Johannes Oecolampade (1482 – 1431)

 

 

Oecolampade étudie le droit et la théologie à Bologne et à Heidelberg où il subit l'influence humaniste puis à Tübingen. Il collabore en 1515 avec Erasme à l'édition du Nouveau Testament. En 1518 il est nommé prédicateur à Bâle puis à Augsbourg, se retire deux ans dans un couvent et rejoint les humanistes de l'Ebernburg où se trouve Bucer

De retour à Bâle, il s'impose comme le chef de la Réforme dans la ville, Réforme qu'il organise et consolide jusqu'à son adoption officielle en 1529. Oecolampade devient alors pasteur de la cathédrale et chef de l'Église bâloise. Il se sépare des luthériens au sujet de la cène et est un précurseur de Calvin  par sa conception de l'organisation ecclésiastique et de la liturgie.

Son influence gagne Ulm, Memmingen et Biberach où il organise la Réforme. Il dirige le parti protestant aux disputes de Bade (1526) et de Berne (1528) et participe au colloque de Marburg en 1529

Johannes Oecolampade, réformateur de Bâle et humaniste érudit, a laissé une œuvre importante dont des traductions des Pères et des commentaires des Prophètes

 

 

 

 

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Martin Luther (1483 – 1546)

 

 

Après des études de philosophie, Martin Luther revêt l'habit des Augustins à Erfurt. Il enseigne à l'université de Wittenberg où il commente les Epîtres de Paul. En 1518, l'étude de Romains 1, 17 l'amène à formuler la doctrine du salut par la foi seule : Dieu n'exige pas de l'homme la justice mais la lui accorde gratuitement en Christ.

Le 31 Octobre 1517, Luther affiche sur la porte de l'église du château de Wittenberg les "95 thèses" dénonçant la vente des indulgencesCet acte, qui marque le début de la Réforme, lui vaut de nombreuses marques d'approbation en Allemagne et bientôt dans toute l'Europe. Malgré la pression de l'église romaine, Luther refuse de se rétracter et publie en 1520 le Manifeste à la noblesse allemande et Captivité à Babylone. Dans le Petit Traité de la liberté humaine, il précise la doctrine de la justification par la foi seule et affirme l'autorité de la seule Ecriture.

Luther brûle publiquement la bulle Exsurge Domine. La diète de Worms (1521) l'excommunie et le met au ban de l'empire. Il se réfugie au château de la Wartburg où il entreprend la traduction de la Bible en allemand.

De retour à Wittenberg, il se sépare de Thomas Münzer (Contre les prophètes célestes) et prend le parti des princes contre la révolte des paysans (1524-1525) non sans dénoncer les atrocités commises. En 1525 il épouse Katharina von Bora, une ancienne nonne, et publie le De servo Arbitrio.

Luther règle le culte et la liturgie de la nouvelle église qui se développe et s'organise. Il rédige le Grand et le Petit Catéchisme. Avec ces développements, des dissensions apparaissent, notamment au sujet de la communion, avec Zwingli et OecolampeEn 1530, Philipp Melanchthon, son principal disciple, rédige le texte de la Confession d'Augsbourg qui formalise le statut des églises luthériennes. Malgré une attitude et des propos violemment anti-juifs qui entachent sa mémoire, Martin Luther reste le premier des grands réformateurs et l'un des premiers grands écrivains de langue allemande.

 

 

 

 

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Huldrych Zwingli (1484-1531)

 

 

Zwingli reçoit à Vienne et à Bâle une formation d'humaniste    et rencontre Erasme. Devenu curé de la collégiale de Zurich (1519), il adhère à la Réforme et expose sa doctrine en soixante-dix sept thèses, reconnaissant la Bible comme seul fondement de la loi et rejetant l'autorité de Rome dont il critique la corruption.

Les paroissiens et le conseil de Zurich prennent son parti et Zwingli entreprend la réforme de la ville (1522) fondant sa doctrine sur une lecture approfondie de la Bible, se marie (1524) et abolit la messe (1525). Il développe ses positions dans L'Exposition et les preuves des thèses, le De vera et falsa religione dédié à François 1er, De la parole de Dieu, De la justice divine et de la justice humaine et l'Exposé de la foi.

Zwingli entre en conflit avec Luther à qui il s'oppose au colloque de Marbourg (1529). Pour lui, dans la cène, le Christ est présent dans les cœurs par son Esprit et non dans les espèces.

