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La
prière sacerdotale |
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www.eglise-protestante-unie.fr Jean 17/1-11 : la
prière sacerdotale 1 Après avoir ainsi parlé, Jésus leva les yeux vers le ciel et dit :
"Père, l'heure est venue. Donne gloire à ton fils, afin que le fils te
donne aussi la gloire. * * * * * Ce
texte de Jean qui termine les récits d’adieu de
Jésus a été nommé ‘’La
prière sacerdotale’’ et ce n’est pas un texte
facile. Cette appellation avait pour but de mettre l’accent sur
un parallélisme qui, existerait entre la position du grand
prêtre de l’ancienne alliance qui en tant que
médiateur offre les sacrifices appropriés pour la
satisfaction de Dieu. Et qui par ce biais intercède pour ses
frères. Mais cette appellation est trop partielle pour convenir
véritablement au contenu du texte et de plus jamais dans ce
texte Jésus ne se présente comme celui qui se sacrifie
qui sacrifie ou qui est offert en sacrifice. En conséquence, il
faut considérer que ce titre relève plutôt
d’une lecture historique très ultérieure qui a
donné plus de place à la notion de sacrifice dans les
offices liturgiques. Dans les traductions bibliques les plus
récentes en français, les biblistes ont opté pour
d’autres titres plus satisfaisants. La TOB, comme la Bible de
Jérusalem ont simplement respecté le texte en l’intitulant fort
justement la prière de Jésus ! La nouvelle Bible Segond a elle aussi
suivi cette voie en la nommant :’’Jésus prie pour ses
disciples’’. Suscription que l’on retrouve aussi dans la version en
français courant et dans la version parole de vie (français fondamental).
Malgré tout la version Segond C’est véritablement le seul
texte où l’évangéliste semble nous livrer une prière de Jésus. Nous la connaissons
tous, mais mis à part ces deux textes nous n’avons pas de texte de prière de
Jésus très détaillé. Nous avons bien quelques
références où l’on nous dit que Jésus priait de jour en un certain lieu, on
nous dit aussi que Jésus priait parfois une nuit entière. Les récits de la
passion nous disent qu’il pria longuement au jardin de Gethsémané et qu’il
pria sur la croix où plusieurs fois il fit monter vers Dieu quelques
brèves invocations. Puis il y a ces moments ou avant d’agir Jésus lève les
yeux au ciel et remercie le Père. Mais il faut bien avouer qu’à part le Notre
Père et la prière de Jésus pour ses disciples nous n’avons pas beaucoup de
passages bibliques nous présentant les mots que Jésus employa. À tel point que l’on s’est
longtemps demandé : Que pouvait bien dire Jésus dans ses prières ?
Indirectement nous le savons, car il était juif pratiquant, il a fréquenté
les synagogues et le Temple. Jésus a donc prié en utilisant les prières
rituelles du judaïsme de son époque, cela nous pouvons le savoir, mais il a
aussi prié intimement dans le silence et la solitude le Dieu père… et de cela
nous ne saurons jamais rien ! L’évangile
de Marc ne fait pas mention du Notre Père. À la
différence du Notre Père qui est présenté
dans l’évangile de Matthieu et sous une forme un peu
différente dans celui de Luc, la tradition johannique nous livre
elle, ce texte que nous avons baptisé prière de
Jésus pour les siens. Ce texte est beaucoup plus long
que le Notre Père que nous connaissons et récitons dimanche après dimanche
quand les officiants ne décident pas de le zapper purement et simplement
considérant que cela fait vaine redite et non prière d’unité. La tradition
des églises évangélique consiste justement à ne pas la dire systématiquement
car en grande majorité, ils considèrent que Jésus a condamné les vaines
redites. Il faut avouer quand même qu’ils sont plutôt faiblards et mal
renseignés sur le plan théologique car Jésus dans l’expression publique de sa
foi a récité et prononcé bien des prières du judaïsme et ce très
régulièrement ces prières…. Les vaines redites pour Jésus,
c’est que l’on dit machinalement comme une incantation magique qui pourrait
