Ce qui devait arriver n’arriva pas

Genèse 22, 1 à 19 ( pour le lire cliquer sur le texte)

LE SACRIFICE

D’ABRAHAM

 

Lorenzo Ghiberti :
baptistère de Florence
porte du Paradis
1425 – 1452

Bronze (en partie doré)
521 x 321 cm,
reliefs de 80 x 80 chacun

Ce relief représente en bas à gauche les anges apparaissant à Abraham lui annonçant un fils : Isaac. En haut et à droite Abraham s’apprête à sacrifier Isaac ; un ange l'arrête.

 

 

 

Ce récit de la Genèse est souvent désigné sous le nom de « sacrifice d’Abraham ». il fait partie des textes fondateurs des traditions juive, chrétienne et musulmane :

La tradition rabbinique appelle beaucoup plus justement cet épisode « la ligature d’Isaac », puisqu’il n’y a pas de sacrifice proprement dit.

D’après le Coran, Abraham, père des croyants a eu son fils aîné Ismaël avec son épouse Agar. En songe, il se vit sacrifier Ismaël et décida de le faire sur une montagne proche de la Mecque.

En dépit de cette divergence notable, dans les deux traditions Dieu envoie un ange portant un mouton pour remplacer le sacrifice de son fils.

Pour le christianisme il s'agit ici de la reconnaissance de la valeur de la vie humaine. Les premiers chrétiens ont vu très vite dans ce texte une préfiguration de l'œuvre de Dieu  en Jésus-Christ.

La tradition juive souligne qu’Abraham fut éprouvé dix fois par Dieu, pendant sa vie. La ligature constitue le dixième et l’ultime test. Le Talmud donne une version enrichie de cet événement. Le Talmud affirme que la requête de Dieu prit la forme d'une supplication : " Je t'en prie, apporte ton fils. "- qui indique Sa volonté à ce qu'Abraham surmonte cette dernière épreuve ! "Je t'ai éprouvé plusieurs fois et tu as toujours franchi ces tests, " dit Dieu. " Si tu ne surmontes pas cette épreuve, les gens pourraient dire que les premières étaient vaines et n’étaient pas sincères. "

Dans les trois traditions - juive, chrétienne, musulmane- Abraham est reconnu comme le " père des croyants ", notamment en raison de la manière dont il a supporté avec foi cette épreuve.

-         Introduction : Paul parle d’Abraham avec ferveur

-         De nombreux travaux autour de ce texte

-         C’est une histoire scandaleuse

-         Ne devrait-on pas prendre Abraham pour un intégriste ?

-         L’histoire d’Abraham nous amène sur le chemin de la foi

-         Le Dieu d’Abraham et de Jésus n’aime pas le sang versé

-         La foi, non les sacrifices

-         Sources

Introduction : Paul parle d’Abraham avec ferveur

Paul parle d’Abraham avec ferveur. Il le nomme vingt fois rien que dans ses lettres aux Galates, aux Corinthiens et aux Romains. Et presque toujours, il précise : « notre père », « notre père à tous » et plus nettement : «  Ce sont les croyants qui sont fils d’Abraham «  (Galates 5,7), qui sont «  bénis avec Abraham le croyant » (Gal 3,9). Impossible pour Paul d’évoquer Abraham sans parler de sa descendance : « Vous êtes de la descendance d’Abraham » (Gal 3,29). Et bien sûr, Paul avait sûrement lu et relu les textes de la Genèse où le Seigneur annonce à ce vieillard Abraham. Contre toute vraisemblance, qu’il deviendrait l’ancêtre d’une multitude de nations, qu’ «  à travers lui, toutes les nations de la terre seront bénies «  (Gn 12,3 ; cf. 22,18). Et pour Paul, c’est bien parce qu’Abraham a accueilli et conservé cette promesse incroyable (Ro 4,3) qu’il est devenu l’image même d’une foi vécue en ce Dieu qui donne gratuitement ce qu’Il donne. Abraham est le type des croyants, ce que signifie précisément l’expression « père des croyants » sous la plume de Paul.

