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2007, un mois de passé ! Déjà le 4 février : que le temps passe vite ! A un moment ou à un autre nous exprimons tous ce genre de banalité sur le temps qui passe. Ce qui nous fait dire, tout aussi fréquemment, « excusez-moi, je n’ai pas le temps » Souvenez-vous les paroles de la chanson
d’Aznavour : Plus
je m'enfonce dans ma vie Tout va vite, très vite, trop vite !!! Rappelez-vous aussi le sketch de notre humoriste Devos Vous
avez remarqué comme les gens marchent vite dans la rue?. . . Au point que, tenez-vous bien, j’ai
trouvé une formation intitulée : Formation
gestion du temps pour ne plus dire : " je n'ai pas le temps
" ; connaître, pratiquer et maîtriser les principes fondamentaux. Perdre son temps, ça veut dire quoi ? J’ai
trouvé cette réponse : si tu as "perdu ton temps" avec
plaisir, alors tu en as "fais bon usage", n'est ce pas, mon ami? Qu'il
est doux de prendre son temps ! Nous sommes aspirés, "happés" par
une spirale sans fin : métro, boulot, dodo...(les parisiens connaissent bien
ce que recouvre cette expression !!!) Où est le temps ? Nous courons
toujours après ! Le manque de temps est devenu
un mal de notre siècle. Pourquoi
sommes-nous si nombreux à courir après le temps ? A répéter à longueur
de semaines : je n’ai pas le temps. A le remplir à ras bord comme si
nous luttions contre la peur du vide. Et
pourtant le temps libre,
nous en avons gagné considérablement. Aujourd’hui en effet le travail
représente dans notre temps de vie seulement 12% ! Notre espérance de
vie s’accroit régulièrement. Notre siècle témoigne aujourd’hui de ces
bouleversements. Par rapport au 19ème siècle nous vivons
–paraît-il- 33 années de plus !
Donc du temps, nous en avons. Mais le temps n’est pas le même pour tous. Il
est facteur d’inégalité. Nous allons le voir. Ces questions du temps sont un
véritable enjeu pour nos sociétés. Elles méritent qu’on s’y arrête pour en prendre conscience, et définir les dangers, les enjeux, et si possible les remèdes. Les dangers et les enjeux Ne pas être à l’heure à un rendez-vous, ne
pas réaliser ce que l’on doit au moment où l’on vous le demande. La
ponctualité, c’est bien sûr, dans toute activité professionnelle un
nécessité : or ce n’est pas facile, et vivre cela tous les jours peut
devenir extrêmement stressant. Le temps, c’est de l’argent. Et quand on perd
du temps, on perd de l’argent. Un problème, à la fois pour l’employé et pour
l’employeur (bien sûr). Est-ce une difficulté spécifique de la vie urbaine. ? Pas du tout. A la campagne, vous le savez bien, on ne s’arrête jamais : il y les récoltes à engranger, d’autres terrains à labourer, des appareils à entretenir, des bêtes à nourrir, des vaches à traire. Le boulot folie qu’on a, on se s’arrête jamais. La logique économico-sociale nous oblige à aller de plus
en plus vite, à accélérer,
et en même temps nos instruments,
nos technologies, nos communications nous font vivre dans une sorte
d’instantanéité permanente. Il s’en suit que notre rapport au temps a
considérablement changé (particulièrement, depuis une quinzaine d’années nous
disent les spécialistes).. Il y a dans cette
accélération non maîtrisée de nos
rythmes de travail quelque chose
d’inhumain, qui nous démène, qui nous rend nerveux. Et, de façon
tout fait paradoxale cette inhumanité résulte, en partie, d’un trop d’humanité, je veux dire d’un
trop plein de communication interhumaine difficile à assumer. On est arrivé à une sorte de point où l’accélération est instantanée : il n’y a plus d’écart entre le temps de la demande et le temps de la réponse ; c’est le travail en flux tendu. Je pense que cette accélération va continuer mais qu’on va trouver des moyens de la vivre, de s’accommoder. Saint Augustin
disait : « Quand on ne me le demande pas, je sais ce qu’est le
temps, quand on me le demande je ne le sais plus ». Le scientifique, le
physicien spécialiste du temps, dira attention, ne nous trompons pas :
c’est nos rythmes de vies qui posent un problème. Le temps, lui, s’écoule
toujours de la même manière. Il est indifférent à nos emplois du temps. Quand on dit le temps s’accélère.
