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Dénoncer
sans détruire |
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www.eglise-protestante-unie.fr Matthieu 13, 24-43 : La
parabole de l’ivraie 24Il leur proposa cette autre parabole : Il en va du règne
des cieux comme d’un homme qui avait semé de la bonne semence dans son champ.
25Pendant que
les gens dormaient, son ennemi vint, sema de la mauvaise herbe au milieu du
blé et s’en alla. 26Lorsque l’herbe eut poussé et produit du fruit, la
mauvaise herbe parut aussi. 27Les esclaves du maître de maison vinrent lui dire :
Seigneur, n’as-tu pas semé de la bonne semence dans ton champ ? D’où vient
donc qu’il y ait de la mauvaise herbe ? 28Il leur répondit : C’est un ennemi qui a fait cela. Les
esclaves lui dirent : Veux-tu que nous allions l’arracher ? 29Non, dit-il,
de peur qu’en arrachant la mauvaise herbe, vous ne déraciniez le blé en même
temps. 30Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la
moisson ; au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez
d’abord la mauvaise herbe et liez-la en gerbes pour la brûler, puis
recueillez le blé dans ma grange. * * * * * Réfléchir sur la
Parole de Dieu Ce texte de l’Evangile de Matthieu nous invite à réfléchir
sur la Parole de Dieu. Dans le premier testament le prophète Ésaïe compare la
Parole de Dieu à la pluie et à la neige qui font germer la terre (Esaïe
55,10-11). Les deux textes se concluent par l'affirmation que la Parole
accomplit une mission. C'est bien dans la perspective de cette mission que se
place aussi l'évangile de Matthieu. Jésus y parle en parabole : la
parabole du semeur. Et dans le texte de Matthieu il s’agit moins de la qualité
du grain (comme dans Ésaïe) que de celle du terrain. Le semeur est sorti pour semer. La Parole accomplit une
mission. Elle ne se sème pas en serre chaude mais dehors, à tout vent. La
Parole n'est pas réservée. Pas rationnée ou une denrée rare ! Le semeur
n'est semeur que parce qu'il jette sa graine, parce qu'il s'en dépossède, et
cesse de la garder. Car s’il le faisait elle se détériorerait et
périrait ! Le semeur ne commence pas par apprécier les bons et les
mauvais terrains, la terre et les cailloux. Son geste est celui du risque. Il
ne calcule pas, il sème… Justement, si Jésus parle en parabole, c'est pour rendre à
la Parole son langage. Il n'y a pas de Parole de Dieu en dehors d'un langage
d'homme. Dieu ne veut parler qu'en utilisant les mots des hommes et ce qu’ils
peuvent entendre, comprendre, saisir, accepter et qui peut changer leur vie.
Recevoir la parole nous apprend à connaître Dieu. Mais nous ne pouvons saisir
de lui que ce qu’il nous révèle. Cela d’entrée nous conduit à une certaine
humilité et à reconnaître que nous ne savons pas tout en ce qui concerne Dieu
et son plan et sa manière d’agir. Cela devrait conduire les religieux et les
édificateurs de dogmes à beaucoup plus de réserve et d’humilité. Car en
réalité Dieu fait ce qu’il veut et pas ce que nous voulons qu’il fasse à
partir de nos définitions ! Ceci dit, il faut comprendre aussi que c'est Dieu qui
prend le risque de ne pas être compris : mais c'est la condition même de
la liberté et donc de la Parole. Ainsi, nous pouvons mieux comprendre ce que dit Paul dans
l’épître aux romains lorsqu’il compare la création - fruit de la Parole - à
un véritable accouchement. La Parole créatrice connaît les douleurs de
l'enfantement. Notre histoire en est le témoin. L’expérience de nos vies
quotidiennes le chantier… * * * * * Si les évangiles ne nous
apprenaient pas que Joseph était charpentier, on pourrait supposer que Jésus
est né dans une famille de cultivateurs, tant il utilise les images de la
nature et de l'agriculture en particulier, dans sa prédication. Le
texte qui nous est proposé en présente deux : l'ivraie et le bon grain et le
grain de sénevé, sans oublier qu'au début du chapitre se trouve la parabole
du semeur. Dans ces paraboles deux idées se
superposent en général d’abord celle de l'annonce
d'un jugement final qui traitera chacun selon ce qu'il aura fait
dans sa vie et aussi celle d’un Dieu
qui accorde son pardon à tous. Centrons notre réflexion sur la
parabole de l'ivraie et du bon grain. La parabole de l'ivraie appartient à la
première idée que nous venons de mentionner : au temps de la moisson (à la
fin des temps), les moissonneurs arrachent l'ivraie, la mauvaise herbe, pour
la jeter au feu ; ils récoltent le blé et le rentrent dans le grenier. Au
centre de la parabole, nous trouvons une mise en garde qui est probablement
sa pointe : ne cherchez pas à reconnaître et à arracher l'ivraie tant que ces
plantes, l'ivraie et le blé, n'ont pas atteint leur maturité, leur forme
dernière. * * * * * La parabole de
l’ivraie : annonce du jugement final Si
nous essayons de traduire ce que Jésus veut dire, cela signifie que le monde
où nous vivons mêle des gens «de bonne qualité » et des gens nuisibles. Ne
cherchez pas à les juger dès maintenant, vous risqueriez de commettre de
lourdes erreurs. Vous ne pouvez savoir ce qui se cache dans le coeur de ceux
que vous trouvez, à première vue, mauvais. L’apôtre Jacques a écrit : "Celui
qui médit d'un frère ou qui juge son frère médit de la Loi et juge la Loi.