Zwingli ne se contente pas d'être un chef religieux mais intervient aussi en politique. Il combat la coutume du mercenariat et conduit Zurich à entreprendre deux campagnes militaires contre des cantons catholiques. C'est à la bataille de Kappel qu'il trouve la mort.

On trouve dans la pensée de Huldrych Zwingli les principaux thèmes qui seront développés ensuite par Jean Calvin aussi c'est lui qui apparaît aujourd'hui comme le véritable père du courant réformé.

 

 

 

 

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Guillaume Farel (1489-1565)

 

 

Né à Gap, Guillaume Farel fait ses études à la Sorbonne où il rencontre Lefèvre d'Étaples. Maître ès arts en 1517, il enseigne la grammaire et la philosophie. Il rompt avec le catholicisme dès 1521. Il rencontre Oecolampade à Bâle, Zwingli à Zurich, Bucer à Strasbourg, rédige la Sommaire et brève déclaration (1525) et son activité itinérante le conduit à Neuchâtel où il obtient en 1530 un vote de la ville en faveur de la Réforme.

Farel prend part au colloque de Chanforan (1532) au cours duquel les vaudois piémontais adhèrent à la Réforme. Dans son entrevue avec Calvin (1536), il convainc celui-ci de demeurer à Genève et participe à faire passer la ville à la Réforme. Après son expulsion et celle de Calvin (1538), il s'installe à Neuchâtel, d'où il entreprend de nombreux voyages missionnaires.

Guillaume Farel, missionnaire ardent et souvent intransigeant, est le Réformateur de la Suisse romande. Il a organisé à Neuchâtel une église réformée dans la ligne de Calvin

 

 

 

 

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Martin Bucer (1491 – 1551)

 

 

Né à Sélestat (Alsace), Martin Bucer entre chez les dominicains dans sa ville natale et rencontre Luther en 1518 alors qu'il poursuit ses études à Heidelberg. Il adopte les vues du Réformateur et quitte l'ordre des dominicains en 1521 pour devenir prêtre séculier. Il se marie la même année avec une ancienne nonne mais il est excommunié.

En fuite, il prêche la réforme luthérienne et se réfugie à Strasbourg en 1523. Il y est reconnu comme chef de file de la Réforme, ce qu'il restera jusqu'en 1549. En 1529, Bucer fait passer officiellement la ville à la Réforme. Il se consacre à l'organisation de l'Église strasbourgeoise et publie les Commentaires bibliques (1527) et promulgue les Ordonnances ecclésiastiques et disciplinaires (1534-35). Bucer cherche à maintenir l'unité de l'Église entre protestants et avec les catholiques : il tente de réconcilier Luther et Zwingli sur la question de la cène. Mais ses tentatives de compromis échouent.

Martin Bucer doit quitter Strasbourg en 1549 sur ordre de Charles-Quint et de l'évêque de la ville et il se réfugie à Cambridge où il enseignera jusqu'à sa mort.

Les idées de Bucer représentent la possibilité d'une troisième voie entre celles de Calvin et Luther, possibilité qui échoue. Même sa ville de Strasbourg se rangera aux options du luthéranisme strict.

 

 

 

 

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Philipp Melanchthon (1497-1560)

 

 

Petit neveu de l'humaniste Johannes Reuchlin, Philipp Schwartzerdt (hellénisé en Melanchthon en raison de sa réussite précoce en grec) étudie à partir de 1512 à Heidelberg et à Tübingen. Devenu en 1518 professeur de grec à l'université de Wittenberg, il y rencontre Luther  dont il devient et restera le principal disciple.

En 1519, il écrit l'Apologia pro Luthero. Ses Loci communes (1521) constituent le premier ouvrage de théologie luthérienne. Il les remaniera plusieurs fois tout au long de sa vie (1533, 1543, 1559). Il rédige la Confession d'Augsbourg (1530), son Apologie (1531) et le Traité sur le pouvoir et la primauté du pape (1537) et deviendra le chef de l'Église luthérienne à la mort de Luther.

Conciliant et diplomate, il a tenté d'aplanir les divergences entre les différents courants de la Réforme et même entre protestants et catholiques.

Melanchthon est l'exégète et le fondateur de la dogmatique protestante luthérienne.

 

 

 

 

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Jean Calvin (1509-1564)

 

 

C'est à Noyon en Picardie que naît, le 10 Juillet 1509, Jean Calvin.

