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Unité et Mission – regards croisés vers l’œcuménisme de
demain |
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Colloque
Fédération Protestante de France - En route vers la 10ème
Assemblée du COE Unité et mission : 1.
Transformations du Monde et des Eglises depuis la 9ème assemblée
du COE en 2006 à Porto Alegre (Brésil) 1. TRANSFORMATIONS DU
MONDE ET DES EGLISES DEPUIS LA 9ème ASSEMBLEE du COE de 2006, à
PORTO ALEGRE (BRESIL) Nous sommes réunis
dans le contexte des préparations de la dixième assemblée du Conseil
Œcuménique des Eglises à Busan, afin de réfléchir ensemble sur les
perspectives œcuméniques pour l'unité et la mission des Eglises. Quels seront
les prochaines étapes et l'avenir à plus long terme du mouvement
œcuménique ? Et quel sera le rôle du Conseil Œcuménique dans ce
contexte ? La neuvième
assemblée du COE a eu lieu en 2006 à Porto Alegre (Brésil) sous le
thème : « Transforme le monde, Dieu, dans ta grâce ». La
prière pour la transformation caractérisait également le message de cette
assemblée aux Eglises. Pendant les sept ans écoulés depuis,
« transformation » est devenu un mot clé dans les réflexions sur
l'avenir du mouvement œcuménique. Il se trouve lui-même dans un processus de
transformation fondamental et se voit appelé, sous la direction du Saint
Esprit, à participer activement dans l'œuvre de Dieu pour la transformation
du monde vers son accomplissement dans le royaume de Dieu. Pendant ces sept
ans nous avons été témoins de changements profonds dans le monde et dans la
vie des Eglises et leurs relations œcuméniques. Les discussions à Porto
Alegre ont été l'objet de conflits assez aigus sur l'interprétation du
processus de la mondialisation. La crise financière, qui a commencé à la fin
de l'année 2007, continue à mettre en danger beaucoup des acquis du long
processus de croissance. Elle touche maintenant également les pays dits
« riches » et renforce partout le clivage entre les riches et les
pauvres. D'autre part, l'Europe et les États-Unis sont en train de perdre
leur rôle dominant dans le monde et se trouvent confrontés à l'influence
croissante des pays émergents comme le Brésil, l'Inde, la Chine etc. Les enjeux
politiques, économiques se sont profondément transformés. Le deuxième aspect
du changement concerne les bouleversements dans les pays islamiques en Afrique
du Nord et dans le Moyen Orient. L'arabellion, qui a commencé en Tunisie le
17 décembre 2010 a touché pratiquement tous les pays dans cette région. Elle
a propulsé l'islam politique dans le centre du jeu de pouvoir, avec des
répercussions pour notre façon de concevoir les relations entre religion et
politique. Le sort des minorités chrétiennes dans ces pays et l'impact de ces
bouleversements dans les pays arabes sur le conflit entre Israël et les Palestiniens
implique une nouvelle urgence dans le dialogue interreligieux, surtout entre
les traditions Abrahamiques. Un troisième
facteur concerne la crise écologique mondiale. Malgré la proclamation de l'agenda
21 et la signature de la convention de cadre sur le changement climatique à
la fin de la conférence des Nations-Unies sur l'environnement et
développement à Rio de Janeiro en 1992, l'exploitation abusive des ressources
naturelles, l'extinction des espèces et l'émission du gaz carbonique
continuent à mettre en péril l'équilibre écologique. Les gouvernements se trouvent
incapables de se mettre d'accord sur les mesures techniques, politiques et
financières nécessaires pour limiter la croissance de la température moyenne
de 2 degrés. C'est un signe sévère de la situation critique dans laquelle se
trouve le système d'ordre global. Touts ces
changements, qui se sont manifestés depuis la dernière assemblée du COE, renforcent
notre prière pour une vraie transformation du monde. Comment le mouvement œcuménique
se présente dans cette situation actuelle ? Dans quelle mesure est-il
capable de servir comme instrument et agent de la transformation du
