Tout humain, quel qu’il soit, est justifié devant Dieu par sa foi seule
et non par son adhésion à des doctrines religieuses
ou à un ensemble de dogmes

 

 

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Mots-clés:
justification (par foi), dogmes (importance devant Dieu)

Matthieu 15, 21-28, la foi d’une cananéenne

21Jésus partit de là et se retira vers la région de Tyr et de Sidon. 22Une Cananéenne venue de ce territoire se mit à crier : Aie compassion de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par un démon. 23Il ne lui répondit pas un mot ; ses disciples vinrent lui demander : Renvoie-la, car elle crie derrière nous. 24Il répondit : Je n'ai été envoyé qu'aux moutons perdus de la maison d'Israël. 25Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : Seigneur, viens à mon secours ! 26Il répondit : Ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens. 27— C'est vrai, Seigneur, dit-elle ; d'ailleurs les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres... 28Alors Jésus lui dit : O femme, grande est ta foi ; qu'il t'advienne ce que tu veux. Et dès ce moment même sa fille fut guérie.

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Esaïe 56, Romains 11 et ce texte de Matthieu 15 forment une remarquable unité littéraire et convergent tous vers le thème de l’ouverture au monde du salut et de son universalité. Comment ne pas entendre cette proclamation, remarquable du prophète Ésaïe ? Quant aux étrangers qui s'attacheront au SEIGNEUR…. Je les amènerai dans ma montagne sacrée et je les réjouirai dans ma maison de prière ; leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel ; car ma maison sera appelée « Maison de prière pour tous les peuples ».

Parlant de la part de Dieu Esaïe a le souci d’affirmer le message de la Grâce et de la miséricorde de Dieu pour le monde entier (en écho avec l’ancienne promesse faites à Abraham : toutes les familles de la terre seront bénies en toi (Genèse 12,3), repris par Paul en Romains 9 à 11 : l’annonce constante de cette universalité concerne les païens. Aucune discrimination ne peut plus être envisagée. Le chemin de l’universel est le chemin de Dieu ! On croit rêver ce message que nous essayons encore de façon laborieuse de mettre en place et en œuvre a été proclamé 800 ans avant la venue de Jésus !

La voie de Dieu, dès les temps les plus anciens, c’est que tous les peuples soient un. Ma maison, dit le Seigneur sera appelée maison de prière pour tous les peuples !

Cette affirmation de l’universalité du salut sera évidemment, repris par Jésus pendant son ministère, tout au long de sa vie et dans le message qu’il nous a confié pour le vivre et le transmettre à notre tour… Il est illustré ici dans ce dialogue avec la Cananéenne !

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Pourtant au premier abord les paroles de Jésus semblent prôner l’exclusion

D’après le récit Jésus et les disciples partent vers le nord, dans le territoire de Tyr et de Sidon. Nous sommes en terre païenne, en terre où traditionnellement Dieu n'intervient pas. Enfin c’est ce que l’on pense concernant YHWH. La région de Tyr et Sidon était marquée par l’hellénisme et non le judaïsme. Cela signifiait entre autres que les natifs de cette région ne pouvaient pas être des partenaires valables pour des relations avec les juifs. Les bases religieuses étaient radicalement différentes. Jésus et ses disciples viennent d'avoir une grosse dispute avec les pharisiens au sujet de la réalité de la messianité de Jésus. Il vient d’affronter des pharisiens qui ne comprennent pas le sens de son discours. Ainsi, après ces moments délicats et tendus, le texte nous dit qu’ils se « retirent » lui et ses disciples dans cette terre étrangère pour se changer l'esprit, pour être ensemble. Et cela se sent bien dans la réaction des disciples quand cette femme vient interpeller Jésus.

Alors que la femme l’implore et lui dit : « Aie compassion de moi, Seigneur, Fils de David ! » Jésus la repousse. En réalité, ce n’est même pas pour elle qu’elle sollicite Jésus, mais pour sa fillette. Au bout d’un moment après l’intervention des disciples qui veulent la renvoyer. Jésus affirme n’être venu que pour les brebis perdues de la maison d’Israël. Le pense-t-il véritablement ou, dit-il cela pour interroger les disciples ?

