Assises Chrétiennes de la Mondialisation
Livre
Blanc

 

 

La mondialisation : Dialogues pour une terre habitable


1. Les ACM : un regard chrétien sur la mondialisation


2. Positions et propositions


Axe 1 Un développement humain pour un avenir durable


Axe 2 Migrations et culture


Axe 3 Conditions sociales, humaines et économiques de la création de richesses


Axe 4 Gouvernance, régulation  et construction de la paix


3. Les ACM le sens de la démarche


Sources du livre blanc

 

 

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La mondialisation : Dialogues pour une terre habitable

 

 

Notre monde est traversé par des mutations majeures, mutations que l’on englobe sous le terme à géométrie variable de « mondialisation ».

Nous, chrétiens de France, appartenant à différents mouvements d’Eglise  ou d'inspiration chrétienne - catholiques, protestants et orthodoxes -, avons entendu, dans cette mutation, un appel adressé à tout notre être humain et chrétien. Un appel à construire une oikoumene, dans le sens rappelé par le pasteur Konrad Raiser, secrétaire général du Conseil Œcuménique des Eglises, en 2001 : « l’oikumene  signifie l’ensemble de la terre habitée ou plutôt de la terre en tant qu’espace habitable créé par Dieu afin que toute vie puisse s’épanouir »1. Et il ajoutait que le défi pour les chrétiens face à la mondialisation « n’est pas de présenter un front uni et de manifester une unité bien structurée, mais au contraire, la voix et la présence chrétiennes seront renforcées dans la mesure où leurs communautés agiront comme source d’inspiration pour le dialogue, comme médiateur dans des situations de conflit, comme protecteur de l’espace humain et comme artisan des réseaux de relations »2. Dans la même perspective, le Concile Vatican II, à travers notamment son document Gaudium et Spes, appelait, il y a déjà 40 ans, au dialogue et à la contribution mutuelle entre l’Eglise et le monde. La présence chrétienne dans le monde contemporain, ainsi signifiée par la capacité de dialogue, de mise en relation, de médiation, constitue tout un chantier à mettre en œuvre. Pour avancer dans la construction de ce  chantier,  nous avons  commencé par créer  des espaces d’échange entre nos différentes communautés chrétiennes. Le Livre Blanc fait le point de cette aventure après bientôt trois ans de marche.

Dans une première partie, nous abordons la question de l'originalité et de la signification d'un  regard chrétien sur la mondialisation. Dans une deuxième partie, nous présentons le résultat, toujours imparfait et provisoire, de la réflexion inter-mouvements réalisée autour de 4 axes thématiques. Et en troisième et dernière partie, nous précisons le sens qui se dégage de la démarche à partir de différentes modalités de dialogue mises en place au cours de cette aventure.

 

Ce Livre Blanc se propose ainsi comme l’expression de notre espérance chrétienne : espérance d’une terre plus habitable, invitation à inventer de nouvelles manières de l’habiter et, ce faisant, révélation de la présence sans cesse renouvelée de Dieu parmi nous.

 

1 Conférence du pasteur K. Raiser sur « L’avenir du christianisme dans la mondialisation », prononcée le 17 janvier 2001, La Documentation Catholique, 2 mars 2001, n° 2243.

2 op cit.

 

 

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1. Les ACM : un regard chrétien sur la mondialisation ?


Le surgissement de la mondialisation

La prise de conscience d’une communauté de destin est en cours dans le monde

Face à ce ‘consensus universel’  en devenir, comment se situe le croyant ?


 

 

Les ACM sont nées d’une conviction forte : que christianisme et mondialisation sont à mettre en présence, dans une tension féconde dont les croyants doivent rendre compte. Cela pour deux raisons fondamentales :

-             La mondialisation est une réalité majeure de l’évolution du monde d’aujourd’hui et interroge les Eglises.

-             L’identité chrétienne traverse en profondeur à la fois l’existence individuelle et le ‘vivre ensemble’: interpellée par les transformations que la mondialisation génère, transformations qui exigent de sa part un regard de foi, elle ne peut rester ni muette ni inactive.

L’expérience chrétienne n’est pas surprise par ce chantier qui s’ouvre devant elle ; les circonstances historiques l’ont confrontée sans cesse à ce défi : articuler partage d’humanité et fidélité à l’Evangile. Mais elle sait aussi que ce défi est chaque fois différent, et qu’il n’y a ni méthode reçue, ni recette éprouvée ; la nouveauté est chaque fois au rendez-vous. L’évangile est un perpétuel questionnement : comment la foi chrétienne s’incarnera-t-elle dans un monde en perpétuelle évolution ?  Il lui faut à chaque fois inventer le chemin : découvrir le monde en sa radicale nouveauté,  discerner les enjeux qui y émergent, prendre au sérieux les nouvelles conditions d’humanité ; et  simultanément, dans une démarche inspirée par la foi, s’engager dans des actions individuelles et collectives.

Ces deux aspects structureront notre travail :

·              prendre la mesure de la mondialisation, des nouveautés qu’elle recèle, des possibilités qu’elle offre, mais aussi des ébranlements qu’elle déclenche, des catastrophes qu’elle provoque.

·             Rassembler les multiples réactions que le déploiement de la mondialisation suggère aux membres des ACM et, à partir de ce florilège, contribuer au débat et participer à une meilleure organisation du monde. 

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Le surgissement de la mondialisation

La  mondialisation est le processus multiséculaire par lequel les hommes prennent progressivement la mesure de leur domaine, la planète Terre ; en découvrent les richesses et se lancent dans son exploitation systématique ; dépassent leur implantation traditionnelle  pour entrer en relations les uns avec les autres, de pays à pays et de continent à continent ; et se construisent ainsi, peu à peu, leur communauté de destin.

Plongeant ses racines dans le passé des grandes civilisations, la mondialisation connaît au début du 16ème siècle,  avec l’exploration des Amériques, la multiplication des grands voyages de découverte et le développement du capitalisme, son véritable démarrage. Elle poursuit son élan lors des siècles suivants, sous l’impulsion et au bénéfice principal du monde occidental ; elle se manifeste alors dans l’aventure coloniale et provoque l’émergence de nouvelles nations, issues notamment de l’émigration européenne.

Au cours de la seconde partie du 20ème siècle, son cours s’accélère soudain, sous l’effet d’un développement considérable des transports  grâce à l’exploitation massive des énergies fossiles , suivi de l’essor des  nouvelles technologies de l’information. , renforcé par des dispositions juridiques, fiscales et financières qui suppriment les « effets frontières ».

[concernant les énergies fossiles : La connaissance de la « géologie globale » et les progrès technologiques (géophysique, spatial, océanographie…) ont permis une exploitation systématique des ressources de la planète, de sorte que notre génération a pu brûler à son seul profit la moitié des ressources en hydrocarbures accumulée au cours des derniers six cent millions d’années (voir le dossier « Pétrole » élaboré apr la FPF)].

Par la décolonisation, qui restitue à des pans entiers de la planète la souveraineté nationale, elle change profondément de nature, redonnant à de vastes ensembles régionaux les clés de leur avenir. Sous l’influence des idéologies alors dominantes (tiers-mondisme, socialisme marxiste, non-alignement), ceux-ci développent alors des ambitions fortes de développement autonome et tentent de se constituer en espaces supranationaux. Mais leur inspiration et leur mode de réalisation, souvent fondés sur la planification totalitaire, après des réalisations parfois spectaculaires, détruisent  progressivement l’utopie et amènent l’échec.

Aujourd’hui la mondialisation est entrée dans une nouvelle phase de développement de son histoire ; elle est désormais profondément marquée par les principes libéraux qui ont le champ libre depuis l’effondrement du rideau de fer.

Dans un effet de balancier à dimension mondiale, après les drames auxquels a conduit une conception prométhéenne de l’existence, un scepticisme marqué –que certains qualifient de réalisme- s’est répandu sur la capacité des sociétés à concevoir un projet politique durable et à organiser leur destin ; à l’inverse, une confiance nouvelle s’exprime dans l’initiative individuelle et dans l’activité économique privée, devenues toutes deux l’objectif majeur à encourager et à poursuivre.

A une phase volontariste et dirigiste à caractère public de la mondialisation succède, depuis les années 80, une phase individualiste, à caractère privé, avec pour principale référence la liberté d’entreprendre et l’autonomie du secteur économique par rapport au politique. Certains estiment que, dans un monde de plus en plus complexe, où chaque décision politique engendre inéluctablement des effets pervers, il convient de redonner à l’espace social la plus grande souplesse possible, seul gage d’adaptation et de créativité ; ils souhaitent l’émergence de systèmes de régulation à caractère multilatéral . D’autres sont convaincus que l’Etat, après avoir étendu son domaine de responsabilité au delà du raisonnable, doit maintenant limiter ses ambitions et se borner à réglementer l’espace national sans gérer. D’autres enfin, estimant que seul l’individu et l’entreprise privée peuvent apporter l’inventivité  et l’énergie dont a besoin un monde en profonde mutation, veulent le libérer des contraintes qu’à leurs yeux une organisation contraignante de la société engendre. Le salut serait dans une définition a minima des obligations du ‘vivre ensemble’, avec en contrepartie un libre déploiement de l’initiative, de la créativité, du dynamisme de l’activité privée économique. La règle principale de l’organisation des sociétés humaines devient leur aptitude à créer et consommer biens et services.

D’une manière générale, cette perspective se traduit par :

·            l’ouverture des frontières aux relations marchandes et le développement rapide du  commerce international ;

·            la privatisation d’entités économiques jusque là régies par l’Etat ;

·            une défiance de principe à l’égard des réglementations nationales, et plus encore régionales (européennes) ou internationales (multilatérales) ;

·            la libre circulation des capitaux, allant s’investir dans des pays qui leur étaient jusqu’alors fermés, mais aussi les quittant sans contrainte en fonction de nouvelles opportunités ou de risques réels ou supposés ;

·           l’ouverture d’espaces géographiques de plus en plus nombreux à la liberté d’entreprendre et d’exploiter.

Ainsi, au 20ème  siècle marqué par l’expansion des ambitions étatiques et de la volonté de transformer collectivement le monde, semble succéder un 21ème voué à la restauration de l’initiative privée, de la liberté de l’individu, des structures intermédiaires avec pour contrepartie la limitation des pouvoirs centraux nationaux ou multipolaires.. telle est la tendance qui prévaut actuellement dans les mentalités et qui inspire la majorité des gouvernements, excepté les Etats-Unis d’Amérique qui bénéficient du monopole d’une position militaro-financière dominante.

Derrière ce qui peut apparaître une simple inflexion de la politique économique, quelque importants qu’en soient ses effets, il y a en réalité une option culturelle : l'affirmation exclusive du sujet et de ses droits, qui se traduit par une nouvelle articulation entre le collectif et l’individuel, entre le vivre ensemble et l’épanouissement personnel, et par une restauration du ‘laisser faire’ à l’œuvre au 19ème siècle.

Il est vrai que cette mondialisation libérale peut signifier aujourd’hui une offre soudaine de nouvelles opportunités, une libération des énergies, le surgissement rapide de nouvelles économies. Mais elle se traduit également par un ébranlement général des situations, par un sentiment général d'insécurité. Les multiples intérêts auxquels elle donne libre cours lui confèrent un dynamisme conquérant ; mais la volonté délibérée de ne pas entraver son cours, de le laisser se déployer librement, rendent celui-ci complexe et imprévisible.

N’étant ni localisée dans une institution, ni maîtrisée  par un pouvoir politique, son idéologie sous-jacente ne se formalisant pas dans un projet  de société, ne s’exprimant pas dans parti ou un mouvement organisé, elle reste tout à la fois omniprésente et inatteignable, alors qu’elle constitue le processus qui entraîne aujourd’hui la planète.

Ses effets sont multiples et contradictoires : elle met en proximité et en interdépendance les peuples, les pays, les personnes ; elle ’globalise’ la planète, par l’usage commun de langues, de ressources naturelles et de technologies, par la dissémination des cultures ; elle favorise, voire suscite l’éclosion soudaine de nouvelles prospérités ; elle fait apparaître des enjeux graves de développement, voire de survie pour des populations importantes ; par la concurrence sans frein qu’elle introduit, elle contribue à la destruction d’ensembles fragiles ; par l’exploitation incontrôlée des biens communs mondiaux qu’elle suscite, elle met en péril la planète.

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Observant la mondialisation en marche, l’homme contemporain s’interroge ; il la perçoit avec des sentiments mêlés : fascination à l’égard de sa puissance, de la rapidité de son déploiement ; admiration devant sa capacité à rapprocher les hommes, à élever leur niveau de vie, pour une partie d’entre eux, à diffuser le progrès technique, à susciter la croissance économique ; mais aussi appréhension devant l’imprévisibilité de son cours, devant l’apparente impuissance des autorités et des cultures à la contrôler, devant la soudaineté et la force de ses effets ; indignation devant l’irresponsabilité avec laquelle certains acteurs en font usage, devant la manière souvent absurde, parfois criminelle dont on exploite désormais la planète mondialisée, devant les ségrégations sociales, la non prise en compte des pollutions et des risques… le sentiment qui prévaut, désormais, est l’inquiétude. Le monde est devenu dangereux, plus dangereux à la fois par son imprévisibilité, par l’accumulation des tensions, et par l’ampleur des phénomènes en jeu. La mondialisation est peut-être riche en promesses, mais elle est également grosse de périls, et, dès à présent, ses victimes jonchent la route. Une réflexion en profondeur s’impose :

·            le développement accéléré de la consommation mondiale, conçue désormais comme objectif commun entre les peuples entraîne une économie de prédation, qui ne se soucie ni des générations futures, ni de la préservation des biens communs de l’humanité. Les catastrophes sont à notre porte ; le rôle de la consommation est à repenser :

Comment bien gérer la planète ? Quel type de développement doit désormais être retenu, quels principes lui assigner ?

·            La proximité nouvelle entre les peuples qu’entraîne la mondialisation ainsi que les profondes inégalités de destin entraînent le développement de migrations de grande ampleur. Celles-ci à leur tour entraînent des déséquilibres démographiques graves et des souffrances terribles. En réaction, la xénophobie et le racisme se développent, mais aussi l’exploitation des populations fragilisées.

Comment l’organisation du vivre ensemble peut-il donner place à l’étranger ?

·           Le monde est désormais un village : ce ne sont pas seulement les informations qui circulent à la vitesse de l’éclair : les cultures s’entrechoquent ; n’étant plus géographiquement localisées, elles se juxtaposent dans les villes, sur les écrans, dans les familles, dans les têtes. Les conditions de leur épanouissement deviennent difficiles ; certaines dominent, d’autres sont marginalisées, d’autres encore se réfugient dans le communautarisme, voire le fondamentalisme. La constitution d’un espace culturel commun, l’affirmation de l’identité nationale (ou européenne) devient problématique.

A quelles conditions la refonder ?

·            le primat donné délibérément à l’activité économique, la volonté de la libérer des sujétions réglementaires, douanières, étatiques, syndicales aboutit, grâce au développement des transports et des technologies de l’information, à créer un atelier mondial ; mais cet atelier est également devenu une foire d’empoigne où plus aucune situation n’est acquise durablement. En réaction, les plus puissants ont tendance à préserver leurs avantages : on aboutit à une mondialisation à deux vitesses, inflexible pour les faibles, accommodante pour les forts. Il y a urgence à redéfinir les règles de la mondialisation économique.

Comment développer les instances de régulation multilatérales qui font aujourd’hui défaut ?

·            A la source de la mondialisation libérale, un postulat : laisser les mécanismes économiques (le ‘marché’) se déployer sans contrainte. Dans cette perspective, toute intervention étatique ou supra étatique est vue  avec méfiance. On constate aujourd’hui que cette vision est  intenable : les forces du marché privilégient le court terme, l’activité immédiatement tangible ; elles ne prennent en compte les réalités à long terme que lorsque ces dernières deviennent immédiatement contraignantes, c’est à dire trop tard et à un coût démesuré. La mondialisation doit être gouvernée, cet impératif apparaît chaque jour avec une urgence plus forte. Mais de quelle gouvernance s’agit-il ? Il ne peut s’agir d’une domination sur les modes connus à ce jour. Certains modèles s’ébauchent, comme les unions régionales, les institutions internationales, mais l’essentiel reste à inventer et à faire reconnaître.

Comment y contribuer ?

·            Le monde est lourd de dangers. La mondialisation libérale génère inégalités entre nations, déstructuration des Etats, conflits majeurs d’intérêts économiques, pollution et stérilisation de la planète. Les conflits, d’une nature profondément différente des guerres classiques, demandent une réponse appropriée. Les instances internationales, volontiers décriées par un unilatéralisme rampant, voir une hégémonie effective (cf. les USA) qui se substitue volontiers au multilatéralisme, exercent avec difficulté leurs fonctions de médiation, contiennent de plus en plus mal les flambées de violence.

Que signifie désormais créer les conditions de la paix ?

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La prise de conscience d’une communauté de destin est en cours dans le monde.

Les graves questions qui surgissent actuellement et que l’on vient d’évoquer sont à mettre en regard d’un fait majeur, qu’elles appellent et illustrent tout à la fois : la prise de conscience, difficile certes mais incontournable, que l’humanité se constitue désormais son destin, pour le meilleur et  pour le pire. C’est, en contrepoint des réalités techniques (la révolution des transports et de la communication), environnementales (croissance des pollutions et des risques – cf. effet de serre), politiques (la réduction de fait du rôle de séparation des frontières, le développement des migrations), économiques (la multiplication des échanges commerciaux) et culturelles (la coexistence de civilisations à l’intérieur même de chaque pays), l’acquis majeur de la mondialisation.

La conscience nouvelle que l’humanité a d’elle-même et de son destin trouve sa source bien plus loin que dans les épisodes récents de la mondialisation ; elle s’est développée au même rythme que les voyages d’exploration, le commerce international, les grandes colonisations ; elle résulte du constat de l’imbrication croissante des pays, de leur interdépendance, mais aussi du spectacle des inégalités profondes de développement, et, plus récemment, de la prise en compte des grands enjeux écologiques. Cette émergence progressive de la conscience d’une communauté de destin s’est traduite de multiples façons ; elle a accompagné le développement progressif des relations internationales ; elle a été précédée par la science (imagerie spatiale, géologie globale, interactions atmosphère - océans, biodiversité, environnement…) ; elle s’est inscrite dans les grands systèmes philosophiques et religieux (la chrétienté notamment, du livre de la genèse aux évangiles…), dans les utopies politiques.

C’est dans la seconde moitié du 20ème siècle que le mouvement s’accélère et s’organise, avec la mise en place des grandes institutions internationales et la constitution d’ensemble régionaux dont l’Europe est, à ce jour, la forme la plus poussée. Mais aussi avec le développement des ONG et la constitution de la ‘société civile internationale’ ; avec l’élaboration d’un droit international, public et privé, et de ses institutions judiciaires ; enfin avec ce que l’on peut qualifier de ‘droit constitutionnel international’ : l’ensemble constitué par la déclaration universelle des droits de l’homme et les nombreuses conventions qui la déclinent.

On lui donnera de multiples appellations : conscience universelle, communauté internationale, société mondiale… chacune aussi floue qu’évocatrice. Nous retiendrons, pour la clarté de l’exposé le terme de « consensus universel ». Ce terme veut exprimer le fait, qui résulte de la mondialisation, que l’humanité prend conscience progressivement des contraintes liées à la vie en commun sur la planète. Certes les diverses anthropologies restent – et resteront – les références essentielles ; mais les règles de vie de notre « maison commune » s’établissent peu à peu. Le fait que ces règles doivent être acceptées par toutes les cultures indique à la fois les limites et l’immensité du travail à accomplir.

Il s’incarne dans cinq  ensembles principaux :

Des références  morales, incarnées par les droits de l’être humain, homme, femme et enfant ;

un corpus juridique, le droit international ;

l’ébauche d’une organisation mondiale (instances internationales et des ensembles régionaux) ;

un tissu complexe de ‘réseaux’ militants, tout à la fois regard critique et vecteur d’espérances.

des entreprises multinationales qui introduisent une nouvelle logique économique, définie par les interactions internationales plus que par la spécialisation nationale.

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Le ‘consensus universel’ qui les sous-tend et les anime est d’une nature bien particulière :

-             Il met en interaction des civilisations et des cultures jusque là peu communicantes, mais ne fait pas nombre avec lui ; située dans leur prolongement, il en reçoit son contenu propre, mais existe dans une autre domaine, avec une ambition d’universalité qui le distingue radicalement de celles-ci (devenues de facto singulières).

-             Il n’est pas une forme dérivée de la conscience nationale. Il n’engendre pas d’organisations de type ‘étatique’. La notion de souveraineté, constitutive des Etats-Nations, ne peut avoir, à son niveau, un contenu similaire : de quelle manière l’humanité pourrait-elle se dire souveraine par rapport aux peuples qui la composent ? et, de plus, on perçoit bien qu’il doit, pour respecter les réalités ethniques et nationales, se situer dans un espace différent. Cette souveraineté relève de l’ordre de la régulation.

-            L’universalité qu’il revendique n’est pas du même ordre que celle des religions : elle est plus consensuelle qu’absolue, plus fonctionnelle que spirituelle ; elle tire sa force de son lien avec les idées de démocratie et de raison, lien qui la rattache notamment  au grand courant de l’esprit des Lumières. Il se doit d’emporter l’adhésion, et de ce fait doit se fonder sur des réalités admissibles par tous.

Quelques grandes que soient ses ambitions, force est de constater ses limites :

-             Le fait national, reste souvent perçu comme le seul réellement efficace, voire le seul légitime. Le multilatéralisme peine à se mettre en place, les intérêts sacrés des nations restent souvent l’horizon ultime.

-             Les institutions internationales, qui ont la responsabilité de sa mise en œuvre, sont souvent soit inefficaces, soit influencées par les options économiques et politiques de leurs mandants les plus puissants.

-             Dans le rapport de force qui l’oppose aux puissances politiques et économiques, la société civile internationale reste d’une faiblesse insigne.

-             Le droit international, fondé sur le consensus, et dont la mise en œuvre dépend de la bonne volonté des gouvernements, connaît d’énormes difficultés pour sa mise en œuvre (absence de contrôle contraignant, difficultés pour obtenir des pays les ratifications nécessaires et l’observation de leurs engagements).

-             Les entreprises multinationales exercent une influence souvent ambiguë : leur action, dont les effets pourraient être très bénéfiques au plan national (apport de capital, emploi des populations locales, développement du pays) est dans les faits souvent fortement déstructurante pour le pays d’accueil (déstabilisation d’activités locales, appropriation des ressources naturelles, exploitation sans scrupules de la main d’œuvre locale…).

-            La « bulle financière » se développe sans contrôle (mouvements de capitaux, blanchiment d’argent, paradis fiscaux…)

Ce consensus universel, que l’on peut critiquer pour ses nombreuses imperfections, pour son caractère lacunaire, pour ses limites évidentes, n’en constitue pas moins aujourd’hui un ensemble incontournable, une référence objective. Pour beaucoup, c’est désormais la voie de l’avenir dans laquelle l’humanité se doit d’aller, d’investir, d’agir. Il n’est que d’entendre les appels à ‘la communauté internationale’ chaque fois qu’un conflit ensanglante un pays ; les références aux droits de l’homme pour condamner les totalitarismes ; l’appel à la justice internationale pour contrer les appétits démesurés des multinationales.

C’est ainsi que, peu à peu, les principaux acteurs se rangent à ses côtés : les gouvernements, avec les arrière-pensées que l’on a évoquées, les grandes entreprises internationales, qui ont besoin d’un environnement réglementaire clair pour agir, les syndicats, les partis, les Eglises enfin, dans un lent processus de reconnaissance qui n’est pas exempt d’interrogations, d’incompréhensions, de retours en arrière. La maîtrise de la mondialisation, la correction des dérives graves qu’elle connaît se feront dans le cadre de cette ‘communauté de destin’ dont on voit se former, peu à peu, le visage.