éventuellement nous protéger où ce que l’on dit sans trop y croire pour se
libérer d’une obligation religieuse. Dans leur théologie Luther et de Calvin
nous ont livré une tout autre étude de la profondeur du Notre Père. Et en
toute franchise je préfère nettement une prière rituelle liturgique dite et
pensée méditée à une logorrhée verbale répétant à l’infini mon Dieu tu es
beau tu es Saint tu es merveilleux, tu es l’agneau de Dieu, le lion de Juda
etc. etc. Car après avoir dit tout cela qu’avons-nous dit
véritablement ? J’ajoute que Dieu n’est pas
narcissique et n’éprouve pas le besoin de se regarder dans un miroir chaque
matin pour lui demander est-ce que je suis la plus belle… oups oh pardon le
plus beau et ce en attendant de manière très angoissée que le miroir lui
réponde oui oui oui à l’infini… ! * * * * * Jésus prie pour lui-même Dans notre prière selon Jean,
Jésus commence par prier pour lui, il ne s’agit pas ici d’exaucer une demande
qu’il adresserait pour ceux et celles qui l’ont appelé à l’aide, mais Jésus,
prie, pour lui-même. Et cette heure est particulièrement douloureuse et dramatique.
L’heure est venue, dit-il, l’heure de la mort qu’il ne veut ni ne peut fuir.
Les cinq premiers versets du chapitre y sont consacrés. Il ne recherche pas
sa propre gloire et s’il dit Père glorifie-moi près de toi, c’est afin que la
vérité de Dieu et de son œuvre soit reconnue. Un homme va à la croix. Comme
nous voyons nous aussi en ce monde surgir des milliers de croix ; croix
des cimetières militaires d'Europe, elles rappellent la violence et la
brutalité. Croix de nos cimetières, rappels de nos séparations et de nos
tristesses. La croix que chacun de nous porte, l'horizon obscurci de beaucoup
de nos vies. Ces croix évoquent des abîmes : de souffrance et de
désespoir, de tristesse et d'impuissance, de révolte et de colère. Pour Jésus, l'heure approche, au
cours de laquelle la mort et la séparation font irruption dans la vie. Alors
que la foule l’acclame, des nuées sombres s'assemblent déjà, le complot se
trame, la destruction approche. La séparation est souvent si mince entre les
vagues d'enthousiasme qui portent au sommet du triomphe et la chute dans la
solitude, la souffrance, la mort… Tout cela Jésus le sait et le
vit, lui aussi. Il est pleinement homme en vérité. Mais l’auteur de
l’évangile de Jean laisse entrevoir que dans cette vie de Jésus se dévoile
autre chose et notamment la volonté éternelle de Dieu de nous arracher au mal
et à la mort. Il parle de vie éternelle, don de Dieu offert à l’humanité. Il
est possible que ces versets aient donné lieu à une réécriture tardive.
L’évangile selon Jean a été remanié plusieurs fois avant de nous arriver tel
que nous le connaissons. Beaucoup plus tard, les disciples de la communauté
ont compris que derrière le visage de Jésus, se cachait l’oint de Dieu, celui
qui était porteur du message de la vie. Quelques versets de ce petit passage disent
que Jésus avait reçu ce pouvoir de Dieu et le texte ira même jusqu’à suggérer
que le Christ était auprès de Dieu avant de venir manifester sur la terre la
vérité divine. Ultérieurement on verra dans ce texte un fondement possible de
la doctrine trinitaire. Mais n’oublions pas, Jésus prie surtout et avant tout
pour que son message et son œuvre ne soient pas vains. Pour Jésus, ce qui
avait commencé doit se poursuivre et au-delà de la mort, la résurrection
montrera avec puissance la venue du monde nouveau de Dieu. La vie des humains
est appelée au renouvellement et à la vie infinie. * * * * * Jésus prie pour
ses disciples. Pour
que l’oeuvre de Dieu soit proclamée, vécue incarnée, il faudra maintenant que
les disciples deviennent des prédicateurs des hommes et des femmes qui
incarneront une nouvelle manière de vivre et de faire ; des hommes et des
femmes porteuses de guérison et de réconciliation. Alors Jésus prie pour eux,
car il connaît leur fragilité. Il demande au père de les garder du mal ou du malin.
