Au commencement l’Amour

 

 

Au commencement l’amour

Genèse 3,1-24 ; Romains 5,12 et 17 ; 1 Corinthiens 15,20-22 ;
Jean 1,1 et 16-17 ; 1 Jean 4, 18-20

Mots-clés : péché originel, amour originel, parole (au commencement)

Texte fondateur de la « doctrine du péché originel »

Genèse 3,1-24 : la tentation et la chute : Alors que le chapitre 2 reflétait l'harmonie de la création, tout en elle est maintenant blessé, à cause du péché qui a été qualifié de péché des origines ou péché originel.

1 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux sauvages que l'Eternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: «Dieu a-t-il vraiment dit: 'Vous ne mangerez aucun des fruits des arbres du jardin'?»
2 La femme répondit au serpent: «Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. 3Cependant, en ce qui concerne le fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: 'Vous n'en mangerez pas et vous n'y toucherez pas, sinon vous mourrez.'»
4 Le serpent dit alors à la femme: «Vous ne mourrez absolument pas,
5 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme Dieu: vous connaîtrez le bien et le mal.»
6 La femme vit que l'arbre était porteur de fruits bons à manger, agréable à regarder et précieux pour ouvrir l'intelligence. Elle prit de son fruit et en mangea. Elle en donna aussi à son mari qui était avec elle et il en mangea.
7 Leurs yeux à tous les deux s'ouvrirent, et ils prirent conscience qu'ils étaient nus. Ils attachèrent des feuilles de figuier ensemble et s'en firent des ceintures.
8 Quand ils entendirent la voix de l'Eternel Dieu en train de parcourir le jardin vers le soir, l'homme et sa femme se cachèrent loin de l'Eternel Dieu au milieu des arbres du jardin.
9 Cependant, l'Eternel Dieu appela l'homme et lui dit: «Où es-tu?» 10 Il répondit: «J'ai entendu ta voix dans le jardin et j'ai eu peur, parce que j'étais nu. Alors je me suis caché.»
11 L'Eternel Dieu dit: «Qui t'a révélé que tu étais nu? Est-ce que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais interdit de manger?»
12 L'homme répondit: «C'est la femme que tu as mise à mes côtés qui m'a donné de ce fruit, et j'en ai mangé.»
13 L'Eternel Dieu dit à la femme: «Pourquoi as-tu fait cela?» La femme répondit : «Le serpent m'a trompée et j'en ai mangé.» 14 L'Eternel Dieu dit au serpent: «Puisque tu as fait cela, tu seras maudit parmi tout le bétail et tous les animaux sauvages. Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. 15 Je mettrai l'hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance: celle-ci t'écrasera la tête et tu lui blesseras le talon.»
16 Il dit à la femme: «J'augmenterai la souffrance de tes grossesses. C'est dans la douleur que tu mettras des enfants au monde. Tes désirs se porteront vers ton mari, mais lui, il dominera sur toi.»
17 Il dit à l'homme: «Puisque tu as écouté ta femme et mangé du fruit au sujet duquel je t'avais donné cet ordre: 'Tu n'en mangeras pas', le sol est maudit à cause de toi. C'est avec peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie.
18 Il te produira des ronces et des chardons, et tu mangeras de l'herbe des champs. 19 C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, et ce jusqu'à ce que tu retournes à la terre, puisque c'est d'elle que tu as été tiré. Oui, tu es poussière et tu retourneras à la poussière
20 Adam appela sa femme Eve, car elle devait être la mère de tous les vivants.
21 L'Eternel Dieu fit des habits en peau pour Adam et pour sa femme, et il les leur mit. 22 L'Eternel Dieu dit: «Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous pour la connaissance du bien et du mal. Maintenant, empêchons-le de tendre la main, de prendre aussi du fruit de l'arbre de vie, d'en manger et de vivre éternellement!»
23 Ainsi, l'Eternel Dieu le chassa du jardin d'Eden pour qu'il cultive la terre d'où il avait été tiré.
24 Après avoir chassé Adam, il posta à l'est du jardin d'Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante pour garder le chemin de l'arbre de vie.

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Textes de l’apôtre Paul, confirmant la prise en compte littérale du texte de la Genèse

Romains 5,12
C'est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché,...

Romains 5,17
Si par l'offense d'un seul la mort a régné par lui seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice régneront ils dans la vie par Jésus-Christ lui seul.

