Jésus a dit : C'est moi qui suis le chemin, la vérité et la vie

 

 

www.eglise-protestante-unie.fr

Jean 14, 1-6 : Le chemin du Père

1Que votre cœur ne se trouble pas. Mettez votre foi en Dieu, mettez aussi votre foi en moi. 2Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. Sinon, vous aurais-je dit que je vais vous préparer une place ? 3Si donc je m'en vais vous préparer une place, je reviens vous prendre auprès de moi, pour que là où, moi, je suis, vous soyez, vous aussi. 4Et là où, moi, je vais, vous en savez le chemin. 5Thomas lui dit : Seigneur, nous ne savons pas où tu vas ; comment en saurions-nous le chemin ? 6Jésus lui dit : C'est moi qui suis le chemin, la vérité et la vie. Personne ne vient au Père sinon par moi.

* * * * *

Ce texte se situe avant la crucifixion de Jésus. Quelques jours avant sa mort Jésus livre ces paroles remarquables à ses disciples. Jean est le seul à nous relater cet épisode intime avec les douze et peut-être aussi avec quelques disciples femmes qui étaient là mais dont on a préféré ignorer la présence.

Les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc) ne relatent pas cette conversation intime de Jésus à cœur ouvert. Que l’on peut aussi qualifier de testament spirituel de Jésus ! Peut-être en avaient-ils connaissance, mais dans le trouble de ces derniers instants ils n’avaient pas attaché beaucoup d’importance à cet échange assez inattendu, il faut bien le dire.

Ce qui les choquait c’était qu’il évoque sa mort comme un chemin normal jusqu’au Père et au-delà. Pour être honnête, osons-nous aussi l’avouer, quand un de nos proches nous dit : vous savez je n’en ai plus pour longtemps et je vais partir, notre premier réflexe est de lui dire : mais non mais non ne dis pas ça. Il ne s’agit pas ici de condamner cette attitude, mais de souligner que nous agissons ainsi parce que le voile de la mort nous paraît tellement enténébré. Notre inconscient collectif a été perturbé par bien des représentations morbides et s’est transmis avec cette hantise de la mort.

Pourtant, il nous faut apprendre, nous aussi, à lâcher prise et à nous attendre à Dieu ; à lui faire confiance. Nous devons le faire dans bien des situations de nos vies mais encore plus face à la fin de notre existence. Les disciples étaient surpris, ébranlés, et puis tout est allé si vite, il fut arrêté, crucifié… Alors, ils ont oublié cet instant de vérité et n’ont voulu ensuite que proclamer l’évènement de la résurrection. Mais Jean lui se souvient et a transmis cet épisode à nul autre semblable à sa communauté de disciples dont nous sommes, nous aussi au-delà des siècles !

Par ailleurs si l’on regarde globalement le récit il est évident que ce que Jésus évoque est difficile à comprendre et à imaginer pour les disciples présents qui espèrent qu’il restera encore avec eux, que l’aventure ne se terminera pas aussi vite et brutalement. Il faut bien avouer que ce que dit Jésus est a priori difficile à comprendre. Mais l’avez-vous remarqué ? Jamais, dans ces propos, il ne parle de sa mort, il dit simplement, je vais m’en aller ! Il évoque un passage. Il leur demande de ne pas craindre ! Et leur dit une fois parti je m’occuperai de vous préparer une place et je viendrai vous chercher et là ou je suis vous serez vous aussi…

Plus ou moins intuitivement, les disciples qui ont entendu les paroles qui précèdent ce passage ont dû imaginer qu’il parlait de la mort qui le guettait. Et ils ont été surpris. Comment Jésus va-t-il s’en aller et revenir ? Comme si revenir de la mort était une chose simple et facile !!!

La mort, que l’on considérait comme la sentence infligée à l’homme pour son attitude pécheresse, prend un sens nouveau, elle est un passage baigné de lumière, une ouverture sur une plénitude inespérée. La vie des hommes ne s’arrête donc pas devant une pierre tombale, mais se trouve être transfigurée par la puissance divine. Dieu reste proche ici plus que jamais.

* * * * *

Il viendra vers eux, il viendra vers nous !

Mais l’étonnement des disciples s’est poursuivi lorsqu’il a ajouté quand je vous aurai préparé une place, je reviendrai vers vous, pour vous prendre avec Moi !

Il viendra vers eux pour qu’ils soient toujours avec lui ?! Quelle surprise ! Jusqu’ici les disciples avaient entendu Jésus leur dire de compter tous les jours sur Dieu et de s’en remettre à lui pour le pain quotidien. Jésus leur avait enseigné à demander, à implorer et avait dit celui qui demande reçoit. Il avait parlé de la bonté du Père qui désire donner à ses enfants ce qu’il a de meilleur. Ici il laisse entendre que les promesses de Dieu ne sont pas seulement pour la vie terrestre que nous connaissons chaque jour. Derrière ses mots il évoque une présence de Dieu qui se poursuit jusque dans l’éternité. Nous avons beaucoup de mal à imaginer ce que peut être l’éternité, mais Jésus le dit simplement. Le Dieu qui nous accompagnait ici-bas sera encore plus près de nous, là dans cet espace nouveau de la vie transformée !