Les deux mots sont complémentaires. Le mal, c’est tout ce qui surgit dans nos
vies du fait de notre faiblesse, de la maladie, des circonstances
malheureuses, des catastrophes. Le malin, c’est tout ce qui est le fruit
d’une intelligence. C’est ce qui est prémédité, calculé, imaginé contre nous
comme cela le fut contre les disciples : persécutions, harcèlement,
volonté de mettre à mort, mépris, insulte, dénigrement et mensonge
soigneusement orchestré… alors Jésus prie tout particulièrement pour eux.
Dans ce passage nous retrouvons quelques allusions au Notre Père, le délivre
nous du mal de Mathieu 6,3 devient : je ne te prie pas de les garder
du mal, mais je te prie de les garder du mauvais. Il est vrai que le
mauvais les a atteints dans les années qui suivirent. Il y a cette autre
allusion au Notre Père au verset 26 lorsque Jésus dit : je leur ai fait
connaître ton nom et je le leur ferai connaître qui est une évocation du nom
de Dieu, de son être de ce qu’il est de sa sainteté, comme le dit la première
phrase du Notre Père : que ton nom soit sanctifié ! Dieu
les lui avait confiés et ils ont cru en lui. Avons-nous conscience que dans
la présence de Dieu, le Christ, près de Dieu, ne cesse de rappeler à Dieu que
nous sommes ses enfants ! Que Dieu nous aime comme il a aimé Jésus. Que
son combat est aussi de nous arracher chaque jour au mal et de nous armer
pour le combattre dans les deux formes que j’ai mentionnées précédemment. Désormais
Jésus de Nazareth ne sera plus visible, mais au travers de ses disciples en
tous lieux et dans tous les temps il le sera encore. L’apôtre Paul qui incarne
une autre tradition théologique de l’Église primitive, dans sa diversité, dira
avec humilité et non avec orgueil : Soyez mes imitateurs comme je le
suis moi-même de Jésus-Christ. Conscient de cette profondeur de l’œuvre
de Dieu, il ajoutera en Romains 8 : Rien ne nous séparera jamais de
l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ. * * * * * Enfin Jésus prie pour l’Église ! L’unité n’est pas d’abord de
l’ordre de ce que les hommes construisent par la pensée unique. Elle est
l’œuvre de Dieu qui travaille au sein de la diversité humaine. Les humains
veulent la faire à leur manière. Certains disent si nous avions tous une
confession de foi ou déclaration de foi de vérités essentielles identiques
alors viendrait l’unité. D’autres jetteront l’anathème aux autres au nom de
leur foi dont le caractère orthodoxe ne doit pas être contesté. D’autres, peut-être,
considéreront que l’unité ne peut passer que par une institution centrale qui
aurait (ce n’est qu’une supposition érigée en principe absolu !) été
conforme en tout point au projet de Jésus. Mais Jésus n’a rien dit sur L’Église
si ce n’est qu’il la construira et ne cessera de le faire. Dieu édifie donc
une communauté d’hommes et de femmes appelés, rassemblés, issus d’une immense
diversité. Ils sont en communion les uns avec les autres parce qu’ils sont en
communion avec le Christ et avec Dieu dans la diversité des perceptions.
C’est ce que Dieu a fait, car il a accepté que nous puissions aller vers lui
par les chemins qui sont les siens et qu’il a tracés pour chacun de nous.
