Ce récit de la Genèse est souvent
désigné sous le nom de « sacrifice d’Abraham ». il fait partie des
textes fondateurs des traditions juive, chrétienne et musulmane :
- La tradition rabbinique appelle
beaucoup plus justement cet épisode « la ligature d’Isaac »,
puisqu’il n’y a pas de sacrifice proprement dit.
- D’après le Coran, Abraham, père
des croyants a eu son fils aîné Ismaël avec son épouse Agar. En songe, il se
vit sacrifier Ismaël et décida de le faire sur une montagne proche de la Mecque.
En dépit de cette divergence
notable, dans les deux traditions Dieu envoie un ange portant un mouton pour remplacer
le sacrifice de son fils.
- Pour
le christianisme il s'agit ici de la reconnaissance de la valeur de la vie humaine. Les
premiers chrétiens ont vu très vite dans ce texte une préfiguration de
l'œuvre de Dieu en Jésus-Christ.
La tradition juive souligne
qu’Abraham fut éprouvé dix fois par Dieu, pendant sa vie. La ligature
constitue le dixième et l’ultime test. Le Talmud donne une version enrichie
de cet événement. Le Talmud affirme que la requête de Dieu prit la forme
d'une supplication : " Je t'en prie, apporte ton fils. "- qui
indique Sa volonté à ce qu'Abraham surmonte cette dernière épreuve ! "Je
t'ai éprouvé plusieurs fois et tu as toujours franchi ces tests, " dit
Dieu. " Si tu ne surmontes pas cette épreuve, les gens pourraient dire
que les premières étaient vaines et n’étaient pas sincères. "
Dans les trois traditions -
juive, chrétienne, musulmane- Abraham est reconnu comme le " père des
croyants ", notamment en raison de la manière dont il a supporté avec
foi cette épreuve.
- Introduction :
Paul parle d’Abraham avec ferveur
- De
nombreux travaux autour de ce texte
- C’est
une histoire scandaleuse
- Ne
devrait-on pas prendre Abraham pour un intégriste ?
- L’histoire
d’Abraham nous amène sur le chemin de la foi
- Le
Dieu d’Abraham et de Jésus n’aime pas le sang versé
- La
foi, non les sacrifices
- Sources
Introduction :
Paul parle d’Abraham avec ferveur
Paul parle d’Abraham avec ferveur. Il le nomme
vingt fois rien que dans ses lettres aux Galates, aux Corinthiens et aux
Romains. Et presque toujours, il précise : « notre père », « notre père à tous » et plus
nettement : « Ce sont les
croyants qui sont fils d’Abraham « (Galates 5,7), qui sont « bénis avec Abraham le croyant »
(Gal 3,9). Impossible pour Paul d’évoquer Abraham sans parler de sa
descendance : « Vous êtes de
la descendance d’Abraham » (Gal 3,29). Et bien sûr, Paul avait
sûrement lu et relu les textes de la Genèse où le Seigneur annonce à ce vieillard
Abraham. Contre toute vraisemblance, qu’il deviendrait l’ancêtre d’une
multitude de nations, qu’ « à travers lui, toutes les nations de la
terre seront bénies « (Gn 12,3 ; cf. 22,18). Et pour Paul, c’est
bien parce qu’Abraham a accueilli et conservé cette promesse incroyable (Ro
4,3) qu’il est devenu l’image même d’une foi vécue en ce Dieu qui donne
gratuitement ce qu’Il donne. Abraham est le type des croyants, ce que
signifie précisément l’expression « père des croyants » sous la plume de
Paul.
Mais voilà : ces croyants se sont disputés,
au point de se contester mutuellement leur identité d’enfants d’Abraham. Paul
s’est vu obligé de mettre les points sur les points sir les « i ».
Et lui, le prédicateur du don gratuit de Dieu, il a dû rappeler qu’il ne
suffisait pas d’être né juif pour être vraiment un descendant d’Abraham (Ro
9,8). Il n’était pas, d’ailleurs, l’inventeur de cette grave mise en garde.