Les cananéens ont mauvaise presse et Jésus va même jusqu’à reprendre le terme de ‘’chienne’’ que l’on attribuait à ceux que l’on jugeait indigne de bénéficier le la grâce et du salut de Dieu… Pourtant, cette femme étrangère l’appelle Seigneur et elle adopte un comportement que beaucoup d’Israélites n’ont pas. Jésus remarque sa foi, sa foi en lui mais aussi en Dieu. Nous ne savons pas comment elle a entendu parler de Jésus, mais elle ose croire que sa persévérance paiera. Cela la plonge dans une attitude de confiance et dans une réelle humilité ; et par sa réponse au rejet de Jésus elle dit : « Tu dis vrai Seigneur Israël occupe une place particulière dans la révélation de Dieu aux humains, mais il y a aussi les miettes ». Jésus va lui-même se laisser toucher par ce qu’elle dit et va aider les disciples à dépasser leur réticence et à accueillir comme lui cette femme.

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Femme, ta foi est grande, dit-il…que tout s’accomplisse comme tu le veux.

Il devient évident que cette femme inconnue avait une foi et qu’elle était mue par une confiance intelligente associée à un vif esprit de répartie… Elle n’est en aucun cas une « brebis perdue » membre du peuple de Dieu. Mais elle est prête à s’humilier. Elle est persévérante. Donne à Jésus des titres aussi bien païen que judéo-chrétiens (Seigneur, Fils de David). Et en aucun moment, elle ne perd de vue son but.

Au travers de trois textes (’Ésaïe 56,1 et 6-7,  Matthieu 15,21-28 et de Romains chapitres 9 à 11) nous voyons affirmer qu’il n’y a pas un peuple élu et d’autres peuples purement et simplement rejetés. Thomas Römer dans un petit ouvrage qui a pour titre :’’Le peuple élu et les autres‘’, remet en cause ce dualisme et explique que la place d’Israël est là pour nous révéler l’œuvre de Dieu mais que l’accueil et l’alliance de Dieu sont destinés à l’humanité entière. Il parle entre autres choses d’universalisme dans le particularisme. Si les cultures et les évolutions sont différentes, il n’en demeure pas moins que Dieu s’intéresse à toute sa création. Il a tissé des liens, des liens particuliers avec Israël pour entretenir avec lui des liens de proximité qu’il n’entretient avec aucun autre peuple et qu’il a concrétisé dans le don de la loi. Mais ce n’est pas exclusif et c’est afin de se faire connaître au monde entier. Ce n’est pas pour rien que les récits qui constituent la Torah et notamment la Genèse nous parlent d’un ancêtre, en l’occurrence, Abraham, qui a reçu la promesse que « toutes les familles de la terre seront bénies en lui » (Genèse 12,3). Ne l’oublions jamais, Abraham était un cananéen et non un Israélite…

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L’accueil des plus petits et l’accueil de toutes les cultures et croyances

Il faut encore nous souvenir que dans les textes des Écritures nous découvrons en permanence l’intérêt que Dieu porte aux plus petits et dans le plan de Dieu chacun fait l’objet d’une élection particulière. L’Église qui rassemble des hommes et femmes de toutes cultures et croyances doit nous en convaincre. Elle témoigne par sa diversité de ce que sera le règne de Dieu.

Si nous avions lu plus souvent attentivement le texte d’Ésaïe, même avec les précautions de langage qu’il emploie, nous n’aurions peut-être pas commis des erreurs flagrantes en séparant juifs et chrétiens pour en arriver à la Shoah

Nous découvrons ici au travers de l’attitude de Jésus un Dieu bienveillant qui invite ceux qui veulent le suivre à le trouver, à le rencontrer, à être visités, touchés par lui et à vivre de sa parole.

La loi donnée à Israël n’est pas donnée comme contrainte ou coutume, mais elle est là comme un repère, une balise sur notre route pour comprendre ce que Dieu souhaite et peut nous donner la force de vivre. Quand je dis cela je pense à l’esprit de la loi comme révélation d’un Dieu qui nous invite à aimer et respecter notre prochain et je distingue nettement cet aspect révélation des lois particulières de la Torah qui témoignent plus d’une tentative d’organisation sociale et d’une interrogation permanente sur la pureté et la nécessité de rituels.