Aujourd’hui, il est vrai, elle est surtout en devenir ; ses acquis sont patents, mais bien insuffisants. La loi qu’elle érige est souvent, faute de ratification par les Etats, plus une utopie qu’une obligation. L’absence de contrôle la rend inopérante, même là où la ratification l’a rendue obligatoire ; elle rencontre enfin souvent, de la part des ‘réalistes’ un scepticisme stérilisant. Par bien des aspects, la loi internationale et la conscience qui la sous-tend en restent au statut de ‘droit mou’, utopique, théorique. Un chemin immense reste à faire pour que l’on passe de l’espoir à la réalité, de l’attente à l’obligation, de la militance à l’observance. Comment tracer ce chemin ?

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Face à ce ‘consensus universel’  en devenir, comment se situe le croyant ?

En s’autonomisant par rapport aux convictions religieuses, tout en s’en nourrissant, ce consensus identifie des valeurs, des lois morales qui ne procèdent plus d’une révélation, mais sont à découvrir dans son humanité même. On pourra discuter sur les sources de cette perception que l’homme a aujourd’hui de lui-même et de son destin… Il n’empêche que pour beaucoup de nos contemporains, la vérité de l’homme est dans l’homme. Les règles de l’humanité à venir, dans un monde globalisé, devront être formalisées à partir de la seule prise en considération de sa condition. Les religions voient le champ de leurs compétences de plus en plus revendiqué par ce consensus universel, qui prétend pouvoir décider de tout l’humain, et cela de manière incontestable.

Les Eglises encouragent d’ailleurs leurs fidèles à participer à la reconnaissance, et à la mise en pratique de ces principes universels : justice, solidarité, égalité entre les personnes, bien commun,  respect de la personne, font désormais partie des normes reconnues comme propres à l’humanité, sans être explicitement fondées sur une révélation divine ou par une autorité religieuse. Elles acceptent la nécessité d’une gouvernance mondiale, elles entérinent le droit international comme règle incontournable. Plus fondamentalement encore, elles acceptent, avec le dialogue interreligieux, mais aussi avec le dialogue qu’elles entretiennent avec les philosophies et conceptions du monde, de voir leur place profondément modifiée ; un décentrement se produit, dans la mesure où elles doivent quitter le lieu où elles avaient coutume de se placer.

La mondialisation, dans sa phase historique actuelle, se déploie sous le signe de la liberté (liberté de commerce, d’entreprendre, de circuler, etc.). Comment faire en sorte que cette liberté n’aboutisse pas à de graves dérives, comme celles que nous pouvons constater ? C’est la question essentielle qui se pose aujourd’hui. Au delà des nécessaires régulations consenties dans ce but, c’est la prise en compte de l’autre dans toutes ses dimensions (économiques, culturelles, politiques…) qui nous indique la voie à suivre, qui est celle de s’exposer au dialogue avec autrui. Pour nous, chrétiens, cet autre prend le visage de Jésus-Christ, Dieu fait homme. 

C’est ainsi que se constitue un double système de références :

-            l’un, commandé par la raison, à vocation universelle, élaboré peu à peu à partir des expériences historiques, confronté aux exigences de la vie en commun, faisant usage des sciences et de l’entente entre les peuples : le consensus universel;

-            l’autre, fondé sur la conviction, né du  besoin incoercible de trouver réponse à ces questions essentielles qui restent hors de la portée du premier ; trouvant son inspiration et ses principes dans la fulgurance d’une révélation le souffle de l’esprit, un mythe fondateur : pour nous Chrétiens, c’est la référence à  la Bible et ses diverses expressions ecclésiales. Quand il affirme ce qui l’anime ou Celui qui le sauve, l’homme fait autre chose que d’adhérer à une morale partagée avec ses concitoyens ou d’agir pour le bien commun de l’humanité : il donne sens à sa vie, il identifie ce qui le fait exister.

L’homme voit avec deux yeux : il fait jaillir le relief de l’interaction entre deux images du même objet ; borgne, il ne perçoit plus la profondeur des choses. On voudrait échapper au strabisme en refusant ce double système de référence : mais ne prendre que le second, on le sait désormais, peut mener à tous les fondamentalismes. Et le premier est muet sur les interrogations radicales ; par ailleurs, il ne met pas en jeu les ressources profondes de l’homme pour l’action, son affectivité, sa capacité à se dévouer jusqu’à son propre anéantissement : pour cela, il faut plus que la science raisonnable, plus que l’intelligence et la lucidité.

Ces deux systèmes de référence entretiennent l’un avec l’autre des relations fortes et complexes.

L’émergence du premier se fait à partir des cultures, religions et civilisations qui se confrontent les unes aux autres, tout en acceptant les impératifs de la raison, de la science, de la vie commune ; elles donnent ainsi naissance au corpus moral commun de l’humanité. Cette naissance a lieu, d’une certaine façon, dans la douleur : ce système de référence prend vis-à- vis des entités fondatrices une autonomie, une attitude critique, une distance que la conviction philosophique ou la foi religieuse n’acceptent pas aisément. D’autant que s’ensuivent pour elles une remise en question de positions jusque là tenues pour évidentes, indispensables, essentielles. La liberté de conscience, et plus généralement les droits de l’homme – à l’élaboration desquels ont contribué d’autres religions  ont mis près de deux siècles à être reconnus par l’église catholique. Et les situations nouvelles que connaît l’humanité vont, de nouveau, faire émerger des propositions auxquelles elles se trouveront confrontées, et qui heurtent leur approche habituelle. Et cela se traduit par une certaine désappropriation : devenant bien commun moral de l’humanité, les valeurs quittent leur espace d’origine et ne peuvent plus être qualifiées de chrétiennes, humanistes ou musulmanes… les invoquer ne peut plus se faire au nom d’une conviction particulière, ce serait faire tort à tous ceux à qui elles appartiennent désormais.

Mais dans les situations nouvelles pour lesquelles l’humanité ne dispose pas, avec ce consensus moral commun, de références claires ; quand la philosophie, le droit ou la pratique trouvent leurs limites ; en terrain nouveau, si l’on peut dire – et la mondialisation en est clairement un - le second système de référence trouve une pertinence accrue. Ce n’est pas qu’il n’avait rien à dire dans la vie courante ; sa richesse est, bien au contraire de donner sens à la vie dans sa totalité. Mais devant la gravité des questions nouvelles, devant le silence de la morale commune, chacun puise dans ce qui le constitue fondamentalement, dans ses convictions profondes, qu’elles soient religieuses, philosophiques ou humanistes, les éclairages et orientations dont il a besoin. Il y cherche, avec ceux qui partagent ses convictions, les pistes pour une action possible et une force inspiratrice.

Et alors, à l’évidence, la multiplicité règne, comme la multiplicité des allégeances ; multiplicité et entrechoquement des positions, inspirées par des ‘sensibilités’ différentes, comme on dit maintenant, mais qui sont en fait bien davantage que des sensibilités :  des visions du monde, organisées autour du sens qu’on donne à la vie. En général, on se retrouve sur les mêmes valeurs : nous sommes tous, chrétiens et musulmans, juifs et bouddhistes, humanistes et libéraux, défenseurs de la justice, de l’égalité, de la dignité humaine… là où nous nous séparons, c’est sur l’articulation entre ces différentes valeurs, sur la manière dont on veut les mettre en œuvre, sur les choix concrets, sur les priorités à établir. Il n’y a aucun projet de société ou de monde qui puisse assurer, dans l’absolu, leur totale prise en compte.

 La controverse est inévitable, mais c’est en son sein que peu à peu s’élabore un nouveau consensus,  destiné à enrichir le premier système de référence. Quand ? Après combien d’erreurs, de drames, de catastrophes… ?

A la désappropriation évoquée plus haut corresponde une réappropriation : par ce mouvement, les Eglises, les organisations chrétiennes ou laïques, les idéologies, les visions du monde font leurs les acquis du consensus universel. Dans ce processus de reconnaissance, elles intègrent ce dont elles ont été, pour une partie désormais indiscernable, à l’origine ; mais aussi ce dont elles ont été, parfois, l’adversaire. Elles le font leur, mais n’en revendiquent pas la paternité, n’en exercent pas le contrôle. Ainsi en est-il de la contribution protestante à l’élaboration du concept de liberté de culte et de conscience, voire de la laïcité française. Ainsi l’Eglise catholique reconnaît-elle depuis Vatican II les droits de l’homme et incite-t-elle le peuple chrétien à agir en conformité avec leurs injonctions Mais cette réappropriation n’est pas pure et simple intégration. Chaque famille de pensée, en faisant sienne la morale commune, lui donnera une coloration propre, une signification particulière, une portée nouvelle. Dans la pratique qu’elle en fera, elle mettra sa culture propre et en fera son patrimoine.

Par la nouveauté radicale des situations qu’elle provoque, par les enjeux vitaux qu’elle suscite, la mondialisation, dans la phase libérale qu’elle déploie aujourd’hui, entraîne la mise en œuvre de ce double processus :

-             Elle suscite des réactions instinctives, des jugements, des engagements, fondés sur les convictions profondes que véhicule toute identité politique, humaine ou religieuse. Réactions commandées par le spectacle des drames, injustices et scandales omniprésents. Ces réactions, dans leur immédiateté, appellent confrontation avec d’autres réactions émanant d’autres familles spirituelles ou philosophiques : confrontation qui permet d’élargir la perspective, de prendre conscience d’aspects ignorés, de corriger les condamnations trop rapides, de mieux identifier les chaînes de causalité, de cerner les pistes d’action possibles ; confrontation à opérer d’ailleurs aussi bien à l’intérieur de sa propre famille spirituelle qu’avec les autres.

-            De cette confrontation entre les diverses réactions que le déploiement actuel de la mondialisation provoque  peut naître, dans le cadre de ce consensus moral en voie d’élaboration, les réponses attendues pour notre temps ; mais aussi les orientations dans lesquelles devront s’insérer les politiques, les nouveaux critères à respecter, les actions collectives et particulières à initier ; le tout confortant et développant le dynamisme de la conscience universelle. Les diverses églises et communautés spirituelles, en retour, enrichissent leur vision et modifient leur engagement en intégrant les nouvelles données ainsi acquises.

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Le chrétien est appelé à faire sienne cette démarche :

-    Le regard qu’il porte sur la mondialisation, sur les aspects spécifiques qu’elle revêt aujourd’hui (domination du libéralisme économique, faiblesse de la gouvernance mondiale, usage immodéré des biens publics mondiaux, mouvements migratoires anarchiques) se fait ainsi plus lucide, sa conscience du phénomène s’affine, son jugement devient plus incisif. Il en témoigne autour de lui, dans les espaces qui sont les siens, citoyen, ecclésial, familial, professionnel. Il appelle les institutions dont il est proche à en témoigner également. Il dénonce les drames, les erreurs, les injustices dont il a connaissance. Il s’engage avec les moyens qui sont les siens, dans les actions qui lui sont possibles.

Quelles sont les raisons de son  engagement ? Quelles convictions sont à l’origine de son action ?  La foi, la morale, la fraternité humaine ? A priori, impossible de répondre : l’homme est un et sa quête de sens s’articule sur de multiples sources. Seul chacun pourrait répondre, pour lui-même, à une telle question.

Une réelle clarté se fait, cependant, lorsqu’il entre en dialogue avec d’autres, que ceux-ci partagent la même foi ou qu’ils appartiennent à des environnements éloignés. Le discours proclamé est alors qualifié, le chrétien dit qui il est, à quelle communauté il participe. L’interlocuteur en tient compte, à la fois pour recevoir l’apport proposé et pour lui renvoyer sa propre contribution. Il s’ensuit, dans cet échange/affrontement, tout à la fois critique, remise en cause, approfondissement, modification des positions d’origines ; mais aussi convergence, voire communauté de vue. Sur de nouvelles bases, des actions collectives, des proclamations communes peuvent s’ébaucher.

De cette expérience on ne ressort pas indemne. Les convictions changent, parfois en profondeur ; l’identité chrétienne s’affirme et se transforme : elle s’affirme et contribue, à sa manière, à une nouvelle vision de la mondialisation ; elle se transforme en intégrant d’autres perspectives dont elle reconnaît la légitimité ; plus encore : elle est amené à lire la source de son inspiration d’une autre manière.

Un exemple :

La lecture des récits de la création a souvent légitimé, dans le monde chrétien, une approche très volontaire et dominatrice vis-à-vis des réalités terrestres : ‘appropriez-vous la terre et soumettez-la’ : à l’homme donc d’en prendre possession, de la transformer, sans trop se soucier des répercussions sur l’environnement ou sur les générations futures ; une vision optimiste et naïve suggérait que ce travail de transformation de la planète ne pouvait aller que vers le bien de l’humanité.

Cette vision a rencontré, à partir des années 70, la sensibilité écologique ; inspirée par des considérations purement humanistes, elle mettait en lumière la nécessité de préserver la planète, de réguler l’activité industrielle, de lutter contre l’exploitation sans contrôle des biens publics. La prise en compte de cet apport amène les croyants à une relecture fondamentale des textes de la Genèse, mais aussi à s’impliquer, aux côtés des écologistes, dans la mise en œuvre d’un développement ‘durable’.

Mais elle les a également amenés à retrouver, dans l’examen des textes bibliques et en particulier dans la tradition orthodoxe, dans le travail collectif du conseil œcuménique des Eglises (cf. Justice, Paix et sauvegarde de la Création, voir dossier FPF « environnement et développement durable, cf. site protestants.org.),  une approche trop oubliée de la création, faite de respect  du créateur et de la création confiée à l’homme. De cette approche elle est désormais en mesure de faire une contribution majeure pour une nouvelle vision de la place de l’homme dans le monde.

-    La démarche par laquelle le croyant va, au-delà des frontières de sa foi et de ses allégeances, proposer à d’autres sa vision de la mondialisation, et l’urgence d’une action, par laquelle il les confronte à celles de ses interlocuteurs dans une perspective d’enrichissement mutuel et d’engagement commun, constitue, selon nous, une contribution essentielle à l'affermissement et à la  mise en œuvre du consensus universel. C’est ainsi que peuvent, progressivement,  se dégager les réponses aux questions posées par la mondialisation.

En contrepartie, cette démarche est indispensable pour l’actualité du christianisme : si celui-ci implique une relation à l’événement qui l’a instauré - Jésus-Christ - cette relation se traduit, dans chaque figure de l’histoire, par une nouvelle élaboration résultant de la confrontation, en Eglise et dans la foi, de l’événement fondateur avec les réalités contemporaines. De ce point de vue, laisser la mondialisation questionner notre foi permettra d’en donner une expression renouvelée.

L’homme Jésus, en son temps, a porté son regard sur le monde ; les Evangiles en gardent la trace. Nous ne savons pas quel regard il porterait, aujourd’hui, sur le monde globalisé.  Dans la foi, nous savons que le monde est inachevé, livré à l’homme, à sa capacité créatrice mais aussi destructrice ; que dans ce processus à l’œuvre sous nos yeux et auquel nous contribuons, le Christ se fait présent : sa mort et sa résurrection sont  à la fois figure, réalité et annonce du monde à venir.

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Interpellation et accueil réciproques entre foi chrétienne et monde mondialisé s’effectuent, selon l’esprit des ACM, dans un lieu pluriel où se retrouvent des Eglises et mouvements divers, des hommes et des femmes aux engagements différents,  qui ensemble font Eglise; ceux-ci viennent d’horizons culturels, sociaux et professionnels variés ; ils  vivent leur foi dans la différence et selon des sensibilités diverses. Le résultat de cette interpellation ne saurait être uniforme. Il exprime un moment de vie et de réflexion partagées ; ; il est lui-même une forme de dialogue continu dans lequel analyses, convictions et projets se confrontent sans s’imposer au lecteur  il atteste d’un itinéraire ; il veut contribuer à une meilleure approche du monde.

La deuxième partie de ce livre blanc illustrera les potentialités de ce dialogue entre les nouvelles réalités d’un monde global et les divers cheminements de la Foi chrétienne. Cette réflexion se mènera selon les quatre axes de réflexion qui se sont dégagés du travail préparatoire mené dans des ateliers régionaux de la mondialisation lancés en Janvier 2004 à Lyon, à savoir:

Axe 1 : Un développement humain pour un avenir durable

Axe 2 : Migrations et culture

Axe 3 : Conditions sociales, humaines, écologiques et économiques de la création de richesses

Axe 4 : Gouvernance et construction de la paix.

Issues de ce dialogue, sont enfin dégagées pour chaque axe des pistes d'action. Elles sont proposées aux mouvements et associations qui participent à la démarche des Assises Chrétiennes de la Mondialisation. Ils seront invités à les soutenir, dans des conditions à définir par chacune de leurs organisations respectives, respectant leur caractère particulier. Agir, modifier son attitude personnelle en fonction des enjeux de la mondialisation apparaîtra alors comme le fruit d'une détermination intérieure, sans que le champ de l'action elle-même ne se limite à l'action individuelle. Sur ces bases, le livre blanc a vocation de devenir un outil de dialogue élargi au-delà des participants initiaux à la démarche des ACM.

 

 

2. Positions et propositions

 

 

 

 

 

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Axe 1 :

Un développement humain pour un avenir durable

Réalités d’aujourd’hui, pesanteurs et espoirs

Quelques constats

Les différents niveaux d’une prise de conscience

Difficultés rencontrées par l'approche du développement durable

Réalités planétaires et traditions chrétiennes : interpellations mutuelles

De la nature  «à dominer » à la nature « reçue comme don »

De l’approche positive de la limite à la « promesse »

De la responsabilité à « l’alliance »

Pistes pour l’action

Former et éduquer pour pouvoir s’informer, participer et consommer autrement.

S’informer et participer aux décisions collectives

Consommer et investir autrement

Parier sur un progrès technologique au service d’un « vivre ensemble » durable

La responsabilité sociale des entreprises

Soutenir le renforcement des institutions internationales

 

 

La problématique du développement connaît une longue histoire : le terme est apparu bien avant celui de mondialisation et il est devenu très vite une préoccupation majeure au sein du monde chrétien. La question du développement a été en général abordée en termes de relations Nord-Sud et de différences de conditions de vie entre les pays riches et les pays pauvres. Le développement des pays moins avancés était alors pensé à partir du modèle appliqué par les pays plus avancés. Le développement était surtout conçu comme un problème de rattrapage entre deux niveaux de développement. Avec la mondialisation et la prise de conscience simultanée de l'unicité de la planète, la problématique du développement connaît un tournant majeur: d'une part, l'environnement et les ressources naturelles apparaissent comme un patrimoine commun et fini; d'autre part on mesure mieux l’interdépendance existante entre les pays. Le développement de chaque pays ne dépend pas seulement de ses ressources propres (naturelles, financières, humaines) mais des ressources disponibles dans le reste de la planète. Et par rapport aux ressources naturelles, on sait d’ores et déjà, que les ressources disponibles dans la planète ne sont pas suffisantes, ni pour faire bénéficier les pays pauvres des mêmes conditions de vie que les pays riches, ni même pour garantir dans la durée les conditions de vie des pays riches. Le mode actuel de développement n’est ni durable ni généralisable. Dans la recherche d’un nouveau paradigme visant un optimum économique, social et environnemental, émerge un nouveau concept celui de « développement durable ». Le rapport recommandé par les Nations Unies en 1982 à Jo Brundtland, ancien premier Ministre norvégien va définitivement marquer de l'empreinte de la "durabilité" toutes les grandes rencontres internationales suivantes : notamment de 1992, à Rio avec l'agenda 21, puis encore en 2002, à Johannesburg, avec la notion de partenariat pour le développement.

Avec le développement durable se trouvent pour la première fois articulées, dans cette conscience universelle née en dehors de toute référence explicite à la Foi chrétienne, deux dimensions de la solidarité:

·            solidarité horizontale entre les peuples du monde. L’inégalité entre les pays riches et les pays pauvres doit aujourd’hui être considérée à partir de cette nouvelle perspective. Nous ne pouvons pas continuer à penser le développement des pays riches selon un modèle que l’on sait déjà insoutenable à moyen et long terme. Et comment, dans une telle perspective, penser le développement des pays moins avancés ? Afin de rendre le développement plus durable, peut-on proposer les mêmes limitations quand on vit dans la surabondance et quand on vit dans l’extrême pauvreté ?

·           Mais aussi, c'est le propre de la dimension environnementale, solidarité entre les générations, puisqu'il s'agit en quelque sorte  de laisser aux générations suivantes  un potentiel de ressources naturelles équivalent à celui dont nous avons pu disposer. Dans la problématique traditionnelle du développement, la durabilité, comme son nom l'indique, introduit la dimension de la longue durée: au-delà même de la finitude de nos existences individuelles, nous sommes amenés à nous soucier de l'avenir de nos enfants.

Au sein des ACM, la problématique du développement a été abordée tantôt par le biais des relations Nord-Sud, tantôt par le biais du développement durable. Au moment de la synthèse, nous avons choisi d’intégrer la première approche dans la deuxième, puisque le « développement durable » invite à redéfinir complètement la question du développement et en particulier à reconsidérer l’inégalité entre pays riches et pays pauvres. Cette relation doit en quelque sorte être intériorisée.  Le problème du sous-développement ne peut plus être posé indépendamment du problème de la durabilité de notre propre développement : ce qui est en cause c’est le mode développement et non seulement les différents niveaux du développement. C’est dans cette optique que la synthèse des Ateliers régionaux de la mondialisation (ARM) ayant travaillé sur le développement a été faite.

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Réalités d’aujourd’hui, pesanteurs et espoirs

Quelques constats

Les fantastiques avancées en matière technologique et scientifique donnent aujourd’hui à l’homme des moyens inédits d’action sur la création. La mondialisation se manifeste souvent par une concurrence planétaire effrénée pour obtenir un contrôle des ressources énergétiques et minières, une avance décisive dans la recherche et ses applications possibles en agronomie, industrie, communication et information, pharmacie et thérapeutique : elle est souvent invoquée pour justifier audaces mais aussi transgressions. L’émergence de nouveaux marchés, la prise en compte des pays les plus pauvres dans la vision mondialisée des puissances économiques comme des instances internationales, suscitent des convoitises. Cette capacité de maîtrise grandissante de la nature et cette course démesurée pour s’imposer sur le marché mondial, met aujourd’hui en danger les possibilités de vie humaine sur notre planète.

Nos ressources naturelles se dégradent et s’épuisent. On estime qu’en 2020, la moitié de la population mondiale sera confrontée à des pénuries d’eau potable, la couverture forestière du globe aura diminué de 40 % par rapport à 1990, les ressources pétrolières accumulées en plusieurs centaines de millions d’années auront été pour moitié exploitées, et l’accumulation de gaz à effet de serre résultant de leur combustion pourrait entraîner à l’horizon 2100un réchauffement de 2 à 8°C de la température moyenne de la planète, et une élévation de l’ordre du mètre du niveau des océans. Notamment du fait de la croissance des phénomènes extrêmes qui en résultent, les risques qui pèsent sur notre environnement sont nombreux.

Or, il ne s’agit pas seulement de l’environnement naturel, mais également de l’environnement humain : la pauvreté dans laquelle vit une grande partie de la population mondiale, le manque d’éducation, de santé, de logement, de travail…le manque de politique de prévention des risques naturels et technologiques mettent également en évidence les limites de notre mode actuel de développement.

L’économie fonctionne en général selon une logique de profit à court terme et rencontre de plus en plus les limites de son intervention : équilibres écologiques menacés, dégâts sociaux, coût des externalisations…Au lieu de se soumettre aux logiques de la rentabilité à court terme, il s’agit dorénavant d’organiser la prise en charge des problèmes sociaux et environnementaux par l’économie.

Malgré certaines mesures prises par les Etats, suite à Stockholm (1972), le Rapport Bruntland (1982), Rio (1992), Kyoto (1997), Johannesburg (2002), l’environnement continue de se dégrader. Cette détérioration est aggravée par les déséquilibres entre les pays riches et les pays pauvres, ainsi que l’irresponsabilité de certaines grandes nations : la position des Etats-Unis de ne pas ratifier le protocole de Kyoto en est un exemple. La question des déchets industriels toxiques en est un autre quand nul n’est capable de fournir les circuits, le traitement, voire le volume de ces déchets

Par ailleurs, les effets ne sont pas toujours visibles. Les récentes affaires de la vache folle, ou la recrudescence du saturnisme dans certaines villes européennes le montrent. L’exemple des transports est aussi illustratif des questions en jeu : pendant de très nombreuses années nous avons négligé les transports publics et donné priorité à l’automobile. Nous en payons le prix fort : accidents, pollution, engorgement des cités et des grands axes, coût des infrastructures etc.