Il semble bien que déjà Jean-Baptiste, quand il a vu arriver à lui des
pharisiens et des sadducéens, les a violemment pris à partie : « Ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes :
Nous avons Abraham pour père » (Luc 3,8 et Matt 3,9), et il aurait
ajouté : « De ces pierres
Dieu peut susciter des enfants à Abraham ! ». Ce qui, derrière
la mise en garde, reformule la promesse originelle de Genèse 12 : Dieu
est décidé à susciter à Abraham des « enfants » qui, pour mener
leur vie accorderont plus d’importance à sa promesse qu’à leur capital
génétique et a leurs mérites.
Dans les années 80-90, alors que Jean-Baptiste,
Jésus, Paul étaient morts depuis longtemps, juifs et chrétiens étaient
devenus, hélas, des frères ennemis. Chaque « camp » déniait à l’autre
la possibilité de se dire descendance d’Abraham. Dans l’évangile de Jean, qui
date justement de ces mêmes années, c’est Jésus lui-même qui à la fois
reconnaît une possibilité pour ses interlocuteurs juifs de se dire
descendants d’Abraham et pourtant refuse que cette parenté soit comprise comme
un acquis de naissance : « Si
vous étiez vraiment les enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres qu’il a
faites » (Jn 8,39). Autrement dit : vous vivriez et agiriez
portés par la foi dans la promesse faite à Abraham et non comme des
titulaires d’un droit ou d’un privilège inaliénable.
Ce conflit de la seconde moitié du premier siècle
a, hélas, vous le savez, abondamment nourri par la suite un antisémitisme
prétendument chrétien.
Tout ceci avant la méditation de notre texte pour
dire combien les récits de la
Genèse, et celui de Genèse 22 en particulier, sont
fondamentaux dans les écrits bibliques.
De nombreux
travaux autour de ce texte (Genèse 22, 1 à 19)
Ce récit a donné lieu
entre autres à de savants travaux de spécialistes tournant autour du problème
des sacrifices, et en particulier
des sacrifices d’enfants, à une pièce de théâtre de Théodore de Bèze, le
successeur de Calvin à Genève, à des peintures aussi. L’une d’elle, due au
Tourangeot Nicolas de Lyre, en 1500. Cet enlumineur a représenté cet épisode,
qu’il intitule improprement, à la suite de bien d’autres, « le sacrifice
d’Abraham ». en légende de l’illustration on peut lire le texte suivant :
Cet épisode illustre
l’infériorité de la relation charnelle sur la relation spirituelle puisqu’un
père accepte de sacrifier son fils par amour pour Dieu. Isaac, les mains
jointes, prie à genoux sur l’autel. Son père lui tient les cheveux de la main
gauche et, de sa main droite, lève l’épée prête à s’abattre. L’ange, sur
ordre de Dieu, vient in extremis retenir l’arme et empêcher le sacrifice.
Et je me souviens de
plusieurs veillées dans le Gard, au nord d’Alès, où un cher ami darbystes,
assidus à nos rencontres, priait d’abondance (comme ont l’habitude de le
faire nos amis darbystes). Dans sa longue prière de louange il repartait,
systématiquement, du sacrifice d’Abraham en évoquant l’obéissance d’Abraham,
la soumission du fils Isaac, préfiguration de l’œuvre de Dieu en
Jésus-Christ, « lui qui n’a pas
épargné son propre fils, mais l’a livré lui-même pour nous ». N’est-il
pas écrit : le sang de Christ nous
purifie de tout péché.
Reprendre
littéralement les textes. Nous redire pieusement l’histoire comme nous
l’avons apprise. Pourquoi pas ? Bien sûr. Mais pour transmettre la
vérité de l’Evangile à nos contemporains, ne faut-il pas aussi nous demander :
mais qu’est-ce que cela veut me dire aujourd’hui ? Comment partager sur
Dieu aujourd’hui ?
C’est une histoire scandaleuse !
Habitué à ces récits dès notre enfance, ils ne
nous choquent peut-être pas, ou plus.
Et pourtant c’est une histoire scandaleuse, et
elle est dans la Bible.