monde ? Cette question nous invite d'abord à devenir attentifs aux changements, qui se manifestent également dans le paysage chrétien mondial. Les préparations du centenaire de la première conférence mondiale sur la mission à Edinburgh en 1910 ont mis en évidence le fait, que le centre de gravité de la chrétienté ne se trouve plus aujourd'hui dans les Eglises historiques en Europe et en Amérique du Nord mais dans les pays du Sud, surtout en Amérique Latine et en Afrique. A l'origine de ce changement profond il y a la croissance dynamique des communautés évangéliques, pentecôtistes, charismatiques et indépendantes, un processus qui continue toujours. En nombre de croyants ils représentent aujourd'hui un quart de la population chrétienne mondiale, à l'égalité avec les Eglises historiques engagées dans le mouvement œcuménique ; l'Eglise catholique romaine représente l'autre moitié. Ces changements obligent le COE à redéfinir sa conception œcuménique et son rôle. 2. RECHERCHE DE
NOUVELLES SOURCES DE RELATIONS, A TOUS LES NIVEAUX, ENTRE LES EGLISES MEMBRES
DU COE, LES AUTRES EGLISES ET LES AUTRES ORGANISATIONS OECUMENIQUES Déjà en 1998, lors de sa huitième assemblée à Harare et à
la fin d'un long processus de consultations entre ses Eglises membres, le COE
a précisé la perception de soi par une interprétation approfondi de la
notion, qui se trouve dans sa « base » théologi.que et qui parle du
COE comme une « communauté fraternelle » entre les Eglises membres.
La déclaration adoptée lors de cette assemblée met en question l'image du COE
comme une organisation ou institution ecclésiastique au service des Eglises.
Elle explique: « L'essence du
Conseil, ce sont les relations que les Eglises ont les unes avec les autres.
Ce sont les Eglises réunies toutes ensemble au sein d'une communauté en
marche vers la koinonia pleine et
entière. Le Conseil a une structure et une organisation qui sert d'instrument
aux Eglises, lorsqu'elles cherchent à progresser vers une koinonia de foi, de vie et de témoignage ;
mais il ne doit pas être identifié à cette structure et ne peut pas servir
les Eglises efficacement s'il n'y a pas de leur part un renouveau constant de
leur vision et de leur engagement œcuménique. » Cette description
met l'accent sur le caractère relationnel et dynamique du COE comme une
communauté en marche, qui ne doit pas s'enfermer dans ces structures
institutionnelles. La même déclaration
exprime la conviction, que le mouvement œcuménique est devenu polycentrique
et ne peut pas être identifié aux structures et procédures centrées sur le
COE. Le rôle du COE est plutôt de veiller activement à la cohérence du
mouvement œcuménique. Depuis le Concile Vatican II, l'Eglise catholique
romaine fait partie intégrale du mouvement œcuménique, même si elle reste
en-dehors des structures du COE comme Eglise membre. La déclaration
mentionnée ci-dessus affirme: «Les Eglises membres du COE et l'Eglise catholique romaine
sont inspirées par une même vision, celle du plan de Dieu qui est de réunir
toutes choses en Christ. Il est inconcevable, que le COE ou l'Eglise
catholique romaine accomplissent leur vocation œcuménique sans le concours de
l'autre. Et il faut espérer qu'ils rechercheront l'un et l'autre les moyens
d'approfondir et de développer cette relation, surtout si l'on considère que,
ces dernières années, l'Eglise catholique romaine est devenue membre d'un
nombre croissant d'organismes œcuméniques locaux, nationaux et régionaux dont
beaucoup d'Eglises membres du COE font aussi partie. » D'autre part, cette
même déclaration ajoute, que « la
communauté du COE se trouve également limitée par l'absence d'autres Eglises
qui, pour des raisons diverses, n'ont pas cherché à devenir membres. Par
exemple, des barrières injustifiables se sont dressées entre le COE et
certaines Eglises évangéliques et pentecôtistes à cause des tendances, qui
existent de part et d'autre, à caricaturer l'autre ou à rester indifférent à
son égard. Certaines de ces 3 barrières ont commencé à tomber grâce à