Non. Ce qui s’accélère c’est le rythme de nos productions, de nos échanges,
de nos déplacements. Le temps n’a pas de vitesse : c’est cette chose qui
avance de 24h toutes les 24h (sur notre planète !). Mais il y a une
confusion qui tient à ce que nous identifions le temps à ce qui se passe dans
le temps. · Si les activités temporelles sont plus rapides,
on dit le temps s’accélère, ce qui est totalement faux : le temps est
indépendant de nos emplois du temps. · Il n’y a pas d’accélération du temps
aujourd’hui : c’est nous qui accélérons. · Bien que pour un individu, le temps subjectif (tel qu’il le ressent) change beaucoup avec
l’âge : Un an pour un petit enfant, c’est extrêmement long. Pour
quelqu’un qui a 70 ans : c’est l’expérience du psalmiste au Ps 90, 9.
« Nous voyons nos années
s'évanouir comme un son. Les jours de nos années s'élèvent à soixante-dix
ans, Et, pour les plus robustes, à quatre-vingts ans; Et l'orgueil qu'ils en
tirent n'est que peine et misère, Car il
passe vite, et nous nous envolons ». Cependant,
le temps ne nous paraît plus le même si on attend quelqu’un (qui tarde à
venir), ou si l’on attend personne. Il y a l’impatience de l’attente, il y a
la souffrance de l’attente. Il y a aussi (chez les travailleurs en entreprises, et les syndicalistes veilleurs) l’inquiétude d’avoir à en faire toujours plus, dans un délai de plus en plus réduit : c’est (l’appréhension de) l’intensification du travail à fournir. Et
pourtant, me direz-vous, on est passé aux 35 heures ! · Oui, c’est vrai. Mais effectivement c’est aussi
avec une certaine intensification du temps (ou plutôt de la quantité de
travail dans l’unité de temps) pendant la période de présence. Il y a un
temps dans lequel la présence est intensifiée ; il n’y a plus beaucoup de
temps pour les pauses. · De plus, on a le sentiment que si le temps de
travail s’intensifie, le temps de loisir s’intensifie aussi. En fait le
problème est qu’on est dans une société de performance. On doit être
performant professionnellement, on doit l’être dans la vie amoureuse, avec
ses amis, avec ses enfants. On doit leur apprendre des tas de choses. Et donc
la notion de performance est complètement déterminante. · Lorsqu’on a fait un voyage, par exemple au Maroc, on dit de moins en moins, j’ai « visité » le Maroc, on dit j’ai « fait » le Maroc. En effet on est dans une société de la performance, c'est-à-dire dans une société du faire. Et donc il faut faire beaucoup beaucoup de choses parce qu’on est redevable de ce qu’on a fait dans sa vie. Comme si on devait être jugé dans sa vie à l’aune de qu’on aura fait, et de ce qu’on aura réalisé, et pas forcément de ce qu’on aura été. Finalement
on est dans une société où ce ne sont pas les riches qui sont gagnants, mais
les rapides. Et on est dans une grande inégalité. · Il y a ceux qui sont obligés d’aller vite, tout
le temps, et de plus en plus vite pour gagner la course à la vitesse. · Et il y a aussi ceux qui sont obligés d’être
lents. Comme
s’il n’y avait plus de juste milieu, de juste temps, On est soit dans
l’excès, l’excès de performance, soit dans le rien. On est alors des
individus par défaut. Et on est alors hors du temps. Hors du travail. Hors du
lien social. Là il y a un visage de notre société qu’il nous faut un peu dénoncé, qu’il nous faut arriver à critiquer. Cette
situation tient en partie au fait qu’on croit que le bonheur est possible de
façon conditionnelle : c'est-à-dire : on peut être heureux à condition d’avoir
« fait » le Maroc, … ce qui sature notre emploi du temps. Je pense
que dans cette accélération dont nous parlons la
part de la croyance au bonheur joue un rôle décisif. (Le bonheur est dans
le pré … cours-y vite, cours-y vite …). Il me manque quelque chose pour être
heureux, et c’est si j’ai cette chose que je le serai. Alors je vais gorger
mon emploi du temps de contraintes pour que cette chose soit accessible… Le
résultat : ce n’est pas qu’on est de plus en plus enfermé dans le
présent. En fait, on est de moins en mois présent au présent. · C'est-à-dire de moins en moins attentif à ce qui
se passe maintenant. Avec cette course au bonheur (jamais atteint), il me
semble qu’on se donne de plus en plus à l’imminence du futur. · C'est-à-dire qu’on est toujours dans la
projection pour une espèce de court terme qu’on est en train de préparer. Et
du coup on diffère constamment de vivre (c’est-à-dire d’être attentif au
présent, de s’y adonner pleinement).