Mais les histoires qui nous embarrassent ont un
sens. Elles sont là pour dire : Dieu a une parole pour nous, une parole
jamais conforme au standard en vigueur, une parole qui n’est pas là pour dire
ce que nous aimerions entendre mais qui est là pour nous faire prendre un
autre chemin.
Il arrive que cette parole soit folie pour les
uns, et scandale pour les autres. C’est le cas de ce récit.
Voici : pour obéir à Dieu un père est prêt à
tuer son fils. Ce père, c’est Abraham. Il est originaire de la Mésopotamie,
cette région qui s’appelle aujourd’hui l’Irak.
Il se dit appelé par Dieu et à l’âge de 75
ans, il quitte son pays et se met en marche vers la terre que Dieu lui
promet. La route sera longue, elle lui fera connaître des
épreuves variées, mais Abraham ne s’arrêtera
jamais.
Si quelqu’un s’arrête en chemin, c’est plutôt le
lecteur. Effrayé par cette histoire de sacrifice, il ne veut plus avancer, et
se dit : pourquoi cet enfant, donné à Abraham et Sara, doit-il mourir ?
Comment Dieu peut-il demander quelque chose d’aussi cruel ?
Oui, la plupart du temps, Dieu est mis au banc des
accusés, et Abraham est admiré pour son courage et son obéissance
silencieuse. Dans ce procès imaginaire, Dieu est le coupable, et Abraham la
victime qui refuse de porter plainte.
Mais Issac, de qui est-il la victime ?
Pourquoi Abraham serait-il épargné dans cette
affaire, lui qui s’apprêtait à ne pas épargner son propre fils ? On
pourrait très bien l’accuser lui aussi, l’accuser de tentative de meurtre,
d’avoir voulu entrainer la mort sans intention de la donner.
Je vous le demande : actualisons, je vous en
prie. Les medias nous ferait part aujourd’hui d’un tel événement et nous
dirait : voilà, au nom de sa vision, un tel est parti avec son fils et
est allé le sacrifier au dieu qu’il vient de voir en songe. Ne crierions-nous
pas à la barbarie ? Ne demanderions-nous pas aux pays duquel relève cet
individu d’appliquer les droits de l’homme, éventuellement sous peine de
sanctions ? Une mobilisation des associations nationales et
internationales (ACAT, Amnisty international, …) militant pour les droits de
l’homme serait organisée. N’est-ce pas ?
Ne
devrait-on pas prendre Abraham pour un intégriste ?
En fait, si on ignore
les étapes de la vie d’Abraham, on pourrait le prendre pour un intégriste.
Car Dieu lui dit : « Offre-moi ton fils en sacrifice », et Abraham
le fait. Sans broncher, sans aucune révolte de sa part, comme si ça allait de
soi !
A votre avis, Abraham
n’en fait-il pas un peu trop ?
Quand Dieu lui demande
d’interrompre son geste mortel, c’est comme s’il lui disait : mais
arrête donc ! Ne vois-tu pas que tu vas trop loin ? Croyais-tu que
j’allais te laisser faire jusqu’au bout ? Pourquoi penses-tu que je te
demande cela ?
Ceci dit, ce qu’Abraham
était prêt à faire, combien de gens ne l’ont pas fait en allant jusqu’au bout ?
Combien n’ont pas tué leur prochain au nom de leur Dieu ? Combien
d’atrocités n’ont pas été –et sont encore- commises en son nom ?
En fait, si Abraham
avait été intégriste, il n’aurait pas écouté la voix de Dieu lui ordonnant
d’arrêter son geste. Il aurait été jusqu’au bout, car l’intégriste est celui
qui veut faire la volonté de Dieu, que Dieu le veuille ou non. L’intégriste
est quelqu’un qui ne sait pas entendre une parole autre que la sienne.
Ce n’est pas le cas
d’Abraham. Il était attentif à ce que pouvait dire Dieu à tout moment. Seul
celui qui attend quelque chose peut-être attentif.
Abraham a entendu, et
probablement n’attendait que ça. Trois jours d’attente. Abraham pouvait-il
croire que la volonté de Dieu était la mort de cet enfant promis !