Il reçoit une formation d'humaniste et étudie les lettres et la philosophie à Paris, le droit à Orléans puis à Bourges, l'hébreu, le grec et la théologie au Collège royal. En 1533 il adhère à la Réforme, dont les partisans, déjà nombreux autour de lui, sont considérés en France comme des hérétiques.

Sa carrière de prédicateur commence alors en Saintonge et en Angoumois.

Dès 1534 il doit se réfugier à Bâle où il publie pour la première fois son ouvrage majeur, l'Institution de la religion chrétienne, livre qui connaîtra plusieurs éditions revues et augmentées.

Au cours d'un voyage, il passe à Genève, qui vient d'adopter la Réforme. Farel l'y retient pour prêcher l'Evangile (1536-1538). Calvin irrite les responsables Genevois et part pour Strasbourg où il rejoint Martin Bucer et devient le pasteur des réfugiés français. C'est là qu'il se marie avec Idelette de Bure, avant d'être rappelé à Genève où il demeurera jusqu'à sa mort.

Il a dès lors dans la ville capitale de la Réforme un rôle déterminant à la fois sur les plans religieux, politique et éducatif.

Calvin recourt parfois à la force pour triompher des opposants qu'il fait condamner à l'exil ou au bûcher comme l'Espagnol Michel Servet (1553) à qui les protestants ont élevé un monument à Champel, proclamant ainsi que Calvin avait eu tort de partager l'intolérance de son époque.

Théodore de Bèze succède à Calvin, à sa mort en 1564, à la tête de l'Eglise réformée.

Figure controversée, Jean Calvin est l'un des premiers grands écrivains de langue française et un théologien majeur

 

 

 

 

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Heinrich Bullinger (1504 – 1575)

 

 

Heinrich Bullinger poursuit des études aux Pays-Bas et à Cologne où il entre en contact avec Erasme et l'humanisme. Il adhère à la Réforme à la lecture de Luther alors qu'il est maître d'école à Kappel.

Il devient ami et conseiller de Zwingli puis son successeur après la défaite de Kappel alors que la Réforme paraît compromise en Suisse. Il organise l'Église dans la ville et le canton et tente d'équilibrer pouvoir séculier et autonomie ecclésiale. Bullinger lutte contre les catholiques et les anabaptistes et organise le système scolaire. Il se refuse à tout compromis avec les luthériens sur la question de la cène et réussit à unifier les cantons hélvétiques autour de ses doctrines formalisées dans la Confessio helvetica (1536) puis obtient le ralliement de Calvin autour du Consensus Tigurinus (1549) puis de la Confession hélvétique postérieure (1566).

Il jouit d'une réputation considérable dans la chrétienté réformée en raison de l'accueil qu'il assure aux réfugiés et de son rôle reconnu de conseiller des Églises réformées.

Bullinger laisse une œuvre d'historien (Chroniques de Zurich) et une abondante correspondance (12 000 lettres) qui fait de lui un des théologiens les plus respectés du protestantisme réformé.

 

 

 

 




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Sébastien Castellion (1515-1563)

 

 

Né, à Saint-Martin-du-Fresne, dans le Bugey, Castellion étudie à Lyon où il fréquente les humanistes et s'essaie à la poésie. La lecture de l'Institution chrétienne de Calvin et la persécution des protestants dont il est le spectateur indigné le poussent à partir pour Strasbourg en 1540. Il y rencontre Calvin qu'il rejoint en 1542 à Genève où il devient le principal du collège.

 Il publie en 1543 les Dialogues sacrés dans lesquels il témoigne de sa haine des tyrans et des persécuteurs. "Il n'y a rien, écrit-il, qui résiste plus obstinément à la vérité que les grands de ce monde". Castellion supporte mal l'autorité de plus en plus absolue de Calvin à Genève. Mettant en garde contre l'absolutisme du nouveau tyran, il démissionne du collège et est mis en demeure de quitter la ville. Il commence à traduire la Bible et connaît plusieurs années de misère jusqu'en 1553 où il devient maître ès arts puis lecteur de grec à l'université de Bâle.

Le 27 octobre 1553, Calvin fait exécuter Michel Servet. Peu après paraît à Bâle une brochure intitulée De haereticis an sint persequendi signée Martin Bellie, alias Castellion (1554). On y trouve des extraits de Luther, de Sébastien Franck, d'Érasme et de Castellion. C'est un plaidoyer pour la liberté de conscience et la tolérance. L'auteur y souhaite "qu'un chacun retourne à soi-même, et soit soigneux de corriger sa vie, et non de condamner les autres".