Bien sûr cela ne doit pas nous détourner de nos combats terrestres pour la justice, la paix la vérité et pour que chacun soit accueilli comme il doit l’être. Au contraire, nos combats trouvent ici tous leur sens et en les menant nous disons notre volonté de voir s’instaurer le règne de Dieu. Jésus ne fait ici que nous expliquer en partie les paroles du Notre Père et qu’il nous invite à dire non de manière discrète ou distraite : que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ! Mais il nous faut savoir que ce que Dieu a commencé en nous et avec nous ici se poursuivra au-delà de notre passage terrestre.

Les disciples ne comprennent pas tout ce que dit Jésus et nous aurions tort de dire que nous savons ou que nous avons tout compris. Avouons-le, leurs questions sont aussi les nôtres. Deux disciples de Jésus, Thomas et Philippe, les formulent mais nous pourrions nous glisser à leur place et les reprendre à notre compte.

Ils suivent Jésus, mais quel est le chemin ? Et ce chemin, où mène-t-il ?

En entendant ces questions, nous sentons bien qu'elles sont véritablement aussi les nôtres. Nous sentons combien elles sont dans notre propre cœur. Comme si elles étaient faites pour nous. Nous aussi il nous arrive et plus fréquemment que nous n’osons l’avouer, de dire Seigneur Montre-nous le chemin ! Montre-nous le Père !

* * * * *

Des demeures multiples et pour chacun !

Jésus parle aussi de demeures multiples dans la maison du Père ; un langage que les disciples connaissent plus ou moins, car, certains courants du judaïsme de l’époque y font référence. Mais, quand même, imaginer que quelqu’un puisse simplement revenir de l’autre côté du rideau de la mort et nous dire "coucou me voici" de quoi déstabiliser ses amis. Car il faut bien l’avouer, ce n’est pas arrivé fréquemment dans l’histoire biblique même pas du tout. Il ne s’agit pas d’une fiction ou de retour de morts-vivants qui viennent perturber la vie des humains. Il est question de vie transformée et différente, portée totalement pour le souffle de Dieu.

Je voudrais encore souligner que m’intéressant aux différentes traditions religieuses et à ce qu’elles ont de beau, d’édifiant mais aussi d’inacceptable, je n’ai jamais trouvé dans aucune d’entre elles, autre que ce christianisme johannique, un récit qui nous livre une histoire aussi belle de Dieu qui vient vers nous au travers de celui qu’il a envoyé, qui ouvre une porte entre la vie ici-bas et une vie au-delà. C’est justement une raison supplémentaire pour prendre ces paroles de l’Évangile très au sérieux ! Dans cette réalité, déjà là et pas encore visible, il y a place pour chacun : il va préparer dit-il une place pour chacun. La volonté de Dieu est explicite !

Sur notre terre nous sommes des pions remplaçables. La vie professionnelle nous le fait remarquer de plus en plus. Il y a aussi ceux que l’on honore et ceux que l’on oublie. Nous sommes toujours prêt à rendre des hommages aux personnalités connues, mais nous ne pensons pas utile de nous intéresser longuement à la mort d’une personne handicapée ou d’une personne isolée ou esseulée. La liste pourrait être longue et vous pourrez la compléter vous-mêmes. Dans les hommages que nous rendons aux personnalités connues, nous leur trouvons curieusement toutes les qualités ?

Mais la question est posée est-ce la renommée qui fait la valeur d’un homme ?

Jésus, lui, insiste sur la place de chacun, sur la place préparée pour chacun. Nous ne sommes pas, aux yeux de Dieu, des individus anonymes ; nous sommes tous connus par notre nom. Encore une fois, le prophète avait raison lorsqu’il disait : l’homme regarde à ce qui frappe le regard, mais l’Éternel regarde au cœur, c’est-à-dire au plus profond de l’être.

Ces deux thèmes de notre récit, thèmes symboliques de la maison et du chemin, résument l’enseignement de ce chapitre 14 de Jean. Attardons-nous-y encore un peu. Il dit : Je vais vous préparer une place. Le verbe aller désigne ici le passage par la mort. La maison de Dieu ne se confond avec aucune institution terrestre, ni temple, ni église, ni tradition religieuse d’aucune sorte.

Les nombreuses demeures semblent suggérer une pluralité pacifique dont, précisément, nous sommes incapables ici-bas. Chaque tradition religieuse a tendance à penser que ses projections sur la vie au-delà de la vie sont réelles. La question se pose souvent : ceux qui ne pensent pas comme moi peuvent-ils accéder au royaume de Dieu ? On pourrait imaginer que Dieu, dans sa grande compréhension, cède à nos projections et que finalement dans cette autre réalité, il y ait le paradis des catholiques et leur purgatoire, celui des témoins de Jéhovah, des musulmans, etc.