Or, si tu juges la Loi, tu n'es pas l'observateur de la Loi mais son juge. Il
n'y a qu'un seul législateur et juge, Celui qui a le pouvoir de sauver et de
perdre. Mais toi, qui es-tu pour juger ton prochain ?" (4,
11). Cela
ne signifie pas que nous devons laisser les nuisibles empoisonner notre
société, mais que nous ne pouvons répondre à la violence (qu'elle soit
physique, politique ou économique) par une nouvelle violence. Dans la
parabole il est question d’arracher ou plus précisément d’« enlever »
(verbe utilisé à propos de l'ivraie). Mais Jésus semble s’y opposer. Entrer
dans la logique de la violence nous rend complices et esclaves des systèmes
qu'elle engendre. Jésus nous dit d'attendre, mais il ne semble pas nous dire
ce que nous avons à faire en attendant. À nous de l'inventer alors !? L’apôtre
Paul s’adressant aux chrétiens de Colosse leur dit (chapitre 2, 7) "Soyez
enracinés en Christ" ! Ce qui veut dire qu’à vouloir arracher
un mal (la mauvaise herbe), on peut aboutir au mal suprême (la perte du blé).
Est-ce vraiment un risque de les laisser croître ensemble ? Car
on finit quand même par récolter du blé. Bien enraciné, le blé résiste à la
mauvaise herbe. Le secret de sa survie est dans son ancrage, dans son
enracinement, même si les racines se sont entremêlées. Oui, Le Bon et le
mauvais cohabitent dans l’humanité. Oui, l’égarement et, ce qui est droit
cohabitent dans nos vies. Arracher le mauvais reviendrait à éliminer une
partie de notre humanité et à mettre peut-être parfois en péril ce que
l’œuvre de Dieu fait parmi nous. * * * * * Cette parabole
vise l’intolérance, la « chasse aux sorcières », de l’exclusion Selon la parabole l’arrachement
de la mauvaise herbe se fera en son temps. Cela est vrai pour notre monde
mais aussi pour nos vies. Si l’on pousse plus loin ce que Paul laisse
entrevoir il semble dire que bien sur la mort interviendra d’abord, et puis
viendra le ramassage du blé. Après la destruction définitive du Mal dans la
mort, une vie différente s’ouvrira dans le Royaume du Père. Alors la question
nous est posée : Suis-je bien enraciné en Christ ? Cette fois, il n'est plus
question de la qualité du terrain, mais de celle du grain : l'ivraie et
le bon grain. Le semeur n'est plus un solitaire, l'introduction des
serviteurs donne une dimension collective au débat. C'est une parabole qui
vise aussi l'intolérance et la chasse aux sorcières. Tout groupe religieux et certains
courants au sein même de l’Église sont parfois tentés de faire peser une
menace idéologique sur tous groupes différents au sein de l'Église. Mais ceci
se vérifie aussi, hélas dans toute religion et au sein des idéologies
politiques. La parabole dénonce ici la tentation de l'exclusive et de
l'exclusion, ce goût de se considérer comme la vérité ou détenteur de la
vérité absolue. Le maître mis en scène dans la
parabole et qui fait penser à Dieu répond par la patience. Dans la vie
spirituelle l'homme n'est pas un solitaire, le semeur sait que l'Esprit de
Dieu est son partenaire. Et cela rejoint ce qu'écrit Paul aux Romains :
l’Esprit de Dieu n'est pas un esprit de condamnation ou de rejet, mais un
esprit qui vient au secours. * *
* * * Une parabole qui illustre la patience
de Dieu et sollicite notre patience Dans le livre de la Sagesse au
chapitre 13, versets 12 à 19 il est écrit que l’impatience et l’anathème ne
sont que des signes de faiblesse. Au contraire, écrit le livre de la sagesse,
le Seigneur qui dispose de la force, juge avec indulgence et gouverne avec
ménagement. La force de Dieu, c’est la justice et sa domination, c’est sa
patience. La Parabole de l’ivraie et du
bon grain est une parabole de la patience de Dieu mais elle est aussi à cause
de l’ivraie une parabole de la vigilance pour les hommes. Souvenez-vous, le récit dit que
c’est pendant que les gens dormaient que l’ennemi est venu semer l’ivraie. C’est
le sommeil de l’Évangile qui souvent laisse place aux faux espoirs. La parole
de vie qui nous a été confiée a le pouvoir de changer la vie et le monde, la
pensée des humains de nous arracher aux illusions trompeuses et de nous aider
à vivre en paix. D’ailleurs, dans la Bible, le terme grec que nous traduisons
par ivraie est très précisément le mot « zizania », la zizanie.
