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L’apparition au bord du lac |
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L’apparition au bord du lac 1.
La
traduction 2.
La lecture 1. La traduction Jésus se
montra de nouveau à ses disciples au bord du lac de Tibériade. Et voici
comment il apparut. Simon Pierre, Thomas surnommé Didyme, Nathanaël de Cana,
en Galilée, les fils de Zébédée et deux autres disciples étaient réunis.
Simon Pierre leur dit : Je vais placer mes filets. * * * * * 2.
La
lecture Suprême leçon de
l’Evangile : l’amour ne connaît pas, il reconnaît. Tout ici palpite de
l’identité retrouvée. Ces hommes qui reprenaient lentement leurs activités
alourdis de rêves, saint Jean, inlassablement, nous les montre dans l’émoi et
la reconnaissance. Jésus se présente, mais non comme au matin de leur vie
commune, dans la simplicité joviale des salutations quotidiennes. Il attend,
un peu en retrait, auréolé de silence, et ne se livre à eux qu’en de délicats
indices, confessant son humanité avec la même pudeur qui jadis enveloppait de
secret sa divinité. Un geste seulement, une blessure, une intonation
inimitable signalent sa visitation légère. A ce signe, les disciples
tressaillent. Les cris jaillissent des poitrines : Mon Seigneur et mon
Dieu ! Rabbouni ! C’est le Seigneur ! Thomas, Marie de
Magdala, les pèlerins d’Emmaüs, les compagnons de Pierre, chacun exalte le
mot le plus aimé de l’amour, en son exaucement suprême : c’est
toi ! Rien de plus touchant que ces
pages dernières où l’amour, délié des grands desseins de Dieu, se déploie
avec une sorte de gratuité insouciante et comblée. L’évangéliste étire ce
moment délicieux, d’ordinaire si fugitif, où
l’aimé apparaît. Tout amour est apparition. Alors le monde chavire, les
cœurs qui battaient à vide, le ciel et la terre opaque s’embrasent du même
feu allumé. C’est lui ! Tout a changé, tout s’élargit, tout s’éclaire.
L’aimé est debout sur la grève, poussé par l’aube annonciatrice dont il
semble enfant. A nouveau soudée, la troupe
fraternelle n’émet plus que quelques phrases banales. Tout est dit entre eux.
La vraie conversation est passée dans un pas sur le rivage, un geste qui le
pain, un visage révélé. Jésus lui-même honore le grand
rite de la reconnaissance, dont sa majesté avérée ne le dispense pas. Celui
que nul ne peut désormais ni tuer, ni frapper, semble infiniment plus
vulnérable qu’au temps de ses blessures. Jamais en sa vie antérieure, on ne
l’a vu, comme aujourd’hui, supplier son disciple et si ostensiblement en
dépendre. Longtemps il se tait, hésite, hasarde enfin une question
mélancolique, un peu lointaine, qui roule ses échos dans les vallées du
temps : Pierre, m’aimes-tu ? C’est dit, c’est redit, comme s’il
était prêt à renoncer à son poids d’éternité pour entendre le disciple
repenti balbutier l’aveu tant désiré ! M’aimes-tu ? Qui jamais a
proféré plus poignante parole ? Jésus évite le langage de la foi :
aime-moi, et le langage de la passion ; je t’aime. Il parle comme parle
le cœur vivant, en son ardeur interrogative, sensible et retenu, timide et
insistant, pris entre les émois de l’incertitude et le ravissement d’une
attente déjà illuminée de gloire. La réponse de Pierre, si
importante qu’elle soit en ce qu’elle fait
l’Eglise, n’est qu’une ébauche de la réponse de la réponse que nous
avons-nous-mêmes à donner. Si Pierre est le pionnier, Jean, qui se tait, est
le modèle parfait, car son amour fut toujours sans désaveu. Devant l’Unique, ils sont deux.
L’un parle parce qu’il faut que le Christ soit entendu. L’autre garde le
silence, pour que l’on sache que jamais aucune vie n’achèvera de répondre à
l’infinie question : M’aimes-tu ? France
Quéré, Une lecture de l’évangile de Jean, 1987, Desclée de Brouwer
éditeur, 78 bis, rue des Saints-Pères, 75007 Paris, pages 125-129. Lire
dans la préface, les circonstances de la traduction et de la lecture de cet
Evangile par France Quéré. Cliquer ici |
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L’apparition au bord du lac |
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