Mais voilà : ces croyants se sont disputés, au point de se contester mutuellement leur identité d’enfants d’Abraham. Paul s’est vu obligé de mettre les points sur les points sir les « i ». Et lui, le prédicateur du don gratuit de Dieu, il a dû rappeler qu’il ne suffisait pas d’être né juif pour être vraiment un descendant d’Abraham (Ro 9,8). Il n’était pas, d’ailleurs, l’inventeur de cette grave mise en garde. Il semble bien que déjà Jean-Baptiste, quand il a vu arriver à lui des pharisiens et des sadducéens, les a violemment pris à partie : « Ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père » (Luc 3,8 et Matt 3,9), et il aurait ajouté : « De ces pierres Dieu peut susciter des enfants à Abraham ! ». Ce qui, derrière la mise en garde, reformule la promesse originelle de Genèse 12 : Dieu est décidé à susciter à Abraham des « enfants » qui, pour mener leur vie accorderont plus d’importance à sa promesse qu’à leur capital génétique et a leurs mérites.

Dans les années 80-90, alors que Jean-Baptiste, Jésus, Paul étaient morts depuis longtemps, juifs et chrétiens étaient devenus, hélas, des frères ennemis. Chaque « camp » déniait à l’autre la possibilité de se dire descendance d’Abraham. Dans l’évangile de Jean, qui date justement de ces mêmes années, c’est Jésus lui-même qui à la fois reconnaît une possibilité pour ses interlocuteurs juifs de se dire descendants d’Abraham et pourtant refuse que cette parenté soit comprise comme un acquis de naissance : « Si vous étiez vraiment les enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres qu’il a faites » (Jn 8,39). Autrement dit : vous vivriez et agiriez portés par la foi dans la promesse faite à Abraham et non comme des titulaires d’un droit ou d’un privilège inaliénable.

Ce conflit de la seconde moitié du premier siècle a, hélas, vous le savez, abondamment nourri par la suite un antisémitisme prétendument chrétien.

Tout ceci avant la méditation de notre texte pour dire combien les récits de la Genèse, et celui de Genèse 22 en particulier, sont fondamentaux dans les écrits bibliques.

De nombreux travaux autour de ce texte (Genèse 22, 1 à 19)

Ce récit a donné lieu entre autres à de savants travaux de spécialistes tournant autour du problème des sacrifices, et en particulier des sacrifices d’enfants, à une pièce de théâtre de Théodore de Bèze, le successeur de Calvin à Genève, à des peintures aussi. L’une d’elle, due au Tourangeot Nicolas de Lyre, en 1500. Cet enlumineur a représenté cet épisode, qu’il intitule improprement, à la suite de bien d’autres, « le sacrifice d’Abraham ». en légende de l’illustration on peut lire le texte suivant :

Cet épisode illustre l’infériorité de la relation charnelle sur la relation spirituelle puisqu’un père accepte de sacrifier son fils par amour pour Dieu. Isaac, les mains jointes, prie à genoux sur l’autel. Son père lui tient les cheveux de la main gauche et, de sa main droite, lève l’épée prête à s’abattre. L’ange, sur ordre de Dieu, vient in extremis retenir l’arme et empêcher le sacrifice.

Et je me souviens de plusieurs veillées dans le Gard, au nord d’Alès, où un cher ami darbystes, assidus à nos rencontres, priait d’abondance (comme ont l’habitude de le faire nos amis darbystes). Dans sa longue prière de louange il repartait, systématiquement, du sacrifice d’Abraham en évoquant l’obéissance d’Abraham, la soumission du fils Isaac, préfiguration de l’œuvre de Dieu en Jésus-Christ, « lui qui n’a pas épargné son propre fils, mais l’a livré lui-même pour nous ». N’est-il pas écrit : le sang de Christ nous purifie de tout péché.

Reprendre littéralement les textes. Nous redire pieusement l’histoire comme nous l’avons apprise. Pourquoi pas ? Bien sûr. Mais pour transmettre la vérité de l’Evangile à nos contemporains, ne faut-il pas aussi nous demander : mais qu’est-ce que cela veut me dire aujourd’hui ? Comment partager sur Dieu aujourd’hui ?


C’est une histoire scandaleuse !

Habitué à ces récits dès notre enfance, ils ne nous choquent peut-être pas, ou plus.

Et pourtant c’est une histoire scandaleuse, et elle est dans la Bible.

Mais les histoires qui nous embarrassent ont un sens. Elles sont là pour dire : Dieu a une parole pour nous, une parole jamais conforme au standard en vigueur, une parole qui n’est pas là pour dire ce que nous aimerions entendre mais qui est là pour nous faire prendre un autre chemin.

Il arrive que cette parole soit folie pour les uns, et scandale pour les autres. C’est le cas de ce récit.