L’agriculture constitue aussi un enjeu majeur du développement. Ses pratiques intensives, utilisées notamment en Europe, ont conduit à une exploitation abusive du milieu naturel. Le processus de concentration des productions agricoles et de soumission aux groupes industriels qui exploitent ces productions a des effets sur l’aménagement des territoires, sur l’utilisation des sols, des ressources en eau et la dégradation de ces ressources. D’autres conséquences existent comme l’effet à long terme des produits phytosanitaires dans l’air ou l’eau souterraine, avec des répercussions allergiques, neurologiques voire cancéreuses et génétiques. Et pourtant, avec ses techniques et ses capacités, et sans excès, l’agriculture est capable de produire de quoi nourrir le monde. Depuis des décennies, les Etats-Unis, le Canada, l’Union Européenne sont d’ailleurs confrontés à de sérieux problèmes de surproduction agricole, entraînant des gaspillages énormes chez nous, et poussant les petits producteurs des pays du Sud, incapables de lutter contre les prix artificiellement bas du marché mondial, à venir gonfler les flux de l’exode rural.

Par ailleurs, l’accès aux terres agricoles est souvent handicapé par des problèmes fonciers. Il conviendrait de faciliter l’accès d’agriculteurs qui souhaitent s’installer par des procédures adaptées.

Dans un autre domaine, les nouvelles applications de la biotechnologie méritent une attention particulière et appellent à une vigilance spécifique pour les raisons suivantes :

-                  les risques insuffisamment maîtrisés pour les OGM, que ce soit sur la biodiversité ou sur la santé humaine ;

-                  les risques liés au clonage ;

-                  la gestion des brevets et de la propriété intellectuelle sur le vivant (cas des semences, OGM ou non, et plus largement cas de bio piraterie).

La santé constitue également une condition sine qua non du développement durable. Le coût des médicaments dans les pays en voie de développement est un problème que les multinationales pharmaceutiques (soutenues par l’OMC) peinent à prendre en compte. Une lueur d’espoir cependant est apparue avec la récente action de l’Afrique du Sud qui a gagné son procès contre les firmes pharmaceutiques américaines l’accusant d’avoir légiféré en faveur de la production de médicaments génériques par des entreprises locales.

Que l’on parle du climat, de déchets, d’énergie, de forêts ou d’eau, de ressources minérales, du secteur industriel ou agricole, de concentration urbaine ou croissance de la population, de la santé, de la nourriture ou de l’éducation, de tourisme et de loisirs, c’est notre manière de vivre, de produire et de consommer qui sont concernées par notre mode actuel de développement. Notamment, l’accès à l’eau potable occupe une place centrale dans la gestion des ressources naturelles.

La biodiversité peut représenter un constat emblématique. Le nombre des espèces vivantes, végétales et animales, qui constituent le tissu du vivant, est en train de diminuer sensiblement du fait de l’activité humaine. A l’échelle planétaire, la destruction des forêts tropicales prend des dimensions dramatiques. Sur notre continent et en France, la dégradation est moins spectaculaire mais résulte généralement de causes semblables : intensification de l’agriculture et de la pêche, ainsi que transfert à l’agriculture ou à l’aquaculture de nouveaux espaces ; mais aussi commerce lucratif d’espèces et, de plus en plus, impact des activités industrielles, de l’urbanisation et des transports, même si cet impact est souvent indirect comme dans le cas de l’effet de serre. Plus qu’une simple perte quantitative, déjà conséquente en matière de ressources, c’est souvent une disparition d’un maillon dans une chaîne complexe de dépendance, mettant en péril des équilibres naturels plus vastes et compromettant les capacités d’adaptation des écosystèmes .

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Les différents niveaux d’une prise de conscience

La notion de développement durable introduit une nouveauté radicale dans l’idée classique de développement : la prise de conscience du caractère « non durable » de notre mode actuel de développement et le fait que sa poursuite met gravement en jeu notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Plusieurs défis apparaissent :

1.      Celui de la multidimensionnalité des analyses et de la pluridisciplinarité de l’action : L’activité économique ne peut être ni menée, ni régulée, sans prendre en compte l’interdépendance de ses divers impacts, à divers niveaux territoriaux. Une approche intégrée – à laquelle nos organisations sont mal préparées - s’impose en considérant ensemble des dimensions autrefois séparées : environnementale, mais aussi économique et sociale. Le désastre sahélien fait apparaître les préalables sociaux d'une gestion durable de la ressource naturelle. De même ne peut-on, au nom du développement durable, geler l’accès aux grands estuaires au risque d’en faire mourir les ports de commerce, de même ne peut-on réquisitionner les territoires ruraux sensibles sans tenir compte des répercussions foncières et des injustices patrimoniales qui en résultent.. Peu à peu, les critères du développement durable sont ceux d'une intégration de l'économique, du social et de l'environnemental.

2.      Le défi de la longue durée: l’activité économique et l'organisation sociale ont des conséquences à long terme. Mais comment y faire droit, dès lors que les critères de l'efficacité financière se rapportent à des horizons courts ? Même s'il est clair que cette efficacité reste indispensable, face à des besoins quantitatifs d'une population mondiale en expansion pour un demi siècle encore, indispensable également pour économiser les ressources non renouvelables, elle doit composer avec de nouvelles conditionnalités – notamment celle du temps long- , s'ouvrir à des critères de finalité autres que quantitatifs.

Le défi de la solidarité né de l'inégalité des impacts sociaux du développement durable : ainsi par exemple, les exigences planétaires de la pêche durable, qui obligent à réglementer l'accès aux ressources halieutiques, frappent d'abord la profession des marins pêcheurs, elle-même déjà soumise aux rudes conditions de la concurrence agro-alimentaire. Agriculteurs et pêcheurs sont par excellence les acteurs d'une remise en cause du mode de développement occidental : doivent-ils porter seuls le fardeau de cette remise en cause, par ailleurs cruciale pour la souveraineté alimentaire des pays en développement, de l'Afrique en particulier ? Reconnaître dans l’agriculture, au-delà de sa vocation première de production de biens, notamment alimentaires, un service d’utilité sociale, telle que la gestion de la nature, constitue une manière de répondre à ce défi.

3.      Mais le défi ou plutôt l'impératif que la conscience universelle d'un développement durable a fait surgir de la façon la plus singulière est le défi de l'éthique. Les promoteurs des chartes successives de l'environnement et du développement durable le reconnaissent : la réorientation du modèle de croissance ne pourra pas résulter seulement de l'imposition de règles et de lois. Le tri des ordures ménagères ne peut déboucher sur un recyclage efficace que si chaque famille et chaque entreprise joue le jeu, ce qui suppose une adhésion "citoyenne". Bien plus, le contexte international lui-même fait obstacle à la définition de règles communément acceptées, ne serait-ce qu'en raison de l'inégalité des niveaux de développement, comme l'a illustré le semi échec du protocole de Kyoto. Aussi à l'échelle planétaire, les tenants d'une modération dans la consommation des ressources sont conduits à avancer "à leurs propres frais" et au risque d'affronter une concurrence déloyale. C'est dans ce contexte de volontariat économique et de réduction de la sphère publique que le sommet de Johannesburg, auquel participaient à la fois les grandes ONG et les firmes multinationales, a accouché du concept de partenariat pour le développement. Nous vivons dans un monde globalisé où des initiatives d'acteurs, publics et privés,  se risquent à anticiper des comportements salutaires, avant qu'ils ne soient  obligatoires pour tous.

La citoyenneté comme attitude morale s'impose ainsi dans le fil de l'application concrète de la durabilité. Le moindre des paradoxes pour la conscience universelle n'est pas que l'appel au citoyen responsable, voire à l'entreprise citoyenne, se fasse dans un contexte où l'individualisation des trajectoires et des droits sont devenus des mots d'ordre généraux, portés par une recherche remarquable, signe majeur de notre époque, d'autonomie et d'accomplissement personnel. Réarticuler la valeur fondamentale de la solidarité et des responsabilités qu'elle implique, avec l’aspiration légitime à l'autonomie, constitue sans doute "le" défi auquel doivent s'atteler les sociétés contemporaines, acquises à l'idée de développement durable. C'est une des raisons pour lesquelles la question de la place et du rôle des familles est de nouveau à l'ordre du jour, en France et en Europe. Il ne s'agit pas uniquement du souci démographique, mais d'une prise de conscience nouvelle des solidarités intergénérationnelles qui se manifestent au travers de l'exigence de croissance ou de développement "soutenables": les familles, les relations entre parents et enfants sont le premier lieu où peut se réaliser cette transmission d'une responsabilité partagée, d'une vision à long terme à l'égard des biens et des ressources communes. 

Ainsi se dessine le fondement d’une nouvelle forme d'action collective, qui ne repose plus seulement sur la loi, mais exige aussi l'implication volontaire et concertée de toutes les parties prenantes.. Cette nouvelle "gouvernance" implique l’adoption de stratégies explicites à tous les niveaux et en direction de tous les acteurs, afin d’obtenir leur adhésion. On mesure à la fois sa richesse, fondée sur la participation, mais aussi sa fragilité: si les accords et les partenariats volontaires ne sont pas relayés à terme par la loi et la règle, ou si celles-ci ne sont pas appliquées, le cynisme et le chacun pour soi s'auto justifieront. Le développement humain est ce changement progressif de société permettant d’élargir l’éventail des choix offerts à tous les individus, particulièrement en matière identitaire et spirituelle, tout en se préoccupant de développer le potentiel humain (éducation et enseignement, santé etc.) de tous.

La responsabilité face au développement durable se décline également en termes de gouvernance locale, nationale, régionale et internationale. En ce sens, l’Union européenne est devenue un acteur majeur des politiques environnementales. Le Traité d’Amsterdam donne pour mission à la Communauté européenne la promotion d’un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques ; un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, l’égalité entre les hommes et les femmes ; une croissance durable, un haut degré de compétitivité ; le relèvement du niveau et de la qualité de vie ; la cohésion économique et sociale. La plupart de ces éléments ont été repris au Sommet de Lisbonne et mis en œuvre par la stratégie du même nom. Les différents Livres blancs (substances chimiques, responsabilité sociale des entreprises, énergie, transports) témoignent de la même démarche et du même état d’esprit : s’ils ne sont pas contraignants, ils suscitent cependant le débat citoyen et font ainsi émerger idées et  éléments de réflexion et de solution.

Dans le monde, la construction européenne apparaît aussi, pour les européens eux-mêmes comme pour les hommes d’autres régions du monde, comme un espoir en tant qu’expérimentation du multilatéralisme dans un cadre régional.

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Difficultés rencontrées par l'approche du développement durable

Bien que l'idée de développement durable soit sans doute l'un des acquis les plus significatifs de la conscience universelle, bien qu'elle soit maintenant représentée par des partis politiques  bien ancrés partout en Europe et fortement relayée par les medias comme par le système éducatif, malgré les "percées" réelles accomplies par les filières commerciales nouvelles qui mettent en pratique la notion de commerce équitable et de consommation durable,  la mise en œuvre concrète de nouvelles pratiques financières (cf. Oïko-crédits) et de la réorientation de la croissance qu'elle suppose, peine à s'accomplir. On le voit, par exemple en matière d'économie d'énergie, d'utilisation des ressources d'eau, de recours aux transports collectif et individuels.

Pour une part, ces difficultés sont liées à la faiblesse des régulations internationales mondiales (que l'on aura l'occasion d'évoquer à propos de la gouvernance internationale, dans l’axe 4). En l'absence de règles communes et appliquées effectivement, les entreprises qui s'abstiennent de certaines pratiques non durables ou prédatrices sont désavantagées dans la concurrence internationale; c'est un des grands enjeux de la discussion en cours du programme REACH qui encadre, au niveau européen, le recours à certains composants de l'industrie chimique.

Mais avant d'invoquer les causes internationales, il semble important de mesurer les blocages qui naissent des inégalités, voire des injustices, qui peuvent résulter de l'application des règles de préservation de l'environnement et des ressources naturelles, dans le cadre national ou local. Un bon exemple est celui de l'agriculture durable; l'augmentation des coûts et les charges d'investissement qu'elle entraîne ne peuvent être toujours compensés par des augmentations des prix et appellent une solidarité financière plus large. Il en est de même de la préservation des territoires naturels, dont les implications foncières et patrimoniales peuvent être extrêmement inégales pour les propriétaires et devraient entraîner une limitation du droit individuel à construire très difficilement acceptée.

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Réalités planétaires et traditions chrétiennes : interpellations mutuelles

La problématique du développement durable, sa richesse et les difficultés même que rencontre sa mise en œuvre, illustrent bien la fécondité du dialogue entre les diverses traditions chrétiennes et les réalités des évolutions des sociétés humaines. D’une part, l’attention accrue portée sur l’environnement, interroge et conduit à reformuler, dans la perspective chrétienne, le rapport à la nature. D’autre part, l’expérience chrétienne de la « promesse » et de « l’alliance » invitent à se situer autrement face à la menace d’épuisement des ressources naturelles.

De la nature  «à dominer » à la nature « reçue comme don »

La théologie chrétienne concernant le rapport à la nature a été élaborée en un temps où le plus urgent était la libération de l’humanité à l’égard d’un rapport aliénant de soumission à la nature. Elle cherchait ainsi à se démarquer d’une religion qui associait les catastrophes naturelles aux expressions colériques des divinités. La théologie chrétienne a donc mis l’accent sur la désacralisation de la nature et la distinction entre la création et le Créateur. La nature est à dominer et non pas à diviniser.

La modernité s’inscrit bien dans la lignée de cette désacralisation de la nature, qu’elle va renforcer en valorisant l’action transformatrice de l’homme : le travail humain apparaît ainsi comme maîtrise et domination de la nature. Or, la capacité de transformation entraîne également un pouvoir accru de destruction. Le cri d’alarme lancé par les défenseurs de l’environnement, invite aujourd’hui la théologie chrétienne à reformuler le rapport entre l’homme et la nature.

Le défi en termes théologiques consiste à reconsidérer l’idée de la nature comme un don accordé à l’humanité pour qu’elle en prenne soin de manière active et responsable. Il s’agit de prendre positivement en compte l’environnement comme un bien déjà-là, qui a valeur en soi et non seulement par le travail de l’homme, qui existe avant tout acte transformateur et consommateur et qui est source d’émerveillement permanent.  Un bien qui constitue un don précieux, un don originel, le fruit d’un acte généreux de création qui accorde à l’humanité et la vie et les moyens de vivre. Cette reconsidération de la nature au sein de la théologie chrétienne montre ainsi comment l’évolution de la réalité humaine peut enrichir et transformer le regard chrétien sur le monde.

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De l’approche positive de la limite à la « promesse »

L’épuisement et la dégradation des ressources naturelles, qui compromettent les possibilités futures de vie sur la terre, se traduisent souvent par l’urgence d’imposer des limites à notre consommation et des changements dans nos manières de produire et de vivre. Cette idée de limite est trop souvent définie par une approche négative, en fonction de ce qu’elle empêche, de ce qu’elle entrave, de ce qu’elle bloque. Par contre, le développement durable offre la possibilité de penser autrement la limite, selon une approche positive, à partir de ce qu’elle rend possible, de ce qu’elle met en mouvement, de ce qu’elle libère. Il s’agit de consommer autrement plutôt que de consommer moins. Il s’agit de produire autrement plutôt que de produire moins. Il s’agit de vivre autrement plutôt que de vivre moins bien. Cet « autrement » est à inventer, mais il s’agira de trouver des possibilités et des capacités nouvelles, plutôt que de simplement restreindre nos capacités actuelles. Consommer autrement peut supposer de consommer moins, mais l’important c’est de mettre l’accent sur le « plus » que ce « moins » fait possible plutôt que d’absolutiser le « moins ». Par exemple, limiter l’utilisation de la voiture peut être vécu uniquement comme une restriction à la capacité de déplacement, et donc en mettant l’accent sur le « moins ». Mais cette limite peut être, au contraire, vécue comme la possibilité d’expérimenter d’autres formes plus collectives de déplacement ainsi que de développer davantage d’activités au niveau local : le « moins » de voiture fait alors place à un « autre » type de déplacement, ou à un « autre » mode de vie. Le développement durable invite à penser une approche positive de la limite : la limite comme révélatrice d’un « autre possible » plutôt que la limite comme restriction qui fait durer plus longtemps « le même ».

Cette approche positive de la limite fait écho à la notion biblique de « promesse ». Le cri d’alarme du développement durable peut être entendu sous forme de menace ou de promesse. La menace transforme souvent le risque en fatalité. Tandis que la promesse voit dans le risque la possibilité d’un avenir radicalement nouveau. C’est en ce sens que le développement durable offre une opportunité historique de faire une nouvelle expérience de la « terre promise ». Le risque de mort ne doit pas conduire à un repliement sur la peur et l’immobilisme, mais bien au contraire, faire émerger de nouvelles possibilités de vie. L’histoire du salut inscrit notre humanité dans une perspective de vie, de don surabondant, et aujourd’hui, la durabilité du développement permet de réentendre cette promesse eschatologique, sous le mode d’un don reçu pour être partagé.

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De la responsabilité à « l’alliance »

Nos sociétés occidentales ont beaucoup développé le sens de l’autonomie personnelle : chaque individu est devenu plus responsable de son chemin personnel qu’il ne l’était auparavant. Mais cette plus grande autonomie personnelle a souvent fait perdre conscience de l’interdépendance entre les choix de personnes qui vivent ensemble. Le développement durable introduit d’une façon nouvelle la présence d’autrui dans nos choix personnels, et fait prendre conscience des effets que des décisions ou des habitudes individuelles peuvent avoir sur les possibilités de vie des autres membres de la société, locale et mondiale, présente et future. Des gestes, qui semblaient banals et insignifiants dans notre manière de vivre, acquièrent une importance capitale. Nos choix et nos projets individuels s’inscrivent d’une manière nouvelle dans un horizon collectif. Un enjeu éthique majeur apparaît ainsi associé au développement durable : il invite à reconsidérer les notions de responsabilité collective et de fraternité.

Ce nouvel horizon de la responsabilité, pour les Chrétiens, est profondément  associé à l’idée « d’alliance ». Aujourd’hui, le développement durable fait prendre conscience de dimensions inédites de notre histoire humaine qui appellent à redéfinir notre manière de vivre ensemble sur la même terre. Pour repenser la relation en société et la relation avec la nature, l’alliance biblique  nous aide à retrouver des cohérences nouvelles entre des termes qui sont souvent présentés comme opposés : respect de la nature et développement humain, croissance et décroissance, local et global, liberté individuelle et responsabilité collective, génération présente et génération future. Or, la recherche d’une nouvelle cohérence entre ces termes opposés peut, à son tour, permettre de reformuler l’alliance entre Dieu et l’humanité à partir des nouvelles données  mises en évidence par le développement durable.

A partir du développement envisagé dans cette perspective de « promesse et alliance », quelques repères éthiques plus concrets :

- Notre monde nous appartient à tous et il est à partager : je consomme et cela a des répercussions. Le principe de précaution, la notion d’éthique dans les sciences, celle d’ingérence en politique, sont des exemples d’une conscience collective qui demande à être soutenue par un effort de formation et d’éducation. On a à s’éduquer comme citoyens du monde.

- Penser global et agir local : l’implication locale en participant à la définition des politiques locales où s’exprime la vie communautaire.

- Une approche plus globale de la Création permettrait de resituer le rôle central de l’homme au sein de celle-ci. La Création comme don et projet de Dieu, confié à l’homme pour qu’il la continue et la mette en valeur.

- La gravité des risques et l’urgence de réponse ne justifient pas, par contre, à faire l’impasse d’un véritable débat de société : les solutions ne sont pas à appliquer mais à inventer ensemble.

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Pistes pour l’action

Fruit d'une prise de conscience universelle, la perspective d'un développement durable est révolutionnaire. Non seulement elle ouvre sur une vision globale et concrète du "souhaitable" à l'échelle de la planète, mais elle renvoie en même temps sur un "nouveau possible" de l'éthique personnelle. Elle offre l'horizon utopique d'un monde harmonieux et, en même temps, la chaîne des responsabilités qui pourrait y conduire. On conçoit bien qu'elle puisse susciter un enthousiasme et parfois de nouveaux dogmatismes.

Interpellée par cette perspective, la foi chrétienne y entend l'écho profond de la tradition dont elle se nourrit. Les limites à introduire dans nos modes de vie deviennent  Promesse d'une vie nouvelle, d'une liberté agrandie; les changements à faire dans nos manières de produire et de consommer permettent de nouer une Alliance, une fraternité avec l'ensemble des communautés humaines, qui respecte leurs identités.

A l'intersection de ces deux références – la promesse et l’alliance - se trouve, selon nous, la vie intérieure, la découverte de la subjectivité. Loin de nous renfermer sur nous-mêmes, elles nous poussent à une action où s'incarne cette liberté, se développe cette fraternité. Pour l'illustrer, nous proposons ici des pistes pour l'action qui commencent par ce qui est à la portée de chacun, individuellement, pour s'élargir aux différents niveaux de la responsabilité collective.

Former et éduquer pour pouvoir s’informer, participer et consommer autrement

Nous affirmons que la mondialisation ne pourra s’humaniser qu’en faisant grandir tout homme, à la fois comme sujet et acteur de sa vie, pour qu’il soit plus conscient et plus libre de participer à l’accomplissement de ce monde. Pour cela la formation et l’éducation doivent être une priorité. De même cet effort de formation permettra une « éducation » du consommateur qui « in fine » détermine pour beaucoup le fonctionnement du marché.

Transmettre de nouveaux comportements de consommation ne suffit pas. Il faut aussi repenser notre rapport à la nature. La vie citadine de la majorité de la population fait que la relation avec la nature n’est plus spontanée. L’absence d’expérience de cette relation favorise la perception de la nature comme hostile ou ….inutile ! Pour avancer dans la perspective d’alliance dont nous avons parlée, un processus de formation est nécessaire, basé autant que possible sur des expériences personnelles.

Pour ce faire, il convient de diversifier et d’innover en matière éducative, par exemple en s’appuyant sur des expériences comme : l’éducation populaire, l’éducation tout au long de la vie, les échanges de savoirs, les jardins communautaires, le tourisme écologique, les fermes éducatives… En outre, l’éducation ne doit pas se limiter à l’acquisition de connaissances, mais doit accompagner les jeunes dans l’élaboration de leurs projets de vie : tutorats, parrainages, échanges avec des gens extérieurs à leurs milieux, stages à l’étranger…

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S’informer et participer aux décisions collectives

Nous proposons d'abord de mieux réfléchir sur les conséquences de notre manière de faire sur l’avenir comme sur les conditions de vie des habitants d’autres pays du monde:

- Est-ce que nous acceptons de revoir nos certitudes ?

- Comment mieux s’informer pour comprendre le fonctionnement du système en place et les conséquences qui en découlent ?

- Participons-nous à ce qui se met en place sur nos territoires, ruraux ou urbains? Comment y contribuons-nous à une prise en compte des interdépendances, pas seulement à la défense des intérêts locaux ? Comment les habitants sont-ils associés à la réflexion et aux décisions ? Quels sont les pas que nous pouvons faire pour être acteurs de ce processus ?

- Que connaissons-nous des instances internationales (politiques, ONG) qui prennent en compte le développement de tous pour aujourd’hui et pour demain, en respectant la diversité des cultures ?

Consommer et investir autrement

Nous invitons à rejoindre et à soutenir les diverses initiatives, qui encouragent un comportement responsable des producteurs grâce  à un changement de mode de vie dans les choix de consommation et d'investissement, ou qui visent à la prise en compte d'éléments de juste rémunération pour les producteurs, notamment alimentaires, en France et dans le monde, tels que:

- Campagnes pour les économies d'énergie, les énergies renouvelables, pour un usage raisonnable de l'automobile (cf. campagne sur les 4x4 ; Voir le site protestant américain « whatwouldjesusdrive.org ») et des carburants fossiles.