l'établissement de contacts permanents entre le COE et des organismes tels
que l'Alliance évangélique mondiale. Ces efforts devraient se poursuivre par
la recherche de nouvelles formes de relations à tous les niveaux entre les
Eglises membres du COE, les autres Eglises et les autres organisations
œcuméniques. » Comme conséquence
de ces prises de position le COE a initié, il Ya 15 ans déjà, un groupe consultatif
avec les communautés pentecôtiste. Il a également commencé un dialogue ouvert
avec les différentes organisations évangéliques. Les résultats de ces efforts
se son montrés déjà, lors de la conférence « Mission et
Évangélisation » à Athènes en 2005. Mais au-delà, le COE a poursuivi le
projet visant la formation d'un forum global entre Eglises et organisations œcuméniques,
un projet qui faisait déjà parti des discussions sur la déclaration de Harare
en 1998 mentionné ci-dessus. Après plusieurs consultations, particulièrement avec
les communautés pentecôtistes et évangéliques, une première rencontre globale
de ce caractère a eu lieu à Nairobi en 2007. Depuis, le « Forum Global
Chrétien » a commencé à changer le climat œcuménique. Durant cette rencontre à Nairobi, nous nous sommes abstenus délibérément d'entrer dans des analyses globales ou de formuler des perspectives programmatiques. Nous avons renoncé à toute tentative de créer une nouvelle organisation œcuménique. Elle s'est concentrée plutôt à créer un espace de confiance mutuelle, qui permettait un échange d'histoires personnelles de foi, en petits groupes. A la suite de ces échanges, il est devenu clair que la conception de l'œcuménisme devait être adaptée à la situation d'aujourd'hui. La recherche de l'unité visible qui, pour la majorité des Eglises membres du COE constitue le but principal du mouvement œcuménique et l'engagement dans la mission qui est considéré par les communautés pentecôtistes et évangéliques comme centre le leur vocation chrétienne, s'interprètent et s'interpellent mutuellement et ne doivent jamais être mis en opposition. Cette constatation nous rappelle la définition du mot « œcuménique » proposé dans une déclaration du Comité central du COE à Rolle en 1951 : « Il est important d'insister pour que ce mot [œcuménique] qui vient du grec et désigne toute la terre habitée [oikoumene], soit utilisé correctement pour qualifier tout ce qui touche à la tâche de l'Eglise tout entière, appelée à apporter l'Evangile au monde entier. » 3. L’OECUMENISME DE
DEMAIN : OFFRIR LE DON DE LA VIE EN COMMUNION A UNE HUMANITE BLESSEE ET
DIVISEE, QUI SONGE A TROUVER RECONCILIATION ET GUERISON. UN DEFI POUR
L’EGLISE ET SON UNITE ! Cette nouvelle
reconnaissance de la complémentarité entre unité et mission a commencé à transformer
le discours œcuménique sur l'Eglise et son unité. A ce sujet, je vous invite
à lire le nouveau document de « convergence » élaboré et présenté
récemment par la Commission de Foi et Constitution du COE sous le titre « L'Eglise: vers une
vision commune ». Ce document commence par un chapitre sur « la mission de Dieu
et l'unité de l'Eglise ». Il s'ouvre en évoquant la vision de l'Eglise
et de sa mission dans le dessein de Dieu pour la création toute entière, qui
est la promesse du royaume proclamée et manifestée par Jésus Christ. Le texte
affirme : « La mission de
l'Eglise s'inscrit dans la nature même de l'Eglise comme corps du
Christ ». Elle a sa raison d'être dans la mission, parce qu' elle
partage le ministère du Christ. Sa vocation dans le monde est de continuer à
proclamer le royaume de Dieu inauguré par son Seigneur. Elle est portée dans
cette mission par le pouvoir du Saint Esprit, qui est source de vie et forme
avec tous, dans leur diversité, un seul corps, une vraie communion. Dans sa
vie en communion avec le Christ elle devient une « nouvelle création »
comme l'affirme l'Apôtre Paul (II Cor. 5,17). Par le pouvoir du Saint Esprit
elle peut manifester la nouvelle communauté humaine, que nous attendons dans
le royaume de Dieu. Le centre de sa mission est donc d'offrir ce don de