Peut-être que cette traduction nous aide à mieux comprendre le sens de cette
image de l’ivraie, la mauvaise herbe. Eh oui, nous connaissons tous l’expression
« semer la zizanie », et vous remarquerez que l’on ne dit pas propager
la zizanie, ou diffuser la zizanie, mais « semer la zizanie », en
référence justement à cette parabole, qui continue d’imprégner notre langage
courant après 2000 ans !! Voilà ce que nous dit cette
parabole, lorsque le blé pousse et mûrit, alors apparaît aussi la zizanie :
la présence du mal au milieu du bien. L’un ne va pas sans l’autre. Mais d’où
vient la zizania ? Demandent les serviteurs du Seigneur (v.
27). Peut-être est-il là tapi aussi dans nos cœurs, car l’homme se veut libre
et considère souvent qu’il peut faire ce qu’il veut même si cela nuit à son
prochain ou à la terre entière ! * * * * * Dénoncer,
appeler à changer mais pas de radicalisme destructeur intolérant Si l’on applique cette parabole
à l'Église, c'est souvent parce qu’elle s’est endormie sur ses certitudes que
le monde est allé ailleurs chercher ses espérances. Il est temps de
redécouvrir la puissance transformatrice de la parole de Dieu. Pourtant ne nous laissons pas
piéger, Jésus ne dit pas ici à ses disciples de laisser le mal et de ne pas
le combattre, il nous appelle au contraire à nous opposer à en dénoncer les
perversions et à les faire disparaître. Mais Jésus laisse entendre qu’il ne
suffit pas de combattre le mal et qu’il faut que le cœur de l’homme, son
intelligence, sa vision de la vie change… Alors bien sûr Dieu désire que
nous semions sa parole, que nous l’incarnions que nous en vivions et que nous
la transmettions, mais il nous demande de ne pas être des radicaux destructeurs
intolérants. Dieu nous demande de ne pas arracher l’ivraie. Il nous demande
de comprendre qu’il croit lui qu’au fond du cœur de tout homme peut exister
encore la bonne semence qui pourra croître. Toutefois l’annonce de l’Évangile
ne peut pas ne pas dénoncer le mal et pendant son ministère terrestre Jésus
n’a cessé de le dénoncer. C’est aussi un appel à dépasser les zizanies
stupides et idiotes qui naissent souvent parce que l’on veut absolument
prouver que l’on a raison… Semer, dénoncer oui mais aussi
accueillir et veiller, faire confiance à Dieu qui lui arrachera avec
certitude ce qui ne pouvait pas subsister. Car notre Dieu créateur est
aussi le Dieu Rédempteur, celui qui pardonne et qui sauve : Chacun peut
être pardonné et justifié, jusqu’à son dernier jour, jusqu’à la moisson
finale, pour peu qu’il se vide de son ego, pour peu qu’il accepte de mourir à
lui-même pour se laisser habiter par Jésus-Christ. Si vous laissez Dieu
entrer en vous alors vous serez en lui. Être disciple du Christ, être
ainsi fils de ce Royaume des cieux ne signifie pas que tous les problèmes
disparaissent par enchantement. Nous connaîtrons encore la peur, l’angoisse,
la tristesse, l’amertume, la maladie et la mort. Mais la germination a
commencé. Jésus est au milieu de nous et il nous dit « Le Royaume des
cieux vous est donné ». Frédéric Verspeeten * * * * * |
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Dénoncer sans détruire |
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