- Achats des biens et services garantissant un traitement équitable des producteurs. En particulier, il est important de préciser que l’esprit du commerce équitable, appliqué en général entre producteurs du Sud et consommateurs du Nord, est aussi valable dans les relations entre producteurs et consommateurs du Nord. Cela signifie que le coût de la production agricole doit être pris en compte aussi dans le cadre des achats auprès des producteurs français. Payer le prix qui rétribue correctement le travail du producteur, assure aussi une marchandise saine et respectueuse de l’environnement.

-  Circuit court de production, favorisant l’achat direct au producteur et contribuant à une dynamique particulière de la vie à la campagne : réduction des coûts de transports, garantie de prix rémunérateurs et d’emplois pour les agriculteurs (aujourd’hui, 40% des agriculteurs français ont des revenus inférieurs au SMIC), développement des relations de voisinage, attention au cycle des saisons, découverte des cycles de production, meilleure connaissance des attentes des consommateurs, dynamisme de l’espace rural;

- Dialogue producteur/consommateur afin de mieux se comprendre. La proximité, la confiance instaurée aident à la prise de conscience qu’un autre mode de vie est possible, basée sur une alimentation de meilleure qualité, tout en permettant de lever les incompréhensions entre habitants, résidents, producteurs ayant des aspirations différentes vis-à-vis du territoire rural.

- Propositions d'investissement éthique, prenant en compte volontairement des critères sociaux et environnementaux.

Nous estimons en effet que sans être nécessairement proportionnées aux problèmes à résoudre, ces initiatives marquent une orientation et créent un climat propice à des changements plus généraux, en particulier ceux qui font directement appel à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

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Parier sur un progrès technologique au service d’un « vivre ensemble » durable

Consommer, produire et vivre autrement ne veut pas pour autant dire : « comme autrefois ». Pour assurer cet autrement, en apportant un niveau de vie et de bien être égal ou supérieur pour un plus grand nombre, il faudra s'engager résolument dans une politique de recherche/développement et innovation qui intègre comme priorité le développement durable, qui s'accommode de la finitude des ressources (sol, eau, énergie, matières premières...) et qui respecte l'homme comme son environnement.

Pour parvenir à ce renversement de tendance, une mobilisation de tous est indispensable:

- l’ensemble des responsables politiques, pour mettre en place les réglementations et incitations nécessaires ;

- la communauté scientifique, pour identifier les nouvelles pistes, mieux comprendre et mesurer leurs effets ;

-  le monde économique et les industriels, pour proposer les nouveaux produits, technologies et services cohérents avec ces nouvelles priorités ;

- l'opinion publique et les consommateurs, pour d’une part accepter ces nouveaux progrès et  les intégrer dans leur mode de vie, et d’autre part veiller à ce qu’ils restent orientés vers les besoins essentiels, dans le respect de l'homme et son environnement.

La responsabilité sociale des entreprises

Pendant longtemps, la culture d’entreprise a reposé sur le principe que l’on ne s’occupait du social et de l’environnement qu’après avoir assuré les performances économiques, à charge des autorités publiques et de la négociation entre partenaires sociaux aux différents niveaux de fixer les règles sociales à respecter pour une compétition équitable. La pression croissante de cette compétition conduit à remettre en question ces règles protectrices des personnes dans de nombreux pays développés, où la tentation du moins disant social est de plus en plus forte. Toutefois, il convient ici de distinguer entre l'entreprise et l'entrepreneur. Si l'entreprise, comme structure formelle ne peut  maximiser ses résultats sans un cadre donné de règles, l'entrepreneur a le droit d'exercer sa liberté et d'agir en fonction d'une variété de critères. Ainsi, un nombre croissant d'entrepreneurs, éventuellement regroupés en syndicats professionnels, estiment-ils nécessaires de s'orienter autant que possible, en fonction de critères respectueux des droits sociaux et environnementaux de portée universelle. Ils s'efforcent alors d'inscrire leurs performances économiques dans une stratégie qui intègre le respect des personnes et la protection de l’environnement. Le concept de "responsabilité sociale" ou sociétale des entreprises reflète ces comportements nouveaux. Par la souplesse de son application contractuelle et par la variété des acteurs qu'il peut associer autour d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, il permet d'aborder une grande diversité de questions touchant à l'insertion de l'entreprise dans son environnement, telles que:

- Pour les entreprises multinationales, le respect des droits sociaux fondamentaux sur les différents continents, dans les filiales et chez les sous-traitants dans une perspective à moyen terme de convergences mondiales de ces droits.

- La création d’emplois externes par le soutien au développement local.

- Le recyclage des produits usagés, les économies d’énergie, le développement de stratégies d'écologie industrielle.

- La généralisation de la publication dans les rapports moraux annuels des Entreprises de résultats non financiers, relatifs au développement durable, notamment sur la base de bilans sociaux et environnementaux incluant les conséquences dans les  entreprises partenaires et débattus avec les  acteurs concernés.

Nous proposons aux cadres, dirigeants d'entreprise, responsables syndicaux concernés par la démarche des ACM, de se joindre aux initiatives destinées à promouvoir un comportement socialement responsable des entreprises ou des regroupements professionnels à l'égard desquels ils exercent une responsabilité, tels que les suivantes:

- Charte  professionnelle ou sectorielle de responsabilité sociale d'entreprise;

- Accords, entre les diverses parties concernées, patronales et syndicales, sur le choix de critères d'investissements socialement responsables pour la gestion de fonds de pensions professionnels, selon les techniques de" l'investissement socialement responsable".

- Soumission volontaire de l'entreprise ou du fonds assujetti à une charte de responsabilité sociale à une forme de notation indépendante, destinée à authentifier les engagements pris.

Dans notre esprit, cependant, l'action volontaire des entrepreneurs et des autres partenaires sociaux en fonction de critères élargis de responsabilité ne se substitue pas à la perspective d'une généralisation de tels comportements par des règles de portée universelle. De telles règles pourraient être aujourd'hui prématurées, voire contreproductives en l'absence d'une capacité effective de contrôle et de mise en œuvre. Elles constituent cependant à terme la seule garantie d'un respect du droit fondamental à la  solidarité. Le développement volontaire de la "responsabilité sociale d'entreprise" va, selon nous, de pair avec la recherche d'une plus grande efficacité et responsabilité des organismes internationaux, à commencer par l'échelle européenne du grand marché intérieur, pour l'énoncé et l'application de règles de responsabilité sociale des entreprises.

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Soutenir le renforcement des institutions internationales

Nous invitons les responsables nationaux de notre pays: parlementaires, acteurs administratifs et ministériels, dirigeants des organisations professionnelles, responsables associatifs, à considérer toutes les possibilités effectives de renforcer les cadres européens et mondiaux qui complètent nécessairement les efforts accomplis au sein de notre pays pour réorienter les finalités de notre croissance économique en fonction d'un développement soutenable. Nous soulignons leur responsabilité propre dans l'explicitation de l'articulation ente ce qui relève de notre pays ou de l’Europe et ce qui ne peut être attendu que des institutions internationales au sein desquelles nous sommes engagés. Trois terrains illustrent particulièrement l'urgence d'une clarté du discours politique et social :

- Celui de la responsabilité sociale d'entreprise. Alors que l'actionnariat s'internationalise, que les entreprises cotées collectent des capitaux sur l'ensemble des marchés internationaux, il est logique et souhaitable de s'accorder, au moins à l'échelle de l'Union Européenne sur des modalités communes de vérification – notamment par audit externe à travers des agences de notation - de l'effectivité des engagements volontaires pris au titre de la responsabilité sociale d'entreprise.

- Celui de la production et de la consommation alimentaire soutenables. S'agissant d'un enjeu où le poids de notre pays est significatif à l'échelle européenne et mondiale, l'action publique nationale ne peut se limiter à défendre des acquis. Producteurs et consommateurs ont droit à une information claire sur les positions de notre pays en vue d'un développement mondial alimentaire soutenable. Leur traduction dans la politique communautaire et dans le cadre de la négociation finale du cycle de l'OMC qui s'achève est d’autant plus importante que son enjeu est, pour la première fois, le développement. Dans ce cadre, il convient de favoriser la souveraineté alimentaire de chaque pays.

- De même enfin le domaine des économies d'énergie et des énergies renouvelables mérite-t-il d'avantage que le rappel de la situation privilégiée de la France, liée à ses choix nucléaires. S'agissant d'un secteur où les interdépendances mondiales, environnementales ou géopolitiques sont particulièrement fortes, où l'avenir d'industries essentielles pour l'emploi en France dépend d'une anticipation de changements par ailleurs prévisibles, consommateurs et producteurs doivent être mieux informés des choix à long terme de notre pays et de ce qui est attendu d'une action conjointe des pays européens ici et là bas pour mieux les atteindre.

 

 

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Axe 2 :

Migrations et culture

"Vous ne molesterez pas l'étranger
 ni ne l'opprimerez,
 car vous avez vous-même
s résidé comme étrangers
 dans le pays d'Egypte"
(Exode XXII 20)."

Introduction

Réalités d’aujourd’hui : pesanteurs et espoirs

Les migrations dans le contexte de la mondialisation

Le public français perçoit le phénomène des migrations contemporaines selon un prisme particulier

L’attention particulière du public au phénomène des migrations

Pour l’opinion publique française en général

Pour les chrétiens

Pour les responsables politiques

Si l’opinion publique) est fortement  sensibilisé au fait des migrations, il se sent désemparé pour trouver les réponses adéquates

La situation des étrangers en France, leurs souffrances matérielles et morales, les difficultés qu’ils rencontrent interpellent l’opinion publique et le monde chrétien en particulier

La politique de fermeture des frontières, à l’œuvre partout en Europe, de manière de plus en plus stricte, pose question

L’accueil des étrangers : une réalité peu reluisante

Réalités politiques et traditions chrétiennes : interpellations mutuelles

L’alternative ouverture/fermeture du pays à l’égard des étrangers

l’installation/intégration dans la nation.

Pistes pour l’action

Au plan personnel et localement

Se donner au niveau national les moyens d'une politique d'intégration et d'immigration adaptée au nouveau contexte international

 

 

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Introduction

Le thème  des migrations a mobilisé, depuis l’Assemblée Synodale de 2004, dix Ateliers Régionaux de la Mondialisation ; il avait également fait l’objet des travaux des Assises Territoriales qui se sont tenues avant l’Assemblée Synodale. C’est un thème très présent dans l’esprit des participants à la démarche des ACM.

Le texte qui suit s’inspire essentiellement des comptes rendus des Ateliers ; il veut en reprendre, le plus fidèlement possible, les conclusions et les faire partager à tous ; pour la clarté de l’exposé, mais aussi dans un but opératoire, elles ont été présentées de manière synthétique, selon le plan commun à tous les axes thématiques.

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Réalités d’aujourd’hui : pesanteurs et espoirs

Les migrations dans le contexte de la mondialisation

Les migrations sont constantes dans l’histoire de l’humanité, qui en a connu d’innombrables au cours des siècles ; elles ne sont donc pas spécifiques à la mondialisation, mais il est vrai que cette dernière se traduit par des phénomènes migratoires d’ampleur considérable et dont les conséquences sont incalculables. La mondialisation entraîne des migrations pour deux raisons essentielles : elle les rend possibles et elle accule à y recourir. D’autant plus que les pays riches comme l’Europe seront en déficit démographique sur le long terme.

Elle les rend possibles :

-   parce qu’elle met à la disposition de l’humanité des moyens de transports puissants et infiniment moins coûteux que dans un passé même récent ;

-  parce qu’elle fait connaître à tous la réalité de la vie partout sur la planète, et fait naître, souvent de manière trompeuse, espoirs et fascination.

Elle accule à y recourir :

-   parce qu’elle entraîne, dans les transformations économiques qu’elle initie, une pauvreté accrue sur des pans entiers de la planète ;

-  parce que son exercice sans contrôle déstabilise souvent  en profondeur les pays fragiles, y contribue à la destruction de l’Etat de droit, et y met les populations dans des situations sécuritaires difficiles .

En outre, la modification des écosystèmes dus au réchauffement climatique entraîne la croissance des migrations humaines et le changement du milieu vivant.

Les migrations ne sont pas seulement une conséquence de la mondialisation, dans son interprétation libérale qui a cours aujourd’hui. Elles en sont partie prenante : le libre jeu des forces économiques implique non seulement la circulation des biens et des capitaux, mais appelle également celle de la ‘force de travail’, susceptible ainsi de venir partout se mettre en concurrence avec les facteurs locaux. Certes, la mise en œuvre de cette circulation est moins aisée que celle des biens ou des capitaux, mais elle n’en existe pas moins sur une échelle grandissante, en raison des disparités économiques de la planète.

Enfin, en modifiant en profondeur la composition ethnique, culturelle, religieuse des pays, les migrations sont un élément constitutif déséquilibrant de la mondialisation et de la manière dont elle transforme l’humanité : son visage revêtira ainsi des traits totalement nouveaux, que les seuls effets techniques ou économiques de la mondialisation ne permettent pas d’entrevoir.

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Le public français perçoit le phénomène des migrations contemporaines selon un prisme particulier

En soi, le phénomène migratoire peut être vécu, selon les circonstances, de manière diverse :

- il peut être source d’opportunités quant il permet à des populations d’user de leur liberté pour rejoindre des peuples qui ont besoin de davantage de travailleurs ;

- il invite chacun et chaque collectivité à s’interroger sur sa propre identité, questionnée par la présence de l’autre différent, et ce, dans un contexte pluriel;

- il peut être source de contraintes et de conflits quand il appauvrit les pays d’origine de leurs forces vives, intellectuelles ou techniques ;

- il peut enfin être vécu comme source de conflits quand les populations accueillantes se sentent menacées par l’afflux de populations étrangères, sur lesquelles elles auront tendance à porter un regard de suspicion, d’ignorance ou d’opposition. Phénomène renforcé quand les valeurs et les comportements des nouvelles populations sont trop différents de ceux des populations accueillantes.

Aujourd’hui, la manière dont le public français – et européen - approche le phénomène migratoire est encore trop souvent  de ce dernier type.

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L’attention particulière du public au phénomène des migrations

Il se trouve aussi que, parmi les divers aspects de la mondialisation, ce sont les migrations qui retiennent tout particulièrement le regard du public. Les raisons de cette attention sont nombreuses :

Pour l’opinion publique française en général :

-   Même si la France a connu depuis longtemps le phénomène de l’immigration, celui-ci reste toujours un thème sensible dans les périodes de difficultés économiques ; alors qu’après la guerre et jusqu’au milieu des années 70 il n’attirait pas l’attention de l’opinion publique, la montée du chômage et de l’exclusion qui a eu lieu depuis a eu pour corollaire une crispation sur les phénomènes d’immigration.

-   L’arrivée de populations aux caractéristiques culturelles et religieuses différentes de celles du monde européen pose des questions multiples d’intégration, quelles que soient les modes d’accueil retenus en France, en Angleterre, ou en Allemagne (intégration, ou communautarisme,…) ;

-   La mise en œuvre en France d’une politique de fermeture des frontières, en lien de plus en plus étroit avec les autres pays européens et dans le cadre des accords de Schengen, la suppression de fait de toute immigration de travail, la création de centres de rétention pour reconduites aux frontières, les restrictions de fait de l’asile politique, la multiplication des sans-papiers interpellent l’opinion publique qui réagit diversement et contradictoirement.

-  La disparité effective de traitement entre français et étrangers, les difficultés de leur insertion concrète (logement, travail, formation) pose problème au modèle social français, volontiers égalitaire.

Pour les  chrétiens :

De nombreux chrétiens vivent une tension entre une réaction humaine de peur et de rejet, et l’appel du Christ à l’amour de l’autre.

La fidélité au choix de Dieu de se dire aux hommes par l’incarnation de Jésus de Nazareth, homme au milieu des hommes et  la fidélité au message du Christ, et en particulier à sa parole ‘j’étais étranger et vous m’avez accueilli’ trouve une vérité nouvelle dans la réalité sociale d’aujourd’hui.

-   La volonté, en conformité avec l’Ecriture, de voir en tout homme une personne créée ‘à l’image de Dieu’, oblige chacun à aller au delà de ses caractéristiques nationales, ethniques ou culturelles.

-   la présence dans les communautés paroissiales de personnes issues de l’immigration  transforme de plus en plus leur identité et les appelle à l’ouverture au monde.

-   L’action de nombreux mouvements chrétiens pour la solidarité Nord-Sud, leur participation à des opérations en faveur des étrangers (aide aux sans-papiers, alphabétisation, aide aux demandeurs d’asile) sensibilisent le peuple chrétien dans son ensemble à l’égard des étrangers en France.

-  Les prises de position de l’Episcopat, dans l’Eglise Catholique, rappellent l’exigence évangélique de fraternité.

Pour les responsables politiques :

-   Il y a nécessité au delà d’un humanisme partagé, de tenir compte des réalités historiques, politiques et économiques.

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Si l’opinion publique) est fortement  sensibilisé au fait des migrations, il se sent désemparé pour trouver les réponses adéquates

Ceux qui ne se sont pas impliqués concrètement dans une action spécifique (alphabétisation, accueil…), et parfois même ces derniers, tout en ayant le sentiment d’être concernés au jour le jour, du fait de la présence étrangère grandissante, estiment souvent être dans l’incapacité de la juger de manière adéquate et d’orienter leur comportement en conséquence.

-   l’immigration leur semble un phénomène complexe, dont ils ne connaissent pas les tenants et aboutissants ; ils n’en perçoivent que les éléments immédiatement perceptibles, dans le voisinage, dans le corps social français, sans référence ni à l’avant (ailleurs) ni à l’après (la France de demain). Et cette opacité est génératrice d’angoisse ; l’environnement familier, sur lequel on compte pour établir son projet de vie, semble s’évanouir.

-  Phénomène de masse, l’immigration leur paraît être du domaine de l’Etat, des institutions, de la législation…et de plus en plus géré dans le cadre européen. Leur ignorance des données légales et administratives (complexes); de la définition de l’étranger (son statut, ses droits, son mode de vie) ; des politiques envisageables (en matière de frontière, de visa, de quotas, de droit au travail); de l’aide qu’il est souhaitable d’apporter … tout concourt à un sentiment d’impuissance.

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La situation des étrangers en France, leurs souffrances matérielles et morales, les difficultés qu’ils rencontrent interpellent l’opinion publique et le monde chrétien en particulier :

Ce qui interroge en particulier :

-   le racisme rencontré au quotidien, de manière ouverte ou larvée, dans les lieux publics, dans l’approche de l’administration et des services publics, dans le voisinage et sur le lieu de travail ; le ‘délit de faciès’ omniprésent, particulièrement dans le monde du travail.

-   l’exploitation de fait, notamment des sans-papiers, en abusant de leur situation de détresse ; mais aussi la non reconnaissance des qualifications  professionnelles (permettant de sous-payer) ; la difficulté à obtenir qualification ou formation.

-   l’inégalité patente dans la recherche d’emploi, faisant de nombre d’étrangers des chômeurs ;

-   les obstacles de toute sorte pour traiter et reconnaître la demande d’asile, qui aboutissent à l’augmentation du nombre des sans-papiers ; même si ces obstacles découlent principalement d’une volonté de rendre les frontières plus étanches et de lutter contre une utilisation abusive du droit d’asile, ils ont pour effet de  rendre le territoire national et le statut de réfugié politique de plus en plus inaccessibles.

-   la non reconnaissance de la différence de l’étranger dans ses pratiques, sa culture, son habillement, sa religion et ses coutumes entre en contradiction avec la tolérance, voire l’intérêt à l’égard d’autres modes de vie dont pourrait s’enrichir la communauté nationale. D’une façon générale, on considère l’immigration de manière pessimiste : les apports des personnes d’autres pays et d’autres cultures à la communauté nationale sont largement ignorés.

-  la création de ghettos, pour des raisons économiques, ou pour préserver le niveau social de certains quartiers, ghettos où misère, insécurité et exclusion prolifèrent.

La politique de fermeture des frontières, à l’œuvre partout en Europe, de manière de plus en plus stricte, pose question

La responsabilité des pouvoirs publics pour réguler l’entrée des étrangers sur le territoire national n’est en général pas remise en question ; suppression  Mais la rigueur avec laquelle cette politique est poursuivie, l’orientation générale qu’elle signifie, les conséquences qu’elle entraîne dans la vie quotidienne sont vécues par l’opinion publique de manière contradictoire : d’un côté, elles rassurent en répondant à un besoin de sécurité croissant, de l’autre, elles inquiètent par les connotations qu’elles impliquent (prédominance de l’action sécuritaire, mise entre parenthèse de libertés fondamentales, fermeture sur le monde, nationalisme rampant). La France, comme d’ailleurs l’Europe, se donne un visage rebutant, voire inquiétant. Est-ce vraiment le mode de vivre ensemble que l’on désire ?

L’accueil des étrangers : une réalité peu reluisante

Nos richesses constitueraient-elles un frein à l’accueil de l’autre venant d’un pays défavorisé ? On pourrait le penser en regardant les moyens engagés par les pouvoirs publics. Trop souvent, ils ne veulent pas s’impliquer, laissant aux initiatives privées le soin de pallier leurs insuffisances. Les discours sur la nécessité d’intégration, sur l’accueil de l’autre, sont contredits par les situations concrètes, par le grand nombre de personnes vivant dans des conditions matérielles difficiles, par les délais souvent considérables des démarches administratives, par la méconnaissance de la situation des personnes, de leur itinéraire, de la réalité de leur pays d’origine.

Il faut aller jusqu’au bout de l’accueil : jusqu’au moment où l’étranger a un logement, un travail, une réelle autonomie : parcours difficile qu’il doit, trop souvent, accomplir seul, dans l’indifférence.

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Réalités politiques et traditions chrétiennes : interpellations mutuelles

On l’a vu, le phénomène des migrations suscite, dans l’opinion publique comme auprès du peuple chrétien, des interrogations profondes et contrastées. Il est tout aussi difficile de comprendre et de juger que d’arrêter des pistes d’action ; les sensibilités sont nombreuses et opposées.

De plus, les différences – et les tensions qui en résultent - traversent les appartenances classiques. C’est vrai en particulier pour l’appartenance religieuse : même si le message du Christ est particulièrement clair en la matière, sa mise en application n’est de loin pas l’apanage de ceux qui s’y réfèrent explicitement. Les tensions à l’œuvre ne peuvent en aucun cas être caractérisées dans le cadre de l’alternative  foi chrétienne/monde laïc. Et il est clair toutefois que la foi chrétienne et l’inspiration humaniste se situent, toutes deux, souvent du même bord par rapport aux exigences de la réalité.

On peut retenir, pour une meilleure compréhension de la diversité des positions, deux grandes problématiques : l’ouverture/fermeture du pays à l’égard des étrangers, et l’installation/ intégration dans la nation.

L’alternative ouverture/fermeture du pays à l’égard des étrangers

La frontière revêt deux réalités :

-   la détermination géographique de l’ensemble national, qui signifie également domaine de la compétence étatique et lieu de vie naturel des citoyens ;

-   la ligne de séparation entre citoyens et étrangers (ce qui implique d’approfondir les notions de nationalité et de citoyenneté).

Cette seconde réalité est, aujourd’hui, en question. En raison de l’attraction que le territoire national exerce sur des populations étrangères, elle fait l’objet de franchissements en masse, légaux ou illégaux, par des personnes ayant en vue une installation en France dans la durée.

Face à ce projet, la communauté nationale réagit ainsi qu’il a été décrit plus haut ; mais ces réactions se fondent elles-mêmes sur des principes contradictoires :

-   l’obligation pour les gouvernements de mesures de sécurité draconiennes, d’une part ;

-   le refus de principe de s’engager dans de telles perspectives, profondément dommageables pour les droits humains et contraires à notre culture, de l’autre.

Ces oppositions ne sont pas théoriques. Elles sont vécues par tous, à des degrés divers, selon le degré de responsabilité ou d’engagement personnel. Même le ‘simple citoyen’ est concerné, dans sa vie quotidienne d’abord, mais aussi parce qu’à chaque élection il est mis en présence de programmes, de personnalités qui se prononcent sur ces questions. Et à défaut, il doit les y contraindre.

Il en va de même de la seconde problématique, qui fait en quelque sorte suite à la précédente : une fois l’étranger admis sur le sol national, comment envisage-t-on sa participation à la communauté nationale ?

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L’installation/intégration dans la nation.