Dieu veut-il la mort ?
Sinon, pourquoi laisse-t-il faire le
mal ?
Il me semble que notre
récit dit des choses importantes à ce sujet.
- Tout d’abord –et on ne le dira jamais
assez- c’est l’histoire d’un sacrifice qui n’a pas lieu. Il faut donc cesser
de l’appeler le « sacrifice d’Isaac ».
- En revanche, certains peuples à
l’époque d’Abraham, pratiquaient les sacrifices humains pour obtenir la
faveur de leurs dieux. Et notre récit réagit fortement contre ces rites
abominables. Il nous révèle l’identité du Dieu d’Abraham : celui qu’on
appelle Dieu le Père s’oppose radicalement au mal. Il dit « arrête, Abraham !
». Pour qui me prends-tu ? Les sacrifices humains me sont en horreur !
Peux-tu imaginer Dieu capable d’agression ?
Et pourtant, quelques
siècles plus tard, Paul, l’apôtre, le prédicateur de la grâce gratuite ose
justifier l’interdiction faite aux disciples du Christ de se faire justice
eux-mêmes en se vengeant, et il justifie cette interdiction en réservant à
Dieu « vengeance et rétribution » (Rom. 12, 19 citant Deut 32, 35) !
Aujourd’hui, devant Dieu
et devant les millions d’êtres humains sacrifiés au quotidien sur l’autel du
pouvoir, de l’argent, du nationalisme, nous sommes tentés de redire avec Caïn :
je ne suis pas le gardien de mon frère.
Quatre mille ans après Abraham,
nous vivons dans un monde qui n’a toujours pas abandonné la pratique des
sacrifices, un monde régi par des faux dieux, un monde qui
sacrifie les plus faibles.
- Le Dieu de la Bible est absent de ce
monde religieux qui ne veut pas de lui. Lui qui est le plus grand de toute la
création, il vit parmi les plus petits et il chemine avec les oubliés. C’est
là qu’on peut le rencontrer.
- Oui, il faut dépouiller Dieu de
toutes les représentations simplistes que l’on a de lui, pour trouver le Dieu
inattendu : le Dieu d’Abraham qui demande la vie de son enfant et qui le
sauve, le Dieu de l’Evangile qui meurt sur la croix et ressuscite le
troisième jour.
La Résurrection,
disait Georges Casalis, c’est le cadeau offert à chaque être humain pour
qu’il puisse naître à la vie au sein de sa propre existence.
Cette résurrection,
Abraham et Issac en font l’expérience au bout de trois jours de marche. Au
bout du chemin. Le chemin de la croix. La croix portée ensemble, père et
fils, comme si leur vie ne faisait qu’une.
L’histoire d’Abraham nous amène
sur le chemin de la foi
L’histoire d’Abraham
nous amène sur le chemin de la foi, là où il faut marcher avec la confiance
comme seul bagage. Sans se fonder sur une pensée affirmant qu’il faut se
mortifier – se mettre à mort, se « kamikaser » – pour être agréable
à Dieu. La foi est une épreuve sans preuve. Elle ne se démontre pas, elle
s’éprouve. Tout ce qu’il sait (même si c’est faux, et qu’il épouse en cela
la pensée de son temps) c’est que Dieu lui demande son enfant et tout ce
qu’il croit, c’est, dit-il, que « Dieu veillera ».
Sur la route de la foi,
pas d’assurance tout risques : c’est plutôt le risque assuré. Abraham
doit faire un saut dans le vide, accepter l’absence de garantie, de
contrepartie de la part de Dieu.
Celui qui croit est
vraiment à découvert.
Abraham fait
l’expérience de la foi toute nue.
Celui qui croit n’a que
ses convictions pour vivre. Ainsi le croyant découvre qu’il ya quelque chose
de plus important que la vie : c’est ce qui est centre de la vie. Plus
important que la vie est sa signification.