communion à une humanité blessée et divisée, qui songe à trouver
réconciliation et guérison. Mais aujourd'hui
cette proclamation du royaume de Dieu par la vie en communion se fait dans un
monde en plein changement, ce qui constitue un défi pour l'Eglise et son
unité. La dynamique de la mission interpelle et transforme chaque
manifestation de communion, et en particulier une unité trop statique et
exclusive. Elle engage toutes les Eglises dans un processus de renouvellement
continuel de leurs liens de communion, ain qu'elles puissennt, par le pouvoir du
Saint Esprit, aider à la transformation du monde et être la manifestation crédible
de la nouvelle vie en communauté humaine, qui nous est promise dans le
royaume de Dieu. Cette réflexion approfondie
sur les liens inséparables entre mission et unité est également au centre de
la nouvelle affirmation du COE sur la mission et l'évangélisation sous le
titre « Ensemble vers la vie : Mission et évangélisation dans des
contextes en évolution », qui sera présentée à l'assemblée du COE à
Busan. Le document commence par une affirmation de notre foi en Dieu, « le créateur,
rédempteur et sustentateur de toute vie ». Dieu a créé l'ensemble de l'oikoumene
comme une « maison de vie ». «Il est en permanence à l'œuvre dans le monde pour affirmer
et préserver la vie. Nous croyons en Jésus Christ, Vie du monde, incarnation
de l'amour de Dieu pour le monde (cf. Jean 3,16). La volonté et la mission
ultimes de Jésus Christ (cf. Jean 10,10) sont d'affirmer la vie dans toute sa
plénitude. Nous croyons en Dieu, l'Esprit Saint, le dispensateur de la vie,
qui nourrit la vie, lui donne force et renouvelle toute la création (cf.
Genèse 2,7; Jean 3,8). Nier la vie, c'est rejeter le Dieu de vie. » Dans le document
ces affirmations de foi servent de base d'orientation pour l'explication de
la mission d'Eglise. Dieu nous invite à entrer dans sa mission vivificatrice
et, par l'Esprit Saint, il nous donne le pouvoir et les moyens de témoigner
de la vision de vie en abondance pour tous. L'Eglise a donc pour mission
d'apporter une vie nouvelle et d'annoncer la présence de Dieu et son amour en
notre monde. Dans nos Eglises toujours séparées nous sommes appelés à
participer à la mission de Dieu dans l'unité, en surmontant les tensions et
divisions qui existent entre nous, afin que tous soient un et que le monde
croie (cf. Jean 17,21). Du fait que l'Eglise est la communion des disciples
de Christ, elle est appelée à devenir une communauté inclusive; elle existe
pour apporter guérison et réconciliation au monde. Cela amène à la question
suivante: « Comment l'Eglise peut-elle se renouveler pour devenir Eglise
en mission et pour progresser ensemble vers la vie dans sa
plénitude ? » Le document répond
à cette question par une réflexion approfondie sur la mission de l'Esprit Saint
dans le cadre de la mission trinitaire de Dieu. (missio Dei). Cette réflexion est structurée en quatre
chapitre : « Esprit de mission : souffle de vie » ;
« Esprit de libération : mission depuis la périphérie » ;
« Esprit de communauté : une Eglise en marche » ;
« Esprit de Pentecôte : la bonne nouvelle pour tous ». Dans le
contexte de notre thème aujourd'hui sur : « Unité et Missions -
regards croisés vers l'œcuménisme de demain » c'est le troisième
chapitre, qui est le plus important. Là, on trouve les affirmations
suivantes. « Vivre concrètement
notre foi en communauté est une manière importante de participer à la
mission... L'Eglise est appelée à être une communauté inclusive qui accueille
tout le monde. Par ses paroles et ses actes, et dans son existence même,
l'Eglise est un avant-goût du règne de Dieu à venir » L'absence de l'unité
réelle dans la mission remet gravement en question le crédibilité des efforts
de l'Eglise à réaliser la mission de Dieu en ce monde. Dans ce sens, mission
et unité sont inséparables. « Il s'agit donc d'amplifier nos réflexions sur
l'Eglise et l'unité pour parvenir à une conception plus large de