La réaction contre Sébastien Castellion mobilise Bèze, qui dénonce sa "charité diabolique et non chrétienne", tandis que Calvin voit en lui: "un monstre qui a autant de venin qu'il a d'audace". À Bâle aussi, Castellion est attaqué de toutes parts pour avoir pris parti contre la prédestination et surtout pour son attachement à la liberté.

En 1562, dans Conseil à la France désolée il lance à Calvin à propos de l'éxécution de Servet: "Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme". Cet écrit, qui est un appel pathétique à la tolérance et une exhortation à mettre fin aux luttes religieuses et aux persécutions, soulève une réprobation unanime et entraîne des poursuites contre des membres de sa famille qui l'ont fait circuler à Genève.

Sébastien Castellion meurt le 29 décembre 1563. Il est demeuré largement méconnu.

 

 

 

 




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Théodore de Bèze (1519-1605)

 

 

C'est à Vézelay, dans une famille noble et riche, que Théodore de Bèze naît le 24 Juin 1519. Il est à Bourges (1528- 1535) l'élève de Melchior Wolmar, un des humanistes les plus célèbres de l'époque. Puis il étudie le droit à Orléans.

Melchior Wolmar a révélé au jeune homme les idées de la Réforme. Bèze manifeste d'abord une sympathie active pour les idées nouvelles. Mais sa vie est totalement transformée par l'appel de Dieu. Il raconte lui-même comment des tourments infinis du corps et de l'âme l'amènent à réfléchir sur sa condition et à consacrer sa vie au service de Dieu.

Partant en exil volontaire, Bèze arrive à Genève le 24 Octobre 1548 et entre aussitôt en relation avec Calvin. Mais c'est d'abord à Lausanne, avec Pierre Viret, qu'il travaille pendant 10 ans. Il enseigne le grec, explique le Nouveau Testament, participe activement à la vie de la cité.

En Septembre 1558, Bèze quitte Lausanne et s'installe à Genève. Il aide à l'organisation de l'Académie de Genève dont il devient recteur en 1559. A partir de 1560, Bèze entre en conflit avec les luthériens au sujet de la cène et de la christologie. Proche collaborateur de Calvin, celui-ci lui confiera souvent d'importantes missions et Bèze dirige la délégation réformée au Colloque de Poissy en 1561. A la mort de Calvin (1564), Théodore de Bèze devient Modérateur de la Compagnie des Pasteurs, il dirige officiellement l'Église de Genève jusqu'en 1580. De 1580 à sa mort, il en demeure l'inspirateur et le guide.

L'oeuvre littéraire de de Bèze est importante. Poète, exégète, théologien, prédicateur, historien, il a beaucoup écrit. On lui doit Abraham sacrifiant (1550), une tragédie en français, une Confession de foi, une traduction latine annotée du Nouveau Testament et surtout une traduction des Psaumes qui fera référence. Théodore de Bèze a été pendant les guerres de religion le chef spirituel des Huguenots.

 

 

 

 




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La doctrine des Indulgences

 

 

La Bible nous apprend que l'homme est sauvé par la seule grâce de Dieu, par le moyen de la foi en Jésus-Christ. Pendant longtemps, les chrétiens ont accepté cette affirmation biblique tout simplement.

Cependant, les chrétiens savent combien cette grâce reste toujours imméritée, en raison de notre incapacité fondamentale à vivre en permanence dans la sainteté. Au fil du temps, la Bible étant moins lue peut-être, les chrétiens ont oublié que cette grâce de Dieu s'enracine dans le sacrifice de Jésus sur la croix. Ils ont pensé que leur participation active était requise, faute de quoi leur salut serait annulé. Le résultat en a été un désespoir profond au niveau de la chrétienté. Même le meilleur des chrétiens ne peut gagner son salut, il est encore trop loin de la perfection et de la fidélité aux commandements de Dieu (les rabbins anciens avaient ainsi dénombré 613 commandements dans l'Ancien Testament : 248 actifs et 365 passifs).

Les théologiens ont donc, petit à petit, forgé une doctrine qui redonnait espoir aux chrétiens. Le chrétien pouvait obtenir du pape un document appelé "indulgence", qui lui remettait ses péchés ou une partie de ceux-ci. Il pouvait alors continuer à travailler à son salut ou à celui des défunts qui lui étaient chers.

