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Albert Schweitzer (1875 – 1965) |
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En 1913, Schweitzer abandonne une carrière
d'universitaire et d'organiste brillamment amorcée, pour devenir médecin au
Gabon et fonder à Lambaréné un hôpital dont il s'occupe jusqu'à sa mort. Il
poursuit en même temps une œuvre théologique, philosophique et musicologique
considérable. Longtemps contesté dans le protestantisme
français (sauf par les libéraux), il devient après le prix Nobel de la paix
qu'il reçoit en 1952, une figure légendaire (une légende qui l'encombre). Spécialiste du Nouveau Testament, il se fait
connaître en montrant le peu de rigueur des « vies de Jésus ». Il
soutient que la prédication de Jésus annonce que va surgir un monde
entièrement nouveau et différent du nôtre (thèse dite de l'eschatologie conséquente).
Il plaide pour une religion qui se débarrasse de spéculations dogmatiques (il
ne cache pas son scepticisme métaphysique) et qui soit avant tout mystique
(nourrie par une présence mystérieuse) et éthique (active). Il estime que par
déficit de spiritualité le monde moderne se dégrade et devient inhumain. Il
appelle au « respect de la vie » (traduction, selon lui, en langage moderne
de ce qui se trouve au cœur du message de Jésus), c'est-à-dire à une lutte
pour que le positif l'emporte sur le négatif. En musicologie, il insiste sur
le cadre liturgique des œuvres de Bach. |
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André
Gounelle |
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Albert Schweitzer,
sa pensée, son œuvre |
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Célèbre et méconnu. Sa légende à
la fois le sert et l'encombre. Tout le monde sait qu'il a abandonné sa
carrière universitaire pour fonder au Gabon un hôpital de brousse. On a beaucoup discuté la manière dont il l'a dirigé: d'un côté, on a fait de Schweitzer un génie et un saint, de l'autre on voit en lui un personnage autoritaire et borné. S'il n'est ni ange ni démon, néanmoins, dans la balance, le positif l'emporte largement sur le négatif. Lambaréné a fait connaître Schweitzer, mais aussi a éclipsé le reste de son œuvre. Elle mérite pourtant d'être méditée. Tout autant que par son hôpital, Schweitzer compte par son art (il a été organiste et musicologue) et par sa pensée trop souvent ignorée. Le
Royaume de Dieu Depuis des siècles on lit le Nouveau Testament.
Et pourtant, son étude réserve encore des surprises, En le scrutant,
Schweitzer se rend compte qu'en son cœur se trouve le Royaume de Dieu. Le
christianisme a « spiritualisé » le Royaume, en a fait une réalité
intérieure, et n'a pas vu que Jésus a été un prédicateur apocalyptique, annonçant
la fin de notre monde et l'arrivée d'un univers nouveau. Trop souvent les Eglises, tombant dans le dogmatisme et le ritualisme, ont centré leur message sur le passé. Leurs célébrations rappellent des événements fondateurs, et elles insistent sur le pardon du péché: Jésus vient pour régler un contentieux passé. Au contraire, l'Evangile nous tourne vers l'avenir. Il proclame que Dieu « fait toutes choses nouvelles ». Il nous invite non pas à ressasser des faits anciens, non pas à regretter sans cesse nos erreurs, mais à travailler pour le monde nouveau auquel il nous appelle. Servir la vie Au lendemain de la première
guerre mondiale, Schweitzer constate une perte d'audience des Eglises. On se
détourne d'elles, parce qu'elles se sont compromises avec des politiques
génératrices de massacres et d'injustices. Notre culture a pris de mauvais
chemins, et a besoin de l'Evangile. Mais les hommes de notre temps s'en
détournent, parce que les Eglises se sont déconsidérées. Il faut donc
formuler l'Evangile dans un langage non religieux pour qu'il soit entendu.
Schweitzer propose une traduction laïque du message de Jésus avec le thème du
respect (il serait plus exact de dire du « service ») de la vie. Servir la vie signifie travailler à sa transformation. Il ne s'agit ni de se réfugier dans un monde surnaturel, différent du monde réel, comme le voudraient certaines spiritualités ; ni d'accepter le monde réel, jugé conforme à la volonté de Dieu, comme le demandent certaines prédications. Ce que Dieu veut, c'est que le monde change, et que nous changions. Il suscite une foi mystique (qui s'enracine en lui) et éthique (qui agit dans le monde) .
Un engagement éthique
« Jésus nous met devant les tâches qu'il nous
appartient, en son nom, d'accomplir aujourd'hui Les sages et les simples qui
lui obéiront, par la paix, l'action, les luttes et les souffrances en
communauté avec lui, apprendront qui il est » Histoire des recherches sur la vie de Jésus. Albert Schweitzer « Ce n'est que lorsque l'éthique a pour champ
la totalité du monde qu'une conception du monde véritablement éthique devient
possible et qu'en même temps apparaît que cette conception éthique du monde
est de l'ordre d'une mystique éthique. » Les grands penseurs de l’Inde Albert Schweitzer L'étrangeté de Jésus
Quand, il y a un siècle, Schweitzer insiste sur
le Royaume à venir, il fait scandale. On lui reproche de rendre l'Evangile
périmé et inassimilable. Alors que l'on s'efforçait de présenter un Jésus «
moderne », proche de la culture contemporaine, voilà que Schweitzer
montre qu'il partage les croyances d'une époque dépassée. Pour lui, Jésus
nous parle parce qu'il diffère de nous, et nous dit autre chose que ce
que nous pensons. Pour poursuivre
Humanisme et mystique, Albert Schweitzer, Albin
Michel (textes choisis par J.P. Song) Conversations sur le Nouveau Testament, Albert
Schweitzer, Brepols Etudes Schweitzeriennes et Cahiers Albert
Schweitzer, revues de l'association des amis de Schweitzer, publient sa
pensée et son et son œuvre. (1, quai
Saint-Thomas 67081 Strasbourg Cedex) Texte rédigé par André Gounelle |
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« Jésus nous met devant les tâches Albert Schweitzer |
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