Voici : pour obéir à Dieu un père est prêt à tuer son fils. Ce père, c’est Abraham. Il est originaire de la Mésopotamie, cette région qui s’appelle aujourd’hui l’Irak. Il se dit appelé par Dieu et à l’âge de 75 ans, il quitte son pays et se met en marche vers la terre que Dieu lui promet. La route sera longue, elle lui fera connaître des épreuves variées, mais Abraham ne s’arrêtera jamais.

Si quelqu’un s’arrête en chemin, c’est plutôt le lecteur. Effrayé par cette histoire de sacrifice, il ne veut plus avancer, et se dit : pourquoi cet enfant, donné à Abraham et Sara, doit-il mourir ? Comment Dieu peut-il demander quelque chose d’aussi cruel ?

Oui, la plupart du temps, Dieu est mis au banc des accusés, et Abraham est admiré pour son courage et son obéissance silencieuse. Dans ce procès imaginaire, Dieu est le coupable, et Abraham la victime qui refuse de porter plainte.

Mais Issac, de qui est-il la victime ?

Pourquoi Abraham serait-il épargné dans cette affaire, lui qui s’apprêtait à ne pas épargner son propre fils ? On pourrait très bien l’accuser lui aussi, l’accuser de tentative de meurtre, d’avoir voulu entrainer la mort sans intention de la donner.

Je vous le demande : actualisons, je vous en prie. Les medias nous ferait part aujourd’hui d’un tel événement et nous dirait : voilà, au nom de sa vision, un tel est parti avec son fils et est allé le sacrifier au dieu qu’il vient de voir en songe. Ne crierions-nous pas à la barbarie ? Ne demanderions-nous pas aux pays duquel relève cet individu d’appliquer les droits de l’homme, éventuellement sous peine de sanctions ? Une mobilisation des associations nationales et internationales (ACAT, Amnisty international, …) militant pour les droits de l’homme serait organisée. N’est-ce pas ?


Ne devrait-on pas prendre Abraham pour un intégriste ?

En fait, si on ignore les étapes de la vie d’Abraham, on pourrait le prendre pour un intégriste. Car Dieu lui dit : « Offre-moi ton fils en sacrifice », et Abraham le fait. Sans broncher, sans aucune révolte de sa part, comme si ça allait de soi !

A votre avis, Abraham n’en fait-il pas un peu trop ?

Quand Dieu lui demande d’interrompre son geste mortel, c’est comme s’il lui disait : mais arrête donc ! Ne vois-tu pas que tu vas trop loin ? Croyais-tu que j’allais te laisser faire jusqu’au bout ? Pourquoi penses-tu que je te demande cela ?

Ceci dit, ce qu’Abraham était prêt à faire, combien de gens ne l’ont pas fait en allant jusqu’au bout ? Combien n’ont pas tué leur prochain au nom de leur Dieu ? Combien d’atrocités n’ont pas été –et sont encore- commises en son nom ?

En fait, si Abraham avait été intégriste, il n’aurait pas écouté la voix de Dieu lui ordonnant d’arrêter son geste. Il aurait été jusqu’au bout, car l’intégriste est celui qui veut faire la volonté de Dieu, que Dieu le veuille ou non. L’intégriste est quelqu’un qui ne sait pas entendre une parole autre que la sienne.

Ce n’est pas le cas d’Abraham. Il était attentif à ce que pouvait dire Dieu à tout moment. Seul celui qui attend quelque chose peut-être attentif.

Abraham a entendu, et probablement n’attendait que ça. Trois jours d’attente. Abraham pouvait-il croire que la volonté de Dieu était la mort de cet enfant promis !

Dieu veut-il la mort ? Sinon, pourquoi laisse-t-il  faire le mal ?

Il me semble que notre récit dit des choses importantes à ce sujet.

-       Tout d’abord –et on ne le dira jamais assez- c’est l’histoire d’un sacrifice qui n’a pas lieu. Il faut donc cesser de l’appeler le « sacrifice d’Isaac ».

-       En revanche, certains peuples à l’époque d’Abraham, pratiquaient les sacrifices humains pour obtenir la faveur de leurs dieux. Et notre récit réagit fortement contre ces rites abominables. Il nous révèle l’identité du Dieu d’Abraham : celui qu’on appelle Dieu le Père s’oppose radicalement au mal. Il dit « arrête, Abraham ! ». Pour qui me prends-tu ? Les sacrifices humains me sont en horreur ! Peux-tu imaginer Dieu capable d’agression ?

Et pourtant, quelques siècles plus tard, Paul, l’apôtre, le prédicateur de la grâce gratuite ose justifier l’interdiction faite aux disciples du Christ de se faire justice eux-mêmes en se vengeant, et il justifie cette interdiction en réservant à Dieu « vengeance et rétribution » (Rom. 12, 19 citant Deut 32, 35) !

