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Etude biblique 9 Les chemins de l’Exode : mythe
ou réalité ? Introduction Nous voici arrivés
au terme de notre périple, puisque nous sommes partis du Caire et maintenant nous
sommes en route pour le Mont Nébo. Je vous propose pour ce moment une
conclusion, ma conclusion sans prétendre vous proposer la conclusion. Je
tenterai de répondre à une question qui peut apparaître convenue, mais qui
pour moi ne l’est pas : Les chemins de l’Exode, mythe ou réalité ?
Pour répondre à cette question, je croiserai le regard de l’historien que je
suis par formation ou déformation et celui du croyant en chemin qui vous
accompagne. 1. Regard
d’historien Lors de ce voyage,
j’ai parfois vu planer le soupçon du doute sur la réalité historique de ce
que l’on nous racontait. Moïse vient-il vraiment d’Egypte ? Certains
disent que non et s’appuient sur le silence des archives égyptiennes…
d’autres affirment le contraire et font remarquer que Moses est un nom
d’origine égyptienne (le Mosis de Thoutmosis). A quelle époque se passe toute
cette histoire ? La bible ne donne même pas le nom du pharaon !
Quelle route les Hébreux ont-ils empruntée ? Sont-ils passés par les
lacs amers ou ont-ils longé la côte ? Où se situe le mont
Horeb ?... Je m’arrête là, mais il est possible d’allonger la liste des
interrogations. L’historien est réduit aux hypothèses et a du mal à établir
les faits historiques. La Bible n’est vraiment pas œuvre d’historien !
Faut-il s’en étonner ? Je ne le pense pas ! Quand la bible a
été rédigée, il n’y avait pas d’historiens au sens moderne du terme. La torah
écrite est finalisée vers le VIIe siècle av. J-C, la bible au Ve
siècle a. J-C. A ma connaissance, le premier historien au sens moderne du
terme, celui qui cherche des témoignages, les confronte, cherche des sources,
avance des causes et écarte les interventions des dieux… fut un dénommé Polybe, historien grec du II
siècle av JC ! La
Bible n’est pourtant pas inutile à l’historien. Elle est une sources pour
lui. Il va la croiser avec les autres écrits, des Egyptiens (archive de tell
Armana), des Moabites (stèle de Mesha), des Assyriens (récit de l’enfance de
Sargon II) etc… Les récits peuvent être confrontés aux découvertes archéologiques.
L’historien peut aussi faire une étude critique interne du récit biblique.
Par exemple lors du passage de la mer des joncs, jamais identifiée à la mer
rouge, il est possible de dissocier un récit spectaculaire et extraordinaire
(à bras et main tendues) et un récit plus réaliste et ordinaire. La mer
monte, elle redescend et les chars égyptiens sont embourbés… L’historien a
tendance à écarter l’intervention divine. Il fait preuve d’athéisme
méthodologique pour reprendre une expression entendue lors de mes études de
théologie. L’historien cherche des documents, des preuves, des indices. Il
est un observateur extérieur qui ne s’implique pas, qui ne se laisse pas
happer par le texte… Peut-on vraiment être extérieur au texte, objectif, hors
du temps ? Pas si sûr mais je laisse cette interrogation aux historiens.
Je dirai seulement que le croyant lui s’inclut dans le texte, se l’approprie,
le rumine. Il n’est pas un observateur extérieur… 2. Regard
croyant Plutôt que lire le
récit de l’Exode comme une œuvre historique, lisons-le comme un mythe… Ah
voilà un mot dont le sens est parfois négatif. Le mythe est faux, au moins
d’après son étymologie. Dans la question « mythe ou
réalité ? », le mythe est implicitement ce qui n’est pas la
réalité. Le mythe nous tromperait-il ? Je ne pense pas, car le mythe
n’est pas du domaine de l’histoire et du temps. Le mythe est du domaine de
l’être, de l’existence, de l’identité. Le mythe ne nous dit pas exactement ce
qui s’est passé. Il nous dit qui nous sommes ou qui nous devrions être. Il
n’est pas temporel, mais ontologique, existentiel. Prenons quelques
mythes bibliques. L’histoire d’Adam et Eve ne nous raconte pas les débuts de
l’histoire de l’humanité mais nos origines ? Le récit n’est pas historique mais nous dit
qui sont les hommes, ce qu’est la foi, quelles sont les obstacles à une
véritable relation… Adam vient d’adamah, la terre. Adam est littéralement le
terreux… il est finalement tout homme ! Lorsque Caïn tue
Abel, on peut y voir une histoire vraie. Caïn serait l’ancêtre d’une tribu
appelée les Qénites. Cela dit Abel est littéralement le vaporeux. Il n’a pas
d’existence, il est là pour que l’histoire se réalise. Ce récit du fratricide
nous rappelle que nous ne naissons pas frères, mais que nous le devenons. Là
est l’un des sens profonds de ce récit. S’il n’était qu’une histoire de
famille d’un passé révolu, cette histoire aurait bien peu d’intérêts pour
nous. Que penser du
récit de l’Exode ? Je ne prétends pas que ce récit soit sans fondement
historique. Difficile pour moi d’imaginer que Moïse soit une invention. Cela
dit, le Moïse historique nous est en grande partie inaccessible. Mais là
n’est pas l’essentiel. L’important pour nous est de savoir ce que ce récit a
à nous dire pour aujourd’hui ! Les juifs célèbrent la sortie d’Egypte
lors de la fête de Pâque. Ils le font non pour juste garder mémoire, mais
pour être libre aujourd’hui. Que signifie ce récit de l’Exode pour nous?
De quelles servitudes devons-nous être libérés ? Lors d’un de nos
partages, la question était « Moi, la loi de Moïse et Jésus »… la
question est bien existentielle, elle nous engage, nous invite à la
conversion. La notion de chemin doit aussi nous interpeller. Nous sommes
partis d’un point de départ pour un point d’arrivée. Il n’y a pas de retour à
la case départ. Etre en chemin, c’est prendre une direction, cheminer c’est
aussi évoluer, se transformer. Notre foi n’est pas un bloc monolithique, mais
elle est aussi en chemin. Certains d’entre nous reviendront probablement
différents, transformés. Le récit de
l’Exode : Mythe ou réalité ? A cette question initiale je répondrai
que c’est un mythe fondateur dans le sens donné plus haut. C’est un récit qui nous inclue, nous
interpelle, nous transforme. Il peut donc devenir réalité, mais cela dépend
de nous. Eric Deheunynck |
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