l'unité : l'unité de l'humanité et même l'unité cosmique de la création de
Dieu tout entière. » Plus tard, le même chapitre reprend la réflexion sur la mission de l'Esprit. L'Esprit Saint, qui est l'Esprit d'unité, laisse une entière liberté aux Eglises dans la manière de maintenir et célébrer l'unité dans la diversité. L'Esprit crée l'espace dynamique et donne les ressources nécessaires aux Eglises pour pouvoir étudier leurs différences dans un environnement de sécurité, afin qu'elles puissent approfondir leurs liens de communion et devenir une communauté inclusive et mutuellement responsable. Le document affirme : « Redécouvrir l'œuvre de l'Esprit Saint dans la guérison et la réconciliation - ce qui est au cœur de la théologie de la mission aujourd'hui - a d'importantes implications œcuméniques....Tout en reconnaissant l'importance cruciale de l'unité « visible » entre les Eglises, l'unité ne doit néanmoins pas être recherchée au seul niveau des structures organisationnelles. Dans la perspective de la mission, il est important de discerner ce qui fait avancer la cause de la mission de Dieu. En d'autres termes, l'unité dans la mission est la base de l'unité structurelle des Eglises, ce qui a des répercussions sur la constitution de l'Eglise. Si nous voulons parvenir à l'unité, cela doit se faire en harmonie avec l'appel biblique à rechercher la justice. Notre appel à pratiquer la justice peut parfois impliquer que nous brisions de fausses unités qui étouffent les voix et qui oppriment. L'unité authentique implique toujours l'inclusivité et le respect des autres. » 4. UN DISCOURS
OECUMENIQUE EN TRANSFORMATION : l’OECUMENISME DE DEMAIN, UN CHEMINEMENT
SPIRITUEL Il me semblait
nécessaire de vous présenter ces quelques extraits des déclarations récentes
du COE sur les relations entre l'unité et la mission de l'Eglise comme
indication d'un discours œcuménique en transformation. En particulier,
l'accent mis sur la mission, qui s'inscrit dans la nature même de l'Eglise,
sert à dynamiser nos conceptions de l'unité de l'Eglise. L'unité n'est jamais
un état stable. Elle est mise en question aujourd'hui, comme depuis les temps
de l'Eglise primitive, non seulement par les différences et divergences au
niveau doctrinal et structurel, mais également par le fait, que l'Evangile
trouve la réponse de foi dans des cultures et conditions radicalement
différentes. La compréhension de l'Eglise comme communion, c'est-à-dire comme
une communauté vivifiée par l'Esprit Saint, implique l'appel à une vie inclusive
de toutes les diversités humaines en attendant la pleine communion dans le
royaume de Dieu. Cela nous amène à une notion de l'unité comme dimension d'un
processus de renouvellement, qui va continuer aussi longtemps que la mission
de l'Eglise. L'unité n'est pas un but à atteindre définitivement, mais
plutôt une pratique et une qualité des relations entre Eglises, qui
ensemble se trouvent en marche vers la pleine communion. Pour caractériser ce
processus la conférence mondiale de Foi et Constitution à Saint
Jacques de Compostelle en 1993 a utilisé l'image d'un pèlerinage vers la pleine communion,
un pèlerinage, qui demande l'humilité de nous ouvrir aux autres et d'être
transformé dans nos identités par la rencontre. C'est en nous laissant
transformer par l'Esprit Saint que nous pouvons devenir agents de la
transformation du monde. Nous
rencontrons de nouveau cette image de pèlerinage dans des textes
préparatoires pour l'assemblée du COE à Busan. Ils
parlent du pèlerinage vers Busan comme « une route
œcuménique s'ouvrant à la chrétienté
globale ». Après ces dernières
décennies, où
« l'œcuménisme » devenait de plus en
plus une désignation réservée presque
exclusivement aux efforts ecclésiaux, particulièrement
parmi les Eglises historiques, nous recherchons l'unité visible
par la voie des dialogues doctrinaux. D'ailleurs,
l'œcuménisme de demain ne peut plus se limiter aux Eglises
et traditions qui font parti des organisations œcuméniques
existantes, mais doit s'ouvrir au peuple de Dieu tout entier.