Souvent nous imaginons aussi que l’autre réalité viendra peut-être un jour à la fin des temps, mais la fin des temps, c’est à nos yeux loin et plus encore indatable que les calendes grecques !

Alors, revenons à ce que dit Jésus qui se résume selon moi ainsi. Dès maintenant la voie d’accès à Dieu est ouverte, il ira vers le Père et il reviendra vers nous. La vie, notre vie, fragile ne bascule pas dans l’oubli, nous sommes l’œuvre des mains de Dieu et rien ne nous arrachera à sa présence comme l’a bien compris son disciple Saul de Tarse, l’apôtre Paul, qui le résume à sa manière en Romains 8,31 à 39 :

Que dirons-nous donc à l’égard de ces choses ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui, qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ?

Qui accusera les élus de Dieu ? C’est Dieu qui justifie ! Qui les condamnera ? Christ est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous ! Qui nous séparera de l’amour de Christ ? Sera-ce la tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l’épée ? Car j’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur.

* * * * *

Que rien ni personne ne se perde !

Nous édifions de multiples maisons, symboles de nos intolérances mutuelles, alors que Dieu nous réserve une maison qui comporte d’innombrables demeures, signes de l’estime et de la bienveillance réciproques.

L’important en tout cas, c’est de connaître le chemin qui conduit à cette maison.

Dans la tradition juive, le chemin de Dieu avait été successivement identifié à l’Exode, au retour de l’Exil, au pèlerinage de Sion, enfin à la pratique de la Loi.

Désormais, c’est un homme qui incarne le chemin. Nul ne va au Père sans passer par moi dit-il. Cela ne met pas à la porte les autres croyants, chacun aura son chemin, mais la volonté de Dieu c’est que son Oint, le Christ, en ouvre la porte. C’est un chemin difficile, souvent rocailleux, mais ouvert à tous, sans autre condition préalable que l’Esprit des Béatitudes.

Qui m’a vu a vu le Père, et nous sommes invités à le voir, aussi, aujourd’hui et chaque jour sous les traits de nos frères humains.

Qui oserait revendiquer l’exclusivité d’un tel regard sur les autres ?

Ce qui demeure c’est que la porte est ouverte et que la résurrection n’est pas à attendre dans des milliers d’années, quand Dieu en aura marre de la terre et se souviendra de nous. Mais elle a déjà commencé. Le jugement de Dieu sur l’humanité a été manifesté à la Croix. Dieu n’a pas rejeté les pécheurs que nous sommes, il les a acceptés malgré leurs outrages et les accueille. Tout inacceptables que nous étions il nous a acceptés et a déjà ouvert une voie nouvelle. Le fils de l’homme vient chercher ce qui était perdu !

Les disciples ne comprirent pas tout ce que disait Jésus et nous aurions tort de dire que nous avons tout compris. Dans cette quête il promet de venir vers eux. En réalité, il ouvre un chemin qui va bien au-delà de nos espérances terrestres, mais qui ne les exclut pas. Au contraire, tout commence ici-bas et se poursuit au-delà de notre perception terrestre. Désormais une porte est ouverte, c’était le thème de notre commentaire de la semaine dernière. Désormais il viendra vers eux. Ils le comprendront après l’épisode de la résurrection. La porte de la mort qui semblait nous séparer de la vie divine ne sera plus fermée. Il viendra les guider. Pour l’évangéliste Jean, cela signifie que l’œuvre de Dieu se poursuit. Jésus n’est plus seulement un guide terrestre mais le Christ, l’Oint de Dieu qui ouvre la voie jusqu’à Dieu. Quoi qu’il advienne désormais, la vie des disciples sera guidée par le Christ qui viendra vers eux, leur ouvrira le chemin pour leur vie personnelle et pour leur mission de témoins. Il sera absent à leurs yeux mais réellement présent, non dans un sacrement, mais réellement présent dans les vies sans les confisquer et en laissant chacun libre de lui-même !

Ces paroles de Jésus étaient-elles trop abstraites pour la compréhension des disciples ? Au lieu d’être rassurés, ils sont au contraire inquiets par la perspective de sa mort et déstabilisés par ses annonces.

Dans leur compréhension, ils voyaient dans ce chemin un itinéraire qui conduirait à un ailleurs, plus tard, par exemple après notre mort, tout comme le "retour" de Jésus qui se ferait dans des temps ultimes

Jean fait éclater ces notions géographiques (de la terre au ciel) chronologiques (il est là, il ne sera plus là, il reviendra, il sera toujours très proche d’eux)

Jésus n’est pas simplement un sage qui indiquerait un but à atteindre et le chemin à suivre pour y arriver : c'est par sa personne même, par notre rencontre avec Lui, que nous pouvons approcher du Père, et pas seulement après notre mort, dans un hypothétique Royaume céleste, mais dès à présent, ici et maintenant (v. 7).

Frédéric Verspeeten

* * * * *

 

 

 

Jésus a dit : Personne ne vient  au Père  que par moi