Aujourd’hui, devant Dieu et devant les millions d’êtres humains sacrifiés au quotidien sur l’autel du pouvoir, de l’argent, du nationalisme, nous sommes tentés de redire avec Caïn : je ne suis pas le gardien de mon frère.

Quatre mille ans après Abraham, nous vivons dans un monde qui n’a toujours pas abandonné la pratique des sacrifices, un monde régi par des faux dieux, un monde qui sacrifie les plus faibles.

-           Le Dieu de la Bible est absent de ce monde religieux qui ne veut pas de lui. Lui qui est le plus grand de toute la création, il vit parmi les plus petits et il chemine avec les oubliés. C’est là qu’on peut le rencontrer.

-           Oui, il faut dépouiller Dieu de toutes les représentations simplistes que l’on a de lui, pour trouver le Dieu inattendu : le Dieu d’Abraham qui demande la vie de son enfant et qui le sauve, le Dieu de l’Evangile qui meurt sur la croix et ressuscite le troisième jour.

La Résurrection, disait Georges Casalis, c’est le cadeau offert à chaque être humain pour qu’il puisse naître à la vie au sein de sa propre existence.

Cette résurrection, Abraham et Issac en font l’expérience au bout de trois jours de marche. Au bout du chemin. Le chemin de la croix. La croix portée ensemble, père et fils, comme si leur vie ne faisait qu’une.

L’histoire d’Abraham nous amène sur le chemin de la foi

L’histoire d’Abraham nous amène sur le chemin de la foi, là où il faut marcher avec la confiance comme seul bagage. Sans se fonder sur une pensée affirmant qu’il faut se mortifier – se mettre à mort, se « kamikaser » – pour être agréable à Dieu. La foi est une épreuve sans preuve. Elle ne se démontre pas, elle s’éprouve. Tout ce qu’il sait (même si c’est faux, et qu’il épouse en cela la pensée de son temps) c’est que Dieu lui demande son enfant et tout ce qu’il croit, c’est, dit-il, que « Dieu veillera ».

Sur la route de la foi, pas d’assurance tout risques : c’est plutôt le risque assuré. Abraham doit faire un saut dans le vide, accepter l’absence de garantie, de contrepartie de la part de Dieu.

Celui qui croit est vraiment à découvert.

Abraham fait l’expérience de la foi toute nue.

Celui qui croit n’a que ses convictions pour vivre. Ainsi le croyant découvre qu’il ya quelque chose de plus important que la vie : c’est ce qui est centre de la vie. Plus important que la vie est sa signification.

Pour Abraham, le sens est donné au bout du chemin : c’est l’annonce de la Résurrection, formidable contestation contre la fatalité de la mort. Dieu veut la vie de l’enfant. Et il le sauve. Dans cette histoire, ce n’est pas l’enfant qui est sacrifié, c’est la fatalité qui meurt, car ce qui devait arriver n’arriva pas. Isaac est vivant.

L’Ecriture nous dit que ceux qui sont agréés par Dieu, ce sont ceux qui la foi d’Abraham.

Abraham est le prototype du disciple, le « père »  des disciples ? Pourquoi ? Paul déclare : « Abraham eut foi dans le Seigneur, et pour cela le Seigneur le considéra juste »(Gal. 3,7). Et c’est cette relation de foi, non une ascendance ethnique ou simplement d’état civil, qui fait d’une femme ou d’un homme un enfant d’Abraham.

La réponse d’Abraham à la question d’Isaac « Dieu saura voir l’agneau pour l’holocauste, mon fils ! » (Gn 22, 8) exprime on ne peut mieux cette confiance, qui ne suggère pas le miracle mais se contente d’être confiance.

Le Dieu d’Abraham et de Jésus n’aime pas le sang versé

Le Dieu d’Abraham et de Jésus n’aime pas le sang versé, fût-il religieusement versé, pieusement versé ! Et je dis bien le Dieu d’Abraham et de Jésus, le Dieu d’Israël, sans opposer un dieu redoutable qui serait celui du Premier Testament au dieu bon du Nouveau Testament.

-       Vous connaissez sans doute cette véhémente protestation transmise par le prophète Amos de la part du Seigneur : « Je ne puis sentir vos rassemblements quand vous faites monter vers moi des holocaustes ; votre sacrifice de bêtes grasses, j’en détourne les yeux » ; j’arrête ici la citation, mais elle se poursuit sur le même ton.