Pour Abraham, le sens
est donné au bout du chemin : c’est l’annonce de la Résurrection,
formidable contestation contre la fatalité de la mort. Dieu veut la vie de
l’enfant. Et il le sauve. Dans cette histoire, ce n’est pas l’enfant
qui est sacrifié, c’est la fatalité qui meurt, car ce qui devait arriver
n’arriva pas. Isaac est vivant.
L’Ecriture nous dit que
ceux qui sont agréés par Dieu, ce sont ceux qui la foi d’Abraham.
Abraham est le prototype
du disciple, le « père » des disciples ?
Pourquoi ? Paul déclare : « Abraham
eut foi dans le Seigneur, et pour cela le Seigneur le considéra juste
»(Gal. 3,7). Et c’est cette relation de foi, non une ascendance ethnique ou
simplement d’état civil, qui fait d’une femme ou d’un homme un enfant
d’Abraham.
La réponse d’Abraham à
la question d’Isaac « Dieu saura voir l’agneau pour l’holocauste, mon fils !
» (Gn 22, 8) exprime on ne peut mieux cette confiance, qui ne suggère pas le
miracle mais se contente d’être confiance.
Le Dieu d’Abraham et de Jésus
n’aime pas le sang versé
Le Dieu d’Abraham et
de Jésus n’aime pas le sang versé, fût-il religieusement versé, pieusement
versé ! Et je dis bien le Dieu d’Abraham et de Jésus, le Dieu d’Israël,
sans opposer un dieu redoutable qui serait celui du Premier Testament au dieu
bon du Nouveau Testament.
- Vous connaissez sans doute cette
véhémente protestation transmise par le prophète Amos de la part du Seigneur :
« Je ne puis sentir vos rassemblements quand vous faites monter vers moi des
holocaustes ; votre sacrifice de bêtes grasses, j’en détourne les yeux » ;
j’arrête ici la citation, mais elle se poursuit sur le même ton.
- Découvrons le Dieu d’Abraham et de
Jésus-Christ qui donne sa propre vie, mais non pas en sacrifice.
Dans les paroles d’un
chant qui a été composé il y a quelques années dans la mouvance évangélique,
le verset de Jean 3,16 a
donné naissance à un cantique qui dit :
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a
sacrifié son Fils. . . « Malheureusement pour les
compositeurs et paroliers du chant, le récit de
l’Évangile ne dit pas littéralement qu’il a
été sacrifié. Vous avez là l’exemple
type de l’interpénétration entre ce que dit le
texte et ce que l’on en interprète immédiatement en
pensant que l’amplification abusive du récit
l’éclaire et lui donne sa vérité.
En réalité, je ne crois
pas que Dieu a sacrifié son Fils ; certes il y a eu dans l’Église dès
les premières heures et les premières années des débats sur l’œuvre de Jésus
par rapport à Dieu et à la tradition qui était la sienne à l’origine. Si la
tendance de l’Église a été de prendre en compte la notion de sacrifice, dans
une culture religieuse marquée par les sacrifices de réparation et de
réconciliation envers la divinité et si l’Église y a répondu en disant
désormais il n’y aura plus de sacrifice, s’il y en a eu un c’est celui de la
croix et aucun autre, il ne faut pas tomber dans le travers qui donne à la
théologie sacrificielle trop de place dans l’expérience chrétienne. L’épitre
aux Hébreux est là pour le démontrer à la communauté juive.
Dans la tradition
chrétienne, on a parfois trop insisté sur le fait que Dieu avait
volontairement fait mourir Jésus pour satisfaire sa justice. Des théologiens
se sont même interrogés sur « la rançon que Dieu était censé payer au
diable pour nous arracher à son empire « , ou encore sur la nécessité de
l’offrande sanglante d’un être pur et sans tache, pour satisfaire la justice
de Dieu ; ou même sur la clémence de Dieu qui ne trouvant chez les
humains aucun qui fasse le bien, livre lui-même celui qui l’incarnera !
Or, cela ne doit pas
nous faire oublier que le sacrifice humain au sens : « il faut qu’il
meure et que le sang coule pour que Dieu soit clément « n’est pas dans
la logique biblique. Alors qu’Abraham croit avoir entendu Dieu lui demander
qu’Isaac soit immolé, Dieu attrape sa main et lui recommande de ne pas le
faire.