La papauté franchit un pas de plus au début du XVIème siècle. Lorsque le pape eut besoin d'argent pour construire la basilique de Saint-Pierre de Rome, la Curie romaine se mit à vendre les Indulgences pontificales dans toute l'Europe. C'est ce qui choqua le plus le moine-théologien Luther, et ce qui l'amena à rédiger ses fameuses "Quatre-vingt-quinze thèses contre les indulgences".

 

 

 

 



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Luther affichant ses thèses sur l’église de Wittenberg,

Tableau de Hugo Vogel, fin du XIXe siècle

 

 

L’épisode de l’affichage des quatre-vingt-quinze
thèses prend vite valeur de symbole pour les protestants, qui choisiront l’année 1517 pour commémorer la naissance de la foi nouvelle. 

Chaque année, le dernier dimanche d’octobre, un culte de la réformation est célébré en souvenir de ce
31 octobre 1517

 

 

Lire les 95 thèses

 

 

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Les quatre-vingt-quinze thèses de Luther
contre les indulgences

 

 

Préambule :

Par amour pour la vérité et dans le but de la préciser, les thèses suivantes seront soutenues à Wittemberg, sous la présidence du Révérend Père Martin LUTHER, ermite augustin, maître es Arts, docteur et lecteur de la Sainte Théologie. Celui-ci prie ceux qui, étant absents, ne pourraient discuter avec lui, de vouloir bien le faire par lettres. Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Amen.

Thèses :

1.          En disant : Faites pénitence, notre Maître et Seigneur Jésus-Christ a voulu que la vie entière des fidèles fût une pénitence.

2.          Cette parole ne peut pas s'entendre du sacrement de la pénitence, tel qu'il est administré par le prêtre, c'est à dire de la confession et de la satisfaction.

3.          Toutefois elle ne signifie pas non plus la seule pénitence intérieure ; celle-ci est nulle, si elle ne produit pas au dehors toutes sortes de mortifications de la chair.

4.          C'est pourquoi la peine dure aussi longtemps que dure la haine de soi-même, la vraie pénitence intérieure, c'est à dire jusqu'à l'entrée dans le royaume des cieux.

5.          Le pape ne veut et ne peut remettre d'autres peines que celles qu'il a imposées lui-même de sa propre autorité ou par l'autorité des canons.

6.   Le pape ne peut remettre aucune peine autrement qu'en déclarant et en confirmant que Dieu l'a remise ; à moins qu'il ne s'agisse des cas à lui réservés. Celui qui méprise son pouvoir dans ces cas particuliers reste dans son péché.

7.          Dieu ne remet la coulpe à personne sans l'humilier, l'abaisser devant un prêtre, son représentant.

8.          Les canons pénitentiels ne s'appliquent qu'aux vivants ; et d'après eux, rien ne doit être imposé aux morts.

9.          Voilà pourquoi le pape agit selon le Saint-Esprit en exceptant toujours dans ses décrets l'article de la mort et celui de la nécessité.

10.      Les prêtres qui, à l'article de la mort, réservent pour le Purgatoire les canons pénitentiels, agissent mal et d'une façon inintelligente.

11.      La transformation des peines canoniques en peines du Purgatoire est une ivraie semée certainement pendant que les évêques dormaient.

12.      Jadis les peines canoniques étaient imposées non après, mais avant l'absolution, comme une épreuve de la véritable contrition.

13.      La mort délie de tout ; les mourants sont déjà morts aux lois canoniques, et celles-ci ne les atteignent plus.

14.      Une piété incomplète, un amour imparfait donnent nécessairement une grande crainte au mourant. Plus l'amour est petit, plus grande est la terreur.

15.      Cette crainte, cette épouvante suffit déjà, sans parler des autres peines, à constituer la peine du Purgatoire, car elle approche le plus de l'horreur du désespoir.

16.      Il semble qu'entre l'Enfer, le Purgatoire et le Ciel il y ait la même différence qu'entre le désespoir, le quasi-désespoir et la sécurité.

17.      Il semble que chez les âmes du Purgatoire l'Amour doive grandir à mesure que l'horreur diminue.

18.      Il ne paraît pas qu'on puisse prouver par des raisons, ou par les Ecritures que les âmes du Purgatoire soient hors d'état de rien mériter ou de croître dans la charité.