Là aussi, une tension indéniable existe entre deux conceptions :

-   pour beaucoup de Français, les valeurs, langues et coutumes, héritées de notre histoire, sont partie intégrante de notre patrimoine. Voir une partie importante de la population ne pas y adhérer conduirait à accepter un principe de division, voire d’inégalité. Les références qui guident la nation et qui parfois ont été acquises au cours de processus longs et douloureux sont essentielles pour notre vivre ensemble. On ne peut y renoncer, sauf à se nier soi-même. De plus, il est légitime de demander à ceux qui arrivent de s’y conformer, preuve de leur disposition à faire partie de la nation. Cette adaptation doit se faire le plus rapidement possible, et l’Etat doit veiller à son bon déroulement, donner les moyens nécessaires (pour l’apprentissage de la langue, la connaissance de notre passé commun, des dispositions majeures législatives et administratives). La France n’est pas dissociable de son projet humaniste et républicain. C’est à prendre ou à laisser.

-  Pour d’autres, il convient avant tout de prendre l’étranger dans sa situation présente, d’accueillir sa présence, d’honorer sa demande. Son désir est grand, sa disponibilité aussi ; s’il vient chez nous, c’est qu’il est en attente, en espérance. Il ne faut pas le décevoir. D’ailleurs, sa venue peut être synonyme de grandes richesses pour la communauté nationale. Certes, il lui faut pouvoir s’intégrer, et pour ce faire il doit pouvoir disposer des éléments indispensables (cours de français, logement, travail) ; mais il ne convient pas de lui demander de se renier ; avec lui, il apporte sa culture, sa foi religieuse, ses convictions, sa manière de vie ; la France ne peut qu’en être enrichie, pour peu qu’elle accepte une certaine diversité en son sein.

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Pistes pour l’action

Face à la nouvelle donne de l'immigration vers les pays de l'Union européenne - à la fois inéluctable et très difficilement acceptée - la tradition humaniste, républicaine française,  et la tradition chrétienne sont confrontées avec un paradoxe au fond très similaire. Parce qu'humaniste, la tradition républicaine, égalitaire et laïque ne peut pousser le rejet du communautarisme jusqu'au point de nier la dimension sociale des appartenances religieuses. Le fait islamique attire l'attention sur une réalité plus large: l'appartenance religieuse est une source d'identité et de liberté personnelle qui concourt, en démocratie, à la formation de l'esprit civique; la laïcité, sauf à tomber dans le travers du laïcisme qui discrimine, s'ouvre à la diversité féconde des "communautés de Foi et de convictions" dans une société d'avantage pluraliste.

L'histoire biblique et chrétienne est tissée d'un paradoxe similaire. Elle nous montre régulièrement des prophètes et des leaders conduits, par le souffle de l'Esprit, à proposer dans un contexte culturel et religieux très spécifique, celui du peuple juif, puis celui de la Chrétienté, une promesse de salut et de fraternité universelle, appelée à toucher tous les peuples, sans requérir pour autant leur uniformité culturelle ou religieuse. C'est le message, à l'antithèse du désastre hégémonique de Babel, qui nous est apporté, depuis Abraham jusqu'à l'incroyable rassemblement interculturel de Pentecôte. C'est encore aujourd'hui le message des rencontres interreligieuses mondiales d'Assise.

Nous en concluons que la difficile question politique de la conciliation entre ouverture et fermeture à l'immigration, entre intégration par assimilation ou par reconnaissance de la diversité dans l'unité, procède d'une introspection: fort de mon identité personnelle, de mon éducation et des valeurs qui m'orientent, je suis d'avantage capable d'appartenir à un ensemble social et national plus divers où sont assumés les mêmes droits et devoirs. Nos propositions en découlent. Elles commencent par ce qui est à la portée immédiate de chacun, pour s'élargir aux conditions de l'accueil des étrangers qui relèvent du cadre politique national puis européen.

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Au plan personnel et localement

Reflétant l'esprit de fraternité qui a nourri toute expérience spirituelle chrétienne, nous invitons les mouvements et associations membres des ACM à soutenir selon les modalités propres à chacun d'entre eux, une attitude d'accueil et de disponibilité réciproque à l'égard des communautés ou des personnes étrangères présentes dans nos lieux de vie, avec le but d'aider à constituer dans ces lieux une société unie par des droits et devoirs partagés. Les débats au sein des ARM et les contributions des mouvements mettent ainsi l'accent sur les attitudes et initiatives concrètes telles que:

-         Promouvoir au sein de la famille un esprit d'ouverture et de curiosité à l'égard communautés et des religions venues d'ailleurs.

-         Favoriser l’accueil des étrangers ; susciter dans les structures d’accueil des migrants la présence d’accompagnateurs (démarches administratives, apprentissage des gestes de la vie quotidienne) ; favoriser l’accueil des étudiants étrangers, leur permettre de faire véritablement des études en les soulageant des soucis matériels.

-         favoriser le plus possible les contacts de voisinage (dans la vie quotidienne, dans des rassemblements festifs) ; créer ou participer à des associations interculturelles, pour échanger, connaître et se faire connaître dans une société métissée ; travailler en réseau avec les associations ethniques.

-         créer ou participer à la création de ‘maisons de l’étranger’ (centre de ressources et d’appui aux personnes immigrées, lieux de rencontre et de découvertes des cultures)

-         sensibiliser les ‘clochers’ à la journée pastorale des migrants ; faire des paroisses des lieux d’accueil et d’information ; mobiliser les paroisses, tout en sachant que c’est un impératif moral et que les chrétiens n’ont pas le monopole de l’accueil. Dans les communautés chrétiennes, accueillir les modes d’expression liturgiques  et autres pour l’expression propre de la foi.

-         Tout en précisant clairement les exigences que le pays peut avoir à l’égard des immigrés en matière d’insertion, leur indiquer toute la place qu’ils peuvent y trouver.

-         Savoir témoigner de la richesse et de la nécessité des actions menées en faveur des étrangers. Créer des occasions de rencontre avec les étrangers auprès desquels on vit.

-        Sur le thème de l’immigration, les évêques de France comme la Fédération Protestante et la CIMADE prennent des positions évangéliques, œcuméniques et citoyennes ; ces positions sont méconnues. Inviter les responsables de communautés à y sensibiliser les paroissiens dans les églises et ailleurs. 

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Se donner au niveau national les moyens d'une politique d'intégration et d'immigration adaptée au nouveau contexte international

Nous invitons les mouvements membres des ACM, selon des modalités  à établir par chacun d'entre eux, à demander aux pouvoir publics et aux responsables politiques et professionnels de définir une stratégie complète, englobant les divers aspects de l'immigration et de l'intégration des personnes issues d’immigration, fondée sur les valeurs d'une laïcité ouverte, la non discrimination et le respect des droits et devoirs fondamentaux, tenant compte des coûts et opportunités de l'intégration, tant pour les communautés d'accueil que pour les migrants . Cette vision complète comporte en particulier les nécessités de :

-   Partir des valeurs fondatrices de notre vie en société : démocratie, République, Droits de l’homme, laïcité, pour éclairer la  politique de l’immigration et les politiques d'intégration qui en découlent ;

-   Voir de manière positive les richesses amenées par l’immigration, dans les domaines économique et culturel ;

-   Appliquer effectivement les dispositions légales qui concernent les immigrants, telles que le droit d’asile, les droits des mineurs isolés ou en famille, le regroupement familial ; fixer par la loi une délai maximal d’octroi du permis de séjour à un étranger marié à une personne de nationalité française dont le mariage a été célébré à l’étranger ; être attentif à ce qui se passe en zone d’attente ;; raccourcir les délais de réponse administrative aux demandeurs d’asile  et de façon générale, donner aux administrations compétentes pour l'application des lois les moyens administratifs correspondants.

-   Assurer aux étrangers les mêmes droits et devoirs sur le marché du travail qu’aux français, et promouvoir la non discrimination par des campagnes publiques et par les contrôles de l'inspection du travail ; ou par d’autres moyens encore à inventer ;

-   Augmenter nos capacités d’insertion sociale, par l’alphabétisation, l’apprentissage jusqu’à la maîtrise de la langue française,  par l’accès à un logement décent, et le droit au travail. En permettant aux demandeurs d’asile une première insertion dans la communauté nationale par un travail dont les conditions particulières seraient à définir ;

-   Combattre le mythe de l’invasion, rompre l’amalgame entre sans-papiers, étrangers et délinquance ;

-   Militer pour un respect par la France et l’Europe de leurs engagements internationaux en terme de moyens budgétaires affectés à l’aide publique au développement (APD = 0,7% du PIB).

-   Examiner sérieusement la question de  l’expression politique locale pour les étrangers (droit de vote et de représentation politique locale).

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Situer les politiques d'immigration et d'intégration dans leur cadre international

De la même façon, nous proposons que la stratégie nationale d'immigration et d'intégration soit située clairement dans son contexte européen et international. Le contexte européen lie les politiques françaises à des règles communes en matière de contrôle aux frontières extérieures (espace Schengen), d'asile, de visas. Il comporte aussi des droits de citoyenneté, en matière de libre circulation et d'accès à la sécurité sociale obligatoire pour les travailleurs immigrés et leurs familles résidant légalement dans un pays de l'Union. Il organise de manière stricte, s'agissant des migrations professionnelles à l'intérieur de l'Union européenne, le recours aux travailleurs détachés ou intérimaires employés sur des chantiers temporaires. Prendre en compte le contexte international implique également de nouer une relation de partenariat de développement avec les pays dont sont majoritairement originaires les travailleurs migrants. D’ou la nécessité de travailler aux orientations qui suivent :

-   Prendre part au débat en cours sur l’avenir de la politique d'immigration européenne. En effet la Commission propose aux Etats membres une perspective d'immigration nette positive et maîtrisée, en partenariat avec les pays d'origine. Une telle politique serait ciblée sur  des quotas d'immigrés représentant des qualifications ou des secteurs professionnels recherchés : elle ne résoudrait pas alors la question des immigrés illégaux non qualifiés et pourtant également recherchés et elle s’inscrit dans une approche très « utilitaire » de l’immigration ; de même la question de l'immigration familiale est-elle passée sous silence, alors qu'elle ressort des droits fondamentaux et des conditions d'une véritable intégration.

-   Oser reconnaître les torts commis par la France lors des périodes de colonisation, soit par appât du gain, soit dans une confiance trop naïve dans notre modèle de civilisation. Reconnaître aussi les apports de la colonisation et les liens qu'elle a créés.

-  Renforcer les politiques multilatérales de coopération avec les pays d’origine,  afin de mieux influencer leur gouvernance et y restaurer ou  consolider l’Etat de droit. Agir pour l’établissement d’institutions internationales et de ressources internationales vouées au développement.

Faciliter les échanges commerciaux avec les pays du Sud de manière juste et équilibrée. Payer leurs productions à un prix équitable.

 

 

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Axe 3 :

Conditions sociales, humaines et économiques de la création de richesses



Réalités d’aujourd’hui : pesanteurs et espoirs

Le marché 

Le « marché » : Dr Jekyll ou Mr Hyde ?

La création de richesses est un processus complexe qui résulte de nombreux facteurs :

La mondialisation des flux financiers.

Les délocalisations 

Réalités économiques et chemins de conversion

D’abord, en adoptant un certain style de comportement

Ensuite, en faisant face aux défis que pose un monde en évolution permanente

Pistes pour l’action1

Au niveau personnel

Au niveau de l’entreprise

Au niveau des ONG.

Au niveau de l’Etat

Pleinement utiliser le cadre européen

Au niveau mondial

1 Lire ce chapitre en parallèle avec les « Pistes pour l’action » de l’axe 4 sur la « Gouvernance »

 

 

A la différence de l’Axe 1, qui se concentre sur les finalités de l’activité humaine, cet Axe 3 voudrait éclairer les conditions concrètes qu’impose la mondialisation à la création de richesses, dans la vie des entreprises et de ceux qui en vivent.

Recherchons premièrement la croissance économique, et le reste nous serait donné par-dessus le marché ?

Ce débat ne date pas d’aujourd’hui, mais il s’amplifie (ou s’atrophie ?), tant il semble que l’économique se soit imposée comme une fonction première, un envahissant premier rôle, presque une drogue, notamment dans les sociétés riches.

L’économique est nécessaire, respectable tant qu’il reste dans son rôle. Il devient détestable lorsqu’il s’enfle au point de se prendre pour l’essentiel, lorsque l’activité économique devient le pivot de nos existences comme par exemple lorsque la consommation devient le moteur de l’homme. Le travail rémunéré fournit salaire, identité sociale, rencontre des autres, emploi du temps. Celui qui sort du travail rémunéré perd tout cela.

Nos sociétés d’abondance sont désemparées. Redistribuer la production de richesses de plus en plus déconnectée du travail humain, voire de la demande et exister dans le temps libéré imposent une mutation des pratiques et surtout des mentalités qui nous panique.

Une croissance forte serait un risque pour cette mutation.

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Réalités d’aujourd’hui : pesanteurs et espoirs

Le marché

La mondialisation - tout au moins celle que nous vivons actuellement - se caractérise par la création d’un ‘marché mondial’ ; les conditions techniques le permettent (réduction drastique des coûts de transports ; normalisation des produits) ; les conditions économiques le favorisent (recherche de la baisse des coûts de main d’œuvre ;  facilités de change monétaire accrues ; développement des multinationales); les conditions politiques favorisent le développement des échanges (réduction des droits de douane et des obstacles non tarifaires).

Bref, la notion de marché est le dénominateur commun de notre mondialisation.

Le « marché » : Dr Jekyll ou Mr Hyde ?

-          Historiquement, le développement des civilisations a toujours été lié à la liberté du commerce. Les modes de développement initiés par la volonté étatique rencontrent, plus ou moins rapidement, des obstacles graves liés à des problèmes d’ordre politique. Et on sait les limites de l’aide internationale : elle souffre d’un déséquilibre fondamental, elle peut générer la corruption, elle ne peut être permanente. ‘Trade, not Aid’. Le commerce permet d’intéresser concrètement le maximum d’acteurs économiques, il suscite le dynamisme, la création d’entreprises, la transformation vivante. On peut le réguler pour son bon exercice, mais non le juguler ; c’est une plante vivace, à condition qu’on le laisse se déployer sans contraintes. Il sera à lui-même son régulateur.

-         Commerce, oui, mais entre égaux ou ensembles de force significative,  et de manière juste. Or la mondialisation est profondément inégalitaire, comme souvent, quand un monde s’ouvre à un autre. Nous souffrons, aujourd’hui, d’un commerce mondial débridé, où les plus forts n’en respectent pas les accords signés (confère les subventions) et où les protections les plus justifiées (la sauvegarde de la production agricole vivrière) ne sont pas assurées. La régulation politique est indispensable, au plan supranational.

Etude d’un cas : la production et le commerce du poulet (voir annexe, en fin d’axe 3) :

Cet exemple montre les limites de la doctrine de la liberté des échanges économiques (la main invisible et bienfaisante du marché) comme facteur essentiel du progrès. Le déséquilibre entre les différents acteurs d’un marché non maîtrisé aboutit à de graves conséquences humaines qu’il est ensuite très difficile, voire impossible  de réparer (ruptures culturelles, destructions environnementales irréversibles). Ceci ne s’observe pas seulement dans les pays les plus pauvres. Dans les économies développées aussi, le libre jeu du marché entraîne des processus de destruction irréversible, par exemple entre donneurs d’ordre et sous traitants. Ainsi la théorie de la « destruction créatrice » qui justifie aujourd’hui la pratique néo libérale doit-elle être passée au crible des situations précises. N’est il pas de trop nombreux cas d’entreprises et de secteurs où le solde net « création moins destruction » est largement négatif, indépendamment même du caractère moral ou non des destructions ? Ne faut-il pas faire émerger un autre concept également ouvert à la dynamique de l’initiative et de la liberté, mais dans une finalité plus autrement plus humaine que les simples jeux de l’argent et du hasard ?

Il faut assumer cette interdépendance de nos économies entre pays de niveaux de développement différents (On préfère cette formule à celle couramment utilisée pour opposer les pays du Nord au pays du Sud. Cette notion est en effet révolue car il y a plusieurs Sud et plusieurs Nord).Mais les changements intenses qu’elle entraîne ne sont pas aussi nécessaires ni légitimes qu’il y paraît à première vue. Leur brutalité n’est pas une fatalité : elle est essentiellement due à l’insuffisance de régulation dans les échanges internationaux. Pour autant, nous devons accepter que les pays les plus pauvres aient aussi le droit de se développer mais à un rythme différent.

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La création de richesses est un processus complexe qui résulte de nombreux facteurs :

-          Notre niveau de vie collectif est le résultat de notre travail et de sa productivité. La réduction du temps nécessaire pour réaliser un produit ou offrir un service permet d’accroître la production (l’offre), et les salaires (la demande) en diminuant les prix de vente au bénéfice des consommateurs que nous sommes tous (le pouvoir d’achat). L’ensemble des systèmes de protection sociale, comme la retraite ou la sécurité sociale, repose sur ce cercle  vertueux, le fameux « compromis fordien », et les richesses qu’il produit.

-       Il n’y a pas que des créations de richesses sonnantes et trébuchantes ! Au-delà de la création de richesses monétaires, le développement des sociétés repose effectivement sur l’amélioration de l’état sanitaire, de l’éducation et des structures de la démocratie. Autant de critères désormais pris en compte par l’Indicateur de Développement Humain (IDH) du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement).

-      Plusieurs facteurs stimulent le travail productif, à commencer par l’expression des besoins de la population, c'est-à-dire la demande. La capacité d’innovation, l’esprit d’entreprise, apportent en permanence de nouvelles réponses à ces besoins. La liberté économique permet à cet esprit d’initiative de s’exprimer. Le libre marché concourt à la productivité par le jugement permanent de la concurrence qui récompense les efforts de création et d’adaptation et sanctionne l’inertie. Or, le moteur de la concurrence, ce sont les consommateurs, qui disposent de ce fait d’un pouvoir économique considérable.

-          Tout ne peut toutefois pas se ramener au jeu de la productivité et de la concurrence. Des besoins fondamentaux comme ceux des infrastructures collectives et l’ensemble des biens publics dus à tout homme parce qu’il est homme, comme le droit à la subsistance, le développement de l'éducation, de la culture et de la santé à la protection de la santé ou à l’éducation, par exemple, ne relèvent pas exclusivement du libre marché. Ils nécessitent l’intervention de la puissance publique, comme garante ou comme productrice de ces biens et services, en charge du bien commun actuel et futur.

Le profit est une nécessité, mais si l’unique objectif est sa maximalisation, il est critiquable

Le processus fordien est grippé par la vitesse et l’ampleur des évolutions en cours. Les effets positifs des gains de productivité d’une entreprise peuvent être durablement contredits par l’externalisation au niveau de la collectivité du coût social qui en résulte. L’ensemble de la population ne parvient pas à tirer bénéfice des progrès technologiques. Un déséquilibre permanent s’installe qui s’appelle principalement chômage, exclusion, ruptures familiales. Il faut faire le constat qu'un grand nombre de salariés sont ou risquent de devenir inemployables. Il ne suffit pas d’accroître la richesse commune pour qu’elle se répartisse équitablement. Au contraire, les écarts se creusent au sein d’un même pays, voire entre les pays. La première des richesses est l’homme et sa formation professionnelle est une obligation que les chrétiens doivent s’engager à mettre en œuvre pour maintenir un niveau d’employabilité adapté au marché.

-          L’innovation coûte cher. Elle comporte des risques (recherche, développement, formation etc..), d’où l’importance de l’investissement des actionnaires, qui sont largement des épargnants groupés en fonds de gestion. Ces fonds, comme les actionnaires en général, peuvent avoir des pratiques  spéculatives de rendement financier maximum à court terme, indépendamment des  conséquences industrielles ou sociales que cela peut entraîner. Ils peuvent aussi avoir des pratiques prudentes et donner la priorité à la solidité des entreprises qui présentent une bonne santé financière dans la durée. Selon les cas, la pression des actionnaires pour que s’améliorent la productivité et la rentabilité de l’entreprise sera donc celle d’un partenaire ou celle d’un prédateur.

-         L’entreprise est fragile. Elle n’a pas de clients captifs et, si elle ne boucle pas ses comptes, ne pouvant lever d’impôts, elle dépose son bilan. « Les organisations ont toutes une responsabilité première. Pour l’école, enseigner les élèves. Pour l’hôpital, guérir les malades. Pour l’entreprise, développer une performance économique pour satisfaire les besoins matériels de la communauté. La performance est la base : sans elle, l’entreprise ne peut exercer ses autres responsabilités, être bon employeur, un bon citoyen » (Peter Drucker). La création de richesses économiques n’est pas un « donné » naturel.

L’internationalisation du capital n’est pas chose nouvelle, mais elle est devenue la règle. L’économie mondiale est devenue capitaliste.

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La mondialisation des flux financiers

La mondialisation de l’activité financière conditionne la création de richesses en même temps qu’elle déstabilise les entreprises.

-          Nous sommes passés de la culture du résultat (d’exploitation, net, cash-flow), à la culture du retour sur investissement (ROI), du retour sur capitaux employés (ROCE), du taux de rendement interne (TRI, IRR) qui intègre la plus-value de revente. Nous sommes passés du règne du manager au règne des actionnaires, puis à celui des marchés financiers et la dimension impersonnelle.

-          L’importance de l’afflux de capitaux nouveaux et l’accès de tous types de capitaux aux marchés financiers, ont accentué la demande des investisseurs et facilité pour les entreprises les capacités d’augmentation de capital et de cession des parts de l’entreprise, et plus globalement les cessions d’entreprises.

-          L’importance des plus values réalisées par ces cessions et l’impact sur la rentabilité (mesurées par le TRI) ont développé de nouveaux comportements ; les plus-values de cession (dégagées par la vente, totale ou partielle, d’une entreprise) permettent de capter rapidement la création de valeur. Ces processus ont généré une accélération de la réactivité des investisseurs, en recherche de plus-values, et le développement du rôle des analystes financiers dans la recherche et l’identification des opportunités.

-          Cette nouvelle donne, en accélérant le mouvement, génère de l’instabilité sur les marchés délaissés, avec toutes les conséquences que cela implique pour les entreprises concernées et les personnes qui en vivent.

-         Cette surpuissance de la finance est contestable et doit être encadrée. L’état actuel de la gouvernance mondiale ne permet pas de le faire.

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Les délocalisations

Au cœur des préoccupations des français, les délocalisations sont-elles vraiment à l’origine de tous les maux qu’on leur attribue ? Sur ce thème sensible, où l’émotion tend à troubler l’analyse, toute prise de position a particulièrement besoin de s’appuyer sur des informations objectives [Par exemple : Les enquêtes menées par la Commission européenne à l’échelle de l’Union, ou l’étude de l’INSEE « Délocalisations et réductions d’effectifs dans l’industrie française » (de 1995 à 2001)].

Même si les chiffres disponibles ne font état que d’un petit nombre de pertes d’emplois directement liées aux délocalisations (« petit » en comparaison de la destruction « ordinaire » d’emplois de l’économie française), nous partageons l’anxiété et la détresse des personnes qui en sont victimes, qu’il faut reconnaître et accompagner.

Ces souffrances, si la qualité des outils statistiques nécessaires à l’évaluation de l’impact des délocalisations sur l’emploi n’est pas améliorée, peuvent mener à un rejet en bloc de la mondialisation, donc à l’impuissance. Un effort d’analyse des composantes et des effets des délocalisations paraît donc indispensable.

Les déplacements d’emplois liés à la mondialisation sont de natures diverses. Ils peuvent  concerner les emplois proprement dits, les investissements ou les courants d’achats. Etonnamment, un peu moins de la moitié seulement des délocalisations sont à destination des pays dits « à bas salaires » (dans l’ordre : la Chine, la Tunisie, la République tchèque, l’Inde et la Pologne). Elles concernent de moins en moins les « secteurs de basse technologie, employant une main-d’œuvre de plus en plus qualifiée, tant au niveau de la production que des services ».