Aucun sacrifice humain
ne pourrait être une bonne odeur aux narines d’un Dieu sauvage et cruel, car
il ne se contenterait pas d’un seul ! De plus le Dieu de la bible, celui
que révèle Jésus, n’est ni cruel ni sauvage, mais il arrive que les hommes
le fassent à leur image et lui prêtent cette intention.
Jésus a sacrifié sa vie
de son plein gré, car il voulait aller jusqu’ au bout de ses convictions,
certes il avait ouvert son esprit à l’œuvre de Dieu et dans sa marche plus
rien ne pouvait le faire revenir en arrière. Mais ce n’est pas la mort de
Jésus qui nous rachète, c’est Dieu qui le fait et qui se sert de la mort de
Jésus pour nous le signifier. Alors que nous pensions que tout est fini, tout
renait et recommence. Le monde est et demeure l’objet de l’amour infini de
Dieu.
Malgré l’assassinat
commit sur le fils par les vignerons homicides de la parabole, nous demeurons
l’objet de l’amour infini de Dieu.
La foi, non les sacrifices
L’auteur de l’épitre aux
Hébreux, clôture, achève magistralement. Dans son chapitre 11 il souligne le
rôle central de la foi, sa nature, ses effets, et toutes les promesses qui
s’y rapportent. Pour achever, écoutons l’exhortation conclusive qu’il donne.
C’est un vibrant appel à la persévérance de la foi.
Hébreux 12, 1 – 2.
1 Nous
donc aussi, puisque nous sommes entourés d'une si grande nuée de témoins,
rejetons tout fardeau et le péché qui nous enlace si facilement, et courons
avec persévérance l'épreuve qui nous est proposée,
2 les
yeux fixés sur Jésus, dont notre foi dépend du début à la fin. Au lieu de la joie
qui lui était proposée, il a enduré la croix, méprisant la honte, et il s'est
assis à la droite du trône de Dieu.
Philippe Vernet
Prédication au Temple de Lecelles (12 mars 2006)
et
Commission interreligieuse de Saint-Amand
« Le sacrifice dans les religions »
Interprétation et actualisation chrétienne protestante
de Genèse 22
Sources
Titia Philipoussi – Koen, pasteur de l’Eglise réformée de
France à Châlons-sur-Marne en 1994, prédication sur France Culture du
dimanche 27 février 1994.
Etienne Babut, prédication
sur Gn 22, 1 à 14 (www.erf-hainaut.net/Etudes bibliques & articles/Gn_22_1_a_17_PRED.html
cliquer sur « paroles de la
Bible », puis sur « liste des fiches bibliques »)
En réalité, nous avons
affaire non pas à un reportage mais, bien sûr, à une composition théologique
complexe, peut-être pas écrite en une fois ni d'une seule main, que nous ne
savons pas dater de façon certaine, que nous ne pouvons donc pas situer dans
un contexte, dans un environnement historique et cultuel susceptible
d'apporter quelque éclairage. Cette composition théologique en forme de récit
cherche à dire en tout cas aux Israélites d'abord, et au-delà d'Israël
ensuite, que Dieu ne veut justement pas de sacrifices humains, ces sacrifices
que pratiquaient divers voisins d'Israël et parfois aussi des responsables
israélites, malgré l'interdiction formelle que nous lisons par exemple dans
le Deutéronome (18, 10). Il n'empêche: l'interdiction des sacrifices humains
ici sous la forme d'une intervention in extremis d'un ange n'explique pas pourquoi
il fallait soumettre Abraham et Isaac à cette terrible angoisse. Comment
justifier une telle "pédagogie" imputée à Dieu, ici mais aussi
ailleurs dans la Bible
? Serait-elle compatible avec la démarche du Dieu de Jésus, le Père, notre
Père ?
Frédéric Verspeeten,
prédication sur Jean 3, 16 (www.erf-hainaut.net cliquer sur « paroles de la Bible », puis sur « liste
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