19.      Il n'est pas prouvé non plus que toutes les âmes du Purgatoire soient parfaitement assurées de leur béatitude, bien que nous-mêmes nous en ayons une entière assurance.

20.      Donc, par la rémission plénière de toutes les peines, le Pape n'entend parler que de celles qu'il a imposées lui-même, et non pas toutes les peines en général.

21.      C'est pourquoi les prédicateurs des Indulgences se trompent quand ils disent que les indulgences du Pape délivrent l'homme de toutes les peines et le sauvent.

22.      Car le Pape ne saurait remettre aux âmes du Purgatoire d'autres peines que celles qu'elles auraient dû souffrir dans cette vie en vertu des canons.

23.      Si la remise entière de toutes les peines peut jamais être accordée, ce ne saurait être qu'en faveur des plus parfaits, c'est-à-dire du plus petit nombre.

24.      Ainsi cette magnifique et universelle promesse de la rémission de toutes les peines accordées à tous sans distinction, trompe nécessairement la majeure partie du peuple.

25.      Le même pouvoir que le Pape peut avoir, en général, sur le Purgatoire, chaque évêque le possède en particulier dans son diocèse, chaque pasteur dans sa paroisse.

26.      Le Pape fait très bien de ne pas donner aux âmes le pardon en vertu du pouvoir des clefs qu'il n'a pas, mais de le donner par le mode de suffrage.

27.      Ils prêchent des inventions humaines, ceux qui prétendent qu'aussitôt que l'argent résonne dans leur caisse, l'âme s'envole du Purgatoire.

28.      Ce qui est certain, c'est qu'aussitôt que l'argent résonne, l'avarice et la rapacité grandissent. Quant au suffrage de l'Eglise, il dépend uniquement de la bonne volonté de Dieu.

29.      Qui sait si toutes les âmes du Purgatoire désirent être délivrées, témoin de ce qu'on rapporte de Saint Séverin et de Saint Paul Pascal.

30.      Nul n'est certain de la vérité de sa contrition ; encore moins peut-on l'être de l'entière rémission.

31.      Il est aussi rare de trouver un homme qui achète une vraie indulgence qu'un homme vraiment pénitent.

32.      Ils seront éternellement damnés avec ceux qui les enseignent, ceux qui pensent que des lettres d'indulgences leur assurent le salut.

33.      On ne saurait trop se garder de ces hommes qui disent que les indulgences du Pape sont le don inestimable de Dieu par lequel l'homme est réconcilié avec lui.

34.      Car ces grâces des indulgences ne s'appliquent qu'aux peines de la satisfaction sacramentelle établies par les hommes.

35.      Ils prêchent une doctrine antichrétienne ceux qui enseignent que pour le rachat des âmes du Purgatoire ou pour obtenir un billet de confession, la contrition n'est pas nécessaire.

36.      Tout chrétien vraiment contrit a droit à la rémission entière de la peine et du péché, même sans lettre d'indulgences.

37.      Tout vrai chrétien, vivant ou mort, participe à tous les biens de Christ et de l'Eglise, par la grâce de Dieu, et sans lettres d'indulgences.

38.      Néanmoins il ne faut pas mépriser la grâce que le Pape dispense ; car elle est, comme je l'ai dit, une déclaration du pardon de Dieu.

39.      C'est une chose extraordinairement difficile, même pour les plus habiles théologiens, d'exalter en même temps devant le peuple la puissance des indulgences et la nécessité de la contrition.

40.      La vraie contrition recherche et aime les peines ; l'indulgence, par sa largeur, en débarrasse, et à l'occasion, les fait haïr.

41.      Il faut prêcher avec prudence les indulgences du Pape, afin que le peuple ne vienne pas à s'imaginer qu'elles sont préférables aux bonnes œuvres de la charité.

42.      Il faut enseigner aux chrétiens que dans l'intention du Pape, l'achat des indulgences ne saurait être comparé en aucune manière aux œuvres de miséricorde.

43.      Il faut enseigner aux chrétiens que celui qui donne aux pauvres ou prête aux nécessiteux fait mieux que s'il achetait des indulgences.

44.      Car par l'exercice même de la charité, la charité grandit et l'homme devient meilleur. Les indulgences au contraire n'améliorent pas ; elles ne font qu'affranchir de la peine.

45.      Il faut enseigner aux chrétiens que celui qui voyant son prochain dans l'indigence, le délaisse pour acheter des indulgences, ne s'achète pas l'indulgence du Pape mais l'indignation de Dieu.