Pascal le disait déjà au 17ème siècle, donc j’imagine que ce
phénomène est lié à notre condition humaine, c'est-à-dire que nous ne
tolérons pas l’attente, l’ennui, l’inertie. Et nous allons essayer de les
éviter par des stratagèmes qui mettent en jeu la vitesse, l’occupation,
l’interaction, etc. Cette
tension entre le présent et
le court terme qu’on est en train de préparer c’est ce qui nous démène, qui nous stresse, qui nous rend nerveux. Alors,
en quoi la situation est différente, aussi différente aujourd’hui, par
rapport à celle d’hier. Ce qui
frappe dans cette recherche actuelle c’est le fait qu’on cherche à posséder le temps, à triompher du temps. En tous
les cas dans les milieux professionnels où vous êtes très actifs, où on vous
en demande beaucoup et où vous êtes soumis à une performance très grande. Et
effectivement il y a une sorte de jouissance qui est éprouvée par les gens
quand ils arrivent à triompher du temps. Un certain nombre de personnes
interrogées à ce sujet disaient : lorsque je suis venue à bout de toutes
mes urgences de mon existence qui me sont tombées dessus dès le matin quand
je suis encore en pyjama et que j’ai triomphé de tout ça j’éprouve une jouissance extraordinaire, je me sens
maître du temps. Et il y en a une qui disait, je ne me sens pas tout à fait
maître de l’univers, mais tout juste ! Je pense que cette maîtrise du
temps a été accentuée par les instruments de communication, notamment le
portable et le mail, où on est dans une instantanéité complète. On émet
quelque chose et on a la réponse dans l’immédiat. Et on peut effectivement
jongler avec le temps, s’ajuster avec le temps, jusqu’à la dernière minute
avec le temps du portable ; ça a changé de façon considérable notre
rapport au temps. Savez-vous
qu’il existe, dans plusieurs villes de France et d’Europe un bureau du temps. L’un de ces
objectifs est d’améliorer les
conditions de travail et de concilier la vie professionnelle et familiale. Une
expérience assez remarquable montre comment la modification des horaires de
travail des agents d’entretien (passage
d’horaire émietté : avant 7h
du mat, 12h – 14h, après 20h à un horaire continu 9h – 16h), chargé du
nettoyage des bureaux de collectivités locales a profondément modifié d’une
part le statut de ce personnel (sa reconnaissance, sa respectabilité) par
rapport aux autres personnels des entreprises, et d’autre part les conditions
familiales de vie de ce personnel (vivre avec son mari ; avec ses
enfants : pouvoir les amener et les ramener de l’école, veiller à leur
travail scolaire et les y aider si nécessaire). Nous
sommes dans une société où l’on subit
beaucoup d’inégalités et de décalages de
rythmes. Je dirai que ce qui est
très intéressant, dans cet exemple, c’est qu’on essaie d’adapter les rythmes au lieu de les
subir (afin d’améliorer leur praticabilité). Finalement comment trouver, non pas tellement la même longueur
d’onde mais des rythmes qui finissent par permettre cette interaction entre
les êtres, qui leur permet de vivre ensemble. Il y a dans l’exercice de la musique un réservoir extrêmement fantastique de toutes sortes de temps ouvragés, de formes de temps ouvragés, travaillés ensemble par la voix. Ceci ne veut pas dire que tout est musique. Mais mettre un peu plus de cadence, un plus de rythme dans nos vies. Ceci est important, je crois. Les remèdes Alors,
qu’est-ce que la sagesse des Ecritures peut apporter à ces questions du temps qui, nous le voyons,
constituent un véritable enjeu de société ? Dans le texte biblique
lui-même il y a tellement de figures du temps différentes qu’il est difficile
de les passer en revue maintenant. Et
bien par exemple dans Alors, brièvement, que nous disent les Ecritures sur la gestion de notre temps ? Le commandement « Tu aimeras ton
prochain comme toi-même » nous rappelle je
crois qu’il y a deux types de temps : · il y a le
temps pour soi, et c’est vrai aussi qu’il diminue ; et
c’est peut être ce qui est considéré comme douloureux. · Et il y a le temps pour les autres qui comprend le temps familial, le temps des amis, et nous pouvons inscrire aussi ici le temps professionnel. C’est un temps qui a une grande valeur. Et c’est vrai que quand on devient très très vieux, et là je parle de personnes très âgées, elles se sentent isolées. Elles sont isolées pourquoi ? Parce qu’elles on l’impression de ne plus avoir de temps pour les autres. Les autres ne sont plus là. Parce que les autres, les connaissances, les amis, les enfants viennent, mais pas très souvent. A la fin du sermon sur la
montagne lorsque Jésus dit qu’on ne peut pas ajouter « une coudée à sa
taille » (littéralement). Le traducteur a vu cela par