1 Corinthiens 15, 20-22
20
Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts. 21Car, puisque la mort est venue par un homme, c'est aussi par un homme qu'est venue la résurrection des morts. 22Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, …

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Autre approche de l’Evangile de Jean et de la première épitre de Jean 

Jean 1, 1 et 16-17
1 au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.

16 nous avons tous reçu de sa plénitude et grâce pour grâce, 17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues pas Jésus-Christ.

1 jean 4, 18-20
18La crainte n'est pas dans l'amour, mais l'amour parfait bannit la crainte; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n'est pas parfait dans l'amour. 19Pour nous, nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier. 20Si quelqu'un dit : J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur ; car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ? …

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Commentaire

Ce n’est pas l’obsession de nos péchés qui nous rapproche de Dieu, mais la conscience de notre dignité inséparable de son éternel amour. Dans son livre Libre réponse à un scandale[i], que vient de couronner le prix des Ecrivains croyants, le Père Martelet donne un magistral appui à une confiance trop assoupie dans le cœur des chrétiens. Il déclare impossible que la mort biologique résulte du péché d’origine encore que celui-ci confesse avec force les effets souvent mortels des fautes humaines.

Mais dans le grand mystère métaphysique qui s’interroge sur la présence du mal et du malheur dans le monde, le jésuite prend parti. Il ne consent pas, comme l’a fait la théologie commune, à accuser l’homme pour excuser Dieu.

Qui ne le suivrait ? La mort n’a pas attendu le pécheur pour apparaître, des milliards d’années avant lui. Faire d’elle non pas un dessein premier, mais la conséquence d’un châtiment, ne rend pas la face de Dieu moins terrible, et pourquoi ne demanderait-on pas compte au Créateur lui-même d’une si imparfaite créature ? Qui, surtout, accepte aujourd’hui que l’incarnation soit l’expiation par un sang innocent, commandée par un juge qui ne ferait qu’à ce prix la paix avec les hommes.

Paléontologue de formation, l’auteur se penche sur l’homme originel : il n’y trouve pas le péché –sauf ce « raté d’enfance » dont parle saint Irénée- ni la punition qui entraverait la créature. Il voit plutôt celle-ci grandir au cours d’une odyssée de deux millions d’années, se mettre debout, inventer l’outil, le langage, la sépulture, s’élever à l’intelligence des signes, pressentir quelque transcendance. Il se rend attentif à cet homme, infime reflet de Dieu, encore faillible, interminablement enfantin. Il en considère les humbles commencements qui occupent cependant la quasi-totalité de notre présence au monde : ils sont jalonnés d’échecs, de stagnation et d’efforts, mais ni leur lenteur ni leur passage ténébreux ne dissimulent les tâtonnements de l’esprit et sa montée irrépressible.

Le Père Martelet a le courage d’affronter sa foi à la science et il nous dispense de leur ordinaire pugilat. Car, ainsi, la science éclaire la foi, en la posant sur le socle de la réalité et non sur le sable de la croyance et en lui communiquant l’ample vision qui n’appartient plus qu’à elle depuis que les pères grecs se sont tus et qui entrouvre l’immensité de l’univers dans ses abîmes d’espace et de durée.

Mais la foi éclaire la science en osant lire dans ce long mûrissement la marche silencieusement ascendante de l’homme. Le dessein de Dieu, toujours là, se déchiffre : d’abord dans la modeste évolution, puis dans l’incarnation, enfin dans la divinisation future. Dans cette patiente histoire, les plus belles pages sont celles que le Père Martelet consacre au Christ : l’incarnation ne fait pas simplement œuvre de rédemption ; Jésus vient en « Sauveur », au grand sens oublié que lui donnaient les textes primitifs, pour transfigurer de sa grâce notre condition charnelle et pour nous donner de nous voir comme lui-même nous a vus, avec un visage qui devient la forme humaine de l’absolu.

Tout le livre célèbre la parole de saint Jean : « Il nous a aimés le premier. » En le refermant, c’est moins au péché que l’on pense qu’à l’amour originel.

France Quéré,1936-1995

La Croix, Avril 1984
Le sel et le vent, France Quéré
Préface de Paul Ricœur
1995, Bayard Editions, Centurion

pp. 59-61

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Au commencement l’Amour

 



[i] G. Martelet, Libre réponse à un scandale. La faute originelle, la souffrance et la mort (coll. Théologies). Paris, Cerf, 1986, 165 p.