46.      Il faut enseigner aux chrétiens qu'à moins d'avoir des richesses superflues, leur devoir est d'appliquer ce qu'ils ont aux besoins de leur maison plutôt que de le prodiguer à l'achat des indulgences.

47.      Il faut enseigner aux chrétiens que l'achat des indulgences est une chose libre, non commandée.

48.      Il faut enseigner aux chrétiens que le Pape ayant plus besoin de prières que d'argent demande, en distribuant ses indulgences plutôt de ferventes prières que de l'argent.

49.      Il faut enseigner aux chrétiens que les indulgences du Pape sont bonnes s'ils ne s'y confient pas, mais des plus funestes, si par elles, ils perdent la crainte de Dieu.

50.      Il faut enseigner aux chrétiens que si le Pape connaissait les exactions des prédicateurs d'indulgences, il préfèrerait voir la basilique de Saint-Pierre réduite en cendres plutôt qu'édifiée avec la chair, le sang, les os de ses brebis.

51.      Il faut enseigner aux chrétiens que le Pape, fidèle à son devoir, distribuerait tout son bien et vendrait au besoin l'Eglise de Saint-Pierre pour la plupart de ceux auxquels certains prédicateurs d'indulgences enlèvent leur argent.

52.      Il est chimérique de se confier aux indulgences pour le salut, quand même le commissaire du Pape ou le Pape lui-même y mettraient leur âme en gage.

53.      Ce sont des ennemis de Christ et du Pape, ceux qui à cause de la prédication des indulgences interdisent dans les autres églises la prédication de la parole de Dieu.

54.      C'est faire injure à la Parole de Dieu que d'employer dans un sermon autant et même plus de temps à prêcher les indulgences qu'à annoncer cette Parole.

55.      Voici quelle doit être nécessairement la pensée du Pape ; si l'on accorde aux indulgences qui sont moindres, une cloche, un honneur, une cérémonie, il faut célébrer l'Evangile qui est plus grand, avec cent cloches, cent honneurs, cent cérémonies.

56.      Les trésors de l'Eglise, d'où le Pape tire ses indulgences, ne sont ni suffisamment définis, ni assez connus du peuple chrétien.

57.      Ces trésors ne sont certes pas des biens temporels ; car loin de distribuer des biens temporels, les prédicateurs des indulgences en amassent plutôt.

58.      Ce ne sont pas non plus les mérites de Christ et des saints ; car ceux-ci, sans le Pape, mettent la grâce dans l'homme intérieur, et la croix, la mort et l'enfer dans l'homme intérieur.

59.      Saint Laurent a dit que les trésors de l'Eglise sont ses pauvres. En cela il a parlé le langage de son époque.

60.      Nous disons sans témérité que ces trésors, ce sont les clefs données à l'Eglise par les mérites du Christ.

61.      Il est clair en effet que pour la remise des peines et des cas réservés, le pouvoir du Pape est insuffisant.

62.      Le véritable trésor de l'Eglise, c'est le très-saint Evangile de la gloire et de la grâce de Dieu.

63.      Mais ce trésor est avec raison un objet de haine car par lui les premiers deviennent les derniers.

64.      Le trésor des indulgences est avec raison recherché ; car par lui les derniers deviennent les premiers.

65.      Les trésors de l'Evangile sont des filets au moyen desquels on pêchait jadis des hommes adonnés aux richesses.

66.      Les trésors des indulgences sont des filets avec lesquels on pêche maintenant les richesses des hommes.

67.      Les indulgences dont les prédicateurs vantent et exaltent les mérites ont le très grand mérite de rapporter de l'argent.

68.      Les grâces qu'elles donnent sont misérables si on les compare à la grâce de Dieu et à la piété de la croix.

69.      Le devoir des évêques et des pasteurs est d'admettre avec respect les commissaires des indulgences apostoliques.

70.      Mais c'est bien plus encore leur devoir d'ouvrir leurs yeux et leurs oreilles, pour que ceux-ci ne prêchent pas leurs rêves à la place des ordres du Pape.

71.      Maudit soit celui qui parle contre la vérité des indulgences apostoliques.

72.      Mais béni soit celui qui s'inquiète de la licence et des paroles impudentes des prédicateurs d'indulgences.

73.      De même que le Pape excommunie justement ceux qui machinent contre ses indulgences,

74.      Il entend à plus forte raison excommunier ceux qui, sous prétexte de défendre les indulgences, machinent contre la sainte charité et contre la vérité.