La majorité des emplois délocalisés l’est vers les pays développés (Espagne, Italie, Allemagne et Etats-Unis). « Ces délocalisations correspondent en grande partie à une logique de restructuration et de recentrage des groupes au sein des pays développés, auquel s’ajoute une recherche de moindre coût de production. Ce phénomène n’est donc pas toujours défavorable à la France, qui bénéficie également de délocalisations à son profit.

Toutefois, les analyses macro économiques ne peuvent se faire qu’avec un décalage et il est aujourd’hui difficile d’évaluer en temps réel ce qui se  passe sur le  terrain des délocalisations. L’entrée en force sur le marché mondial de géants comme l’Inde et la Chine a déjà commencé à bouleverser la donne et de nombreux témoignages laissent présager une sensible accélération des changements, qu’il s’agisse d’ouvertures de marchés, d’implantations nouvelles, d’échanges, mais aussi de pertes lourdes dans de nombreux secteurs d’activité.

Face aux conséquences sociales de ses décisions, chaque acteur concerné, public ou privé, doit pouvoir mesurer sa responsabilité. Parmi les éléments de jugement figureront entre autre la prise en compte de la meilleure réciprocité des échanges (créatrice d’emplois chez nous), ainsi que les opportunités de croissance ainsi créées dans les pays en développement. Dans le brouillard qui caractérise la situation, la nécessité de promouvoir des comportements éthiques, fondés sur des codes de bonne conduite, apparaît d’autant plus nettement (entrepreneurs, investisseurs, salariés, consommateurs).

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Réalités économiques et chemins de conversion

Comment être acteur d’une « économie » au service de tous ? Comme veiller à « être dans le monde sans être du monde » ?

D’abord, en adoptant un certain style de comportement

Etre bon acteur, et non adorateur, de l’économie (créativité, bonne gestion, respect des règles et des personnes) ; on ne peut pas placer la personne dans une situation inhumaine au prétexte d’évolutions inéluctables. On ne peut pas, au nom d’un bien (accès aux échanges), négliger les conséquences humaines néfastes qui en découlent (cf. principe de proportionnalité).

Une croissance forte n'est pas un but en soi, mais c'est le moyen indispensable de répondre aux enjeux sociaux du monde, notamment en matière de développement et de traitement équitable des immigrés. La faible croissance économique de l'Europe et de la France en particulier, ne fait  qu'aggraver les situations de déséquilibre et de détresse. Pour les chrétiens, l’homme existe en amont de toute activité. Ce qui le fonde et le construit, c’est la certitude d’être aimé de Dieu, par pure grâce, inconditionnellement, quoiqu’il arrive, quels que soient les réussites et les échecs. L’activité, le travail, les œuvres apparaissent en aval, en simple réponse à l’amour reçu, sans recherche aucune de prouver avec angoisse ou orgueil, à soi-même ou aux autres, ce que l’on est.

La famille est un des premiers lieux où la solidarité peut être éveillée, entre les personnes d’abord, puis dans la vie sociale et économique. Plus largement, dans toute la famille humaine, l’homme est invité à « ne pas se dérober à son semblable » (Is 58,7). Pour parodier St Augustin, Dieu nous a faits pour vivre en lui et notre cœur ne peut trouver le repos tant que demeurent des fardeaux trop lourds, des pauvres qui ont faim, des vagabonds sans maison, des frères sans vêtements. Les besoins des hommes sont les champs ouverts à notre initiative, le lieu où se rejoignent la raison d’être et les finalités de l’économie.

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Ensuite, en faisant face aux défis que pose un monde en évolution permanente.

Un monde que les méthodes traditionnelles de gestion par ordres et procédures ne peuvent plus appréhender. Ces nouveaux défis imposent une même réponse : une mutation, un saut dans la capacité responsable des personnes et des groupes. « Nous vivons un saut dans l’évolution. La responsabilité devient indispensable » (Jacques Ellul). Il s’agit de passer d’une société basée sur l’obéissance à une société construite sur l’initiative et la responsabilité. Une responsabilité jamais imaginée auparavant. La promotion d’une société post-capitaliste dont la responsabilité doit être le principe organisateur ne va pas de soi…La liberté évangélique qui nous est donnée en héritage devrait nous aider à rechercher, par la culture du débat, ce que l’excès de juridique ne peut véritablement produire. Le courage de l’action est possible !

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Pistes pour l’action1

1 [Lire ce chapitre en parallèle avec les « Pistes pour l’action » de l’axe 4 sur la « Gouvernance »].

Les structures seules font rarement changer les comportements, alors que les comportements finissent par façonner les structures. La recherche de l’éthique et la culture du débat peuvent cependant être facilitées par l’articulation de règles. Les pistes indiquées ici en offrent quelques exemples.

Au niveau personnel

Le changement des comportements passera par l’éducation. Celle-ci commence au sein de la famille et de l’école. Voici une liste d’actions possibles qui permettent de choisir en toute liberté :

-          Participer au moins à un mouvement de coopération avec le Tiers-monde par exemple : souscrire à un fond de répartition de micro crédits.

-          Encourager les innovations originales dans le domaine du développement, entreprises à titre expérimental.

-          Epauler ou participer aux structures d’accompagnement à la création de petites entreprises nouvelles, elles-mêmes créatrices d’emplois.

-          Adopter un mode de vie plus cohérent et fraternel dans le domaine de l’alimentation, de la santé...

-          Consommer autrement par exemple en encourageant l’achat de produits du commerce équitable ou biologiques,

-          Organiser une information permanente sur les problèmes de développement et les possibilités d’actions.

-          Adhérer aux fonds éthiques et aux fonds de placement qui sélectionnent les entreprises se soumettant à des indicateurs d’évaluation éthique etc ...

-          Soutenir, sur le plan politique, les propositions cohérentes avec les pistes d’action évoquées dans ce livre blanc.

-          Que l'exploitation des unités de production dans les pays pauvres se fasse en respectant les règles d'éthique. Sur ce point, les consommateurs de nos pays peuvent faire pression.

-          Economiser les ressources naturelles (l’eau…l’air, la terre, les réserves halieutiques, la biodiversité…) .

-         Encourager les formes d’économie d’énergie (ferroutage et covoiturage…)…

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Au niveau de l’entreprise

Le dialogue social doit se structurer dans les entreprises internationales.

Si l’on veut aller vers une maîtrise de l’internationalisation des échanges, il est impératif que certaines institutions représentatives du personnel, tels les Comités d’entreprise, se voient offrir par la loi la possibilité de peser sur les grands choix stratégiques des entreprises. Quelques grandes entreprises commencent d’ailleurs à comprendre que la performance financière n’est pas la seule à prendre en compte et intègrent progressivement l’idée de responsabilité sociale.

Dans les entreprises de dimension multinationale, les salariés et leurs représentants sont trop souvent mis devant le fait accompli lors de décisions prises à un niveau centralisé éloigné des sites de production. Leurs interlocuteurs directs ne sont pas les décideurs. La mise en place progressive de comités d’entreprise européens (CEE) est un premier pas dans la bonne direction. Pour l’instant, ces comités ont surtout favorisé une meilleure information et des échanges de vue, mais il faut aller plus loin afin de permettre une consultation préalable des représentants des salariés, avant les décisions affectant considérablement la marche de l’entreprise et concernant les intérêts des travailleurs (par exemple, une délocalisation).

Ce travail ne peut s’articuler qu’à travers une redéfinition des pouvoirs des institutions représentatives du personnel et de la mise en œuvre de démarches politiques volontaristes, tant nationales qu’européennes, soucieuses d’encadrer la globalisation des échanges. Elles doivent aussi donner une place prépondérante, stratégique, à l’enracinement de normes sociales supranationales susceptibles d’enrayer la course au "moins-disant social".

 Il est donc nécessaire que les textes législatifs européens renforcent les pouvoirs consultatifs des CEE.

Nous pensons nécessaire de développer la responsabilité sociale des entreprises (RSE), sur la base d’un code de bonne conduite, à créer. Dans ce but, un comité pourrait se mettre en place, composé de représentants du gouvernement, des employeurs, des organisations syndicales, des associations de consommateurs…  Sa mission serait de faire des propositions visant à réduire et à canaliser, selon des paramètres bien définis, les délocalisations.

Au niveau des ONG

L’action des ONG qui opèrent sur le terrain dans les pays en développement est trop souvent entravée par des questions administratives et de corruption. La distribution des aides, matérielles ou immatérielles doit être la plus directe possible et favoriser le partenariat avec la avec la société civile. 

Là où il existe des ONG locales qui coordonnent les aides, celles-ci seront rendues plus efficaces et responsables, tout en restant conscient que la cohérence globale des aides d’un pays suppose de ne pas ignorer les gouvernements en place.

Au niveau de l’Etat

Nous appelons à une remise en cause fondamentale du rôle de l’Etat au niveau national pour prendre en compte, notamment, la notion d’équilibre budgétaire (éviter de reporter sur les générations futures nos dettes, redonner la priorité aux plus démunis en remettant en cause les avantages acquis devenus indus,…). Nous rappelons que si l’inflation est un impôt sur les plus pauvres, l’endettement excessif d’un état est un impôt sur les jeunes. La lourdeur administrative et le maintien d’avantages acquis devenus indus, nient également la capacité d’organiser au profit des plus pauvres une solidarité effective et respectueuse de leur dignité.

Il faudrait valoriser les activités qui ne sont pas actuellement comptabilisées dans l’évaluation de la croissance : bénévolat social, activités associatives etc.…

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Pleinement utiliser le cadre européen

S'il s'agit non de refuser la mondialisation, mais plutôt de la doter de règles qui humanisent et démocratisent son déploiement, pour éviter d'en faire le champ clos des intérêts les plus puissants sur le marché international, alors le cadre européen est particulièrement pertinent, puisqu'il combine à la fois une Union douanière (c à d. une capacité globale de négociation commerciale internationale) et un Marché intérieur (c à d. des règles homogènes de concurrence et des principes économiques, environnementaux  et sociaux communs pour la libre circulation). L'ignorance, parfois la caricature de son fonctionnement engendrent une double perte: on prive l'action collective de notre pays d'un instrument de régulation efficace et on affaiblit son  influence sur son orientation.

1. C'est pourquoi la première piste d'action "européenne" concerne la prise de connaissance et de conscience de la réalité du cadre européen actuel, tel que la France l'a approuvé et a contribué à l'établir, dans le cadre des institutions qui régissent, au Conseil des Ministres et au Parlement européen, la prise de décision. Nous invitons  les pouvoirs publics et professionnels, patronaux et syndicaux, à jouer un rôle beaucoup plus actif dans la présentation à l'opinion publique et à leurs divers mandants, des pouvoirs réels de "Bruxelles": non seulement ceux qui sont en jeu dans les actes ou programmes en cours de négociation, mais ceux qui découlent du socle de base des législations et programmes existants. Nous estimons que le manque de connaissance et de pédagogie dans ces matières, lèse gravement l'attente de nos compatriotes qui cherchent les voies d'une responsabilité publique pour l'encadrement de la mondialisation.

2. Découlant de la prise en compte des interdépendances Nord-Sud et du devoir d'anticipation, illustrés par l'exemple de la filière du poulet, nous invitons ces mêmes responsables à effectuer une analyse complète des impacts futurs de l'ensemble de la négociation du cycle de l'OMC, pas seulement sur le plan agricole, mais aussi sur tous les autres champs de la négociation, pour l'industrie et les services. L'enjeu de cette négociation est en effet un « ensemble de concessions équilibrées" que se font les pays du Nord et du Sud, ces derniers ayant acquis un pouvoir réel de négociation, en raison même de leur part désormais prépondérante dans le commerce de produits industriels .Cet équilibre veut dire que si la concurrence s'accroît sur les marchés européens pour certains produits, des débouchés élargis apparaissent pour d'autres. Ces deux aspects méritent d'être étudiés et peuvent former la base d'anticipations, c'est-à-dire d'investissements physiques ou humains, y compris dans le cadre de négociations professionnelles.

3. A l'OMC, l'Europe, avec l'assentiment formel des Etats membres, négocie aussi des délais, des transitions et qui fournissent des horizons temporels et devraient, en conséquence, faciliter les programmes de formation et d'adaptation professionnelle aux changements. Un forum européen des restructurations a été mis en place pour débattre de ces perspectives. Nous invitons les représentants de notre pays à y jouer un rôle actif et à rendre compte publiquement de leurs positions. Mais surtout, il ne manque pas en France d'organismes publics capables de fournir un support technique objectif aux évaluations d'impact des négociations de l'OMC et d'animer un débat sur ce sujet.

En outre, les prochaines négociations à l’OMC pourraient être l’occasion de définir ce qu'est exactement le commerce équitable. Cela sera un premier pas en direction du développement durable, et une première mesure pour atteindre les objectifs du millénaire (diminuer de moitié l'extrême pauvreté d'ici à 2015).

4. Au cours des années soixante dix, mais surtout à l'occasion de l'édification du grand marché intérieur, l'Union Européenne s'est dotée d'un socle de législations sociales destinées à éviter que la libre circulation des travailleurs, salariés et non salariés, ne s'accompagne d'un dumping social. Ce socle est aujourd'hui très complet et particulièrement mal connu de nos compatriotes pourtant très sensibles à cet aspect de la construction européenne. Nous invitons les mêmes responsables à faire connaître ce socle (par exemple, dispositions en matière de santé et de sécurité au travail, de durée maximale de travail, de contrats temporaires et atypiques, de détachements temporaires de  travailleurs, de protection des droits à la sécurité sociale, de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale) et surtout à vérifier s'il est correctement appliqué, sachant que l'application des règles européennes est de la responsabilité des Etats, non de l'Union elle-même. Il y a pire que l'absence de règles: des règles non appliquées ou non applicables font désespérer de la justice.

Lorsqu'il s'avère que les règles qui doivent protéger du dumping social ne sont pas applicables ou sont inadaptées face au développement du marché du travail, l'Union Européenne, au premier chef les partenaires sociaux européens ont la possibilité d'entrer en négociation pour moderniser ces règles. Nous invitons nos compatriotes, parties prenantes au "dialogue social européen", à faire connaître ses travaux, à en donner leur évaluation et à suggérer des avancées possibles. Un thème particulier important concerne les comités de groupe européens. Leur statut consultatif ne devrait pas les empêcher de jouer un rôle plus actif et plus visible dans un contexte de restructurations industrielles.

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Au niveau mondial

Face au déficit de multilatéralisme, l’Europe peut apparaître comme un « centre d’apprentissage » pour des constructions communes entre pays. La réussite de l’Europe est importante non seulement pour nous-même, mais aussi pour le « cas d’école » qu’elle représente pour les autres régions du monde, dans leur cheminement commun vers une construction mondiale.

1. Sur la régulation financière

L’ampleur des dysfonctionnements financiers actuels, et leur cortège de conséquences graves (chômage et précarité), la relative impuissance des recettes régulatrices classiques à y remédier, relèvent désormais de l’évidence commune. Il faut oser, avec courage, s’engager sur le chemin difficile d’un aggiornamento structurel des grandes institutions internationales issues des accords de Bretton Woods.

La maîtrise des marchés financiers suppose la mise en place d’un pouvoir supranational ayant autorité sur les institutions financières existantes, capable d’articuler et d’imposer, au-delà d’une simple remise en ordre purement technique de la sphère financière, une nouvelle gouvernance mondiale des flux financiers, aussi éloignée des fantasmes du marché pur que des tentations du socialisme de lutte de classes.

Dans cet esprit, une fusion du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale pourrait être envisagée, portant ainsi sur les fonts baptismaux une organisation sœur de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), et dotée, comme elle, d’un Organe de Règlement des Différends (ORD) ayant la capacité juridique de faire appliquer ses décisions par les Etats-membres

2. Faut-il taxer les mouvements de capitaux ?

L’anticipation de l’évolution des marchés financiers, est un moyen de se protéger des risques dus à leur instabilité. Ce type de spéculation légitime ne doit pas être confondu avec des spéculations dont le seul objet est une recherche d’enrichissement sans contrepartie économique. Dans ce deuxième cas faut-il taxer les mouvements de capitaux ?

Taxer ? L’idée est bonne, il faut l’approfondir. Le vrai problème n'est pas technique. Il vient du fait que l'on ne supprime pas un risque en rendant l'assurance plus chère. Une taxe de type « Tobin » permettrait de régulariser les opérations courantes, de réduire la volatilité "ordinaire".

Une taxe sur les mouvements de capitaux n'aurait d'intérêt que couplée à des réformes en profondeur, celles qui pourraient réduire les risques financiers, et pas seulement la spéculation mais avec une moindre instabilité des taux de change. Une « taxe Tobin » ne serait qu'un complément d'un ensemble de dispositions destinées à organiser la "gouvernance financière" entre états.

Il y a un "bien commun" de la finance qu'il faut affirmer, et qui passe par des règles négociées, non par la spéculation généralisée.

Il faut cependant en être bien conscient : pour être couronnée de succès, aucune démarche de refondation du système financier mondial ne pourra faire l'économie d'une réflexion poussée sur les valeurs qui doivent en sous-tendre la philosophie générale et les choix éthiques concrets. Une illustration directe de ces valeurs serait par exemple la suppression des paradis fiscaux qui, en échappant à l’impôt, se soustraient à l’obligation morale du partage des richesses. A propos du blanchiment d’argent, contrairement à l’opinion généralement admise, ce n’est pas hors de portée. Des solutions techniques existent. Plusieurs juges (Par exemple Eva Joly, Jean de Maillard, ou encore les juges ayant signé l’appel de Genève) ont écrit des ouvrages proposant ces solutions. Sans doute sont-elles perfectibles et amendables, mais elles peuvent constituer le socle de la réflexion. Naturellement l’ONG Transparency International peut-être aussi une source de propositions (comité pauvreté et politique).

3. Solidarité avec les pays les plus pauvres.

Au minimum, le respect des engagements pris au niveau de l’Aide Publique au Développement  (le 0,7 % du PIB) !

Faut-il annuler la dette extérieure des pays du « Sud » ? Pour les pays les plus pauvres, il faudra sans doute en passer par une annulation totale. Mais la gestion des fonds ainsi dégagés suppose des formes de gouvernance plus démocratiques dans ces pays.

Pour les pays à revenus moyens, la seule solution est de parvenir à rendre la dette supportable, c'est-à-dire à en indexer le remboursement sur le montant des exportations ou de la croissance économique. Sinon, il faudra bien en arriver à mettre en place une procédure de "mise en faillite" des Etats, de sorte que les créanciers ne se contentent pas, comme c'est le cas actuellement, d'échelonner les paiements, en repoussant à plus tard ce qui ne peut plus être payé aujourd'hui.

Dans les deux cas, le risque majeur est la réduction des transferts en direction des pays pauvres ou en développement. Résoudre le problème de la dette ne règle pas la question du financement du développement. Ce n'est qu'un préalable. Les ressources internes demeurent la base des investissements nécessaires.

4. Faire émerger un véritable droit social supranational

Les 180 conventions entérinées par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) constituent en elles-mêmes un socle social supranational. Si les normes qu’elles établissent sont une chose, les faire vivre est autre chose : peu d’entre elles sont appliquées par les pays signataires, particulièrement celles concernant l’élimination du travail forcé ou obligatoire (n°29 et 105), la liberté d’association et le droit de négociation collective (n°87 et 98), l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession (n°100 et 111), ainsi que l’abolition effective du travail des enfants (n°138 et 182). Mais le travail des enfants est parfois une ressource dont la famille ne peut se passer. Des ONG ont trouvé une solution : proposer une contrepartie alimentaire à la famille s'ils envoient leurs enfants à l'école. La situation n’est pas très différente dans les cas de l’Organisation Mondiale du Travail (OMS) ou du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE).

L’OIT s’est donné comme objectif majeur d’assurer « un travail décent », qui commence par la réduction du chômage mais ne saurait se réduire au fait d’avoir un emploi dans n’importe quelle condition. Ce concept et ce programme recouvrent à la fois l’accès à l’emploi mais aussi les conditions de travail, le droit d’être représenté et défendu, une sécurité de base, une protection sociale, la non discrimination, et finalement un ensemble large d’objectifs reflétant les aspirations plus générales des personnes.

Les pays sont appelés à se fixer  des objectifs économiques qui incluent des objectifs d’emploi auxquels ils se réfèreront comme des  critères  explicites pour la prise de décision dans le domaine macro-économique. Les systèmes de production mondiaux doivent  s’inscrire dans cette perspective.

Le développement économique à travers des grands groupes ou des grandes sociétés n’est pas l’unique solution.

Favoriser, pour l’individu, l’accès à une activité économique valorisante et responsable et aussi nécessaire à un développement harmonieux.

Le micro crédit en est la solution. Prêter à faible taux favorise l’initiative. Veiller au respect du « contrat » et au remboursement de la somme empruntée, éduque quant aux usages de l’économie « honnête ». Accorder un crédit plus important lorsque le précédent est rembourser favorise la croissance tout en mettant l’accent sur la responsabilisation morale et économique du bénéficiaire.

En Inde, en Afrique, en Amérique du Sud, des structures de financement par micro-crédit sont opérationnelles, et sans elles, un frange importante de la population resterait condamnée à la misère. Pour n’en citer que deux : Oïkocrédit et la SIDI qui veillent particulièrement au respect des engagements.

Le fait que le micro crédit soit un prêt et non un don est particulièrement valorisant pour son bénéficiaire.

L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui est la seule agence des Nations Unies à pouvoir imposer à ses pays membres l'obligation d'appliquer les décisions votées, et la seule à détenir un pouvoir de sanction, ignore le plus souvent les propositions du PNUE, de l'OIT ou de l'OMS. Tout se passe comme si l'OMC avait décidé de faire passer le commerce avant toutes les autres dimensions de la vie collective (et les plus réticents ne sont pas toujours les pays industrialisés!).

 Un accord général sur les normes devient nécessaire. Cette réflexion pourrait se développer dans le cadre d’un Conseil de Sécurité Economique et Sociale (voir, plus loin, le paragraphe sur la « Gouvernance ») qui serait en lien avec l’OMC, l’OMS, l’OIT et le PNUE. On pourrait imaginer, par exemple, que toute recommandation de l'OIT, de l'OMS ou du PNUE votée à une certaine majorité des pays membres s'impose à l'OMC.


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Annexe :

ETUDE D’UN CAS : LA PRODUCTION ET LE COMMERCE DU POULET

Le commerce mondial du poulet illustre bien la problématique décrite ci-dessus.

La production mondiale de poulet est en forte croissance. Les exportations progressent encore plus rapidement.

L’Union européenne (et notamment la France) est à la fois :

- exposée à l’offensive commerciale des pays émergents appliquant les techniques modernes de production intensive hors sol, notamment le Brésil, et perd globalement des parts de marché ;

- et exportatrice en Afrique subsaharienne où les importations de poulet congelé explosent. L’Union européenne y exporte notamment ses résidus de découpe (ailes, cous, carcasses, croupions), blancs et cuisses étant destinés à la consommation européenne. Les productions traditionnelles et même semi industrielles locales ne parviennent pas à rivaliser.

 

Dans les pays importateurs se posent des problèmes d’emploi et de déstructuration économique, sinon culturelle et sociétale.

L’examen des documents déjà diffusés par l’ARM d’Angers montre surtout la complexité du processus. Il n’y a pas simplement le Nord d’un côté et le Sud de l’autre, mais « des » Nord, et « des » Sud, des filières transnationales, avec des acteurs divers qui agissent selon leur intérêt, qu’il s’agisse de production, d’export, d’import ou de distribution et de consommation.

 

Une tension apparaît clairement entre les effets positifs de la libération des échanges sur la croissance économique : les prix baissent, la production progresse, la consommation de viande par habitant également ; et les effets négatifs pour les structures économiques qui subissent de véritables ruptures et doivent pouvoir se protéger contre elles. La vitesse des transformations, qui dépasse la capacité des personnes et des organisations est un des facteurs essentiels de cette tension.

Si l’on se situe au niveau des entrepreneurs, on voit côté français, la volonté de gagner sa part du marché par une recherche de qualité croissante avec des produits de plus en plus élaborés ; et côté africain on commence à développer l’aviculture semi industrielle, mais celle-ci se heurte à plusieurs difficultés : les financements, la dépendance qui en résulte à l’égard des entreprises étrangères, les infrastructures défaillantes, la qualification insuffisante des personnels. Cela montre que la politique de développement doit être globale.