Au-delà de la chrétienté globale, la vision
œcuménique s'engage dans une culture de dialogue avec les
autres traditions religieuses, et même vers l'avenir de la
communauté humaine toute entière et l'accomplissement de
la création. Répondant à l'appel du Saint Esprit,
le mouvement œcuménique représente l'effort du
peule de Dieu tout entier à participer à l'œuvre de
Dieu pour la transformation du monde. Dans nos
déclarations œcuméniques nous avons toujours affirmé que l'unité comme communion
est un don de Dieu plutôt qu'un but stratégique à atteindre. Dans le même
sens, nous commençons à réaliser que la paix et la justice sont également dons
de Dieu plutôt que des projets politiques dont la réalisation nécessite la
participation au jeu du pouvoir. Le thème de l'assemblée du COE à Busan
exprime cette prise de conscience par la prière : « Dieu de la vie,
conduis-nous vers la justice et la paix. » Par cette prière nous entrons
dans un cheminement spirituel qui nous invite à discerner, dans nos
situations diverses, comment répondre aux dons de Dieu dans nos actions et
dans notre proclamation. Unité, justice et paix prennent donc une dimension
pratique qui caractérise notre cheminement sous la conduite de l'Esprit
Saint. Car nous demandons à Dieu de nous conduire sur ce chemin d'unité, de
justice et de paix. En reprenant le thème de l'assemblée, le Comité Central
du COE propose aux Eglises de s'engager ensemble dans un
« pèlerinage » pour la justice et la paix pendant la période qui
suivra l'assemblée. La déclaration sur
la mission et l'évangélisation, dont je viens de citer quelques extraits,
parle d'une « spiritualité
transformatrice », qui nous donne l'énergie de persévérer dans cette
voie. « Le témoignage chrétien authentique ne se retrouve pas seulement
dans ce que nous faisons dans la mission, mais aussi dans la
manière dont nous la vivons. L'Eglise en mission ne peut subsister que
grâce à des spiritualités profondément enracinées dans la communion d'amour de
la Trinité. C'est la spiritualité, qui donne son sens le plus profond à notre
vie. Elle stimule, motive et dynamise notre cheminement personnel. Elle est
énergie pour la vie dans sa plénitude et nous appelle à nous engager dans
l'opposition aux forces, pouvoirs et systèmes qui refusent, détruisent et
réduisent la vie. La spiritualité de la mission est toujours
transformatrice ». Elle nous convainc
de servir Dieu dans l'économie de vie et non celle de Mammon, de partager la
vie à la table de Dieu plutôt que de satisfaire la cupidité individuelle, de
rechercher le changement en un monde meilleur tout en dénonçant les intérêts
particuliers des puissants qui désirent préserver le statu quo. Cet accent sur la spiritualité transformatrice répond
à l'appel de l'apôtre Paul dans la lettre aux Romains : « Je vous exhorte
donc, frères [et sœurs], au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir
vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu: ce sera là votre
culte spirituel. Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez
transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner
quelle est la volonté de Dieu: ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce
qui est parfait » (Rom.12, 1et suivants). Dans les textes
préparatoires pour l'assemblée il y a une convergence autour de cet appel à
la transformation et la spiritualité transformatrice. C'est le cas pour
« l'appel œcuménique à la paix juste », qui invite les Eglises à envisager
la paix comme un processus dynamique visant la transformation des conflits et
l'édification des cultures de paix. C'est également le cas avec « l'appel
à l'action pour une économie de vie, de justice et de paix pour tous »,
qui demande aux Eglises de s'engager dans un processus de transformation
radicale afin de promouvoir une économie de vie pour tous. Ces prises de
position renforcent la vision du mouvement œcuménique comme le cadre et l'espace qui
sert à rassembler les Eglises, qui les encourage et les accompagne sur le
chemin de justice, de la paix et d'unité, afin qu'elles deviennent dans leur
vie en communauté fraternelle une force spirituelle de transformation, de
guérison et de réconciliation dans notre monde. Dans cette engagement nous
nous tournons vers Dieu en priant : « Dieu de vie, conduis-nous
vers la justice et la paix ». Konrad Raiser NB : les sous-titres ont été ajoutés Colloque Fédération Protestante de France
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