Dieu ne saurait être un chef autoritaire, centralisateur, mais il est un chef
d’orchestre qui fait jouer à chacun d’entre-nous de son instrument et tente
de nous faire chanter en harmonie. Si vous voulez mon avis, il doit avoir
beaucoup de travail !!! Dans notre diversité, avec nos
faiblesses et nos richesses, nous voici donc promus ambassadeurs du Christ ou
de Dieu. Nous sommes fondés sur cette certitude en Christ, Dieu a ouvert
devant nous un chemin que nul ne pourra fermer. Malheur à celui qui
prétendrait pouvoir refuser l’accès à la Grâce de Dieu ! * * * * * Pour reprendre la route Plusieurs choses pourraient nous être utiles maintenant,
pour vivre sous le regard de Dieu. D’abord, nous souvenir que le chemin de la liberté passe par le
silence. C'est dans le silence, dans la prière que les disciples
découvrent le secret de la liberté intérieure de Jésus. C'est quand il n'y a
plus que le bruit de notre coeur que nous pouvons entendre battre le coeur de
Dieu - cœur d'un père qui aime toute sa création. En entendant Jésus, nous comprenons que sa confiance plonge
profondément ses racines dans l'amour de Dieu, amour immédiat et personnel. Cela
éclaire tous les mots, tous les actes de Jésus. Ensuite, il nous faut considérer
que le chemin du silence (méditation) conduit à la liberté. La logique de l'amour est une logique du cœur. Lorsque
nous comprenons que Jésus perçoit le battement du cœur de Dieu dans le
battement de son propre cœur, nous comprenons comment il parvient à sa
certitude intérieure. Chaque fois que Dieu est glorifié par un acte d'amour
vrai, Dieu accorde aussi sa gloire à celui qui aime. Car il accomplit (rend
parfait) et prolonge - au-delà de son horizon individuel et limité - ce que
fait celui qui aime. Lorsqu'il en est ainsi pour ce qui me concerne, je me sens
débarrassé de l'angoisse qui précède la fin de toutes choses. Je suis libre
de faire ce que m'ordonne la voix de l'amour - ici, maintenant et jusqu'au
bout. Quand on respire l'Esprit de l'amour, on respire l'esprit
de la liberté qui ne se laisse pas impressionner ou dominer par les
gesticulations menaçantes de la mort. Enfin, la liberté de l'amour, c'est la capacité à considérer que nous sommes
impuissants face à certaines choses. Vu de l'extérieur, le dur chemin
de Jésus vers la croix semble être le cheminement impuissant d'un être devenu
le jouet des puissants. Il fut humilié par une fin amère, et nous restons
muets et paralysés devant ces abîmes de la mort et des cœurs humains. Finalement,
seul le crucifié n'est pas entraîné par le flot des événements. À aucun moment, il ne perd le contrôle de la situation. Là
où il se trouve, celui qui est grand en apparence devient petit, les
démonstrations de puissances sont désamorcées, l'opinion publique n'est
qu'une phrase vide de sens. * * * * * Dans la
tradition d’Israël on rappelle sans cesse, souviens-toi ! Alors souvenons-nous : Dans ce passage, Jésus intercède pour ses disciples. C’est
toute la beauté de la prière d’intercession lors du culte. Intercéder c’est
prier pour les autres. C’est confier au Seigneur ceux que nous aimons, ceux
qui nous sont proches et aussi ceux qui sont au loin ou ceux que nous aimons
moins. C’est donc faire confiance au Seigneur, reconnaître que
nous sommes peut-être impuissants ou incapables d’apporter ce qu’il faut. Mais
c’est aussi être par le Seigneur en communion avec ceux que nous portons dans
la prière. Prier pour être tous un comme Lui avec le Père. Prier pour être
gardés en son nom. Alors, prions de nouveau les uns pour les autres, pas seulement
aujourd’hui, mais sans cesse, car nous en avons tous besoin ! Frédéric Verspeeten * * * * * |
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