-       Découvrons le Dieu d’Abraham et de Jésus-Christ qui donne sa propre vie, mais non pas en sacrifice.

Dans les paroles d’un chant qui a été composé il y a quelques années dans la mouvance évangélique, le verset de Jean 3,16 a donné naissance à un cantique qui dit : «  Dieu a tant aimé le monde qu’il a sacrifié son Fils. . . «  Malheureusement pour les compositeurs et paroliers du chant, le récit de l’Évangile ne dit pas littéralement qu’il a été sacrifié. Vous avez là l’exemple type de l’interpénétration entre ce que dit le texte et ce que l’on en interprète immédiatement en pensant que l’amplification abusive du récit l’éclaire et lui donne sa vérité.

En réalité, je ne crois pas que Dieu a sacrifié son Fils ; certes il y a eu dans l’Église dès les premières heures et les premières années des débats sur l’œuvre de Jésus par rapport à Dieu et à la tradition qui était la sienne à l’origine. Si la tendance de l’Église a été de prendre en compte la notion de sacrifice, dans une culture religieuse marquée par les sacrifices de réparation et de réconciliation envers la divinité et si l’Église y a répondu en disant désormais il n’y aura plus de sacrifice, s’il y en a eu un c’est celui de la croix et aucun autre, il ne faut pas tomber dans le travers qui donne à la théologie sacrificielle trop de place dans l’expérience chrétienne. L’épitre aux Hébreux est là pour le démontrer à la communauté juive.

Dans la tradition chrétienne, on a parfois trop insisté sur le fait que Dieu avait volontairement fait mourir Jésus pour satisfaire sa justice. Des théologiens se sont même interrogés sur «  la rançon que Dieu était censé payer au diable pour nous arracher à son empire « , ou encore sur la nécessité de l’offrande sanglante d’un être pur et sans tache, pour satisfaire la justice de Dieu ; ou même sur la clémence de Dieu qui ne trouvant chez les humains aucun qui fasse le bien, livre lui-même celui qui l’incarnera !

Or, cela ne doit pas nous faire oublier que le sacrifice humain au sens : «  il faut qu’il meure et que le sang coule pour que Dieu soit clément «  n’est pas dans la logique biblique. Alors qu’Abraham croit avoir entendu Dieu lui demander qu’Isaac soit immolé, Dieu attrape sa main et lui recommande de ne pas le faire.

Aucun sacrifice humain ne pourrait être une bonne odeur aux narines d’un Dieu sauvage et cruel, car il ne se contenterait pas d’un seul ! De plus le Dieu de la bible, celui que révèle Jésus, n’est ni cruel ni sauvage, mais il arrive que les hommes le fassent à leur image et lui prêtent cette intention.

Jésus a sacrifié sa vie de son plein gré, car il voulait aller jusqu’ au bout de ses convictions, certes il avait ouvert son esprit à l’œuvre de Dieu et dans sa marche plus rien ne pouvait le faire revenir en arrière. Mais ce n’est pas la mort de Jésus qui nous rachète, c’est Dieu qui le fait et qui se sert de la mort de Jésus pour nous le signifier. Alors que nous pensions que tout est fini, tout renait et recommence. Le monde est et demeure l’objet de l’amour infini de Dieu.

Malgré l’assassinat commit sur le fils par les vignerons homicides de la parabole, nous demeurons l’objet de l’amour infini de Dieu.

La foi, non les sacrifices

L’auteur de l’épitre aux Hébreux, clôture, achève magistralement. Dans son chapitre 11 il souligne le rôle central de la foi, sa nature, ses effets, et toutes les promesses qui s’y rapportent. Pour achever, écoutons l’exhortation conclusive qu’il donne. C’est un vibrant appel à la persévérance de la foi.

Hébreux 12, 1 – 2.

1 Nous donc aussi, puisque nous sommes entourés d'une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui nous enlace si facilement, et courons avec persévérance l'épreuve qui nous est proposée,

2 les yeux fixés sur Jésus, dont notre foi dépend du début à la fin. Au lieu de la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix, méprisant la honte, et il s'est assis à la droite du trône de Dieu.

   Philippe Vernet

    Prédication au Temple de Lecelles (12 mars 2006)

   et

Commission interreligieuse de Saint-Amand
« Le sacrifice dans les religions »
Interprétation et actualisation chrétienne protestante de Genèse 22


Sources

Titia Philipoussi – Koen, pasteur de l’Eglise réformée de France à Châlons-sur-Marne en 1994, prédication sur France Culture du dimanche 27 février 1994.

