L’Œcuménisme ou l’Unité des Eglises

 

 

-          Unité et Diversité

-          Paroles et Sacrements

-          Bilan et Perspectives

Unité et Diversité

Le but du mouvement œcuménique n’est pas la constitution d’une seule Eglise qui rassemblerait en une seule institution tous les chrétiens de la « terre habitée » (en grec oikumené) sans distinction de cultures, de traditions et de piétés. Unité ne signifie pas uniformité. Uniformisation est synonyme d’ennui, d’absence de vie et de perte d’identité particulière. Aucune confession chrétienne souhaitant l’unité des Eglises ne poursuit ce but-là.

Un coup d’œil sur nos paroisses locales peut nous permettre de mieux comprendre la véritable intention de l’œcuménisme. Chrétiens appartenant à une même communauté, nous ne sommes pas coulés dans un seul et même moule, nous avons des options théologiques, morales, culturelles, politiques... différentes. L’unité de notre paroisse nous est donnée et s’exprime dans le fait que nous célébrons ensemble le même culte, nous partageons la Parole et les Sacrements. Il y a tout à la fois unité et diversité. Notre diversité ne serait illégitime que si elle provoquait une séparation qui ne nous permettrait plus de célébrer ensemble le même culte.

La situation internationale et interconfessionnelle est analogue. Nos Eglises sont différentes, nous avons des histoires, des conceptions, des traditions différentes. Le problème de la division des Eglises se manifeste dans notre incapacité à célébrer le même culte. Les catholiques ne reconnaissent pas la Sainte Cène protestante, les protestants émettent des réserves face à l’Eucharistie catholique, et l’on pourrait citer d’autres exemples. Les diverses confessions ne se reconnaissent pas encore mutuellement comme étant pleinement Eglise de Jésus Christ. Même si, contrairement à la situation d’il y a trente ans, l’autre n’est plus considéré comme l’hérétique sans vérité aucune.

Le but premier du mouvement œcuménique est de parvenir à la communion ecclésiale : il ne s’agit pas de rechercher une forme de culte et de structure ecclésiale uniques, mais de reconnaître dans le culte pratiqué dans les autres traditions ecclésiales la célébration de la Parole et des sacrements qui est aussi la nôtre. Il est entendu que l’autre communauté célèbre et célébrera toujours son culte selon sa tradition, sa piété, son histoire et sa spécificité.

La division actuelle de nos Eglises, les exclusions doivent être dépassées. Elles contredisent l’unité que nous affirmons dans nos confessions de foi (Je crois l'Eglise une) et la volonté du Christ (« afin que tous soient un », Jean 17 21). Notre diversité est encore génératrice de séparation. Sur la route de l’unité il faut de la bonne volonté et une ouverture à la différence d’autrui. Ces qualités, à elles seules, sont cependant insuffisantes. Elles doivent accompagner une réflexion fondamentale sur la vérité de la foi Une véritable tolérance évangélique est toujours et en même temps en mesure de nommer et de refuser ce qui n’est plus conforme à l’enseignement du Christ.

Paroles et Sacrements

Après plusieurs siècles de séparation, les grandes Eglises se sont engagées au cours des dernières décennies dans une série de dialogues (cf. Le travail du Conseil Œcuménique des Eglises). Ces dialogues ont permis un rapprochement sensible tant sur le plan doctrinal que dans les relations quotidiennes entre les communautés locales. La priorité étant de parvenir à un accord permettant la communion ecclésiale, les dialogues furent donc centrés sur la recherche d’un consensus dans la compréhension de la Parole et des Sacrements.

L’avancée la plus spectaculaire se trouve dans le large accord auquel on est parvenu dans la compréhension de la Parole de Dieu, de l'Evangile. Au XVIème siècle, la chrétienté occidentale s’était divisée en raison de compréhensions divergentes du salut en Jésus Christ. Elle constate aujourd'hui « un ample consensus » (expression du dialogue catholique-Luthérien. Rapport de Malte 1972). L'Evangile, transmis dans l’Ecriture Sainte, est annonce de l’événement qui sauve, la vie, la croix et la résurrection de Jésus Christ. Dieu offre ce salut à l’homme incapable de se sauver lui-même, mais dont la nouvelle situation d’enfant de Dieu s’exprime nécessairement dans des œuvres de justice. L’accord est large et se traduit, par exemple, dans le fait que dans un culte catholique un protestant peut annoncer la Parole et inversement.

Le point le plus délicat demeure la Sainte Cène ou l’Eucharistie. Les oppositions traditionnelles sur la »présence réelle » ou sur la messe « répétition du sacrifice du Christ » ont perdu leur caractère séparateur. Il y a accord pour confesser que le Christ lui-même se donne sous les espèces du pain et du vin et pour proclamer le caractère unique et suffisant du sacrifice sur la croix. Mais pour l'Eglise Catholique, seul un prêtre qui, dans l’ordination, a reçu le pouvoir de célébrer la messe peut présider une Eucharistie. Une célébration protestante, sans prêtre ordonné dans la tradition de l'Eglise romaine, n’est donc pas pleinement valable pour l'Eglise Catholique. Elle ne peut être reconnue par elle. Ici apparaît la question fondamentale aujourd'hui débattue entre protestants et catholiques : celle de la nécessité et du rôle particulier de l'Eglise, de ses structures et de ses ministères dans la transmission du salut. Les protestants exigeront toujours que tout acte d’Eglise soit pleinement transparent à la seule action de Dieu, les catholiques comprenant l’Eglise comme institution chargée par Dieu d’accomplir certains actes en son nom.