75.      C'est du délire que d'exalter les indulgences du Pape jusqu'à prétendre qu'elles délieraient un homme qui, par impossible, aurait violé la mère de Dieu.

76.      Nous prétendons au contraire que, pour ce qui est de la coulpe, les indulgences ne peuvent pas même remettre le moindre des péchés véniels.

77.      Dire que Saint Pierre, s'il était Pape de nos jours, ne saurait donner des grâces plus grandes, c'est blasphémer contre Saint Pierre et contre le Pape.

78.      Nous disons au contraire que lui ou n'importe quel pape possède des grâces plus hautes, savoir : l'Evangile, les vertus, le don des guérisons, etc...(d'après 1 Cor. 12).

79.      Dire que la croix ornée des armes du Pape égale la croix du Christ, c'est un blasphème.

80.      Les évêques, les pasteurs, les théologiens qui laissent prononcer de telles paroles devant le peuple en rendront compte.

81.      Cette prédication imprudente des indulgences rend bien difficile aux hommes même les plus doctes, de défendre l'honneur du Pape contre les calomnies ou même contre les questions insidieuses des laïques.

82.      Pourquoi, disent-ils, pourquoi le Pape ne délivrent-ils pas d'un seul coup toutes les âmes du Purgatoire, pour les plus justes des motifs, par sainte charité, par compassion pour leurs souffrances, tandis qu'il en délivre à l'infini pour le motif le plus futile, pour un argent indigne, pour la construction de sa basilique ?

83.      Pourquoi laisse-t-il subsister les services et les anniversaires des morts ? Pourquoi ne rend-il pas ou ne permet-il pas qu'on reprenne les fondations établies en leur faveur, puisqu'il n'est pas juste de prier pour les rachetés.

84.      Et encore : quelle est cette nouvelle sainteté de Dieu et du Pape que, pour de l'argent, ils donnent à un impie, à un ennemi le pouvoir de délivrer une âme pieuse et aimée de Dieu, tandis qu'ils refusent de délivrer cette âme pieuse et aimée, par compassion pour ses souffrances, par amour et gratuitement ?

85.      Et encore : pourquoi les canons pénitentiels abrogés de droit et éteints par la mort se rachètent-ils encore pour de l'argent, par la vente d'une indulgence, comme s'ils étaient encore en vigueur ?

86.      Et encore : pourquoi le Pape n'édifie-t-il pas la basilique de Saint-Pierre de ses propres deniers, plutôt qu'avec l'argent des pauvres fidèles, puisque ses richesses sont aujourd'hui plus grandes que celles de l'homme le plus opulent ?

87.      Encore : pourquoi le Pape remet-il les péchés ou rend-il participants de sa grâce ceux qui par une contrition parfaite ont déjà obtenu une rémission plénière et la complète participation à ces grâces ?

88.      Encore : ne serait-il pas d'un plus grand avantage pour l'Eglise, si le Pape, au lieu de distribuer une seule fois ses indulgences et ses grâces, les distribuait cent fois par jour et à tout fidèle ?

89.      C'est pourquoi si par les indulgences le Pape cherche plus le salut des âmes que de l'argent, pourquoi suspend-il les lettres d'indulgences qu'il a données autrefois, puisque celles-ci ont même efficacité ?

90.      Vouloir soumettre par la violence ces arguments captieux des laïques, au lieu de les réfuter par de bonnes raisons, c'est exposer l'Eglise et le Pape à la risée des ennemis et c'est rendre les chrétiens malheureux.

91.      Si, par contre, on avait prêché les indulgences selon l'esprit et le sentiment du Pape, il serait facile de répondre à toutes ces objections ; elles n'auraient pas même été faites.

92.      Qu'ils disparaissent donc tous, ces prophètes qui disent au peuple de Christ : "Paix, paix" et il n'y a pas de paix !

93.      Bienvenus au contraire les prophètes qui disent au peuple de Christ : "Croix, croix" et il n'y a pas de croix !

94.      Il faut exhorter les chrétiens à s'appliquer à suivre Christ leur chef à travers les peines, la mort et l'enfer.

95.      Et à entrer au ciel par beaucoup de tribulations plutôt que de se reposer sur la sécurité d'une fausse paix.

 

 

 

Martin Luther
Publiées le 31 Octobre 1517