rapport au temps (une coudée à la durée de sa vie). Voici
une traduction moins littérale encore : « qui de vous peut, à force de soucis, prolonger son existence, ne
fut-ce que de quelques minutes ? » Il y a
à la fois une reconnaissance et une acceptation de la finitude, de notre
finitude. Et il termine quand même par cette expression : à
chaque jour suffit sa peine. C’est quand même une parole
extraordinaire de sagesse et d’acceptation comme si finalement ce n’était pas
vraiment l’infini. Mais comment repenser la finitude autrement ? Dans un
autre rapport au temps. Le temps de la proximité. Quand même cela me semble
très important. Il y a une réelle urgence -et c’est
une exhortation évangélique- à prendre
la profondeur de l’instant présent, à prendre conscience de l’importance du moment
présent. Même si bien sûr il faut se projeter dans le futur, se rappeler du passé. Constamment on se projette sur l’avenir. Qu’est-ce qu’on va devenir, le bonheur pour demain ? Et l’instant présent. Autant que possible. La prière du psalmiste au Ps
90, 11 : Enseigne-nous à bien compter nos jours, afin que nous appliquions
notre cœur à la sagesse, témoigne qu’il est important de penser la finitude du temps personnel. D’en être conscient pour vivre sagement. Voyez. Je crois qu’il faut utiliser la perspective de la mort comme un mur qui fait rebond et qui donne du sens à ce que nous faisons aujourd’hui. C'est-à-dire que sans l’idée de la mort je ne vois pas comment on peut fabriquer une sorte de diététique de l’instant qui passe. Nous
parlions d’urgence à prendre conscience de la profondeur, de l’importance de
l’instant présent. Je pense aussi à une urgence qui est typiquement évangélique : Hâtez-vous ! Rachetez le temps ! Le Royaume de Dieu est tout proche. Le Royaume de Dieu est là, et vous ne le voyez pas. Il y a une sorte de prise au sérieux de ce qui se passe au moment où on entend la parole, et en même temps c’est inscrit dans un long travail de mûrissement, et que l’on accepte aussi. Et c’est cette tension là qui est extraordinaire. C’est sûr que si l’on garde que l’un des deux aspects ça devient ingérable. Ça devient dangereux. On va verser dans le culte de l’urgence … ou de l’immobilisme ! A l’image de certain fondamentalisme. Mais l’important c’est être présent au moment où le Fils de l’Homme se révèlera. Il est là nous dit-on. Le voici. Tenez vos lampes prêtes ! Ne vous endormez pas ! Veillez ! Agissez ! Travaillez pour la justice ! Hâtez ainsi l’avènement du royaume ! Alors.
Vous et le temps. Moi et le temps. Comment le vivons-nous ? Vous
sentez-vous déborder par le temps ? Ou,
savez-vous prendre le temps de vivre ? Quelqu’un dira son inquiétude, son
angoisse même : Moi
j’ai beau me dire qu’il faut du rythme, qu’il faut se laisser ralentir, je
souffre beaucoup de l’accélération. Je suis obligé de trop d’échanges et je
trouve que c’est un train qui accélère et je voudrais sauter du train en
marche. Je ne sais pas où va ce train, je ne sais pas … Je ne suis pas sûr
que l’on puisse si facilement que ça le dominer, être optimiste et penser que
tout va bien, qu’on va y arriver. Je n’en suis pas sûr. Je suis inquiet. Dans
le même temps, je vois d’autres gens qui sont désœuvrés. Et je trouve cette
situation, cette évolution tout à fait terrifiante. Un autre témoigne en disant J’essaie de ne pas maîtriser le temps pour moi-même. Mais en ce qui me
concerne c’est, en même temps l’accueil, l’attention (autant que possible)
de l’autre ou à l’autre qui pour moi est le meilleur agent de gestion de
mon temps. Accepter d’être déranger. Peut-être un peu accélérer parce
qu’il y a telle personne qui voudrait un peu de temps. Mais : · A-t-on toujours la possibilité d’exercer ce devoir d’écoute ? · A-t-on toujours la possibilité d’exercer la
fonction de bon samaritain ?
(d’assistance à personne en danger, en rupture de communication et de lien
social) Dans les rythmes imposés, contraints par les exigences de rendement …
pas si sûr que ça ? Alors aujourd’hui, selon l’expression d’Alain Houziaux, « prends
cette gorgée de vie, prends cette gorgée de temps que Dieu te donne, prends
la et dis seulement : amen et merci ».
Philippe Vernet Documents de
travail : Nicole AUBERT, Christophe
ROUX-DUFORT, 2003. Le culte de l’urgence : la société malade du temps.
Flammarion éd. Etienne KLEIN, 2004. Les
tactiques de Chronos. Flammarion éd. Question de Temps, Novembre 2006 Emission AGAPE Présence protestante – Le Jour du Seigneur, sur France 2 avec les participations de :
Nicole AUBERT, sociologue, Olivier ABEL, théologien protestant, professeur de
philosophie éthique à |
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