 

L’industrialisation apporte une sensible baisse des coûts mais pose des problèmes dans les pays de production, notamment des problèmes environnementaux et de sécurité sanitaire et alimentaire.

NB : le poulet peut être considéré comme une machine à recycler des céréales pour les transformer en protéines. La filière repose sur la maîtrise de la chaîne du froid, ce que ne maîtrisent pas les pays africains.

 

 

 

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Axe 4 :

Gouvernance, régulation  et construction de la paix



Réalités d’aujourd’hui : pesanteurs et espoirs

"Gouvernance" économique, sociale et environnementale

La gouvernance politique, condition d'une paix véritable

Les systèmes d’organisation et d’alliances au plan des « régions » du monde.

Maintien de la paix et droit d’ingérence

Réalités politiques et traditions chrétiennes : interpellations mutuelles

Les impasses ou les dilemmes de la gouvernance mondiale

Usage de la force dans les situations de conflit

Des pistes pour l'action

Généraliser l’éducation à la bonne gouvernance

Dans le domaine des initiatives citoyennes, les Eglises ou les membres des ACM pourraient être particulièrement actifs

Valoriser le rôle des contrepouvoirs capables d’exprimer l’intérêt général

Favoriser la construction d'espaces régionaux mondiaux de coopération et de paix, tout particulièrement en Afrique.

Soutenir la construction progressive d'un édifice équilibré et ordonné des institutions mondiales.

 

 

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Réalités d’aujourd’hui : pesanteurs et espoirs

Au cours de la réflexion accomplie dans les axes précédents, à propos du développement durable, des migrations internationales et de la production de richesses, l’importance des règles du jeu fixées par les institutions internationales et de la qualité de leur application a été mise en relief.

L’ensemble de ces institutions, accords et règles qui structurent les échanges financiers et économiques mondiaux, les acteurs qui les influencent ou les administrent constitue ce qu’on appelle la « gouvernance mondiale ». Ce terme, dans notre perspective n’implique aucune adhésion à cet ensemble d’institutions, de règles et d’acteurs. Cet ensemble doit au contraire être réformé et complété :

-          réformé, car l’orientation de la mondialisation vers la recherche du bien commun, la préférence pour les pauvres et la justice, implique une organisation beaucoup plus multilatérale, ce que certains appellent une régulation internationale, moins dominée par une seule puissance et reflétant davantage la variété des nations ;

-         complété, car, aussi approfondies soient-elle, les règles internationales appellent toujours un engagement propre des communautés humaines, une responsabilité des acteurs.

Ce chapitre commence donc par une analyse des faiblesses et  des forces de la gouvernance actuelle. Dans une seconde partie il insiste sur le lien entre la sécurité internationale, la préservation de la paix et certains aspects des règles faisant partie de la gouvernance mondiale.

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"Gouvernance" économique, sociale et environnementale

La gouvernance mondiale subit aujourd’hui la critique car certains grands désordres actuels, touchant l’environnement, la spirale de l’endettement, la concentration de la pauvreté (voir axe 1), les migrations massives dans certains pays (vois axe 2), la persistance du chômage structurel et les crises financières (voir axe 3) seraient au moins – en partie – dus à ces défaillances. Ainsi par exemple, l’autorité insuffisante du FMI en matière de régulation financière, l’absence d’autorité prudentielle mondiale ont été mis en cause dans les difficultés rencontrées par certains pays ou région.. De même, l’insuffisance des mesures de coordination prises à l'échelle mondiale pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre peut ainsi être mise sur le compte du poids inégal des diverses institutions internationales [essentiellement le déséquilibre entre les institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale, FMI) et celles de la nébuleuse des Nations unies].

Les causes de cette défaillance ne font pas l'unanimité. Toutefois les analyses les    moins partiales mettent en évidence les traits suivants :

·         Datant de l'immédiat après guerre, le système est inadapté aux données nouvelles de la globalisation: le nombre de pays participants aux échanges internationaux a triplé ; de nouveaux thèmes d'interdépendance sont apparus, tel l'environnement, auxquels ne correspondent pas d'organisations internationales ; les piliers du système sont cloisonnés, alors que les interférences entre les problèmes sont multiples.

·         Le défaut de vision, d’éthique et d’outils de gestion à long terme de la planète correspond à la faiblesse de l’organe des Nations Unies en charge de l’application des principes de croissance et développement durable ; il se reflète dans l’ épuisement des ressources, la réduction de la biodiversité, et les pollutions (pétrole et gaz, effet de serre…).

·         Les piliers du système sont déséquilibrés : les différents "biens publics mondiaux" qu'ils sont censés gérer ne sont pas également traités : le traitement de la libre circulation des biens, par exemple, a jusqu'à maintenant éclipsé en grande partie celui du développement, de l'environnement; des droit humains et sociaux, en particulier travail et santé.

·        Les processus de décision au sein des organes les plus puissants ne reflètent pas les poids démographiques des nations. Les pays du Nord, fondateurs du système, sont dominants. Dans les piliers faibles (souvent ceux placés sous l'égide des Nations Unies), les mécanismes de décision sont paralysés.

A ces critiques systémiques s'ajoutent des critiques sectorielles, visant chaque institution en particulier, tout spécialement :

le FMI et la Banque mondiale, considérés comme excessivement confiants dans des mécanismes de marché, inopérants dans les pays les plus pauvres.

L’Organisation Mondiale du Commerce (qui place sur un pied d'égalité commerciale des partenaires très inégaux).

Les agences des Nations Unies, dont le manque de capacité de décision est aussi souligné.

Ces institutions (en particulier la Banque Mondiale et les Nations Unies) se sont d’ailleurs engagées dans un processus de réforme.

Face à ce constat pessimiste, souvent argumenté par des experts de premier plan, une partie du courant alter mondialiste est conduite à rejeter en bloc la gouvernance mondiale, au motif qu'elle porterait la responsabilité déterminante des maux de la globalisation: insoutenabilité de la dette, catastrophes écologiques, concentration des inégalités dans certains pays et dans certains groupes de population.

D'autres voix s'élèvent cependant contre la politique de la table rase, en s’appuyant sur les arguments suivants :

·         Il n'est pas exact que l'ouverture aux échanges internationaux (tâche dominante de la gouvernance actuelle) soit corrélative de pauvreté; les stratégies nationales de développement les mieux réussies comportent, en tant que condition nécessaire, mais non suffisante, une telle ouverture progressive du marché interne.

·         La qualité de la gouvernance interne des pays en développement joue un rôle décisif dans le succès des stratégies, encadrées ou non par les organisations internationales. En particulier, l'existence d'un Etat de droit, l'indépendance du pouvoir judiciaire, la lutte contre la corruption expliquent une part importante des inégalités de développement, entre les pays et au sein de chaque pays. .

·        Confier plus de pouvoirs et augmenter l'effectivité des institutions internationales demanderait la mise en place de dispositifs actuellement absents garantissant leur responsabilité, comme contrepartie de ces pouvoirs. Les renforcer implique de consentir à transférer à ces institutions une part plus importante de la souveraineté nationale. L'Union européenne montre qu'il n'est pas impossible de. progresser dans cette direction.

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La gouvernance politique, condition d'une paix véritable

Bien que la Charte des Nations Unies interdise le recours unilatéral à la force depuis soixante ans et que l’on ait un moment espéré que la chute de l’URSS ouvre une nouvelle ère dans les relations internationales, la guerre et le recours à la violence (y compris dans ses formes les plus archaïques : terrorisme, usage systématique de la torture et de la prise d’otages, civils utilisés comme enjeu…), restent toujours des moyens de la politique, bien que nous soyons délivrés des menaces de la guerre froide. Par leur ampleur (déplacements forcés de populations, réfugiés,…), ces phénomènes nous concernent tout en dépassant les capacités d’action de nos seuls pays pris individuellement.

-          Les acteurs de terrain attachés à contenir ces conflits et ces violences, tels que les médiateurs locaux ou coutumiers, les militaires des forces d'interposition, comme ceux qui s'efforcent de venir en aide aux populations victimes, tels que les collectivités territoriales, les Eglises locales et les organisations humanitaires pointent du doigt, au-delà des causes superficielles et des prétextes, un certain nombre des causes plus profondes, telles que: La précarité ou l'injustice économique et sociale, se rattachant aux défaillances de la gouvernance internationale ou locale, déjà évoquées..

-          La ségrégation ethnique, culturelle ou religieuse (et les risques afférents de dérives communautaristes).

-          L’instrumentalisation de « Dieu » comme « justification » des positions défendues par les camps en présence (déplacement des revendications politiques vers les oppositions religieuses).

-          La prolifération des moyens de destruction (surtout des armes légères, qui provoquent beaucoup plus de morts que les armes lourdes).

-         La privatisation de l’usage de la force (milices privées, emploi de civils militarisés, sociétés de sécurité,…) : comment des accords de limitation des armements pourraient-ils s’appliquer à ces nouveaux acteurs violents qui ne sont pas dans une logique d’état ?

Ces causes alimentent la peur (peur de l’avenir, peur de l’autre, peur des autres) qui devient ainsi un facteur important dans le déclenchement des guerres.

La charte des Droits de l’Homme pose comme principe premier la considération respectueuse de l’altérité. On a cru, au XXème siècle, pouvoir espérer et annoncer : « plus jamais la guerre ». Les promoteurs des droits de cette charte, dans sa visée universelle, ont été relayés, sur ce point, par les  Eglises. On se souvient de déclarations œcuméniques et du discours historique de Paul VI à l’O.N.U. Les droits de l’homme et le droit international, garantis par les Etats, devaient nous permettre d’en finir avec la violence et la guerre. Pourtant, ils restent des leurres si l’on ne prend pas les moyens personnels et collectifs d’atteindre les objectifs qu’ils proposent.

Cependant, l’organisation des Etats reste fragile si elle ne repose pas sur l’attitude personnelle de ses acteurs. La paix est une attitude et une volonté. Cette attitude se manifeste d’abord dans le courage et l’engagement personnels de certains acteurs. Leurs actes, loin de n’être que symboliques, ont ouvert la voie à des changements de structure et d’organisation qui relèvent de la « gouvernance ». Il en résulte une complémentarité féconde entre les efforts déployés dans les nombreuses initiatives privées, sources d’espérance, issues des Eglises, des organes de la société civile, et ceux de la communauté internationale pour organiser la prévention des conflits… Quant à la communauté internationale, deux innovations méritent d’être soulignées :

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Les systèmes d’organisation et d’alliances au plan des « régions » du monde.

L’ONU a été créée pour garantir au monde la sécurité et éviter que, par le fait de quelques-uns, une troisième déflagration ne puisse compromettre une paix chèrement acquise. Malgré de nombreuses maladresses, des erreurs et des échecs, cette énorme institution tente de remplir sa difficile mission. Son action se situe dans une contradiction qui la paralyse : la volonté de chaque Etat membre de préserver son indépendance, ses intérêts et son influence va à l’encontre de la prise de conscience de la plupart de ces mêmes Etats, que la construction de la paix ne peut reposer sur le seul jeu de leurs intérêts.

La manière lente et difficile dont se construit l’Europe, en faisant peu à peu sauter les clivages, les antagonismes, et tomber les peurs et les haines issues des siècles passés, nous est enviée, au-delà des frontières de l’Europe. S’il ne s’agit pas de présenter le processus de construction de l’Union européenne comme LE modèle à suivre par toutes les régions du monde, car il est spécifique et encore en cours, il s’agit par contre de montrer que toute domination stratégique par un Etat ou un groupe d’Etats sur une région ou sur le monde ne peut que favoriser les déséquilibres et compromettre la paix.

Sans doute l'un des acquis les plus importants de  la construction européenne consiste-t-il dans la mise en place progressive d'un espace régional de coopération économique, social et culturel dans son propre voisinage. La constitution d'un partenariat Euro méditerranéen, fondé sur les trois piliers du commerce, du développement et de la coopération politique et culturelle initiés par les accords de Barcelone, reste depuis une dizaine d'années le principal repère et le principal forum stables autour duquel se retrouvent l'ensemble des pays du bassin méditerranéen. L'équilibre à maintenir entre l'extension de cette politique de voisinage européenne et les exigences propres à l'approfondissement de l'Union élargie est une donnée essentielle pour le futur de l'Europe.

Maintien de la paix et droit d’ingérence

Dans la recherche de solutions pacifiques dans les zones de conflit, aux efforts de dialogue succèdent parfois des propositions d’intervention de forces militaires d’interposition, la plupart du temps, sous l’égide de l’ONU. Ces forces sont chargées d’empêcher les provocations et de laisser la place au dialogue politique pour résoudre la crise. Elles sont dans une situation délicate car considérées comme l’instrument du « pouvoir » et non comme instrument d’une réconciliation possible. On constate que leur action bloque le processus destructeur et fige une situation qui a tendance à perdurer (aujourd’hui, 23 opérations militaires extérieures dans le monde). Malgré leur bonne volonté, elles peuvent, du fait d’un manque de formation des personnels engagés dans ces actions, qu’ils soient politiques ou militaires.

D’un autre côté, la tentation de vouloir arrêter le feu au début d’un conflit a conduit, il y a quelques années, à prendre la décision d’intervenir au nom d’un nouveau droit d’ingérence reconnu. Cette expérience a pu répondre à certaines espérances. Elle n’est pas généralisable.

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Réalités politiques et traditions chrétiennes : interpellations mutuelles

Les défaillances de la gouvernance mondiale apparaissent d'autant plus vivement que l'humanité se fait "une". Cette unité planétaire de fait apparaît en décalage complet par rapport aux institutions qui devraient la servir. Il est donc légitime de chercher à « penser la mondialisation ».

Dans la perspective ouverte des ACM, des chrétiens proposent des références et des critères de jugement, tout en acceptant la pluralité des références, c’est-à-dire la confrontation avec d'autres points de vue, enracinés dans d'autres références culturelles ou religieuses.

Les impasses ou les dilemmes de la gouvernance mondiale

Les impasses ou les dilemmes de la gouvernance mondiale nous conduisent ainsi à mettre en avant les principes qui suivent, issus de la tradition chrétienne et dont la richesse est attestée par l'expérience de nos mouvements. Ils pourraient, selon nous, aider à fonder un "lien social mondial" :

1 L'actualité internationale confirme chaque jour l'existence de "biens communs " de l'Humanité, dont la préservation ou la promotion devrait constituer un fil conducteur du rééquilibrage entre les diverses institutions internationales actuelles. La liberté de circulation et d'échanges  fait certes partie de ces biens communs; elle est capable de générer la transmission du développement et de l'innovation. Mais elle doit composer avec d'autres biens communs, tels que la préservation pour l'ensemble des nations d'un patrimoine de ressources naturelles et de diversité biologique (voir axe 1), l'accès aux connaissances et outils de l'éducation et de la santé, conditions d’un travail décent (voir axe 3). En outre, la liberté de circulation des biens et des services, en tant que bien commun, est inséparable de la circulation des personnes (voir axe 2).

2 En même temps, la recherche de conditions de préservation de ces biens communs n'implique pas l'uniformisation des règles nationales, encore moins des cultures. Le fait de partager des valeurs communes, en particulier celles qui sous-tendent la Charte internationale des droits de l'Homme, n'implique pas que partout elles se traduisent dans des institutions ou des lois identiques. L’universalisme auquel ces valeurs communes nous conduisent est de nature expérimentale plus que dogmatique. Le principe qui permet de faire droit à la différence, à la diversité incontournable des peuples est celui de proportionnalité : nul ne peut être , au nom du bien  commun , astreint à une contrainte disproportionnée avec ce qui est utile pour accomplir ce bien. Le principe de proportionnalité, renforcé par celui de subsidiarité, doit aussi permettre de définir des transitions , des asymétries dans l'application des règles communes de la gouvernance mondiale , tenant compte en particulier des différences de capacité initiale de développement.

Si la notion de bien commun peut inspirer l'architecture des institutions internationales, elle a aussi des implications pour les acteurs de la gouvernance globale, tout spécialement les entreprises et les Etats. Elle assigne des limites aux droits découlant de la propriété. La "destination universelles des biens" trouve une actualité renouvelée, face à la résolution de questions inédites, telles que celles issues de l'épuisement de certaines ressources vitales, comme par exemple celles de la pêche ou de l’eau, ou des énergies d’origine fossile. L’option préférentielle pour les pauvres constitue aussi un guide utile pour la réforme des institutions financières internationales, dont une tâche essentielle est de contrecarrer les hégémonies financières.

Usage de la force dans les situations de conflit.

L’Eglise catholique a défini plusieurs principes éthiques pour guider la réflexion et exercer à un discernement au cas par cas :

La cause d’une telle intervention doit être juste, et, au delà de la légitime défense, prendre en compte le devoir de secourir un tiers menacé. (thème de la veuve et de l’orphelin). Il faut qu’une autorité légitime, de préférence internationale, vise un « bien commun », sous peine d’en revenir aux « guerres privées ». Il faut que l’intention soit droite, c’est à dire que l’intervention ne vise pas d’autres objectifs, moins avouables que celui affiché. La proportionnalité doit faire en sorte que le recours à la violence ne provoque pas des destructions supérieures à l’oppression ou à l’agression que l’on souhaite contrer. Enfin,  l’espérance de succès suppose qu’il y ait une probabilité raisonnable de réussite. Ce critère est utile à la fois face aux reproches fréquents de « deux poids deux mesures » et face à des emportements irréalistes «  si quelqu’un se noie et que tu ne sais pas nager ne plonge pas ». Enfin, l’exigence d’immunité des non- combattants, bien que de plus en plus difficile à respecter dans les conflits contemporains où à la fois les combattants sont épaulés par des soutiens de plus en plus nombreux et les civils connaissent sont bien plus de victimes doit être maintenue si l’on veut limiter la guerre en attendant de l’éradiquer.

Justice et Paix précise que « l’Eglise catholique ne cesse de rappeler que le recours à la violence – même quand il est légitime - marque toujours un échec. La violence ne fournit jamais, par elle-même, une solution : tout au plus peut-on admettre qu’elle constitue, dans certains cas exceptionnels, le seul moyen qui, dans l’urgence, permette de s’opposer à une agression dont les conséquences seraient, si on la laissait se poursuivre, bien plus meurtrières que la violence mise en œuvre pour la contrer. La guerre n’est pas déclarée « morale » en elle-même, mais seulement par comparaison avec une inaction perçue comme plus immorale encore, parce qu’abandonnant des populations au bon vouloir de ses bourreaux. Encore faut-il que l’usage de la force visant à désarmer le bourreau s’inscrive dans une perspective politique pour la sortie de crise ».

Le lien qui existe à long terme entre paix et développement, souligné par toutes les Eglises (voir, pour l’Eglise catholique, « Pacem in terris », 1963, et « Populorum Progressio », 1967), est devenu un acquis de la réflexion de la communauté internationale.

« Le développement doit être la première ligne de défense d’un système de sécurité collective fondé sur la prévention… » (Rapport au Secrétaire Général des Nations Unies, automne 2004).

Les Eglises participent intensément à l’éducation à la paix :

-         Le Conseil Œcuménique des Eglises (KEK) a lancé en 2001 la décennie (2001-2010) « Vaincre la violence » sur le thème « cultiver la paix, vaincre la violence : avec le Christ, pour le monde » (invitation aux Eglises à être un espace novateur inspirant des actions concrètes visant à vaincre la violence). La Fédération Protestante de France y a consacré ses Assises Nationales en octobre 2004.

-         La rencontre d’Assise, en 1986, de Jean-Paul II et des principaux représentants religieux du monde, poursuit son oeuvre chaque année sous l’égide de la communauté Sant’Egidio. Elle a éveillé de nombreux croyants au lien profond entre prière, démarche éducative et de réconciliation, et initiatives de paix.

-         Le CCFD et le Secours Catholique invitent constamment à décliner, dans le cadre de l’option préférentielle pour les pauvres, la paix à partir de l’équité et l’application du droit (exercice des libertés, civiques, économiques, culturelles et religieuses ; fonctionnement correct de la justice, contre l’impunité et pour le respect des victimes ; la démocratie participative ; l’éducation à la non-violence ; le renouvellement des institutions internationales.

Ces initiatives des Eglises manifestent qu'au motif de la justice et de la préservation de la paix mondiale, les Nations les moins développées , mais aussi les groupes sociaux défavorisés au sein des nations doivent recevoir une  attention prioritaire dans l'organisation et les buts des institutions de la gouvernance mondiale .Mais les buts poursuivis par les stratégies de lutte contre la pauvreté ne sont pas plus importants que la manière dont elles sont mises en œuvre: le respect de ces populations et leur participation effective aux stratégies sont des clefs du succès. Cela implique, en particulier que ces nations et ces groupes, tout comme les nations émergentes soient effectivement représentées dans les structures de décision de la gouvernance mondiale ou régionale.

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Des pistes pour l'action

Il y a sur le thème de la gouvernance, mondiale ou locale, une très grande convergence entre la perspective ouverte par le consensus universel et la tradition chrétienne. De longue date, en effet, les Eglises ont pressenti l'importance d'une forme de gouvernement mondial, à tout le moins d'institutions de régulation internationale, à la mesure d'une humanité qu'elles perçoivent comme un corps unique. L'idée que les religions se font du pouvoir comme un service, annonce également les exigences d'une gouvernance qui rend compte de ses choix. Elles ont été rejointes sur ce terrain par l'approche unificatrice des droits humains fondamentaux adoptée par une communauté internationale naissante. Ici encore, le point de convergence entre ces deux perspectives, celui d'où peut naître une interpellation féconde concerne le sujet humain: Qui est-il? Qu'est-ce que l'Homme ? En quoi se relie-t-il à tout homme ?

Nos propositions de pistes pour l'action procèdent à nouveau d'un acte d'intériorité personnelle. Nous pensons que pour concevoir les divers enchaînements d'une meilleure gouvernance locale, nationale et mondiale, il faut se situer soi-même dans la Création et consentir à un investissement de formation tout ensemble intellectuel et spirituel, dont les maîtres tels Teilhard de Chardin et Théodore Monod resteront des pionniers.

Généraliser l’éducation à la bonne gouvernance

Nous soutenons les initiatives qui peuvent être prises dans un cadre familial et éducatif visant à donner aux enfants et aux jeunes l’expérience de la gestion collective et prudente d’un bien commun : utilisation de l’eau, de l’énergie, de l’espace.

Dans le domaine des initiatives citoyennes, les Eglises ou les membres des ACM pourraient être particulièrement actifs :

- dans la création ou l’extension de « maisons de la paix ». Ces maisons largement  ouvertes, seront suffisamment ancrées sur le message évangélique et la passion de l’homme, pour interroger les acteurs du temps présent. Elles trouveront, dans l’enrichissement complémentaire de ces apports, les trois dimensions sans lesquelles elles ne sauraient exister :

§         la dimension de l’écoute et de l’humanité

§        la dimension de la parole et de la médiation

§        la dimension de la prière et de la contemplation.

- pour inviter fermement les responsables religieux à mettre en garde leurs fidèles contre  les lectures « littérales » de leurs textes sacrés, dont on constate qu’elles conduisent toujours à l’intransigeance et à la violence.

- pour développer chez les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté la conscience de  l’utilité de l’engagement personnel et de la force que peut exercer sur  les  décideurs la mobilisation et l’expression collective. Ainsi la possibilité d’initiative populaire pour des mesures législatives, comme le prévoyait le projet de constitution européenne, est un bon moyen pour cette éducation à la responsabilité. 

- La construction de la paix a besoin de bonnes règles et de bonnes  pratiques de gouvernance, mais elle ne concerne pas que les grandes institutions et l’organisation publique. Elle commence dans la disposition de cœur et d’esprit de chacun, à l’échelle de ses responsabilités personnelles. Les situations d’injustice et de conflits existent dans tous les domaines de notre existence et notamment dans la vie économique. Il est essentiel de faire vivre et de promouvoir à chacun de ces niveaux une culture active de la paix, inséparable de l’action pour la justice. (« Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent »- « heureux les artisans de paix »).

-    Si l'ordre moral lui-même "exige la constitution d'une autorité publique de compétence universelle" (Jean XXIII, Pacem in terris), alors il est logique de renoncer à l'idée d'une souveraineté absolue des Nations. Il faut être prêt à un exercice partagé de cette souveraineté, sur la base d'une vision partagée,  non seulement au niveau de l'ensemble régional européen  mais également à l'échelle mondiale.

