dit, le Moïse historique nous est en grande partie inaccessible. Mais là n’est pas l’essentiel. L’important pour nous est de savoir ce que ce récit a à nous dire pour aujourd’hui ! Les juifs célèbrent la sortie d’Egypte lors de la fête de Pâque. Ils le font non pour juste garder mémoire, mais pour être libre aujourd’hui. Que signifie ce récit de l’Exode pour nous? De quelles servitudes devons-nous être libérés ? Lors d’un de nos partages, la question était « Moi, la loi de Moïse et Jésus »… la question est bien existentielle, elle nous engage, nous invite à la conversion. La notion de chemin doit aussi nous interpeller. Nous sommes partis d’un point de départ pour un point d’arrivée. Il n’y a pas de retour à la case départ. Etre en chemin, c’est prendre une direction, cheminer c’est aussi évoluer, se transformer. Notre foi n’est pas un bloc monolithique, mais elle est aussi en chemin. Certains d’entre nous reviendront probablement différents, transformés.

Le récit de l’Exode : Mythe ou réalité ? A cette question initiale je répondrai que c’est un mythe fondateur dans le sens donné plus haut.  C’est un récit qui nous inclue, nous interpelle, nous transforme. Il peut donc devenir réalité, mais cela dépend de nous.

 

Eric Deheunynck

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