Etienne Babut, prédication sur Gn 22, 1 à 14 (www.erf-hainaut.net/Etudes bibliques & articles/Gn_22_1_a_17_PRED.html cliquer sur « paroles de la Bible », puis sur « liste des fiches bibliques »)

En réalité, nous avons affaire non pas à un reportage mais, bien sûr, à une composition théologique complexe, peut-être pas écrite en une fois ni d'une seule main, que nous ne savons pas dater de façon certaine, que nous ne pouvons donc pas situer dans un contexte, dans un environnement historique et cultuel susceptible d'apporter quelque éclairage. Cette composition théologique en forme de récit cherche à dire en tout cas aux Israélites d'abord, et au-delà d'Israël ensuite, que Dieu ne veut justement pas de sacrifices humains, ces sacrifices que pratiquaient divers voisins d'Israël et parfois aussi des responsables israélites, malgré l'interdiction formelle que nous lisons par exemple dans le Deutéronome (18, 10). Il n'empêche: l'interdiction des sacrifices humains ici sous la forme d'une intervention in extremis d'un ange n'explique pas pourquoi il fallait soumettre Abraham et Isaac à cette terrible angoisse. Comment justifier une telle "pédagogie" imputée à Dieu, ici mais aussi ailleurs dans la Bible ? Serait-elle compatible avec la démarche du Dieu de Jésus, le Père, notre Père ?

Frédéric Verspeeten, prédication sur Jean 3, 16 (www.erf-hainaut.net cliquer sur « paroles de la Bible », puis sur « liste des fiches bibliques »)

 

 

 

 

 

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Genèse 22, 1 à 19

 

 

1 Après cela, Dieu mit Abraham à l'épreuve; il lui dit : Abraham ! Il répondit : Je suis là !
2 Dieu dit : Prends ton fils, je te prie, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t'en au pays de Moriya et là, offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je t'indiquerai.
3 Abraham se leva de bon matin, sella son âne et prit avec lui deux serviteurs et Isaac, son fils. Il fendit du bois pour l'holocauste et se mit en route pour le lieu que Dieu lui avait indiqué.
4 Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit le lieu de loin.
5 Abraham dit à ses serviteurs : Vous, restez ici avec l'âne; moi et le garçon, nous irons là-haut pour nous prosterner, puis nous reviendrons vers vous.
6 Abraham prit le bois pour l'holocauste et le chargea sur Isaac, son fils, et il prit lui-même le feu et le couteau. Puis ils continuèrent à marcher ensemble, tous les deux.
7 Alors Isaac dit à Abraham, son père : Père ! Il répondit : Oui, mon fils ? Isaac reprit : Le feu et le bois sont là, mais où est l'animal pour l'holocauste ?
8 Abraham répondit : Que Dieu voie lui-même quel animal il aura pour holocauste, mon fils !
Et ils continuèrent à marcher ensemble, tous les deux.
9 Lorsqu'ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait indiqué, Abraham y bâtit l'autel et disposa le bois. Il ligota Isaac, son fils, et le mit sur l'autel, par-dessus le bois.
10 Puis Abraham tendit la main et prit le couteau pour immoler son fils.
11 Alors le messager du SEIGNEUR l'appela depuis le ciel, en disant : Abraham ! Abraham ! Il répondit : Je suis là !
12 Il dit : Ne porte pas la main sur le garçon et ne lui fais rien : je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique.
13 Abraham leva les yeux et vit par-derrière un bélier retenu par les cornes dans un buisson; alors Abraham alla prendre le bélier et l'offrit en holocauste à la place de son fils.
14 Abraham appela ce lieu du nom d'Adonaï-Yiré (« YHWH voit »). C'est pourquoi l'on dit aujourd'hui : A la montagne du SEIGNEUR, il sera vu.
15 Le messager du SEIGNEUR appela Abraham une seconde fois depuis le ciel;
16 il dit : Je le jure par moi-même, – déclaration du SEIGNEUR – parce que tu as fait cela, parce que tu n'as pas refusé ton fils, ton fils unique,
17 je te bénirai et je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est au bord de la mer. Ta descendance prendra possession des villes de ses ennemis.
18 Toutes les nations de la terre se béniront par ta descendance, parce que tu m'as écouté.
19 Abraham revint vers ses serviteurs, puis ils s'en allèrent ensemble à Bersabée, car Abraham habitait à Bersabée.