Malgré certaines difficultés dans la pratique locale, protestants et catholiques ne s’opposent pas dans la compréhension du baptême. La question est cependant ouverte et vivement discutée entre catholiques, anglicans, luthériens, réformés d’une part, baptistes et mennonites de l’autre. Les premiers insistent sur le baptême, don par lequel Dieu accepte le croyant comme son enfant, et les seconds comprennent le baptême essentiellement comme confirmation par l’homme de sa foi et ne reconnaissent donc pas la validité d’un baptême conféré par les premiers.

A ces trois questions centrales et essentielles pour la communion ecclésiale on pourrait ajouter de nombreux autres sujets. Le protestant ne manquera pas de citer le pape, Marie et les saints. Ces questions sont, elles aussi, débattues dans les dialogues. Mais il ne s’agit pas ici de rechercher un accord qui exprimerait une identité de vue et qui viserait l’uniformité. Il s’agit de clarifier les réponses données par les uns et les autres à ces questions, afin qu’elles ne s’opposent plus à une communion dans la parole et les sacrements. Les protestants demanderont toujours que rien n’obscurcisse ou ne se substitue à l’annonce du salut donné une fois pour toutes en Jésus-Christ. Ainsi, à propos de la Vierge Marie, ils demandent que soit bien précisé que Marie n’est pas divinisée ni comprise comme médiatrice du salut au même titre que Jésus-Christ. Faute de quoi, l’accord sur l'Evangile serait remis en cause. Catholiques et protestants ne doivent pas pour autant avoir des conceptions et piétés en tous points identiques. Pour toutes ces questions il s’agit de préciser quand les différences sont légitimes et quand elles deviennent cause de séparation.

Bilan et Perspectives

Quels ont été les résultats de ces dialogues ? Citons quelques exemples.

En 1973 les Eglises luthériennes et réformées d’Europe ont signé la « Concorde de Leuen berg ». Après dix années de dialogues sur la Parole et les Sacrements, ces Eglises se sont déclarées en « communion ecclésiale ». Il existe désormais entre elles une reconnaissance mutuelle, dans la diversité. Les croyants d’une tradition peuvent pleinement participer aux célébrations de l’autre, un pasteur luthérien présider un culte réformé et inversement. Les condamnations réciproques prononcées au XVIème siècle ne touchent plus la doctrine actuelle du partenaire. Une convention analogue unit en Allemagne luthériens et réformés aux méthodistes, aux Etats-Unis anglicans et luthériens, ce dernier accord étant sur le point d’être appliqué également en Europe. Le dialogue entre les Eglises protestantes et l'Eglise Catholique a fait des progrès considérables. On n’a cependant pas encore pu parvenir à la communion ecclésiale et à la pleine reconnaissance mutuelle. Le dialogue avec les Eglises orthodoxes est plus difficile et n’en est qu’à son début.

Parmi les tâches urgentes, on notera la nécessité d’un témoignage commun face aux grands défis de notre société. Un service commun est souvent plus facile localement (aide à des déshérités, des étrangers, etc..), mais beaucoup plus délicat au plan international. Des enjeux comme la bioéthique, la justice, les droits de la femme, énergie et armement nucléaire, etc. apparaissent aujourd'hui comme des défis auxquels les Eglises ne répondent pas d’une seule voix. Il existe des dissonances entre les Eglises traditionnelles et au sein de celles-ci. Des efforts en vue d’un témoignage commun sont faits. La réponse est loin d’être suffisante.

Il faut enfin mentionner l’œcuménisme dans nos paroisses. On y note de nombreux efforts et une prise de conscience des responsables. Mais le plus grand frein semble être l’indifférence. On vit bien dans sa communauté et on ne voit pas trop pourquoi on s’ouvrirait à d’autres communautés. A cela s’ajoute que les clivages entre Eglises locales ont souvent de surcroît des raisons non doctrinales (facteurs ethniques, linguistiques, économiques, conflits entre minorités et majorités, etc.) Une avancée dans chaque communauté locale est aujourd'hui essentielle. Tous les dialogues passés et à venir n’ont que cette seule intention : Rechercher des consensus qui pourront permettre à des paroisses de vivre l’unité de l'Eglise dans le lieu géographique où elles sont témoins de l'Evangile.

Pour plus de détails, cf. :

R. Girault, A Nicolas, Sans tricher ni trahir. Sur la grand’ route œcuménique. Paris, Cerf, 1985

O. Cullmann, L’unité par la diversité. Paris. Cerf, 1986

Plus technique : A. Birmelé, Le salut en Jésus-Christ dans les dialogues œcuméniques. Paris. Cerf, 1986

 

 

Ce texte a été rédigé par A. Birmelé. Il a été édité par la Commission de formation biblique et théologique de l'Eglise de la Confession d’Augsbourg et de l'Eglise Réformée d’Alsace et de Lorraine, 1a, quai St Thomas. 67081 Strasbourg Cedex.