Nous invitons nos Eglises à apporter leur contribution à la conception d’un ordre de paix cohérent avec la nouvelle interdépendance planétaire, prenant en compte :

-    les conditions de la mondialisation du droit, en contexte de mondialisation économique,

-          Les règles régissant les échanges, applicables à tous et les moyens (contrôles et sanctions) pour s’assurer qu’elles sont respectées,

-          l’évolution du rôle des Etats et leur fonction de garants du droit et des droits universels,

-          le renforcement urgent d’une justice internationale, capable de sanctionner les trafics et les  dérives financières, ainsi que les fonds provenant de la corruption,

-          le déploiement d’un droit international de l’écologie,

-          le contrôle strict de la production et du commerce des armes,

-          la nécessité d’une pensée du bien commun universel, dans la perspective d’un développement durable, qui intègre une approche positive de la limite (des ressources et des émissions comme de la consommation),

-          l’approche lucide et critique des phénomènes de violence terroriste,

-         la problématique théologique, centrale en christianisme, qui articule alliance et promesse : harmonie des relations et de la croissance des êtres ; expérience renouvelée d’une « terre promise » pour la communion entre les êtres et pour l’accomplissement de chacun.

Valoriser le rôle des contrepouvoirs capables d’exprimer l’intérêt général

Dans un système d’institutions internationales où le pouvoir exécutif n’est pas équilibré par une représentation parlementaire, il est normal de donner plus de force aux contrepouvoirs qui reflètent les attentes et les besoins fondamentaux des peuples.

Nous appelons à ce titre à donner un poids plus important à une consultation organisée et efficace des partenaires sociaux et de l’ensemble de la société civile par les instances multilatérales.

Nous soulignons de même l’utilité des efforts accomplis par le Conseil de l’Europe pour élargir le droit à l’information en vue d’un accès à des médias pluralistes et indépendants.

Favoriser la construction d'espaces régionaux mondiaux de coopération et de paix, tout particulièrement en Afrique.

Il sera difficile et certainement long de construire une gouvernance à l'échelle mondiale, plus cohérente et harmonieuse. Cette perspective sera en toute hypothèse plus aisément atteinte sur la base de regroupements intermédiaires régionaux, dotés d'une capacité de coopération "multilatérale" propre. C'est pourquoi nous proposons d'accélérer financièrement et politiquement la construction d'espaces régionaux de coopération et de paix, en commençant par les régions où l'Union européenne exerce déjà une responsabilité et une influence directes. La gestion de ces espaces, de manière différenciée, permettrait sans doute de mieux tenir compte des inégalités des avantages comparatifs, par exemple, en matière de coûts salariaux qui ne se résorbent que très lentement.

Cet enjeu ne concerne pas seulement la région à laquelle l'Union européenne appartient. Une priorité majeure s'attache désormais à l'achèvement d'un partenariat politique global avec le continent africain, sans préjudice des liens déjà établis dans le cadre euro méditerranéen. Les incohérences, les influences et les intérêts contradictoires de chaque nation européenne et de ces nations entre elles, constituent aujourd'hui un anachronisme au regard du contexte mondial présent. Une initiative d'ampleur et de qualité comparable à celle du plan Marshall, initié par les Etats-Unis au lendemain de la seconde guerre mondiale serait pleinement justifiée, afin d'ordonner dans une perspective homogène et coopérative les relations commerciales, économiques et de développement des gouvernements et des grandes entreprises qui se disputent actuellement, parfois au risque d'attiser des conflits locaux dramatiques, les richesses africaines.

Tous les ingrédients d'une telle initiative cadre sont disponibles: l'Organisation de l'Unité Africaine possède déjà des organes reconnus de médiation et de coopération politique , en partie inspirés de ceux de l'Union Européenne; un code de bonne gouvernance économique, environnementale et sociale a été volontairement adopté par un groupe de pays africains influents (NEPAD), une partie importante des pays d'Afrique subsaharienne est engagée dans un partenariat de développement multidimensionnel avec l'Union Européenne au travers de la nouvelle génération des accords ACP. Il manque à cet ensemble des institutions suffisamment fortes pour induire des règles communes reflétant les singularités des marchés africains, notamment celles qui devraient être appliquées par les grands opérateurs transformateurs de matières premières, ou garantir le financement d'une force africaine crédible de maintien de la paix ou assurer la gestion d'une forme d'Union douanière, reflétant les spécificités propres du continent africain dans les négociations commerciales mondiales. Notre pays ne peut assumer seul le poids d'une telle initiative. Mais il pourrait y prendre une part active, dans un contexte européen et répondrait alors à l'immense attente de la jeunesse africaine dont on mesure aujourd'hui le désespoir.

Si une telle initiative Euro-africaine voyait le jour, elle servirait de référence à une coopération renforcée des pays de l’Union européenne au sein des Institutions financières internationales lorsqu’elles interviennent en Afrique.

Soutenir la construction progressive d'un édifice équilibré et ordonné des institutions mondiales.

La réforme des institutions internationales dans les divers domaines politiques, financiers, commerciaux, environnementaux et sociaux, en vue d’un renforcement du système de règles multilatérales orienté vers le bien commun st un impératif prioritaire de notre temps auquel nous souscrivons. La souveraineté nationale ne peut lui être systématiquement opposée.

· Les orientations et les modalités de telles réponses ne doivent pas rester l’apanage des spécialistes ou des élites. Nous souhaitons au contraire que les initiatives prévues en la matière par notre pays fassent l’objet d’une communication claire à l’opinion publique et s’inscrivent le cas échéant dans le débat politique, par exemple à l’occasion des prochaines élections présidentielles.

· Nous soutenons de manière générale les actions qui visent à renforcer la capacité de décision multilatérale mondiale.

-          d’abord à l’échelle des diverses institutions existantes (institutions de Bretton Woods, le système des Nations unies). En particulier la capacité effective de décision, de sanction en cas de défaut d’application devra être accentuée.

-         Certains instruments multilatéraux dans le domaine de la sécurité doivent recevoir les moyens de leur application (Traité de Non Prolifération) ou être proposés (contrôle du commerce des armes légères).

· parmi les actions qui visent ce renforcement nous soutenons particulièrement le renforcement de la responsabilité européenne en tant que telle ; une représentation des pouvoirs de décision plus conforme aux nouveaux équilibres démographiques ; une reconnaissance accrue du rôle d’influence de la société civile.

· nous acceptons qu’en contrepartie de ce renforcement des mécanismes de contrôle soient mis en place tels que :

-  une « Cour des comptes » internationale, qui pourrait être saisie démocratiquement par les populations locales, en vue de la réalisation d’audits ;

-          l’organisation d’un « droit d’ingérence », analogue à ce que prévoit le chapitre 7 de la charte des Nations Unies en matière de situations d’urgence, également sur saisie explicite et ciblée des populations locales ;

-          l’intégration progressive et obligatoire, dans les décisions économiques,  des critères et mesures élaborés par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), et ne pas se fonder uniquement sur le critère du PIB.

-   généralisation de « Codes de conduite », dont l’efficacité est désormais montrée.

-          formation des gouvernants (et des aspirants gouvernants) aux exigences d’une bonne gouvernance, nationale et supranationale.

-          transparence renforcée sur les représentants de la société civile (origine, financement, membership), en vue précisément de renforcer leur légitimité.

-         régulation et contrôle mondial de la production et de la commercialisation des moyens de destruction (armes et techniques) en distinguant le niveau des armes  balistiques et nucléaires de celui des armes classiques, notamment des armes légères. Nous invitons à approfondir la doctrine de la non-prolifération et les conditions de son application   afin qu’elle n’apparaisse pas comme un moyen d’assurer l’hégémonie technique des grandes puissances.

Mais le renforcement des piliers du système multilatéral ne suffit pas. Nous soutenons aussi les réformes qui visent à rétablir une meilleure coordination entre ces piliers, en vue de la prise en compte de tous les « biens communs ».

A cet égard, nous demandons que soient examinées et approfondies les propositions qui conduiraient à l’établissement d’une forme de conseil de sécurité économique et social auprès des Nations Unies, ouvrant la voie à un conseil mondial au sein de cette instance. Nous voyons en particulier dans cette perspective, la possibilité d’une représentation des corps intermédiaires économiques et sociaux dont le rôle, en vue du respect de la dignité humaine, nous paraît essentiel.

 

 



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3. Les ACM : le sens de la démarche



Les ACM : Un itinéraire audacieux

1)        Les Assises Territoriales de la Mondialisation (ATM) : septembre 2002 - septembre 2003

2)        Le questionnaire envoyé aux mouvements chrétiens : septembre – octobre 2003

3)        L’élaboration du Livre Vert : novembre - décembre 2003

4)        Première assemblée synodale : Lyon, janvier 2004

5)        Les Ateliers Régionaux de la Mondialisation (ARM) : mars 2004 – mars 2005

6) Première formulation du Livre Blanc et consultation aux ARM et mouvements : avril - juin 2005

7)        Nouvelle version du Livre Blanc : septembre – octobre 2005

Les ACM : un itinéraire ouvert aux détours

1)         Du grand événement à un véritable travail d’élaboration collective

2)         De la parole commune à la dynamique des tensions

3)         Du rassemblement des mouvements au travail inter mouvements

Les ACM : un chemin d’Emmaüs

Les ACM : une nouvelle manière « d’être Eglise » ?

 

 

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Les ACM : Un itinéraire audacieux

« Dès la fin de l’année 2000, quelques Eglises et mouvements chrétiens directement concernés par les réalités de la mondialisation confrontent leurs analyses et mûrissent l’idée d’une expression nouvelle et partagée. Ils formalisent leur premier engagement, le 11 septembre 2001, et le projet des ACM est lancé en juin 2002, dans le but de rassembler les chrétiens autour de cette problématique contemporaine qu’on appelle « mondialisation ». Un long chemin a été parcouru depuis ce lancement, un chemin qui a été tracé et ajusté pas à pas, en fonction des possibilités nouvelles et des limites que chaque étape nous révélait. On peut ainsi identifier sept grands moments qui précèdent et donc préparent progressivement la rencontre de janvier 2006.

1. Les Assises Territoriales de la Mondialisation (ATM) : septembre 2002 - septembre 2003

Une quarantaine d’assemblées locales ont été organisées de façon conjointe par différents mouvements chrétiens, en fonction de leur présence régionale. Ces assemblées ont abordé différents aspects de la mondialisation, selon la sensibilité et l’intérêt dominants dans chacune de ces localités. Une grille de questions a permis de recueillir les résultats de chacune de ces ATM et d’identifier les thématiques liées à la mondialisation qui retenaient le plus d’attention.

2. Le questionnaire envoyé aux mouvements chrétiens : septembre – octobre 2003

Un questionnaire a été adressé aux Eglises et mouvements chrétiens en leur demandant de préciser la manière dont chacun était confronté à la mondialisation, sa façon de l’aborder à partir de sa spécificité ou compétence particulière, et de pointer les questions qui lui semblaient essentielles à ce propos.

3. L’élaboration du Livre Vert : novembre - décembre 2003

A partir des remontées des ATM et des réponses au questionnaire envoyé aux Eglises et mouvements, un Livre Vert fut rédigé. Une synthèse des contributions reçues fut proposée, incluant en particulier l’identification des principaux axes thématiques sur la mondialisation qui semblaient retenir le plus d’intérêt.

4. Première assemblée synodale : Lyon, janvier 2004

Le Livre Vert constitua le principal objet de débat autour duquel la première assemblée synodale des ACM fut organisée. Des représentants d’une quarantaine d’Eglises et de mouvements chrétiens participèrent à cette rencontre, à l’issue de laquelle on décida la suite du chemin autour de 8 axes thématiques. Cette assemblée fut un moment exceptionnel de reconnaissance mutuelle entre les différents mouvements chrétiens et d’exercice démocratique sur les décisions à prendre.

5. Les Ateliers Régionaux de la Mondialisation (ARM) : mars 2004 – mars 2005

Une trentaine d’ARM furent organisés dans de différentes localités, chacun autour de l’un des 8 axes thématiques retenus à Lyon. Les ARM, à la différence des ATM, ont été des groupes de travail qui ont réfléchi ensemble autour d’un thème et fait une contribution écrite à partir de leur réflexion. Chaque axe thématique était coordonné par un responsable au niveau national, appartenant au comité de pilotage des ACM.

6. Première formulation du Livre Blanc et consultation aux ARM et mouvements : avril - juin 2005

Une première version du Livre Blanc est rédigée à partir des remontées des ARM, synthétisées par chaque responsable d’axe, et enrichie des documents facilités par les  Eglises et mouvements sur les différentes thématiques abordées. Cette version est envoyée aux ARM, aux mouvements membres et à un groupe d’experts, afin de recueillir des réactions et des propositions de modification.

7. Nouvelle version du Livre Blanc : septembre – octobre 2005

A partir des réactions recueillies, une nouvelle version du Livre Blanc est élaborée, laquelle est envoyée aux participants des ARM, aux Eglises et aux mouvements en novembre, afin de préparer la deuxième assemblée synodale des ACM, en janvier 2006, à Lille.

Le chemin parcouru par les ACM depuis 2002 jusqu’à présent a constitué un itinéraire audacieux, à cause, d’une part, de la grande diversité des mouvements qui participent à cette aventure, et, d’autre part, d’une démarche qui s’est voulue dès le début, d’élaboration collective, et donc très participative et démocratique. Itinéraire audacieux car chaque mouvement membre a accepté de s’associer à un travail inter Eglises et inter mouvements, qui venait s’ajouter au programme particulier de chacun. Les difficultés, les confrontations, les hésitations, n’ont pas manqué, bien au contraire ! Mais ce qui est extraordinaire c’est qu’elles n’ont pas arrêté la démarche. Bien au contraire, elles ont poussé au débat et à l’invention progressive des procédures qui puissent permettre la participation la plus large possible. Les différences n’ont pas disparu, et la participation est loin d’être totale et soutenue, mais chacun de ceux qui ont participé, sort enrichi d’une expérience assez exceptionnelle d’unité tissée dans la diversité. Dans un monde habitué aux classements idéologiques et partisans, l’expérience des ACM constitue un véritable témoignage qu’un « autre monde est possible », pas un monde à pensée unique, qu’elle soit à droite ou à gauche, mais un monde commun construit sur des pensées différentes.

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Les ACM : un itinéraire ouvert aux détours

Cet itinéraire audacieux, a connu de détours par rapport au plan original, ce qui témoigne d’une capacité d’écoute et d’adaptation aux besoins que la démarche révélait au fur et à mesure qu’on avançait. Nous signalons en particulier trois détours décidés en cours de route.

1. Du grand événement à un véritable travail d’élaboration collective

La démarche originale avait prévu un grand événement en janvier 2004, comme aboutissement du travail des ATM. Mais la diversité constatée entre les Eglises et mouvements et l’ambition d’avoir une parole forte et pertinente sur la mondialisation, a conduit à un approfondissement de la durée et de la procédure de la démarche. Le rassemblement prévu en 2004 a été remplacé par le projet d’une assemblée synodale, avec des délégués des mouvements, qui pourraient vraiment débattre et décider ensemble le chemin à suivre. La diversité ainsi constatée, n’est pas une limite mais bien au contraire une richesse, susceptible de rendre ce travail collectif bien plus percutant et représentatif de la diversité nationale et mondiale.  En décidant ce détour, les acteurs de cette aventure ont mis en évidence la nécessité et le risque d’un témoignage collectif qui ne se réduise pas à un dénominateur commun de positions générales. Ce détour est un signe de courage et de sérieux de la démarche plutôt que de faiblesse et de défaillance.

2. De la parole commune à la dynamique des tensions

L’annonce d’une parole commune pose problème dès le début de la démarche. La prise de conscience de nos différentes sensibilités et analyses de la réalité, conduit à un nouveau détour. L’accent sera mis sur la dynamique des tensions, plutôt que sur l’élaboration d’une parole commune. Autrement dit, sur la traversée, plutôt que sur l’objectif final, ou encore, sur la marche, plutôt que sur l’arrivée. Ce détour est encore un signe d’ouverture et de profondeur : ouverture, car il s’agit, face que désaccord, d’en débattre plutôt que d’exclure ; de profondeur, car on considère que le partage des différences peut produire des déplacements qui engendrent une parole nouvelle, non pas le minimum commun entre deux paroles différentes, mais une parole vraiment nouvelle, élaborée ensemble, à partir de nos différences. Pari ambitieux, certes !

3. Du rassemblement des mouvements au travail inter mouvements

Enfin, un détour qui est sous-jacent aux deux précédents : le passage du rassemblement au travail partagé entre les mouvements. Nous n’avons pas l’habitude du travail œcuménique et « inter mouvements ». Certes, nous participons à des réseaux multiples et à des plates formes sur des thèmes d’intérêt commun (dette, IFI, etc.) mais ce sont des lieux d’échange d’information ou d’organisation des mobilisations communes. Nous n’avons pas l’expérience d’un travail de réflexion et d’élaboration dans la durée, fait ensemble entre membres de différents mouvements, et surtout des mouvements aussi différents. Viser le travail ensemble plutôt que le seul rassemblement, constitue, indépendamment du résultat final, un événement en soi.

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Les ACM : un chemin d’Emmaüs

Cet itinéraire audacieux, marqué par plusieurs détours, est devenu pour nous chemin d’Emmaüs, car quelque chose de fondamental concernant notre identité chrétienne s’est révélé au cours de la démarche. La force du message chrétien vient de ce que les remises en question provoquées par la confrontation au monde avec ses différences parfois  provocantes et ses interpellations souvent justifiées, ne nous détournent pas de notre Foi. L’expérience vécue des disciples d’Emmaüs, après la résurrection du Christ et relatée par Saint Luc, est celle à laquelle le chrétien est invité. Comme tout homme, il éprouve les plus grandes difficultés à comprendre le monde.

Le chemin d’Emmaüs est bien celui du dialogue avec Dieu incarné en la personne de Jésus. Comme les disciples sur la route avec Jésus, le chrétien peut avouer : «  nos cœurs sont lents à croire et nos esprits sans intelligence» lorsqu’Il nous ouvre à l’Ecriture, à sa propre Histoire sur la terre des hommes et à comprendre comment cette expérience humaine nous porte à sa rencontre.  La vérité sur les choses se dévoile à mesure que nous découvrons la lumière du Christ. Notre chemin personnel est comme celui d’Emmaüs : notre espérance chrétienne est mise à l’épreuve de réalités nouvelles et nous sommes saisis par des sentiments d’incompréhension, de déception, de révolte. Nous cherchons les moyens humains d’humaniser la mondialisation et avons l’impression d’être dépassés par un processus inexorable. Le chemin fait ensemble dans les ACM n’y a pas échappé. Nous avons connu des désillusions ou des  déceptions, mais ce fut dans la traversée des difficultés rencontrées, que  se révéla notre identité chrétienne, cette "spécificité" que nous cherchions vainement avec le secours de notre seule intelligence limitée. Aujourd'hui, au terme de ce travail synodal à propos de la mondialisation, elle nous apparaît comme:

-                    une identité qui se construit : L’identité chrétienne ne peut pas être définie a priori, comme réalité figée, ou vérité toute faite. Elle ne se réduit pas à une liste de principes partagés ou de valeurs communes. L’identité chrétienne se construit au long du chemin de notre histoire humaine. s’énonce à partir de notre expérience concrète d’hommes et de femmes.

-                    qui se construit ensemble : L’identité chrétienne n’est pas celle d’une personne en particulier ou d’un groupe éclairé, qu’il soit à la tête ou à la base. L’identité chrétienne est celle du tout le « peuple chrétien », composée donc de nos multiples appartenances. Elle est définie par cet universel qui se fait local, et prend dans chaque réalité historique, une forme différente.

-                   ensemble et en dialogue avec le monde : L’identité chrétienne prend de l’épaisseur à partir de son incarnation dans l’histoire humaine. Elle est le résultat d’une interpellation mutuelle entre les réalités historiques et notre expérience de foi. Dans cet instant qui  passe et renouvelle constamment la face du monde, Dieu se fait connaître.

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Les ACM : une nouvelle manière « d’être Eglise » ?

Les 16 et 17 janvier 2006, les ACM ont tenu leur deuxième assemblée synodale à Lille. Ce Livre Blanc a été au centre des échanges de l’assemblée. Sur la base des amendements proposés et votés, incorporés dans la présente version, le Livre Blanc a été validé par l’ensemble de l’Assemblée. Il est ainsi devenu « document de référence » et « plate-forme de dialogue » des ACM. Il n’est pas l’expression d’une parole unique mais celle d’une expérience de dialogue. Il n’a pas le statut d’une vérité adressée au monde mais celui d’une tentative actuelle « d’être Eglise ».

Il témoigne d’une rencontre vécue entre des chrétiens appartenant à des Eglises et mouvements divers, qui sont parvenus à mettre leurs différences en dialogue et à se laisser interpeller par la parole de l’autre. Le Livre Blanc est la trace de cette expérience exceptionnelle de rencontre inter ecclésiale, qui peut contribuer à renouveler la visibilité des chrétiens dans le monde. Il s’agit bien d’une manière originale d’être présents en tant que chrétiens : une présence qui passe d'avantage par l'écoute que par le jugement, par le discernement que par le décret, et qui trouve dans la rencontre le moyen de découvrir une Vérité évangélique toujours à approfondir.

Au cours de l'assemblée qui a finalement proclamé le Livre blanc en ce dimanche matin, avant la célébration œcuménique la majorité des participants a exprimé leur désir de soutenir ce souffle ressenti à travers le chemin des ACM. Les propositions qui suivent reflètent les travaux des ateliers qui ont précédé l'adoption du livre blanc.

Une première suite approuvée de façon majoritaire concerne l’appropriation et la diffusion du Livre Blanc, notamment à l’intérieur des Eglises et mouvements membres. A cet effet, le site Internet des ACM devrait devenir un espace d’échange, de partage et d’interpellation mutuelle, à partir des actions entreprises par chaque Eglise et mouvement, que ce soit pour diffuser que pour mettre en application les convictions du Livre Blanc.

Par rapport aux thèmes abordés dans le Livre Blanc, plusieurs questions ont été évoquées comme pouvant faire l’objet d’approfondissement dans le futur, tels que:la démographie, les nouvelles technologies, le chômage, les délocalisations, l’Afrique. Les Actes de l’Assemblée Synodale en feront état de façon plus précise. Ces thématiques à développer, selon la démarche des ACM, permettront de prendre en compte certaines dimensions transversales qui sont également à approfondir, telles que la formation et l’éducation, l’interculturel et l’expérience de l’altérité, le rôle des familles dans l’apprentissage de la socialisation, les médias comme moyen incontournable de communication.

Enfin, une limite de notre démarche a été soulignée de façon unanime : une vision trop « française » de la mondialisation. Le livre blanc sera décidément plutôt un point de départ qu’un point d’arrivée. Nous avons expérimenté une nouvelle manière de "faire Eglise", nous avons ressenti comme un souffle nouveau à travers cette nouvelle manière d’être dans le monde. Il s’agit maintenant de continuer d’élargir ce dialogue, entre nous, et au-delà de nos frontières.

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Sources du livre blanc

 

 

Les Ateliers Régionaux de la Mondialisation (ARM), qui se sont tenus sur l’ensemble du territoire français, en 2004 et 2005 :

Lorraine, Le Havre, Saint Etienne, Paris, Lyon, Sartrouville, Bourges, Roubaix, Saint Maur des Fossés, Dijon, Nancy Metz, les Vosges, Marseille, Ardèche Drôme, Tours, Angers, Romans, Côte d’Or, Finistère, Lille.

 

Les documents élaborés par les mouvements et associations membres des ACM :

Principalement : Justice et Paix, Secours Catholique (Caritas Internationalis), CCFD (Cidse), CFTC, Fédération Protestante, CMR (Chrétiens en Monde Rural), Fondacio, OPM-Coopération Missionnaire, Commission sociale de l’Episcopat, Mouvement des Cadres Chrétiens (MCC), Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (EDC).

 

Le projet de Livre Blanc a été rédigé par le Comité de Pilotage des ACM

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