Au-delà du contexte particulier de ce récit nos églises sont interrogées. Quel accueil réservons-nous aux étrangers dans notre pays ? Quel accueil vis-à-vis des croyants de confessions différentes ? La tentation est toujours grande de croire que Dieu ne veut qu’une religion qui doit remplacer toutes les autres ou de croire que notre manière de vivre la foi nous rend plus fidèles à la vérité que les autres.

L’enseignement de Paul, dans l’épître aux Romains notamment, peut nous aider dans notre démarche d’accueil. Elle dit que Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous. Que chacun comprenne alors qu’il n’est pas au-dessus des autres.

L’universalité du salut n’est pas une réalité qu’il suffit de dire, mais qu’il faut chercher à vivre. L’Église doit témoigner de cet accueil universel et ouvrir sa maison de prière. Le royaume de Dieu selon Jésus est offert et ouvert à tous.

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L’accueil de l’étranger est une constante du message biblique

Maintenant sur un tout autre plan les textes bibliques comme celui que nous trouvons dans l’évangile de ce jour nous amènent à évoquer la place de l’accueil des étrangers. Le vivre ensemble dans la différence et en paix n’est pas facile L’accueil de l’étranger est inscrit dans la loi d’Israël. Nous sommes invités par l’Évangile à adopter une attitude conciliante pacifique respectueuse dans la rencontre avec ceux qui pensent et agissent différemment. Est-ce toujours une optique partagée ?

Rencontrer l’étranger qu’il soit originaire d’autres pays et cultures ou, qu’il soit notre voisin issu des mêmes villes que nous, n’est pas toujours simple. Pour Jésus et pour les disciples cette Cananéenne est devenue non plus une étrangère mais l’image du prochain que Dieu avait placé sur leur route.

La foi de cette femme n'était pas conforme à la foi pratiquée, professée, et pourtant, la femme a une foi qui est grande : cette foi qui est grande lui permet de recevoir la grâce de la part de Dieu.

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Une adhésion de foi à Dieu n’est pas une adhésion à des doctrines

Dans notre relation au monde c'est une vraie question qui nous est posée ici. Lorsque nous nous tournons vers le monde, bien souvent nous voulons proclamer et annoncer l'Évangile en disant que c'est par cette annonce de l'Évangile et par une adhésion à l'Évangile que l'on reçoit la grâce de Dieu. C'est par l'adhésion à cette foi au Dieu de Jésus-Christ, que l'on reçoit les bénéfices du salut, avec en sous-entendu, l'idée d'une adhésion aux dogmes communément ou à des principes doctrinaux admis ou que nous construisons à partir de la Bible.

La foi en Dieu est une foi que l'Église ne maîtrise pas, c'est une foi en tout cas que nous ne maîtrisons pas pour les autres, une foi que Jésus de Nazareth lui-même ne maîtrise pas. Et c'est quelque chose que dans cette histoire en tout cas, Jésus reconnaît. Gardons-nous donc de penser que Dieu ne peut pas parler dans le secret des cœurs comme il le veut. A une personne d’une autre religion, comme Il veut. L’œuvre de l’Esprit Saint n’est pas de notre ressort.

Cela a une conséquence importante pour nous. Lorsque nous proclamons l'Évangile ou lorsque nous vivons l'Évangile dans le monde qui nous entoure, nous n'avons pas vocation à convertir ce monde dans le but de le faire entrer dans notre barque. Notre seule vocation est de témoigner de ce que le Seigneur a fait dans notre vie, de témoigner de la grâce que nous avons reçue par la foi, cette foi qui est vécue d'ailleurs de manière tellement diverse selon les lieux et selon les temps. Et si ceux avec qui nous avons parlé nous rejoignent, réjouissons-nous.

Nous sommes invités par l'Évangile de ce jour à accepter que l'Esprit Saint souffle où il veut, quand il veut, comme il veut et que celles et ceux qui à un moment donné et peut-être même de manière tout à fait ponctuelle, se tournent vers Dieu pour lui demander grâce, reçoivent grâce.

Frédéric Verspeeten

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et non par son adhésion à des doctrines religieuses
ou à un ensemble de dogmes